Synopsis : En Croatie, dans une petite ville du bord de mer, la saison des compétitions cyclistes bat son plein. Les deux leaders s’affrontent pour remporter la victoire, mais également pour conquérir une femme. C’est sans compter sur l’arrivée au port du plus grand navire de croisière et de son mystérieux capitaine.
Le Festival Silhouette, dont nous sommes à nouveau partenaires cette année, inaugurera sa prochaine édition (la 17ème déjà), avec une soirée spéciale d’annonce de programmation le mercredi 18 juillet 2018 à partir de 19h au Trabendo (Parc de la Villette, 211, avenue Jean Jaurès, 75019 Paris). Le festival, lui, se déroulera du 24 août au 1er septembre, au Parc de la Butte du Chapeau Rouge.
Nous vous proposons 5×2 places pour assister à cette soirée de lancement au cours de laquelle la programmation du festival sera dévoilée, en présence de certains réalisateurs sélectionnés, et qui sera ponctuée par des projections de courts & de clips brésiliens, des concerts et un DJ set.
Intéressé(e)s par ce nouveau concours ? Contactez-nous !
L’été a enfin pointé le bout de son nez. La chaleur du soleil, le bruit des vagues, le bourdonnement des terrasses et l’effervescence des festivals emplissent peu à peu l’atmosphère. En ville comme à la plage, la musique devient omniprésente. À cette occasion, Juliette Lytovchenko vous propose une petite sélection de clips animés pour s’évader. Bonne écoute et bel été !
Déjà auteur de trois courts métrages d’animation dont Edmond était un âne et Monsieur Cok, Franck Dion continue sur sa lancée avec un quatrième court métrage : Une tête disparaît. Récompensé du Cristal du court métrage au Festival international du film d’animation d’Annecy en 2016, Une tête disparaît expose un thème qui se complaît dans son universalité sans manquer d’originalité.
Un poulet sans tête, une tête sans corps. Dans ce court, la tête ne reste jamais en place. Jacqueline, une femme d’un certain âge se prend littéralement la tête, qu’elle porte sous son bras. C’est son anniversaire et comme tous les ans, elle s’en va prendre le train, pour se rendre à la plage. Mais voilà, une grande bécasse ne cesse de la suivre et de l’appeler ‘maman’.
Une perte de repères et une vision altérée du monde qui l’entoure. De fait, la hauteur disproportionnée, les yeux exorbitants et les lèvres serrées, Jacqueline voit sa fille comme une menace à la tranquillité de son voyage. Cette représentation fortement contrastée de ces deux personnages est typique du cinéma de Dion. Une représentation que l’on retrouve dans Edmond était un âne (Prix du Jury à Annecy en 2012) ; par sa petite taille et son bonnet d’âne, Edmond est un marginal dans une société où la différence se vit comme une tare. Par ailleurs, avec Une tête disparaît, Franck Dion cherche à rendre intelligible le discours d’une femme, souffrant de la maladie d’Alzheimer.
Jacqueline sait que quelque chose ne va pas très bien avec sa tête. Mais il est important pour elle de prendre ce train seule, comme une grande. Consciente de sa pathologie sans être capable de la surmonter. C’est là, tout le drame de cette femme qui, au reste, ne se bat plus que pour sa dignité. Tant qu’elle peut encore se prendre la tête sous le bras, et sentir qu’elle en possède une, elle espère être traitée en adulte responsable. La complexité de cette maladie nous est, in fine, révélée par un concept simple et efficace.
Franck Dion a su, par ses dessins épurés, presque fantomatiques, saisir ces mouvements de déraison qui rongent Jacqueline et lui font croire à de nouveaux souvenirs, si ce n’est de nouveaux repères. Il a réussi à nous embarquer dans un voyage poétique et fantastique, au cœur de l’intériorité d’un personnage désorienté. À bord de ce train qui paraît très transparent, ce sont les souvenirs de Jacqueline qui semblent s’effacer.
La musique déstructurée et violente composée par Pierre Caillet accompagnée du fabuleux saxophoniste hongrois Akosh rend le film palpitant d’émotions. Cette recherche de la mémoire, cette volonté de se remettre la tête sur les épaules, est immédiatement ravivée à l’écoute du Beau Danube Bleu de Johann Strauss II, qui donne au film une légèreté exquise. Légèreté qui créée chez nous une grande empathie pour Jacqueline. Sur un air de free jazz, le spectateur plonge dans ses souvenirs sans jamais oublier ce mal affreux, au cœur du film : la perte de la mémoire; la perte d’une vie.
Au-delà de l’émotion, Une tête disparaît, frappant de lucidité, met au jour l’ironie d’une maladie désastreuse. Dans sa fulgurance, le genre animé nous prouve, ici, son pouvoir d’évocation de la souffrance mentale, avec pudeur et justesse.
Vous le savez peut-être, Format Court dispose d’une vidéothèque en ligne riche de plusieurs centaines de films disponibles gratuitement et visibles dans leur intégralité sur notre site. Au vu de la multitude de titres de notre catalogue et de la durée de vie limitée de l’information sur le web, nous vous proposons un focus dédié à nos sélections de films en ligne, régulièrement mis à jour.
Par le biais de catégories (genres, pays, modes de production/de diffusion …), nous vous proposons nos best of de films courts français et étrangers, récents ou non, stars de festivals ou simples films anonymes, glanés au hasard des découvertes sur le Net.
Les Séances au top Format Court se poursuivent sur le rooftop du Point Ephémère (Paris 10ème) cet été. Après notre première carte blanche le 20 juin passé, nous vous donnons rendez-vous ce jeudi 5 juillet de 22h à 23h30 pour une nouvelle séance intitulée « The place to be », programmée par Fanny Barrot (Format Court).
Pour info/rappel, nos 3 prochaines cartes blanches auront lieu les 26 juillet, 8 août et 13 septembre prochains. Retrouvez-nous d’ores et déjà pour cette deuxième date avec au programme : du cinéma sur le toit, un écran géant, des casques audio, du pop corn au Wasabi, des chouchous caramélisés et des courts français et étrangers, repérés et primés en festivals !
Programmation
Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh. Fiction, France, 2015, 15’30, Caporal Films. Grand prix du jury de HLM sur cour (t) 2015
Syn. : Youri a vingt ans. Il vit avec sa mère à Ivry dans la cité qui l’a vu grandir. Mais la démolition approche : le décor de ses rêves d’enfant va disparaître. Comment prendre son envol quand on n’a plus de vaisseau spatial ?
Vibrato de Sébastien Laudenbach. Animation, France, 2017, 07’07 », Les Films Pelléas, Opéra national de Paris. Sélectionné au Festival d’Annecy 2018
Syn. : 1899. La veuve de l’architecte Charles Garnier évoque son passé intime dans les loges et les coulisses de ce palais d’or et de velours.
Vihta de François Bierry. Fiction, France, Belgique, 2017, Fiction, 21′, Offshore, Hélicotronc, CZAR Films, Ultime Razzia Productions. Prix Spécial du Jury (compétition nationale) au Festival de Clermont-Ferrand 2018
Syn. : Serge et ses quatre collègues sont salariés d’une petite entreprise, fraîchement rachetée par un grand groupe. En cadeau de bienvenue, ils sont conviés par leur nouvel employeur à une journée détente dans un centre thermal.
Bonobo de Zoel Aeschbacher. Fiction, Suisse, 2017, 19’00, Nouvelle Tribu, École Cantonale d’Art de Lausanne. Prix du Public au Festival de Clermont-Ferrand 2018
Syn. : Un film choral sur différents personnages vivant dans le même logement social et tous à la recherche de bonheur et de sens.
Min börda de Niki Lindroth von Bahr. Animation, Suède, 2017, 14’15, Malade AB. Cristal du court métrage au Festival d’Annecy 2017
Syn. : Comédie musicale animée aux accents apocalyptiques, en quatre épisodes qui se déroulent dans un supermarché, un hôtel pour séjours de longue durée, une plateforme téléphonique et un fast-food.
En pratique
Le Point Éphémère : 200 Quai de Valmy – 75010 Paris
Métro Jaurès (lignes 5, 2 et 7 bis), Louis Blanc (ligne 7), Bus 26, 46, 48 : Goncourt, Couronnes, Parmentier)
Projection de 22h à 23h30 5 € sur place Event Facebook
Face aux inquiétudes et à l’urgence d’un monde assailli par la surconsommation et la pollution, une prise de conscience citoyenne est apparue avec une série de visions et d’initiatives pour un mode de vie alternatif, plus durable, plus juste, plus en phase avec la Nature. Au mois de juin, Short Screens pose un regard sur la place qu’occupe l’être humain au sein de son environnement et propose une sélection de courts métrages engagés, tantôt des constats alarmants tantôt des rayons d’espoir pour un avenir meilleur.
Rendez-vous le jeudi 28 juin à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€
Il était une fois Marc et Lotti..;et leur âne de Çiva de Gandillac, documentaire, France, 2002, 25’
A l’heure où le pétrole flambe, voici un bel exemple d’écocitoyenneté et d’autonomie…Marc et Lotti vivent leur idéal, à 100 kilomètres des Pyrénées, et nous offrent un bol d’air salvateur.
The Cow Who Wanted To Be A Hamburger de Bill Plympton, animation, Etats-Unis, 2010, 5’50” (Plymptoons Studio)
Hypnotisé par un panneau publicitaire, un veau rêve de devenir un hamburger et est prêt à tout pour y parvenir.
Bikpela Bagarap (Big Damage) de David Fedele Filmmaker, documentaire, Australie/Royaume-Uni, 24′, 2011 (David Fedele)
Un conte sur l’exploitation et les promesses brisées en Papouasie-Nouvelle-Guinée où les indigènes sont traités comme des citoyens de seconde zone dans leur propre pays, par des compagnies forestières et des politiciens corrompus.
Copier-Cloner de Louis Rigaud, animation, France, 2009, 3’16 » (Autoproduction)
Un programme informatique qui se mêle d’élevage de vaches se transforme en mauvais plan incontrôlable.
Réalisé dans le prolongement de l’exposition « Energie, les nouveaux rêves » au PASS (Parc d’aventures scientifiques), Ensemble ! est un film résolument positif, qui donne à voir une mosaïque d’initiatives innovantes, créatives et durables, loin du fatalisme ambiant.
Le Festival d’Annecy s’est clôturé ce weekend. Nous reviendrons prochainement sur cette manifestation clé de l’animation internationale. Pour accompagner cette dernière, nous vous proposons de remporter 10×2 places pour l’une des deux séances des courts primés au festival, organisée le jeudi 28 juin à 17h au Forum des images, à Paris. Cette projection d’1h30 sera présentée par Yves Nougarède, chargé des films et de la programmation au Festival d’Annecy.
La Mort, père & fils de Denis Walgenwitz, Vincent Paronnaud (dit Winshluss). (France 2017, couleur, 13min.07, sans dialogue). Prix du jury junior pour un court métrage
Ce Magnifique gâteau de Marc James Roels, Emma De Swaef (Belgique/France/Pays-Bas 2018, couleur, 44min.). Prix André-Martin pour un court-métrage français
Cadavre exquis de Stéphanie Lansaque, François Leroy (France 2018, couleur, 12min.50, sans dialogue). Prix SACEM de la meilleure musique originale pour un court métrage
Vivat Musketeers de Anton Dyakov (Russie 2017, couleur, 5min.30, sans dialogue). Prix jeune public
Garoto transcodificado a partir de fosfeno de Rodrigo Faustini (Brésil 2017, couleur, 2min.06, sans dialogue). Prix du film «Off-Limits» (ex aequo)
The Robot Chicken Walking Dead Special: Look Who’s Walking de Thomas Sheppard (Etats-unis 2017, couleur, 22min.37, vostf). Prix du jury pour un special TV
Biciklisti de Veljko Popovic (Croatie-France 2018, couleur 7min.19, sans dialogue). Mention du jury court métrage
Où voir du court ? La question se pose indiscutablement quand on s’intéresse comme nous au court-métrage. Par le passé, nous avons déjà attiré à plusieurs reprises votre attention au sujet de CIEL. Ne regardez pas en haut, mais plutôt droit devant : CIEL alias Cinéma indépendant en ligne est un site internet, un webzine coloré proposant tous les trimestres des films courts en ligne et en libre accès. Le projet lancé en décembre 2014 par Ciclic, organisme très actif dans la promotion du cinéma en région Centre-Val de Loire (France), valorise comme il se doit le court, format peu visible par excellence, via des numéros thématiques, des cartes blanches, des premiers films de cineastes faisant l’actualité, des entretiens, des liens utiles (critiques, interviews, …). Comme le propose le site dédié, CIEL, c’est « la fête du court métrage toute l’année ».
« Tennis Elbow »
Lancé il y a peu, le dernier numéro, le 13ème déjà, s’intéresse au sport, à la musique et au cinéma et fait le lien avec deux festivals de type A (Cannes, Annecy), les événements sportifs (Roland Garros, la Coupe du Monde de football, le Tour de France) et les prochaines sorties de longs-métrages. Jusqu’au 25 septembre, CIEL vous propose aussi de voir et de revoir des films de qualité, qu’ils soient documentaires, animés, fictionnels, musicaux, récents ou plus anciens, très courts ou moyens-métrages.
L’exploration démarre avec 2 documentaires. En premier lieu, La Reprise du travail aux usines Wonder de Pierre Bonneau et Jacques Willemont en hommage au 50ème anniversaire de mai 68. Le court est une séquence retrouvée du film perdu Sauve qui peut Trotsky tourné en mai et juin 1968. Plan-séquence de 9 minutes, ce court militant est une immersion-vérité aux portes des usines Wonder où l’on voit une ouvrière refuser à tout prix de remettre les pieds dans son ancienne boîte à cause des « conditions dégueulasses » qu’elle y vit tous les jours. Film fort, film nécessaire, film documentaire aussi, La Reprise du travail aux usines Wonder est incontestablement notre coup de cœur de cette sélection.
Autre documentaire, consacré à l’école pour le coup : Espace d’Eléonor Gilbert, réalisé en 2014 et primé au Cinéma du Réel. Filmée dans un cadre fixe, une petite fille parle de ses déboires en cour de récréation. Déterminée, croquis à l’appui, elle explique à la réalisatrice que même si l’espace de jeu est censé appartenir à tout le monde, l’inégalité subsiste entre filles et garçons. Ces derniers « prennent toute la place, ils colonisent le terrain » et les filles peuvent à peine y jouer, et encore moins au foot. Cet état de fait est illustré de schémas, de traits tracés ou raturés, au crayon noir. Le constat est amer : les filles restent à la marge. Du terrain, de l’espace, de la société.
Côté fiction, CIEL s’intéresse dans ce 13ème numéro à plusieurs films. En premier lieu, Le Quepa sur la Vilni ! de Yann Le Quellec, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs et Prix Jean Vigo en 2013, et chroniqué par le passé sur Format Court. Ce moyen-métrage d’un peu moins de 40 minutes au casting sympa (Christophe, Bernard Hinault, Bernad Menez et Finnegan Oldfield) est une comédie “rassemblant autour du vélo une bande de bras cassés” dans laquelle interviennent un frimeur nommé Tarzan, un maire à dos d’âne, des syllabes à vélo, des jolies filles à fleurs, un ancien champion sportif, un point d’exclamation retardataire, et même un groupe d’hippies déluré sur fond de vie en jaune !
Comédie encore avec Tennis Elbow de Vital Philippot (2012), également repéré en son temps sur Format Court. Un père (Philippe Rebot, vu récemment dans Les Bigorneaux d’Alice Vial) et son fils (Marc Chaulet, bluffant dans Aglaée de Rudi Rosenberg) s’affrontent comme chaque année sur un terrain de tennis. En jouant, le père fait preuve d’une mauvaise foi jouissive, ne lâche rien, tant il est mauvais perdant, râleur, impossible. Son fils adolescent, lui, préfère à la raquette les joints, les filles et les copains. Le temps d’un match, ils s’affrontent devant Henri, le petit dernier, fan de tennis et de son père.
Fiction toujours avec After school knife fight, projeté l’an passé en séance spéciale à la Semaine de la Critique. Ses auteurs, Caroline Poggi et Jonathan Vinel, ont par le passé co-réalisé Tant qu’il y aura des fusils à pompe (Ours d’Or, Berlin 2014) et terminent actuellement leur premier long-métrage, Jessica Forever. Avec After school knife fight, trois garcons et une fille, amis et musiciens, se retrouvent pour leur ultime répétition dans la forêt, la fille, Laëtitia, s’en allant pour d’autres horizons. Entre départs et sentiments, confessions à 2 et marches à 4, le film est cisaillé par l’avenir et les souvenirs, les pas en avant et ceux à l’arrêt, les notes spontanées et les mots qui n’osent pas se dire.
Côté animation, 3 films aux techniques et aux tons très différents se laissent (re)découvrir avec beaucoup de plaisir sur CIEL. Au premier chef, Yùl et le serpent de Gabriel Harel. Celui-ci vient de réaliser La Nuit des sacs plastiques que nous venons de repérer à la Quinzaine des Réalisateurs 2018. Yùl et le serpent (2015), lauréat du Cartoon d’Or en 2016, suit le parcours de deux frères confrontés à Mike, une ordure locale, et son chien tout aussi brutal, Tyson (bien joué, les prénoms des personnages!). Scénaristiquement et musicalement, le film se démène plutôt bien entre suspense, fantastique, détermination, angles de vues et retournements de situation.
Rhizome de Boris Labbé, Prix André Martin au 39ème festival d’animation d’Annecy fait également partie de cette sélection. Infiniment petit ou grand, interaction, recomposition, tourbillon, métamorphose, travail étonnant sur le son : ce premier film professionnel datant de 2015 est un voyage, une expérience étonnante, affolante, précise et hypnotique, à voir sur très grand écran, mélangeant le dessin et la 2D. L’œil, l’oreille ne savent plus à quoi se raccrocher, tant l’envahissement est étrange, fantastique, déroutant. À noter que le nouveau projet de Boris Labbé, La Chute, sélectionné cette année à la Semaine de la Critique est tout aussi curieux, expé et fascinant. Chroniqué sur Format Court à l’occasion de Cannes, le film vient de remporter à Annecy le Prix Fipresci et une Mention spéciale André-Martin pour un court métrage français.
On termine avec une capsule des animateurs-réalisateurs belges Vincent Patar et Stéphane Aubier qu’on adore. Dans Panique au village, la course cycliste (2002), Cow boy, Indien et Cheval participent à une course à vélo. En découvrant l’énorme coupe attribuée au gagnant, Cow boy et Indien cherchent à tout prix à se l’approprier, quitte à user et abuser de tous les stratagèmes possibles. En 5 minutes, ce court issu de la série Panique au village qui donnera lieu au long-métrage éponyme, fait mouche avec ses figures en plastique, ses couleurs criardes, son ton cocasse, son excellent sens du rythme et ses accents belges pas possibles. On en redemande !
Pour rappel, ces films et d’autres encore tels que Les Astres noirs de Yann Gonzalez réalisé en 2009 (avec Julien Doré, dans l’un de ses premiers rôles), Cadrage débordement d’Eric Savin (2013), avec le formidable Kacey Mottet Klein, Un amour de télés de Denis Walgenwitz (2008) avec Christophe Salengro récemment disparu, Paris de Justine Vuylsteker (2015) dédié à Robert Desnos avec la voix de Jacques Gamblin, … sont disponibles jusqu’au 25 septembre. Une bonne opportunité pour faire le plein de bons courts, de (re)voir ces films qui font echo avec l’actualité, d’effectuer en un clic des jolis bonds dans le temps (de 1968 à 2015) et d’en savoir plus sur tous ces univers singuliers grâce aux liens associés. En attendant le 14ème numéro de CIEL et la poursuite de la fête du court.
Tiphaine Raffier, dramaturge, metteuse en scène et comédienne pour le théâtre vient de réaliser La Chanson son premier court-métrage. Après avoir découvert son film lors de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, nous avions envie d’en savoir un peu plus sur l’univers de Tiphaine et son rapport au cinéma…
Qui es-tu ?
Je suis Tiphaine Raffier, je suis actrice, auteure et metteure en scène. Et puis… réalisatrice, maintenant (rire)
D’où t’es venue l’idée de la pièce de théâtre, puis de son adaptation cinématographique ?
Val d’Europe, la ville dans laquelle j’ai grandi est une ville simulacre qui pratique le façadisme. La ville est une copie du patrimoine architectural européen. (faux immeubles haussmaniens, fausse place italienne, rue d’inspirations londoniennes). C’est en quittant la ville où j’avais grandi que je me suis rendue compte qu’elle était bizarre.
Comme mon premier métier c’est le théâtre, j’ai d’abord écrit une pièce sur cet endroit. Je voulais parler d’une fille, vivant à côté d’une industrie culturelle mainstream, qui se destine à l’art. Avec la distance, je me rends compte qu’en vivant à proximité du parc Disneyland et notamment de Disney Studios, tout appelait à la fiction et surtout, au cinéma. Alors la décision de traduire les mots de la pièce en image s’est imposée très rapidement.
Comment passe-t-on d’une dramaturgie théâtrale à une dramaturgie scénaristique ?
La première question a été : comment passer du cadre de scène fixe et unique à tous les cadres possibles ? Je me suis très vite posé la question du régime des images aussi. Comment filmer cette ville ? Les images diégétiques dans le film croisent des images documentaires et les personnages eux-mêmes se filment. Filmer ce regroupement de communes, Disney et Val d’Europe, c’est sans cesse interroger la réalité des bâtiments qui nous entourent. L’exercice mental qui m’a fait passer du théâtre au cinéma n’a finalement été qu’un moyen extraordinaire de formuler les questions philosophiques que soulevait la ville.
Il y a des éléments perturbateurs dans ton film, comme des cartons et l’apparition de mots à l’écran. Peux-tu nous expliquer comment tu es arrivée à briser la linéarité de ton court-métrage ?
C’est exactement ça. Ce sont des éléments perturbateurs. Le film hésite au début comme s’il cherchait son sujet. Va-t-on parler de la ville ? De Barbara ? Alors qu’au final, on raconte l’histoire de Pauline. Au milieu du film, Pauline voit un documentaire animalier qui fera naître en elle une vocation, un appel. Comme une crise mystique. Mais c’est l’art qui va l’appeler (rires). À partir de là, elle va intellectualiser. Et le spectateur assiste aussi à sa progression, son cheminement plastique. Elle écrit des mots sur du papier, puis projette ces mots via un vidéo projecteur, jusqu’à ce que les mots viennent eux-mêmes coloniser le film.
D’une certaine manière, Pauline tire le film vers elle. Au début, c’est Barbara qui est maîtresse des cadres, des corps et du temps. Pauline, elle, change les codes du film, et ainsi, dérègle l’immuable sérénité de la ville.
Je me souviens que l’écriture de la pièce avait été concomitante avec ma découverte du concept de « désir mimétique » de René Girard. Barbara est la « jeune fille » parfaite, tel qu’on nous l’a présentée dans les teen movies de Disney. Dans sa perfection, elle est l’incarnation de cette ville. Pauline et Jessica n’en sont que des pâles copies. De toute manière, tout n’est qu’affaire d’imitation dans ce film. La ville imite d’autres villes. Les objets que chante Pauline imitent d’autres objets. Les filles font elles-mêmes un spectacle de sosies. Et Jessica, dans un ultime exercice d’imitation va rendre hommage aux chansons de Pauline. On imite toujours ce qui parait plus désirable. La copie est aussi fondamentale en histoire de l’art et sans le savoir, Pauline soulève aussi ces questions.
Peux-tu nous expliquer pourquoi, dans ton film, tu as décidé d’utiliser la dystopie – une société fictionnelle à l’utopie sombre – en détruisant la ville qui t’a vu grandir ?
Ça m’amusait de détruire ma ville d’enfance. Ca m’a fait beaucoup de bien, en fait (rires). Ma position sur Disney est très ambiguë. Je ne suis pas dans une critique frontale, c’est une culture qui fait partie de moi. J’ai fredonné toute ma vie des chansons de Disney. Le rêve de Walt Disney père est magnifique, fascinant. Mais c’est toujours le dilemme entre la carte et le territoire : c’est-à-dire qu’au début, on s’intéresse à la carte, au projet, au dessin. Et puis à un moment, c’est le vertige du double, quand la ville devient réelle. C’est un thème Borgesien ou Hitchcockien, comme on veut. Un jour, la ville n’est plus une maquette, elle est habitée par des êtres de chair et d’os, dont la destinée va se voir façonnée par cette ville. C’est précisément sur ce point que La Chanson est aussi politique.
Comment s’est passé le déroulement de ton film, de son écriture à sa post-production ?
J’ai déposé au CNC une première version du scénario fin 2015. On nous a alors donné le droit de nous représenter, puis on a eu l’aide à la réécriture dans un second temps. Ensuite, j’ai travaillé avec une scénariste qui s’appelle Clémence Madeleine-Perdrillat. Comme les personnages, l’univers et l’histoire étaient déjà là, Clémence m’a surtout donné les clés pour que mon scénario soit plus lisible, elle sait comment les gens lisent les projets en commission. Elle a vraiment fait preuve de pédagogie. Après, nous avons touché la contribution financière du CNC.
Le tournage a duré deux fois 5 jours. Nous avons eu pas mal de soucis avec Disney qui nous donnaient des autorisations de tournage puis nous les refusaient au dernier moment. J’ai donc dû beaucoup réécrire la veille pour le lendemain et adapter mes scènes dans de nouveaux décors.
Concernant la post-production, nous avons eu un peu plus de deux semaines de montage image, une semaine de montage son, quatre jours d’étalonnage et quatre jours de mix. Les chansons du film (sauf la première, composé par Noémie Gantier, Victoria Quesnel et moi-même) ont été écrites par Guillaume Bachelé. Nous travaillons aussi ensemble au théâtre, nous avons une langue commune, ce qui rend le travail plus fluide.
D’où est venue ta vocation artistique et quelles sont tes références cinématographiques ?
J’ai un père curieux, généreux qui m’a montré beaucoup de comédies musicales quand j’étais petite. J’ai aussi vu beaucoup de films de genre avec mes frères. Puis mon père, à un moment travaillait chez Hachette et il rentrait avec des DVD gratuits. Parfois, on ne les ouvrait pas, ils restaient sous plastique. Mais d’autres fois on les ouvrait. Je me souviens avoir vu Les Idiots de Lars von Trier, comme ça (rires).
Avec le théâtre, j’ai découvert Bergman, Rohmer. Et aussi Dumont, Haneke qui m’ont fascinée sur cette question du régime de l’image. On se pose alors la question de l’origine des images : d’où viennent-elles ? Sont-elles fictionnelles ? Documentaires ? Quelles sont leurs portées ? Quel est le point de vue de l’auteur ?… Avec Rohmer, j’ai découvert l’intensité du dialogue et les questions philosophiques qui peuvent surgir d’une histoire très simple.
J’ai aussi fait une option cinéma à la fac. C’est là que j’ai découvert Hitchcock. Hitchcock, c’est magnifique pour apprendre à lire un film. Ensuite, j’ai suivi un parcours plus autodidacte : je passe des heures sur le site du Forum des Images. Je suis quelqu’un qui ne s’ennuie pas du tout devant une master class. J’adore les gens qui passent des heures à décortiquer quatre plans. Le cinéma a cette vertu d’être totalement divertissant et d’être en même temps une source de savoir inépuisable. Le cinéma est l’art où la pensée, le spectaculaire et l’émotion pure sont compatibles. Aller au cinéma me remet toujours dans un état de petite enfance. Parce que c’est une expérience intense et que face à l’écran, on se sent tout petit.
Si tu devais me citer un court-métrage qui a marqué ta vie…
Bonne info : Format Court participe aux Séances au top organisées par le Point Ephémère (Paris 10ème) cet été. 5 cartes blanches offertes à Format Court auront lieu sur le rooftop du lieu les 20 juin, 5 et 26 juillet, 8 août et 13 septembre. Du cinéma sur le toit, un écran géant, des casques audio, des programmations éclectiques, des films français et étrangers, des courts récents ou non, des réalisateurs présents, … : soyez de la partie, venez voir du court, rencontrer notre équipe et nos invités, croquer du pop corn au Wasabi et des chouchous caramélisés !
Tout au long de l’été, nous vous informerons sur ces toutes nouvelles soirées sympas. La première Séance au top aura lieu ce mercredi 20 juin 2018 de 21h30 à 23h30 et sera présentée par Juliette Lytovchenko (Format Court), accompagnée par Mor Israeli (réalisatrice de Clapotis) et Heloïse Pelloquet (réalisatrice de L’Âge des sirènes).
Programmation
The Mad Half Hour de Leonardo Brzezicki. Fiction, 22’, Danemark, Argentine, 2015, Rewind My Future Films). Prix Format Court au Festival IndieLisboa 2015, sélectionné à la Berlinale 2015.
Syn. : « The Mad Half Hour » raconte l’histoire d’un tourment intérieur : les doutes existentiels d’un jeune couple à Buenos Aires.
Clapotis de Mor Israeli. Animation, 4′, France, 2017, La Poudrière. Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand et d’Hiroshima 2018. En présence de la réalisatrice.
Syn. : Un après-midi d’hiver à la piscine.
L’Âge des sirènes de Heloïse Pelloquet. Fiction, 27′, 2016, France, Why Not Productions. Prix du Syndicat Français de la Critique 2016. En présence de la réalisatrice.
Syn. : Mattis vit sur une petite île et vient d’avoir son brevet. Durant l’été, il travaille sur un bateau de pêcheur, et s’interroge sur son avenir.
Guida de Rosana Urbes. Animation, Brésil, 2014, 11’, RR animaçao de filmes). Mention du jury Fipresci, Prix « Jean-Luc Xiberras » de la première œuvre au Festival d’Annecy 2015
Syn. : Guida, une dame douce qui travaille depuis trente ans comme archiviste pour le tribunal de la ville change sa routine ennuyeuse en voyant une petite annonce pour un cours de dessin d’après modèle vivant donné dans un centre culturel.
Une nuit à Tokoriki (O noapte în Tokoriki) de Roxana Stroe. Fiction, 18′, 2016, Roumanie, UNATC.Prix Format Court au Festival de Namur 2016, sélectionné à la Berlinale 2016
Syn. : Dans une discothèque improvisée appelée « Tokoriki », le village entier célèbre le 18ème anniversaire de Geanina. Son petit ami et Alin vont lui donner un cadeau surprenant, un cadeau que personne ne pourra jamais oublier.
Le Point Éphémère : 200 Quai de Valmy – 75010 Paris
Métro Jaurès (lignes 5, 2 et 7 bis), Louis Blanc (ligne 7), Bus 26, 46, 48 : Goncourt, Couronnes, Parmentier)
Projection de 21h30 à 23h30
5 € sur place Event Facebook
Les Prix Jean Vigo 2018 ont été remis ce lundi 11 juin à 19h30 au Centre Pompidou par Agnès Varda en présence des lauréats. L’Amie du dimanche (1ère partie de Contes d’été) de Guillaume Brac (réalisateur de longs comme de courts – Hanne et la fête nationale, Le Repos des braves, Un monde sans femmes, Le Naufragé, Le Funambule) a remporté le Prix Jean Vigo du court-métrage 2018. Le film est produit par Bathysphère productions.
Le Jury a décidé également d’attribuer le Prix Jean Vigo du long métrage à deux films : Un Couteau dans le coeur de Yann Gonzalez (présenté en compétition officielle au dernier Festival de Cannes) et Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin (présenté à la Semaine de la Critique). Deux réalisateurs venus du court : Yann Gonzalez a réalisé plusieurs film courts (Les Îles, Land of my dreams, Nous ne serons plus jamais seuls, La Tristesse des androïdes, Les Astres noirs et Je vous hais petites filles). Tout comme Jean-Bernard Marlin avec La Fugue et La Peau dure (co-réaliséavec Benoît Hambourg).
Pour clôturer le cycle des reprises parisiennes des films courts de Cannes, la Cinémathèque accueille ce lundi 11 juin à 21h dans le cadre de son rendez-vous hebdomadaire « Aujourd’hui le cinéma » une sélection de la Cinéfondation 2018 (films d’école en compétition à Cannes). La séance, présentée par Dimitra Karya (directrice de la sélection de la Cinéfondation), est composée de 5 films internationaux, révélateurs de la créativité des cinéastes de demain. Trois d’entre eux ont été primés par le Jury de cette année présidé par Bertrand Bonello.
« Fragment de drame »
Programmation
– Cosi in terra de Pier Lorenzo Pisano. Italie
– Fragment de drame de Laura Garcia. France
– Inanimate de Lucia Bulgheroni. Royaume-Uni. 3ème Prix, Cinéfondation 2018
– The Storms In Our Blood (Dong wu xiong meng) de Di Shen. Chine. 2ème Prix ex-aequo, Cinéfondation 2018
– El Verano del león eléctrico de Diego Céspedes. Chili. 1er Prix, Cinéfondation 2018
Un homme au torse nu et largement tatoué se tient debout au carrefour de plusieurs ruelles, il attend nerveusement, se retourne sans cesse, tape du pied, soudain une moto en wheeling le frôle, suivi d’une bicyclette passant derrière lui à toute allure, il se retourne, trop tard, une seconde bicyclette approche plus lentement, son geste est assuré, rapide, le couteau menaçant, la bicyclette enfourchée. « Elle est à moi maintenant » crie-t-il à l’ancien propriétaire tout en s’enfuyant.
Nous sommes dans un quartier de Bogota où tout va vite, les objets entrent dans une danse incessante, passant de mains en mains, achetés puis volés, parfois revendus directement ou abandonnés sur un trottoir, puis jetés et enfin recyclés. Un cycle infini rappelant les allers-retours des personnages, entre les quelques ruelles filmées, et régulièrement observés de l’œil bienveillant et désabusé du garagiste qui semble se trouver à l’angle, au croisement des chemins, devenant ainsi le centre de cette structure panoptique que chaque personnage est voué à emprunter au milieu d’un brouhaha incessant de motos, d’aboiements, de klaxons, de musiques et de cris.
Cette mise en scène méticuleusement chorégraphiée est celle de Nicolas Boone, également réalisateur de Hillbrow (2014), loup argenté du meilleur court-métrage international au Festival du Nouveau Cinéma (FNC) à Montréal, et de nombreux autres films porteurs de sa démarche singulière. Venant des Beaux-Arts et y créant des performances filmées en une seule fois, il favorise la prise de risques et un possible « débordement » à un spectacle figé. Aimant marcher, découvrir, imaginer, photographier de nouveaux lieux et écouter des histoires, il filme des personnalités à qui il laisse la liberté de parole, comme dans son dernier court-métrage, Las Cruces dont le scénario ne tient que sur une page. Filmé avec les habitants du quartier du même nom, qu’il a lui-même choisis après un repérage de plusieurs jours avec l’aide d’un fixeur (guide habitant le quartier), il mixe le réel et la fiction, et nous offre une vision poignante, sensible et généreuse de la vie et notamment de la violence d’un quartier de Colombie. Dans ce court-métrage sélectionné cette année à la Quinzaine des Réalisateurs, l’unique règle instaurée par ses habitants est que la mort entraîne la mort, ainsi qui tue sera tué.
Suivant les personnages à travers Las Cruces, nous découvrons un fragment de leur vie, faisant partie intégrante de la cité. Ils semblent destinés à ne pas en sortir et à répéter inlassablement les mêmes gestes telle la fillette aux longs cheveux bruns tentant en vain de coiffer ses cheveux ou le voleur de bicyclette volant puis revendant sans cesse ses butins pour s’acheter des gadgets. Dans ce microcosme, les habitants sont agités tels des atomes voués à se rencontrer, leurs actes sont vains, les personnages semblent enfermés dans une prison à ciel ouvert et l’unique façon de vivre/survivre est la violence, le vol et le meurtre. Avec force et sobriété, le réalisateur mêlant des gestes poétiques à une violence brutale nous expose la fragilité des personnages, n’étant jamais tout blancs ou tout noirs. Ils sont complexes et deviennent infiniment humains.
En filmant sensiblement leurs corps, Nicolas Boone nous raconte également ses personnages, telle la démarche quasi animalière du voleur de bicyclette ou les magnifiques et longs cheveux bruns de la fillette ainsi que le corps potelé et vif d’une autre fillette tout habillée de rose et dansant sur les toits de la ville. On ressent ainsi la fascination et la tendresse du réalisateur pour ses personnages, ceux là même que nous retrouvons tout au long du film, les rencontrant au coin des rues, au gré des rencontres. En suivant une petite fille allant danser sur les toits, nous y apercevons un futur meurtrier. Tout le monde se mélange, se côtoie, se croise sans jamais vraiment se rencontrer, restant dans ses préoccupations, dans sa propre bulle répétant continuellement les mêmes actions.
Mais ce qui est saisissant dans Las Cruces, c’est cette violence frontale, omniprésente et banalisée ainsi que l’avenir de ses habitants qui semble sans appel, fuir mais pour quelle destination ? La dernière scène du film est captivante, un jeune meurtrier fuyant/s’enfuyant du quartier finit par s’asseoir sur un toit se retrouvant face à un autre quartier parfaitement conforme à celui qu’il vient de quitter, la possibilité d’une autre vie paraît impossible. Cela n’est pas sans rappeler la scène terminant Hillbrow, où un homme qui, après avoir monté des centaines de marches, s’assoit, épuisé et démuni, nous plongeant ainsi dans un silence évocateur. Là est la force de Nicolas Boone qui nous scotche par la simplicité de ses images et par son humanité, en faisant le portrait d’un quartier de Bogota et sans jamais juger ses habitants, il nous interroge sur notre propre condition humaine.
Synopsis : Las Cruces est un quartier défavorisé de Bogotá. En suivant certains de ces habitants, on plonge avec eux dans un monde intense où la violence côtoie l’espoir et la joie.
Réalisation : Nicolas Boone
Genre : Fiction
Durée : 29 minutes
Pays : France
Date : 2018
Scénario : Nicolas Boone, Julien Guetta
Image : Sofia Oggioni
Son : Oscar Mendez
Montage : Philippe Rouy
Production : Noodles Production, Tournage 3000, Imaginaria cine
Le 26ème Festival Le Court en dit long, festival compétitif de courts métrages produits ou coproduits en Belgique francophone, se déroule actuellement au Centre Wallonie-Bruxelles (46, Rue Quincampoix, 75004 Paris). 32 films en compétition, répartis en six programmes thématiques, y sont projetés jusqu’à samedi soir. Corps, films d’écoles et d’ateliers, adolescents, questions de société, de l’amour, questions de genres : allez-y.
Pour accompagner le festival, Format Court vous offre 20 places pour (re)découvrir le travail génial de Vincent Patar et Stéphane Aubier, deux réalisateurs de cinéma d’animation ayant réalisé des courts métrages devenus cultes. Pour info/rappel, Patar et Aubier ont réalisé Pic Pic le cochon magique et André le mauvais cheval, mais aussi la série télévisée et du long métrage Panique au village ! et Ernest et Célestine, co-réalisé avec Benjamin Renner (César du film d’animation 2013, Magritte du meilleur film belge 2014).
Le samedi 9 juin, le Festival propose une rétrospective des films d’animation de Vincent Patar et Stéphane Aubier. Format Court vous offre 10 places par séance pour y assister.
Réalisé par six étudiants de l’Ecole Supérieure des Métiers Artistiques (ESMA) de Toulouse, Sailor’s Delight est un court-métrage d’animation sélectionné à la Cinéfondation (section consacrée aux films d’écoles du Festival de Cannes) cette année. Louise Aubertin, Eloïse Girard, Marine Meneyrol, Jonas Ritter, Loucas Rongeart et Amandine Thomoux ont conçu ensemble ce projet et lui ont fait voir le jour en 2017.
Nous n’avons clairement pas affaire à une douce créature dans cette histoire, mais à une sirène croqueuse d’hommes, passée professionnelle dans l’art de la séduction. Cette femme poisson se trouve bien en peine face à deux pêcheurs insensibles à ses charmes.
Un proverbe météorologique britannique commence par « Red sky at night, sailor’s delight », et signifie simplement que si le ciel est rouge le soir sur la mer, on peut se réjouir du beau temps qu’on va avoir. Le titre est déjà assez prophétique et annonce la déconstruction du mythe sur les marins et les sirènes. Notre culture mythique voudrait nous faire croire que seul le vaillant Ulysse fut capable d’échapper aux chants des sirènes, mais force est de constater ici que parfois un petit rien ou peut-être un grand quelque chose peut changer la donne et briser une croyance populaire.
Avec Sailor’s Delight, on est tout de suite plongé dans l’histoire grâce au mélange réussi des codes de l’animation et de la prise de vue réelle et l’humour bien dosé. Un travail très intéressant sur le cadre sert la narration et le ton du film. Les esthétiques visuelle et sonore le rendent vraiment agréable au visionnage. La musique entraînante et aux accents colorés fait écho à toutes les couleurs pastels et électriques du film, ce qui lui donne une plus grande profondeur et lui permet de s’accaparer tout l’espace qu’il peut utiliser.
Sailor’s Delight est un court-métrage drôle et touchant, ainsi que le medium d’un point de vue fort au sujet de la sexualité et du consentement. L’humour et la fraîcheur de ce film devrait vous porter vers lui. Irrésistiblement.
On connaissait Tiphaine Raffier dans le milieu du spectacle vivant. Dramaturge, metteuse en scène, et comédienne, elle a monté sa compagnie « La Femme coupée en deux » en 2015. France-Fantôme, son troisième spectacle créé en 2017 a été salué par la critique et reprendra en 2019. La Chanson, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, est son premier court-métrage, adapté de sa première pièce du même nom.
La Chanson, c’est l’histoire d’une ville étrange, dans laquelle Pauline, Barbara et Jessica ont un but commun : réaliser un spectacle de sosies. Mais lorsque Pauline va vouloir s’en affranchir pour écrire ses propres chansons, c’est le destin de chacune d’entre elles qui va être bouleversé à jamais.
« Je n’ai pas vécu la catastrophe, et pourtant c’est moi qui vais vous raconter cette histoire ». L’annonce est forte, le ton grave. Et pourtant, le visage de Pauline est solaire, le regard-caméra canaille. C’est elle la narratrice, et sa voix off nous guidera tout au long du film. Une voix tantôt autobiographique, tantôt sociologique entremêlant états d’âme intimistes et projections politiques sur la ville qui l’a vu naître et qui la retient encore aujourd’hui : Val d’Europe.
Val d’Europe est une ville artificielle, pensée, dessinée et maquettée par l’Homme sous l’influence du new urbanism. C’est une ville-copie, imitant l’histoire architecturale européenne, une ville dépassant la réalité pour en recréer de nouveaux contours. Une ville-personnage qui cristallise tous les enjeux narratifs du film et absorbe les émotions de Barbara, Pauline et Jessica.
La réalisatrice qui a vécu pendant 20 ans à Val d’Europe le sait, Disneyland n’est jamais loin. Alors, dans son film, on entend les cris, les rires, les joies et les peurs des clients nostalgiques des films d’animation. Une jubilation excentrique dans un parc où chaque centimètre a été pensé et optimisé avant d’être construit. Reste qu’à Val d’Europe, Pauline et ses deux amies n’exultent pas, statiques, enfermées bien souvent dans des cadres larges et fixes qui amplifient leur médiocrité. Elles vivent en captivité dans un quotidien prémâché. Seule la ville qui les retient prisonnières est filmée en de longs et beaux travellings, signe d’une réussite fluide.
S.O.S. du groupe ABBA que les filles répètent pour un concours de sosie résonne donc comme un véritable appel au secours, un appel à l’amour. Quelque chose qui viendrait corrompre une routine trop huilée et encadrée. Même quand elles chantent ou dansent, les filles suivent un canevas, il n’y a pas de place à la liberté, à l’innovation. Tiphaine Raffier, elle, innove et s’amuse à casser toute fluidité narrative et esthétique dans son film. Mélangeant fiction et documentaire, intercalant des images d’archive de l’INA et imprimant l’écran de différents titrages, le film est construit par couches qui s’entrechoquent. La voix off tente de lier le tout, mais parfois Pauline s’emballe, ou reste en marge des images, et le film devient un objet audio et visuel où les points de rencontre sont imprévisibles.
Ces interstices perturbateurs viennent réveiller l’errance des personnages. Coincés dans un aquarium gigantesque, nos trois petits poissons urbains tentent de s’extraire de la fatalité qu’elles s’imposent. Seul la deadline du concours les poussent à l’effort. Un effort maîtrisé qui vise à ne surtout pas dépasser l’imitation. Comme si ces jeunes femmes, trop habituées à vivre dans une ville que d’autres ont pensé pour elles, attendaient une certaine légitimité pour créer leur propre univers, leur propre pensée.
Alors la réalisatrice questionne : pourquoi attendre pour créer ? Pourquoi forcément être plusieurs ? Pourquoi ne pas s’affronter, se sonder, se connaître ? Sous le joug d’une Barbara charismatique et autoritaire, Pauline et Jessica suivent, imitent. Alors quand Pauline est percutée quasi divinement pour créer en solo, la relation avec Barbara explose. Elle doit s’en extraire si elle veut devenir elle-même.
Car La Chanson est avant tout un film sur la naissance de la vocation et de cette substantielle moelle créatrice qui s’empare des artistes en devenir. Dans un univers où tout n’est qu’imitation, la singularité dérange et la morale bien présente. Barbara reproche à Pauline de ne pas vraiment chanter, de ne pas écrire comme il faut. Jessica s’indigne de la voir fumer… Dans leur trio, c’est Barbara qui a le droit de vie et de mort sur ces deux comparses, et voir son amie prendre son envol au détriment des conventions l’effraie. Est-ce là une projection de notre société qui nous empêche de nous accomplir tel que l’on est ? On est alors en droit de voir en Pauline le double de la réalisatrice (qui pourtant joue le rôle de Jessica dans le film).
Ce qu’il y a de fascinant dans le parcours de Pauline, c’est qu’on ne croit pas une seule seconde à son projet de départ. Alors on rit, beaucoup. On se moque, avant finalement de comprendre la démarche philosophique du personnage. Les chansons de Pauline décrivent le fonctionnement d’objets manufacturés. Elle chante les objets, les décortique, les analyse, comme pour mieux en explorer leur fonctionnement. Il y a un désir enfantin de comprendre le monde tout en le rendant poétique, accessible, digeste en le chantant.
Mais qu’il est difficile de partager ses rêves avec des amies qui ne veulent pas nous comprendre. Dire c’est le premier pas vers la concrétisation. Et dans La Chanson, la confidence vient déséquilibrer l’amitié. « L’American way of life » puritain sauce Disney est malmené par Pauline, et Barbara comme dernière ambassadrice du conformisme doit veiller à barrer cette route libertaire si elle ne veut pas être elle-même contaminée. Formellement, cette contamination s’illustre par les mots des chansons de Pauline qui viennent imprimer l’écran. Pauline veut trouver un sens à sa vie, veut laisser une trace quoiqu’il en coute, alors la réalisatrice devient sa porte-parole, relayant la pensée créative du personnage qu’elle a elle-même pensé. On entre dans une méta-création où la fiction devient totale.
La Chanson fait partie de ces court-métrages qui marquent, qui transcendent par leur effronterie et leur ingéniosité. Tout a été pensé au préalable. Tout a été maquetté comme Val d’Europe. On sent que Tiphaine Raffier déteste cette ville autant qu’elle la choie. C’est dans cette ville que sa propre vocation d’artiste est née et dans son film, la réalisatrice lui propose un avenir révolutionnaire et radieux, une renaissance apocalyptique. Le spectateur n’en sort que plus conscient de ce qu’il est réduit à être, fredonnant les mélodies de Pauline telles des chants militants annonçant le grand réveil…
Synopsis : Dans une ville étrange, Barbara, Pauline et Jessica ont un but commun : réaliser un spectacle de sosies. Pauline va vouloir s’en affranchir pour écrire ses propres chansons. Suscitant soit la haine de Barbara, soit l’admiration de Jessica, cet acte de création va changer leur destin à tout jamais.