Tous les articles par Katia Bayer

Le Festival Music & Cinema s’invite à Marseille ❤️

Marseille accueille d’ici quelques jours le Festival Music & Cinema, organisé anciennement à Aubagne. Du 4 au 9 avril, projections, concerts et rencontres autour de la musique de film sont au programme. Sont attendus de nombreux musiciens et réalisateurs accompagnés de leurs compositeurs. Le Festival accueille également le premier Marché européen de la composition musicale pour l’image avec plus de 200 professionnels et une centaine de compositeurs.

10 premiers longs-métrages sont programmés : Ma famille afghane de Michaela Pavlátová (qui avait réalisé en son temps – il y a 10 ans – le fameux court Tram, soutenu sur notre site), Le Cœur Noir des Forêts de Serge Mirzabekiantz (dont on avait beaucoup aimé le court One) ou encore Clara Sola de Nathalie Alvarez Mésen (Quinzaine des Réalisateurs 2021).

Côté courts-métrages, le festival accueille en compétition pas moins de 63 films répartis en 11 programmes, représentés pour bon nombre d’entre eux par leurs réalisateurs et compositeurs. Parmi ceux-ci : Les Criminels de Serhat Karaaslan, Partir un jour de Amélie Bonnin, Titan de Valery Carnoy ou encore Dans le silence d’une mer abyssale de Juliette Klinke (dont on avait diffusé Les Dauphines, le film de fin d’études de la réalisatrice).

De nombreux pros sont attendus sur place, notamment Dominique Blanc, Emmanuelle Bercot, Tony Gatlif, la chanteuse Imany, le groupe The Penelopes, … Format Court sera également présent pendant tout le festival et vous proposera news, films en ligne, reportages et interviews. En attendant, voici le programme de la manifestation.

Oscars du court 2022, les lauréats

La 94ème cérémonie des Oscars a eu lieu cette nuit. Sur les 15 titres retenus en fiction, animation et documentaire, 3 films ont été distingués par l’Académie. Voici lesquels, en ligne en bonus !

Oscar du Meilleur court-métrage d’animation 2022 : The Windshield Wiper de Alberto Mielgo (USA, Espagne)

Oscar du Meilleur court-métrage de fiction 2022 : The Long Goodbye de Aneil Karia (Royaume-Uni,Pays-Bas)

Oscar du Meilleur court-métrage documentaire 2022 : The Queen of Basketball de Ben Proudfoot (USA)

Elie Girard : « J’ai besoin que mes histoires soient imprégnées du monde réel »

Elie Girard a remporté le César du court-métrage de fiction avec Les Mauvais Garçons. Il réunit à l’écran Raphaël Quenard et Aurélien Gabrielli qui interprètent deux amis d’enfance aux personnalités différentes et contrastées, amenés à repenser leur relation à la trentaine passée. Nous avons échangé avec le réalisateur de ce long court-métrage (40 minutes) que nous avions par ailleurs eu le plaisir d’accueillir à l’un de nos After Short César en décembre dernier, en compagnie de son producteur Lionel Massol (Films Grand Huit).

Les Mauvais Garçons est sorti en salles en janvier 2022, dans le cadre de la programmation Tous les garçons et les filles, et est encore visible dans quelques salles. Sont présentés ensemble le moyen-métrage d’Elie Girard et le court de Charline Bourgeois-Tacquet, Pauline Asservie, avec Anaïs Demoustier et Sigrid Bouaziz.

Format Court : Comment s’est passé cet après-César ?

Elie Girard : Et bien… Ça fait extrêmement plaisir de recevoir autant de messages de soutien de tes proches, de personnes que tu n’as pas vues depuis super longtemps, ou simplement de gens qui ont vu le film ou la cérémonie et qui souhaitent t’encourager. Ça donne vraiment beaucoup d’énergie. J’ai vraiment essayé de répondre à tout le monde, et puis… J’ai perdu mon téléphone ! Je suis donc passé de la joie et la fête à un silence soudain. J’en ai profité pour prendre quelques jours de vacances, ce qui était sans doute également souhaitable, car la diffusion du film nous a demandé beaucoup de travail. Maintenant, je me concentre sur le futur.

Peux-tu nous parler de ton parcours ?

E.G. : J’ai toujours eu envie de réaliser des films mais j’ai tourné un petit bout de temps autour du pot. Très tôt, j’ai fait des films autoproduits et j’écrivais aussi des scénarios que je ne faisais pas forcément lire. Du coup, j’ai fait mes études dans ce sens : la fac, un BTS audiovisuel puis l’école Lumière. Et à partir de là, comme je ne me sentais pas encore spécialement légitime comme réalisateur, j’ai commencé à travailler dans des équipes images : assistant caméra, chef opérateur, surtout sur des courts-métrages.

J’ai énormément appris en tant que chef opérateur. Ça m’a permis de voir plusieurs plateaux dans l’année, différentes manières de travailler avec des comédiens et d’en rencontrer aussi. Ça a renforcé ma formation. Puis en 2015-2016, j’ai fait l’atelier scénarios à La Fémis qui permet d’écrire un long-métrage en un an. J’ai parachevé tout ce que j’avais envie de voir avant de me lancer sur mes propres films. En parallèle, je faisais aussi des clips et du documentaire musical. J’ai planté des graines un peu partout jusqu’à ce que Pauline Seigland (Films Grand Huit) vienne me voir. Elle connaissait un peu mon parcours, et moi, je me sentais en confiance. Au cours de nos discussions, je lui ai présenté Les Mauvais Garçons, une fiction que j’avais initialement écrite pour France Culture et on a commencé à travailler ensemble.

C’est plutôt rare les films qui abordent l’amitié masculine. Pourquoi avoir choisi cette thématique ?

E.G. : C’est drôle car je n’ai pas choisi cette thématique en pensant qu’elle était peu explorée à l’écran. J’aurais bien aimé, mais ce n’était pas aussi conscient de ma part. En sortant de la formation à la Fémis, France Culture m’avait proposé d’écrire pour une série qui s’appelait “Les vies modernes”, c’était quelque chose d’assez contemporain et naturaliste. Afin d’être sûr de ce que je racontais, j’ai choisi une thématique que je connaissais bien et qui me touchait. J’avais un peu plus de 30 ans et je venais de traverser ces états. Je me sentais légitime d’en parler, c’était peut-être un besoin aussi. Cette connaissance m’a permis de faire les choses assez vite et de m’approcher au plus près d’une forme de réalité.

C’est important pour toi, cette “réalité” ?

E.G. : D’un côté, je crois énormément à la fiction et à son pouvoir cathartique, empathique et émotionnel. De l’autre, en tant que spectateur et auteur, j’ai besoin que ce soit fortement rattaché au réel. Je cherche un sens et une légitimité du propos. J’ai besoin que mes histoires soient imprégnées du monde réel, de données concrètes.

Comment s’est imposé le choix du moyen-métrage ?

E.G. : Ce n’est pas une volonté de départ. Si on avait dû choisir, on l’aurait fait plus court car c’est plus facile à diffuser et même à produire. Les chaînes n’ont pas beaucoup d’endroits pour montrer un moyen métrage. La fiction que j’avais écrite pour la radio durait au total 70 minutes. Au moment de l’écriture, j’ai coupé beaucoup de personnages. Au départ, il y avait cinq garçons. Dans le film, ils ne sont plus que deux, donc ça densifie beaucoup les choses et permet de se focaliser sur cette relation.

Pourtant, notamment parce que je tenais à conserver la progression sur neuf mois avec des ellipses, on a rapidement senti que la durée du film serait plus longue qu’un court-métrage classique. Ça ne nous arrangeait pas vraiment (rires) ! Notamment pour trouver des financements, et ensuite pour la diffusion en festivals… Mais, avec Pauline Seigland et Lionel Massol, on a choisi de l’assumer, pariant que cette durée finirait par être une force. On s’est même posé la question d’allonger le film. Je ne sais pas vraiment l’expliquer, mais finalement ça ne marchait pas, surtout en termes d’action. Le récit est assez ténu. Je craignais qu’en rajoutant 10-15 minutes, on fasse naître l’ennui. Je ne voulais pas que le film s’étire ou soit contemplatif, donc finalement on a gardé les 40 minutes.

Comment as-tu choisi les acteurs ?

E.G : Pour cette histoire d’amitié, il y avait deux approches possibles : soit prendre deux comédiens aux vibrations similaires, voire étant déjà amis, soit à l’inverse chercher un contraste entre eux.

J’ai choisi cette deuxième option, car Les Mauvais Garçons est le récit d’une amitié en danger, qui se réinvente au fur et à mesure du film. C’était intéressant de partir d’un point de départ fragile, moins évident.

Aurélien et Raphaël sont totalement opposés physiquement, dans leur caractère et même leur manière de parler… Tout semble les séparer. Ça convient parfaitement à l’histoire du film. Tout au long du film, les deux personnages tentent de recoller les morceaux, et la distance qui les sépare rend le propos plus dynamique. Comme dans tout bon film de duo finalement.

Cependant, les personnages étaient tellement aux antipodes qu’il y avait toujours un risque que les spectateurs ne croient pas à cette amitié. C’était quitte ou double. Il fallait travailler les moindres détails du scénario pour rendre ce duo totalement crédible.

Qu’as-tu appris avec ce premier film ?

E.G. : J’ai appris à me faire confiance en tant que réalisateur. Et j’ai aussi appris à faire confiance aux comédiens, être ouvert à leurs suggestions. Ce n’est pas du tout un film improvisé, et nous avons énormément répété pour faire rentrer le film dans les dialogues prévus. Je craignais à chaque instant de perdre le fil de l’histoire, qui était déjà ténue, en faisant des digressions et improvisations.

Cependant, j’ai fait confiance aux acteurs à de nombreux endroits. Sur le plateau, ils sont vraiment les seuls à pouvoir se connecter aux personnages et à les faire vivre de manière juste, à proposer différentes manières d’incarner. C’est beaucoup le cas de Raphaël, et parfois ça tombe à côté et parfois ça rend les choses extraordinaires. Il y a une scène où Raphaël marche à côté d’Aurélien qui lui parle de sa déprime. Et à ce moment il s’arrêtait, il marchait lentement, il lui attrapait le bras… Il modulait la rythmique de la déambulation pour lui donner du sens. Cette manière de construire la scène dans des détails physiques apporte beaucoup d’expressivité.

La deuxième chose que je retiens, c’est qu’en étant le plus sincère possible, le sens profond du film parvient à se frayer un chemin jusqu’au cœur des spectateurs. Je n’en étais pas totalement conscient avant, car je n’avais pas encore fait tout ce chemin de l’écriture à la réception auprès des spectateurs.

Aujourd’hui, je me dis qu’à chaque fois que je crains un peu de faire lire une idée, un scénario – c’est parfois que je n’ai pas assez bossé – mais ça peut aussi être le signe que je suis sur la bonne voie. En tant qu’auteur, je dois me forcer à me dévoiler. Ce n’est pas quelque chose de facile ni confortable, mais je crois que c’est la condition sine qua non pour toucher vraiment les gens.

Peux-tu nous parler de tes nouveaux projets ?

E.G.: Depuis Les Mauvais Garçons, j’ai co-écrit et co-réalisé une série avec Camille Rosset, qui s’appelle Platonique et qui va sortir sur OCS au printemps. C’est l’histoire de deux amis qui décident de se séparer de leurs conjoints respectifs et de se mettre en colocation. Une semaine sur deux, ils explorent donc leurs célibats retrouvés ; et la semaine suivante, ayant la garde des enfants, ils essaient de reconstituer une famille de circonstance. C’est une histoire d’amitié aussi, et de duo donc, et j’ai adoré travailler avec Camille sur ce projet. C’est vraiment précieux de ne pas être seul.

Là on commence à développer plusieurs projets avec Films Grand Huit, un premier long métrage notamment. Mais après je n’exclus rien, ni d’histoire ni de format. J’aimerais beaucoup refaire de la série, surtout à la réalisation. Du théâtre aussi pourquoi pas ? Un podcast. Les Mauvais Garçons a confirmé mon goût pour le dialogue qui pourrait se développer ailleurs que dans la forme cinématographique !

Propos recueillis par Anne-Sophie Bertrand

Article associé : notre reportage sur les César 2022

Tout s’est bien passé de François Ozon

Adaptation du livre au titre éponyme d’Emmanuèle Bernheim, Tout s’est bien passé, l’avant-dernier film de François Ozon (Cannes 2021) est sorti récemment en DVD chez Diaphana avec en bonus des interviews exclusives du réalisateur, des acteurs et un court-métrage documentaire sur l’artiste plasticienne Claude de Soria, l’épouse du personnage central, André Bernheim.

De quoi parle Tout s’est bien passé ?

Grand débat de société, le droit à mourir dans la dignité est un sujet aussi tabou que « banal » et quotidien. Ce film biographique débute lors de l’accident vasculaire cérébral d’André Bernheim (André Dussollier). Présenté comme un homme charismatique et épicurien, ce dernier se retrouve alors diminué et demande à sa fille Emmanuèle (Sophie Marceau) de l’aider « à en finir ».

Le film retrace le récit des neuf mois qui ont suivi cette demande, dans lesquels les souvenirs et les histoires de famille reviennent à la surface. Pourtant, les deux sœurs Emmanuèle et Pascale (Géraldine Pailhas) restent unies, impliquées dans la seule mission qui a alors de l’importance : assister leur père dans sa décision.

Qu’en a-t-on pensé ?

Ce dernier film de François Ozon ne tombe que très rarement dans le pathos, le discours ne se veut pas plus militant. Le réalisateur ne prend pas de position franche. Il fait intervenir de nombreuses perceptions qui laissent la liberté à tout un chacun de se forger sa propre idée, et surtout sa propre volonté sur ce droit. L’élément central du film reste et demeure le personnage principal et son goût de la vie, mais ne cherche aucunement à influencer une idéologie commune.

Dans les interviews qu’Emmanuèle Bernheim a donné à la sortie de son livre, elle évoque le « dernier projet commun » qu’elle a accompli avec son père. Une forme de résilience, surtout d’amour inconditionnel, d’accepter et d’orchestrer cette étape fatale. François Ozon arrive à retranscrire ce lien indéfectible grâce à une chronologie rythmée du récit et à la performance des trois acteurs principaux.

François Ozon célèbre ainsi la vie avec des personnages aux émotions et caractères pluriels. De vielles histoires, de vieilles rancœurs et de vieux amours remontent à la surface, ponctuent le film et le rend digeste ; l’art et la musique en toile de fond. Ces multiples péripéties sonnent comme des sursauts d’espoir, des accroches qui retiennent le personnage à sa vie et en même temps la commémore. Elles permettent également de questionner nos propres motivations, et de réévaluer notre rapport à la vie.

Qu’est-ce qui a retenu notre attention dans l’édition DVD ?

Dans les bonus, on peut apprécier les interviews (filmées à Cannes en 2021) des trois acteurs et de François Ozon sur leur relation avec l’histoire d’Emmanuèle Bernheim et la difficulté d’être justes lorsqu’on aborde ce sujet délicat.

Un grand coup de cœur également pour le court-métrage documentaire sur la sculptrice Claude de Soria, l’épouse de André Bernheim, interprétée discrètement à l’écran par Charlotte Rampling. La relation entre l’artiste et le collectionneur est volontairement anémiée de Tout s’est bien passé. Absente dans les derniers moments de la vie de son mari, cette femme lui a pourtant permis d’une certaine manière d’avoir accès à celle qu’il a vécu : elle l’a initié à l’art contemporain, l’a incité à acquérir des oeuvres et lui a permis de se familiariser et d’intégrer ce milieu confidentiel. On découvre alors son parcours, l’évolution de sa pratique artistique et les diverses expositions qu’elle a présentées. Ce film documentaire permet de compléter le portrait de cette famille atypique, dont l’influence sur le domaine des arts reste encore aujourd’hui conséquente.

Anne-Sophie Bertrand

Tout s’est bien passé de François Ozon, édition Diaphana. Film et entretiens, scènes coupées, essais lumières et costumes, projets d’affiches, documentaire : « Claude De Soria, sculpteur » de Michelle Porte

Reprise du 3e Festival Format Court, le jeudi 7 avril 2022 !

Après une troisième édition parrainée par Swann Arlaud en novembre dernier, le Festival Format Court vous invite en salle pour une sélection de son palmarès. Cette séance unique, organisée avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International, aura lieu le jeudi 7 avril prochain à 20h au Studio des Ursulines (Paris, 5) en présence d’équipes de films primés et de membres de jurys. Un pot aura lieu après la séance au bar Les Ursulines, à deux pas de la salle. Soyez au rendez-vous !

Programmation

Nuits sans sommeil de Jérémy Van Der Haegen, 30′, 2020, Belgique, France, Néon Rouge Production, Tact Production.  Grand prix, Festival Format Court 2021. En présence du réalisateur

Synopsis : Nuits sans sommeil est le portrait d’une enfance au quotidien. Un village, une famille, un petit garçon qui aime porter des robes, le retour du loup et la vie de chaque jour, ordinaire et banale, sont la matière d’un récit qui raconte les désirs enfouis.

Le Départ de Saïd Hamich, 24′, 2020, France, Maroc, Barney Production, Mont Fleuri Production. Prix d’interprétation (Ayman Rachdane) et Mention spéciale à l’ensemble des acteurs et actrices du film, Festival Format Court 2021. En présence du réalisateur

Synopsis : Maroc, 2004. Cet été-là, Adil, onze ans, passe ses journées à jouer avec sa bande de copains et à attendre les derniers Jeux Olympiques de son idole, le coureur Hicham El Guerrouj. L’arrivée de son père et de son grand frère, venus de France pour quelques jours, va le marquer à jamais.

Maalbeek de Ismaël Joffroy Chandoutis, 16′, 2020, France, Belgique, Films Grand Huit, Films à Vif. Prix de la presse, Festival Format Court 2021, César du meilleur court-métrage documentaire 2022

Synopsis : Rescapée mais amnésique de l’attentat à la station de métro Maalbeek le 22 mars 2016 à Bruxelles, Sabine cherche l’image manquante d’un événement surmédiatisé et dont elle n’a aucun souvenir.

Hold Me Tight de Léo Robert-Tourneur, 6′, 2021, Belgique, France,  Vivi Film, La Clairière Ouest. Prix de la création sonore, Festival Format Court 2021.

Synopsis : Au cœur d’une forêt sombre, deux silhouettes se rencontrent, s’attirent et se repoussent lors d’une parade nuptiale explosive. Hold Me Tight est une romance amère et flamboyante.

Sideral de Carlos Segundo, 15′, 2021, France, Brésil, Les Valseurs, Casa da Praia Filmes. Prix du scénario et Mention spéciale du Jury Jeunes, Festival Format Court 2021. En présence du réalisateur

Synopsis : À Natal, dans le Nordeste, le Brésil s’apprête à lancer sa première fusée dans l’espace. Un couple vit avec deux enfants près du centre spatial, elle y est femme de ménage, lui mécanicien, mais elle rêve d’autres horizons.

En pratique 

* Durée de la séance : 91′

* Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

* Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)

* Plein tarif : 8, 50€, réduit : 6,80 €. Achat sur place ou en ligne (billetterie Ursulines).

* Évènement Facebook

Ismaël Joffroy Chandoutis : « La priorité, ce n’est pas la diffusion mais la création »

Le César du meilleur court-métrage documentaire lui a été remis le 25 février dernier. Son film Maalbeek, ayant trait à l’attentat à la bombe de la station de métro éponyme à Bruxelles, le 22 mars 2016, avait été sélectionné à la Semaine de la Critique il y a deux ans. Entre Cannes et les César, il y a eu de nombreux festivals et prix dont celui de la presse décerné à notre Festival Format Court organisé fin novembre. Après deux courts (Ondes noires et Swatted) et avant son premier long, le cinéaste et artiste Ismaël Joffroy Chandoutis évoque dans cet entretien réalisé avant la cérémonie des César la frontière des genres, l’importance des limites et l’école de la débrouille.

© Bérengère Gimenez

Format Court : Tu as fait trois courts et là, ton projet, c’est d’avancer vers le premier long. Comment t’y prépares-tu ?

Ismaël Joffroy Chandoutis : Avec le premier long, je suis en train de trouver une méthode de travail qui me correspond. J’essaye de mettre en place les paramètres qui définissent le terrain de jeu, quelque part entre une approche conceptuelle – qui constitue les règles fixes – et l’approche narrative et plastique qui constitue le « play » et que je veux aborder de manière plus expérimentale et improvisée. Il me semble essentiel d’effectuer une circulation des approches, pour ne jamais être à court d’idées mais aussi pour ne pas hiérarchiser les étapes. On est donc très seul au départ, le temps que les idées se cristallisent. Seulement après, on peut commencer à ouvrir son projet et le laisser grandir dans les mains de l’équipe. Mais ce ne sera pas une grande équipe comme on le voit traditionnellement.

La manière dont je travaille l’animation, sachant que je n’ai jamais fait d’école, est très personnelle. Ce qui fait qu’au départ, je vais devoir donner le ton pour pour qu’on se synchronise tous, y compris avec les partenaires à trouver aussi. Tout ça prend du temps.

Il va falloir maîtriser chaque étape et avoir une marge de manœuvre qui nous permette de nous réajuster à chaque pallier. On réfléchit très souvent selon le modèle de pensée antique occidental, avec un objectif qu’on détermine dès le départ et ensuite on se fixe des paliers. Puis, on avance sans tout remettre en question. Dans l’approche orientale – les lectures que je fais en ce moment et qui m’aident beaucoup – ce n’est pas du tout ça, l’objectif. On accepte que le travail soit mouvant et beaucoup plus mobile, plus incertain. On réajuste donc à chaque pallier, quitte à repartir de zéro. Mais on ne repart jamais de zéro. C’est une peur qui n’est qu’illusion.

Comment tes intuitions et tes envies se confrontent-elles aux producteurs ? Vous devez quand même trouver un terrain d’entente pour mettre en place un projet commun.

I.J.C : La recherche de fonds, c’est surtout de la traduction d’idées abstraites en fonction des contextes. Des idées qui peuvent être impossibles à imaginer pour des gens qui ne sont pas forcément aussi proches de moi et de mes producteurs pour comprendre le projet. À partir de là, il y a tout un travail de l’ordre de la langue et de la traduction à faire. Godard en parle depuis très longtemps. Tout ça passe par le sacro-saint scénario depuis des décennies, un objet qui n’a plus de sens aujourd’hui. On pense qu’il peut en avoir un par étape, mais même pour des délais financiers, son sens est limité. D’autant qu’avec une approche documentaire, il est souvent demandé des trailers. En fait, c’est compliqué de pouvoir proposer un trailer quand on n’a pas encore de matière en tête, surtout quand, comme moi, on travaille dans l’animation. Mes films sont à la frontière des genres, et on retrouve, c’est vrai, une forte tendance vers l’animation.

Comment travailles-tu ?

I.J.C : Dans ma manière de créer des mondes, je suis assez seul ou avec très peu de gens au départ, j’accepte cette lenteur, c’est la seule manière de garder une marge de réajustement tout en expérimentant.

On crée une méthode de travail qui nous est personnelle. On a beaucoup en tête ce mythe de l’artiste qui regarde par la fenêtre pour trouver l’inspiration. Là-dessus, le cinéma a des méthodes que je qualifierais comme un peu ancestrales. Récemment, j’ai rencontré beaucoup de créatifs dans le milieu du jeu vidéo et ça m’a énormément inspiré. À tout moment, on peut arriver à un rendu final du jeu, avoir des retours et ensuite revenir à l’étape première de la narration. Le cinéma, en tout cas à Hollywood, est en train d’aller de plus en plus dans cette direction. On filme en temps réel de l’animation avec des décors affichés en 3D temps réel. Il y a des tournages qui se font exclusivement en virtuel, sans qu’on puisse en distinguer parfois l’artifice. Oui, j’ai envie de dire que mes films sont fortement inspirés de cette méthode qui bouleverse l’ordre établi. J’en suis plus que convaincu et j’ai pu déjà l’expérimenter sur mes précédents projets. C’est aussi une libération pour les acteurs qui arrêteront de faire des cauchemars à base de fonds vert !

Maalbeek a été catégorisé aux César en tant que documentaire alors qu’il est une balade entre les genres. Pourtant, tu qualifies ton film de geste documentaire…

I.J.C : Ce film est né d’un geste documentaire et je l’ai d’abord pensé en prise de vue réelle. Mais après, je l’ai imaginé avec de l’animation. Et imaginer, c’est convoquer la fiction. Donc on aura beau tout déconstruire, puisque c’est la tendance actuelle, cela n’empêche pas que la catégorisation du monde a une limite. Fort heureusement, il y a encore une place à ce qui échappe, à l’incertain, au renouveau, à l’idiome.

Personnellement, je suis très content d’ouvrir le bal avec la nomination de Maalbeek en documentaire et j’en suis d’autant plus content parce que je me sens en marge de cette catégorie.

Ce qu’il faut retenir, c’est que dans tous les cas, on est tous là, autour du même objet. C’est un moment dans une salle, avec des images et des sons projetés et diffusés. Et ça, c’est ce qui nous réunit tous.

© Bérengère Gimenez

Comment-vois tu le cinéma et la création de manière générale ?

I.J.C : Je souffre énormément d’une déformation professionnelle. J’arrive de moins en moins à rentrer dans les films car je me mets sur un mode analytique. Mes sources d’inspiration artistiques, ce sont surtout des expositions de peintures, de photos et d’installations d’art contemporain. Ça m’inspire plus et je trouve que c’est beaucoup plus libre. Enfin, c’est très souvent plus libre dans le geste, moins contraint. Il m’arrive aussi de regarder des séries, jamais en entier. Ce que j’apprécie dans les séries, c’est qu’il y a plus de diversité de sujets. Je trouve que ça répond plus à l’immédiateté de l’actualité. Et je reviens aussi de plus en plus à la littérature. Mais je dirais que le médium qui m’influence le plus, c’est probablement la musique, mais je n’en suis pas conscient.

Est-ce que le passage par deux écoles belges (Sint-Lukas et l’INSAS) et l’apprentissage de la débrouille ont pu influencer ta manière de faire des films ?

I.J.C : Oui. J’ai toujours appris à faire des films avec peu de choses, pas de financement, pas de matériel. À partir de ce conditionnement-là, j’ai été obligé de penser probablement les choses autrement que ce qui m’a été enseigné en France. Ça ne veut pas dire qu’il y a une méthode qui est meilleure qu’une autre. Quelque part, je pense que ce qui me permet d’aller là où je veux, c’est aussi que je me fabrique très souvent mes outils. Il m’est arrivé de fabriquer des bouts de code pour générer de l’animation ou de jouer avec des caméras. J’aime aller à l’encontre de ce pour quoi les outils, logiciel ou matériel, ont été faits. C’est vraiment quelque chose qui m’influence depuis que je suis enfant. Pour moi, c’est vraiment un moteur créatif que de créer des flux de travail, de « hacker » des logiciels et du matériel. Quand je parle de « hacker » un logiciel, l’idée, c’est de le dériver de sa fonction initiale. Si l’outil ne te satisfait pas, il faut que tu que tu le retravailles, que tu le conçoives. Il faut que j’en ai la maîtrise de bout en bout. Pour ça, il faut expérimenter et comprendre les limites des objets, celles des personnes avec qui on travaille ainsi que ses propres limites. Les limites de temps, de sujet, de représentation, c’est mon fil conducteur pour un film. Pour y arriver, c’est des mois de doute.

Mon approche créative ne tourne pas qu’autour du cinéma. Je fais aussi des expositions, je travaille l’image fixe et j’ai de plus en plus envie d’explorer la performance théâtrale, la musique, les installations artistiques et toutes ces choses, qui ne s’opposent pas au cinéma mais qui ne font que le nourrir.

© Bérengère Gimenez

À quel moment sais-tu que tu as terminé un film ?

I.J.C : Quand je n’ai pas de regrets, quand je suis content et je sais que je suis allé jusqu’au bout. J’entends souvent qu’on pourrait toujours aller plus loin, et ça m’énerve. Pour moi, c’est quelque chose qui est complètement faux parce que je sais exactement quand mes films doivent s’arrêter. Je le sens dans mes tripes et ce n’est pas quelque chose d’intellectuel. Le moment où je ressens la fin, c’est souvent un moment que je ressens physiologiquement. Il y a un moment où on s’arrête, et cette décision-là appartient à l’auteur.

Je suis toujours très content de revoir mes films, ça me permet de me rappeler ce qui a marché, de retrouver des raisons, des contraintes. Je ferai tout pour que la liberté et l’expérimentation que j’ai eues dans le court se retrouve dans le long métrage. Ma priorité, c’est de maintenir vivante la flamme de ce processus créatif, plus que le résultat.

Il y a des films que j’aime bien regarder en ce moment. Par exemple, les films de Wang Bing, où la démesure temporelle de neuf heures constitue une vraie expérience. J’aime bien le cinéma de Dupieux aussi. Ou encore les clips engagés du groupe russe IC3PEAK. Ce sont des objets hors normes. C’est ça qui me plaît. Ce que je sens, c’est que leur priorité première, ce n’est pas la diffusion, c’est d’abord la création. J’ai l’espoir que, si on va jusqu’au bout de ses idées tout en accueillant les retours des gens, on arrivera à créer quelque chose d’inédit qui sera accepté comme tel. C’est ce que tout le monde recherche, mais c’est ce dont tout le monde a peur.

Propos recueillis par Katia Bayer. Mise en forme : Agathe Arnaud

Article associé : la critique du film

Histoire d’en savoir plus sur les courts des César 2022

Animation, documentaire et fiction. Retrouvez nos interviews, reportages & news sur les talents repérés aux César du court 2022. Avec dessins et films en ligne, en mode surprise, dans certains articles. Chic.

Nos interviews :

Elie Girard, réalisateur de Les Mauvais Garçons, César du Meilleur court-métrage

Ismaël Joffroy Chandoutis, réalisateur de Maalbeek, César du Meilleur court-métrage documentaire

Marine Laclotte, réalisatrice de Folie douce, folie dure, César du Meilleur court-métrage d’animation

Paul Mas, réalisateur de Précieux, en lice pour le César du Meilleur court-métrage d’animation

Jimmy Laporal-Trésor, réalisateur de Soldat noir, en lice pour le César du Meilleur court-métrage de fiction

– Saïd Hamich, réalisateur de Le Départ, en lice pour le César du Meilleur court-métrage de fiction

Nos reportages :

– Les écritures documentaires aux César du court 2022

– Entre fiction et animation, 5 coups de coeur courts avant les César 2022

– Focus sur 5 courts de fiction présélectionnés aux César 2022

Nos actus :

– Les courts primés aux César 2022

– César 2022, quels sont les courts nommés ?

Marine Laclotte : « Le dessin en mouvement, c’est mon moyen d’expression »

Ce vendredi-là, Marine Laclotte repartait de la cérémonie des César avec un trophée pour son court-métrage Folie douce, folie dure. Ce documentaire animé raconte le quotidien d’un hôpital psychiatrique avec douceur et justesse. On en ressort ému et avec le sentiment fort de mieux comprendre ceux qui, d’habitude, nous font peur. Le regard tendre que Marine Laclotte leur porte dresse un portrait sincère. Pourtant, seules les prises de son sont réelles !

Format Court : Est-ce que tu peux me décrire en quelques mots ton parcours avant ce film ainsi que tes envies de cinéma ?

Marine Laclotte : Lorsque je suis sortie de l’école (EMCA, Angoulême), j’ai été sélectionné par Tant Mieux Prod et France Télévision pour réaliser un court métrage pour la saison 02 de la collection « En sortant de l’école », qui produit chaque année 13 films de courts métrages rendant hommage à un.e poète.sse. français.e.

Cette belle expérience m’a permis de rencontrer beaucoup de professionnels de l’animation, dont Christian Pfohl de Lardux Films, qui a produit Folie douce, folie dure. C’est en 2015 que j’ai commencé à écrire ce film, après avoir livré mon court-métrage Papier Buvard, basé sur le poème du même nom de Robert Desnos.

J’ai mis 4 ans à fabriquer Folie douce, folie dure, entre la première aide à l’écriture et la livraison du film. Mais cette fabrication a été entrecoupée d’autres expériences en tant que technicienne sur de beaux projets qui m’ont nourrie. J’ai même eu le plaisir de porter la casquette de superviseuse artistique et technique sur la saison 6 d’« En sortant de l’école », 4 ans après y avoir participé moi-même en tant que réalisatrice. J’ai eu beaucoup de chance dans mon parcours, j’ai rencontré les bonnes personnes et elles m’ont fait confiance très vite.

Mes envies de cinéma sont liées à mon envie de raconter des histoires ! Et ce plaisir-là, je l’ai en moi depuis ma petite enfance ! J’ai commencé le théâtre à trois ans et j’ai arrêté lorsque notre troupe s’est décousue, à 18 ans, puisque nous nous envolions tous, après le baccalauréat vers des études différentes, à Lille pour moi, à ce moment-là…en DMA Cinéma d’animation à l’ESAAT. Puis, j’ai rencontré la forme de « documentaire animé » grâce à un atelier organisé par l’EMCA, lorsque j’étais en deuxième année. Il nous a été proposé de faire un court métrage en collaboration avec un étudiant du CREADOC (Master de documentaire). À ce moment-là, j’ai réalisé Ginette, un court-métrage de 4 minutes, avec Benoît Allard. Il avait au préalable réalisé un documentaire sonore qui interrogeait différentes femmes sur leur place dans le milieu paysan. Ginette, l’une d’entre elles, m’a beaucoup touchée. J’ai ressenti toutes ses émotions simplement grâce au son, à sa voix, à sa façon de parler…

J’ai fabriqué l’image animée sur un nouveau montage que Benoît avait remanié pour les besoins du film. J’ai adoré travailler comme ça, à partir d’enregistrements réels. J’ai senti très vite l’intérêt de l’animation pour transposer une émotion en image, pour faire revivre un souvenir, ainsi que les jeux de mises en scène que me permettait ce format. Je m’étais libérée des codes classiques de mise en scène pour inventer un langage graphique qui interagissait avec la voix qui témoigne. La combinaison du dessin en mouvement et du son documentaire était alors très forte, à mon sens. Je me suis dit à ce moment-là que je recommencerais dès que possible à travailler ainsi, en m’offrant cette fois la chance d’aller à la rencontre des personnes dont parle le film.
Comment as-tu trouvé le sujet de Folie douce, folie dure ? D’où vient ton envie de filmer ce lieu et ces personnes ?

M. L. : Ce sujet était évident pour moi. Mon film de fin d’étude Franck Krabbi abordait déjà la douce folie, à travers le portrait d’un homme obsessionnel et isolé dans son monde poétique et décalé.

J’ai grandi à Cadillac, en Gironde. Cette ville abrite un grand hôpital psychiatrique dans lequel ma mère travaille comme assistante sociale. Depuis l’enfance, elle me raconte les personnes qu’elle accompagne, avec un discours attendri. A Cadillac, des personnes un peu étranges ou différentes se promènent dans les rues et, la plupart du temps, les passants s’en écartent. Mais, en quête de lien social et souvent tout sourire, ces personnes venaient discuter avec ma mère qui échangeait avec eux très naturellement. Je me suis vite rendue compte qu’il n’y avait pas de danger. Ce film, c’était aussi un prétexte pour aller moi-même à la rencontre de ces personnes. J’avais le sentiment que je ferais de belles rencontres !

Comment se sont passées les rencontres avec les gens de l’hôpital ?

M.L. : Je suis allée à la rencontre de plusieurs institutions et de plusieurs cadres de santé en leur sein, pour cibler les unités de soins qui m’intéressaient.
Globalement, le projet était très bien accueilli, notamment parce qu’il s’agissait d’un documentaire animé et que le dessin allait protéger les personnes de leur propre image et décaler un peu le regard.
Ensuite, les équipes soignantes ont été très accueillantes. J’ai compris rapidement que cela leur faisait aussi du bien qu’un film se propose de poser un regard valorisant sur leurs métiers.
Les personnes en soins ont été plutôt très contentes de voir de nouveaux visages, surtout que nous étions « neutres ». Nous n’étions pas là pour porter un regard médical sur elles. Nous avons pu assez vite faire partie du paysage quotidien sans que cela ne soit perturbant, je crois, et faire connaissance.

Tu n’apparais pas du tout dans le film. Tu t’effaces pour faire le portrait du lieu et des personnes qui l’habitent. Pourquoi ce choix ?

M.L. : C’est vrai. Je ne souhaitais pas mettre en scène ma rencontre avec ces personnes, mais plutôt les éclairer, eux : raconter leur quotidien, partager leur sensibilité, leur rire…à travers le film. Ces personnes m’ont touchées… et me touchent encore. C’est ça que j’ai souhaité partager avec le public.

Comment s’est passée la concrétisation du film : le tournage, l’écriture, puis le dessin et la réalisation ? La recherche de financements impose souvent de travailler selon un schéma classique d’étapes de réalisation. Comment cela s’est-il passé pour toi ?

M.L. : En effet, c’est toute la difficulté de ce format. On a besoin de tourner pour pouvoir écrire et c’est une étape qui coûte ! Mais c’est déjà ce que connaît le monde du documentaire, j’imagine. Il y a une phrase que j’aime bien qui dit : «  En fiction, le scénario fait le récit ; en documentaire le vécu fait le scénario. ». C’est une façon de travailler que j’ai découvert grâce à ce film et dans laquelle je me retrouve, mais c’est sûr que pour obtenir des financements, ça ne simplifie pas la tâche.

Pour le tournage, j’avais reçu une aide à l’écriture de la région Poitou-Charentes, mais pas celle du CNC. Je pense que mon dossier, rédigé avant le tournage, devait laisser trop de flou sur ce que contiendrait le film. Pour couvrir les dépenses du tournage, j’ai alors réalisé une campagne de crowdfunding. La campagne a bien marché, mais j’ai trouvé cette démarche très difficile. Pour que ça décolle, il faut activer son premier cercle qui est forcément celui de la famille et des ami.e.s. En vrai, c’est un peu culpabilisant de demander de l’argent à ces personnes-là. Puis petit à petit, un grand nombre d’associations et/ou de familles de personnes ayant des troubles mentaux, des soignants ou autres personnes sensibles au sujet, ont participé à la campagne en accompagnant leurs dons de messages très touchants et encourageant ma démarche. À ce moment-là, j’ai pris un peu peur. Je n’avais encore rien fait et énormément de personnes croyaient déjà au projet. J’ai réalisé que c’était quand même une sacrée responsabilité de faire ce film.

Par la suite et une fois que nous avions la matière sonore, le film a été assez bien financé. Au niveau des chaînes TV, nous n’avons pas réussi à signer de pré-achat, surtout à cause du format qui ne rentrait ni dans la case de court métrage d’animation (qui ne finance que de la fiction pour certaines chaînes), ni dans celle du documentaire, puisque c’était de l’animation. Le film était un peu hors catégorie…Mais j’ose imaginer que les choses ont évolué et que les chaînes décloisonnent un peu leurs cases !

Avais-tu d’autres supports sur lesquels t’appuyer pour dessiner comme des photos, des textes ? Ou est-ce que le dessin s’est inventé tout seul en partant seulement du son ?

M.L. : Lors du tournage, je n’ai capté que du son. Pas de photos, pas de vidéos, et très peu de dessins car je n’avais pas le temps de faire des croquis ! Finalement, ces choix ont servi le film, je pense. Une fois que nous avons monté la bande-son du film avec le merveilleux monteur de documentaires Claude Clorennec, j’ai fabriqué l’animatique directement sur le son. Toutes mes émotions étaient intactes, ravivées par nos prises de sons, très immersives. Tout me revenait en mémoire, les visages, les lieux, les gestes…Ma mémoire évacuait le superflu pour ne reconstruire que l’essentiel. C’est ce qui a guidé ma mise en scène.

Tu as fait le choix – audacieux – de partir du son comme seul matériel de réel enregistré et d’ajouter “par-dessus” des images dessinées. Pourquoi avoir choisi le format du documentaire animé ?

M.L. : J’ai choisi ce format avant tout parce que c’est ce que j’aime faire. Le dessin en mouvement, c’est mon moyen d’expression, mon langage cinématographique. Mais pour ce film, le dessin était d’autant plus justifié qu’il m’a permis de mettre en images des sensations ressenties. Ces représentations graphiques nous permettent d’entrer en empathie plus facilement que l’image filmée, sans filtre. C’est la magie de l’animation !

Ton dessin est un peu caricatural, il est très inventif et s’éloigne souvent d’une représentation classique du réel. Est-ce que tu considères pour autant ton film comme un documentaire “naturaliste”, qui se rapproche au mieux de la réalité ?

M.L. : Un film propose forcément un regard subjectif. Ici, c’est mon regard sur ces personnes. J’ai essayé d’être juste et de ne pas dénaturer ou porter préjudice à leur image. D’ailleurs, j’ai eu beaucoup de mal à me lâcher sur le style de dessin, sur les design des personnages. Je dessinais des personnes qui existent et j’avais cette responsabilité-là, de ne pas les caricaturer justement. Mais sans parler du « style graphique », je crois que ce qui confère au film une certaine « justesse », ce sont les gestes, les regards, les expressions des corps, des visages, les sensations…que j’ai observés attentivement pendant le tournage et que j’ai pris grand soin de mettre en scène dans le film.

Propos recueillis par Agathe Arnaud

Paul Mas : « J’aime bien les zones grises morales »

Précieux est le premier film professionnel de Paul Mas. Filmé en stop-motion, ce court-métrage d’animation qui concourait pour les César 2022 nous fait entrer dans la dure réalité de la cour de récréation. Là où les moqueries, les jugements et la conformation sociale commencent à naître. Nous avons rencontré le jeune cinéaste. Il revient sur son parcours et ses deux premiers films qui laissent entrevoir une carrière prometteuse. 

Format Court : Être nommé aux César à 25 ans, pour son premier film, c’est un très bon début. Qu’as-tu ressenti à l’annonce de la nomination ?

Paul Mas : C’est la première fois que je suis sélectionné dans une compétition plus institutionnelle, plus suivie également par le grand public. Ce n’est pas du tout le même registre que les festivals d’animation dans lesquels j’ai pu précédemment présenter mes films. Le milieu de l’animation est bien spécifique et un peu niche. Ça fait à la fois très plaisir d’être légitimé par une telle instance que celle des César, et en même temps c’est totalement différent de ce dont j’ai l’habitude.

Connaissais-tu déjà le travail des réalisateurs en lice avec toi ?

P.M. : Pas tous. J’ai fait la même école, l’EMCA, que Marine Laclotte, la réalisatrice de Folie douce, folie dure (ayant reçu depuis notre entretien le César du meilleur court d’animation 2022). Elle était en troisième année, et moi en première. Elle avait réalisé le film FrancK Krabi, sur un type avec des crabes. Il y avait une collaboration entre les première et troisième années, et on pouvait aller donner un coup de main aux réalisateurs. Et en vrai, on voulait tous travailler avec Marine parce que le projet était génial. Du coup, c’est hyper marrant de se recroiser maintenant.

Justement en parlant d’école, peux-tu dresser ton parcours en quelques mots ?

P.M. : L’animation en stop motion, c’est quelque chose que je pratique depuis un long moment. C’était vraiment une baffe que j’ai prise quand j’étais ado, vers 13-14 ans. J’ai regardé le making of de L‘Étrange Noël de Monsieur Jack (de Henry Selick) et j’ai été totalement fasciné par la manière de faire le film. Des personnages sortaient de moules en plâtre, et je trouvais ça totalement fou. Du coup, j’ai commencé à en faire moi-même en regardant des tutoriels sur Internet, et je me suis installé un petit atelier dans ma cave. D’ailleurs c’est drôle parce que je n’ai jamais trop changé de lieu : j’y ai réalisé mon premier court-métrage pour le bac et je continue à y travailler aujourd’hui.

J’ai commencé en faisant des marionnettes, j’expérimentais les techniques, je dessinais un peu aussi. Mais c’est vrai qu’en arrivant à l’EMCA, j’ai rapidement confirmé mon choix de la stop motion. Tout le monde dessinait incroyablement bien, et je n’avais aucune envie de me mettre en compétition avec les autres étudiants. Et comme assez peu de personnes faisaient de la stop motion, je me suis dit que c’était pour moi. C’est une technique tellement riche et exigeante que je m’aperçois que j’en suis vraiment qu’au début de mon apprentissage, et que j’ai encore un milliard de choses à apprendre. Je pense qu’une vie, ce n’est même pas suffisant, mais de toute manière je ne me vois pas faire autre chose.

D’ailleurs en sortant de l’EMCA, j’étais content d’avoir terminé mon film de fin d’étude Children, mais je ne me voyais pas forcément en réaliser d’autres. Je voulais surtout travailler en tant que technicien. Du coup, j’ai fait des stages notamment sur La Mort Père et Fils (de Denis Walgenwitz et Winshluss), un film produit chez Je Suis Bien Content. Puis après, j’ai essayé de faire de la stop motion pour d’autres réalisateurs, mais ce n’était pas évident. Du coup, j’ai entamé le travail sur Précieux. Faire un nouveau film à ce moment-là, c’était surtout l’opportunité d’avoir un job. J’ai commencé et puis finalement, j’ai eu d’autres opportunités après.

Dans tes deux films, tu traites de l’enfance et surtout de l’univers terrible de la cour de récréation. Pourquoi ?

P.M. : Ce n’est pas tant l’enfance et l’école que la différence, l’altérité, et le comportement de l’individu face au groupe. Mais j’aime situer mes films à cette période car l’enfance, c’est le moment où on l’apprend pour la première fois. Et finalement, l’apprentissage du rapport et de la conformation au groupe est assez brutal à cet âge. Après on grandit, on intègre ces principes, qu’ils soient bons ou mauvais. On fait avec.

Mais Précieux est loin d’être un film pour enfants. Pendant l’écriture, plus je me remémorais mon expérience personnelle et plus j’interrogeais les personnes autour de moi, plus je réalisais la violence et la dureté des situations que tout un chacun a pu vivre au moins une fois durant son enfance, à plus ou moins grand degré. Ce n’est vraiment pas drôle du tout. Je pense que ces conversations ont servi à nourrir le ton du film. Finalement, les adultes sont plus touchés quand ces rapports de force concernent des enfants, ça leur va droit au cœur. Mais finalement, est-ce réellement moins dur après ?

Dans ton précédent film Children (2016), la fin est violente et radicale. On en vient à la mort. Finalement, tu t’es adouci dans Précieux, pourquoi ?

P.M. : Avec un peu de recul, je trouve que mon film de fin d’études est vraiment sombre. J’ai l’impression que sur les premiers films, tous les réalisateurs ont une tendance à augmenter le curseur de dureté. Ça s’inscrit certainement dans une peur de ne pas être légitime. Pour Précieux, je ne trouve pas que la fin soit si horrible. C’est révoltant, mais c’est aussi la vie.

Dans Children, je joue beaucoup sur les questions de moralité. Je n’ai pas envie de provoquer ça, parce que je n’ai pas envie de prendre le spectateur en otage. Mais l’idée, c’est effectivement de prendre un petit biais sur les choses, de laisser entrevoir un autre angle. Je montre des réalités plurielles. J’aime bien les zones grises morales.

Est-ce plus facile d’aborder ces sujets par le biais de l’animation ?

P.M. : Je ne crois pas que l’animation en tant que médium permette d’aborder certains sujets plus facilement que d’autres.

Une seule fois pendant la réalisation, je me suis fait la réflexion que l’animation était plus pratique. Mais ça ne concernait pas le sujet en lui-même, uniquement le jeu des acteurs : les cabines de la piscine. Dans cette scène du film un petit garçon et une petite fille se retrouvent seuls dans une cabine. Le petit garçon est en serviette et fait une crise d’angoisse car il a oublié son maillot. La petite fille essaie de le consoler, et ce moment-là, la serviette du petit garçon tombe et il se retrouve nu.

Honnêtement, j’aurais été incapable de demander ça à deux jeunes enfants en live. Ça aurait été hyper gênant pour moi, certainement traumatisant pour eux. En réalité, dans Précieux, le live aurait rendu le rapport aux comédiens très compliqué. Ici, je trouve que l’animation est plus accommodante.

As-tu déjà d’autres projets en tête ou te laisses-tu un peu de temps ?

P.M. : En ce moment je travaille sur un Short Cut, un court-métrage d’une minute, pour Arte sur les oiseaux d’Hitchcock. Après Précieux, pendant le confinement, j’en ai profité pour renforcer un peu mon atelier. Comme tout le monde à cette période, j’ai regardé beaucoup de films. Je me suis d’ailleurs rendu compte que les films vers lesquels je me tournais naturellement étaient des films fantastiques et assez grand public, avec des codes bien particuliers. Du coup, j’ai commencé à travailler sur un nouveau projet qui mélange stop-motion, science-fiction, comédie… C’est génial parce que j’apprends de nouvelles manières de faire des histoires, de nouveaux codes et c’est super excitant ! J’espère qu’on trouvera les financements pour produire le film.

Propos recueillis par Anne-Sophie Bertrand

B comme Bestia

Fiche technique

Synopsis : 1975. Ingrid travaille pour l’agence de renseignements chilienne. Sa relation avec son chien, son corps, ses peurs et ses frustrations révèle la fracture brutale de son esprit et du pays tout entier.

Genre : Animation

Durée : 15′

Pays : Chili

Année : 2021

Réalisation : Hugo Covarrubias

Scénario : Martín Erazo, Hugo Covarrubias

Animation : Hugo Covarrubias

Image : Hugo Covarrubias

Musique : Ángela Acuña

Montage : Hugo Covarrubias

Production : Trebol 3, Maleza Estudio

Article associé : la critique du film

Bestia de Hugo Covarrubias

Prix du meilleur court-métrage d’animation à Clermont-Ferrand en 2022, en lice pour les Oscars 2022, Bestia de Hugo Covarrubias, a rencontré de nombreux succès dans les festivals de courts-métrages à l’international depuis sa sortie en 2021. Le film était également en compétition lors de la troisième édition du Festival Format Court en novembre dernier lors duquel il a reçu la mention spéciale du Jury Presse.

Qui est la Bestia ?

Glaçant. Le premier mot qui vient pour décrire ce court d’animation de 15 minutes qui révèle un personnage que le public connait peu : Ingrid Olderöck. Cette fille d’immigrés allemands affiliés au nazisme, née au Chili et agente de la police secrète du pays pendant la dictature de Augusto Pinochet, plus connue sous l’alias « La mujer de los perros », a commis de multiples actes de barbarie envers les opposants du régime chilien de l’époque. Morte en 2001, elle n’a jamais été juridiquement reconnue coupable de ses crimes. Hugo Covarrubias a choisi de mettre en lumière son histoire et de l’exposer au plus grand nombre car une partie de la population chilienne et internationale reste dans le déni et l’ignorance des événements cruels qui se sont déroulés à cette époque dans le pays.

Pour la réalisation de ce film, Hugo Covarrubias s’est appuyé sur le livre de Nancy Gùzman “Ingrid Olderöck the Woman with the Dogs” paru en 2014. Si Bestia n’est pas uxfne adaptation à proprement parlé de cet ouvrage, le court-métrage se sert des diverses informations, interviews et témoignages portés à la connaissance de Nancy Gùzman pour décortiquer le personnage complexe qu’était la tortionnaire, et corroborer l’histoire narrée dans Bestia.

Le récit d’une vie ordinaire et sordide

Les premières scènes de Bestia semblent banales. Le bruit d’un avion, le plan fixe sur un plateau repas, une femme fumant ses cigarettes au-dessus des nuages nous ramenant avant les années 2000. Rien d’anormal ou plutôt rien de plus ordinaire. Oui, mais c’est finalement sur un visage que se rabat l’image : coupe carrée, visage disgracieux fait de porcelaine vernie semi-fissurée et troué à la tempe… Quelle est l’histoire de cette femme dont le profil atypique nous interroge ?

 

C’est dans ce destin que Hugo Covarrubias nous embarque, dans la dualité de ce personnage. Un quotidien qui semble tout aussi paisible que routinier. Réveil, petit dej, boulot, dodo. Mais peu à peu la bestia se révèle plus sombre, plus torturée et de moins en moins « humaine ». La lumière se fait sur sa vie où s’accumulent ordre, secrets et violences. De plus en plus visibles, les actions d’Ingrid mènent de l’indifférence, à la peur et au dégout.

Image sans voix : entre rêves et paranoïa

Tout l’histoire de Bestia se construit sans voix. On observe contentieusement, les moindres détails qui pourraient nous ramener à une histoire que nous connaissons. Avec une subtilité remarquable, Hugo Covarrubias fait naître une atmosphère anxiogène par la colorisation et le rythme des plans, l’alternance des scènes avec une présence musicale brutale et dérangeante (signée par Ángela Acuña), et d’autres totalement vierges de son. Grâce à ces enchaînements, on entre dans la psyché de Ingrid Olderöck, sans la comprendre et surtout sans vouloir le faire, entre colère, hallucination, paranoïa et perversion.

Il aura fallu 3 ans et demi à Hugo Covarrubias pour réaliser ce film et condensé dans cette animation de 15 minutes, qu’il a co-écrite avec Martín Erazo, la violence des agents de la dictature chilienne, et particulièrement celui de cette « femme aux chiens ». Ce film politique est à la fois bouleversant et écœurant. En tout cas, la motivation premier d’Hugo Covarrubias est respectée : il y a peu de chance que vous oubliez Ingrid Olderöck après avoir vu Bestia.

Anne-Sophie Bertrand

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Partir un jour de Amélie Bonnin

Et si votre passé vous retrouvait entre deux paquets de biscuits dans une innocente aile de supermarché ?

Partir un jour, César du meilleur court-métrage de fiction 2023,  est une histoire de souvenirs et d’oublis, de passé et de futur, de courage et de peur, d’amour et d’indifférence. Ce court-métrage, sélectionné entre autres au Festival de Namur, à Paris Courts Devant, à Villeurbanne, a remporté le prix de la critique, du public et d’interprétation au festival Off Courts de Trouville ainsi que le prix du public et celui de la meilleure musique originale à Clermont-Ferrand.

Dans ce film musical d’Amélie Bonnin, on retrouve Bastien Bouillon dans le rôle de Julien, François Rollin et Lorella Cravotta dans celui des parents, et Juliette Armanet, dans celui de Caroline, l’amour de jeunesse de Julien.

Amélie Bonnin parle de “film musical” car il est en effet parsemé de chansons sans vraiment être une comédie musicale à part entière. La réalisatrice se crée un genre pour son récit, qui lui permet de traduire une multitude de sentiments à la fois. Les dialogues et les chansons du film se marient très bien, ils sont même complémentaires, l’un ne pourrait exister sans l’autre.

Entre « Partir un jour », de Pénélope Marcelin, en passant par « L’Encre de tes yeux », de Francis Cabrel et « Bye Bye », de Ménélik, le voyage s’effectue entre les styles musicaux, les hauts et bas d’une relation, de l’amour, de la vie. Avec un rap léger qui traduit un jeune amour perdu, les paroles de Cabrel exprimant ce que seule la poésie peut, Amélie Bonnin réussit à passer d’une intensité à l’autre, avec une douceur qui se veut violente et vice-versa.

Julien revient à Cormolain, son village natal, pour aider ses parents à déménager. Un autre weekend banal pour cet écrivain, qui esquive les critiques sanglantes de son père et se raccroche aux paroles plates de sa mère. Mais la vie a ses tournants, et ils se trouvent souvent là où on ne les attend pas.

Julien retrouve en effet Caroline, son amour de jeunesse dans un supermarché, et après un après-midi d’hésitation, il se décide à passer quelques heures avec elle. Cette nuit, les deux âmes se retrouvent et recouvrent une part de leur jeunesse, évoquant leurs jours passés et leur futur.

À cette histoire d’amour se joint tout un débat sur les classes sociales modernes et le regard que l’on porte sur elles. D’un côté Gérard, le père de Julien, qui se définit comme un « bouseux de province » et de l’autre Caroline, l’amour oublié de Julien, qui travaille dans un supermarché.

Une simplicité environnante très rassurante se dégage de ce court-métrage, où l’on se rend compte qu’aucune vie n’est magique, ou plutôt banale. De plus, l’esthétique choisie par Bonnin renforce ce réalisme passionné : une majorité de plans filmés en caméra épaule, donnant une certaine intimité, sont accompagnés d’un son cru et matériel. Un format 4/3 présentant également des plans plus larges, laisse le spectateur découvrir des décors si ordinaires qu’ils semblent finalement magiques.

Un homme tiraillé entre ses racines et ses objectifs. Partir un jour. Voilà ce que Julien veut faire à tout prix. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait, et pourtant il revient là où tout a commencé. Partir n’est parfois pas assez, et certaines choses restent à jamais. Mais ce n’est peut-être pas plus mal. Il faut apprendre à vivre avec certaines choses, afin de consolider notre armure pour stopper une éventuelle dégradation. Partir, c’est à la fois une solution, une conséquence, une cause, fuir, oser, s’aventurer, oublier…Partir, c’est vivre.

Nino Bullich

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Article associé : l’interview de la réalisatrice

P comme Partir un jour

Fiche technique

Synopsis : Julien revient à son village natal pour aider ses parents à déménager. Alors qu’il était partit il y a longtemps, il va retrouver chez lui des souvenirs qu’il croyait avoir laissé derrière.

Genre : Fiction

Durée : 25′

Pays : France

Année : 2021

Réalisation : Amélie Bonnin

Scénario : Amélie Bonnin et Dimitri Lucas

Image : David Cailley

Son : Alix Clément

Montage : Audrey Bauduin

Interprétation : Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin, Lorella Cravotta

Production : Topshot Films

Articles associés : la critique du film, l’interview de la réalisatrice

Les courts primés aux César 2022

Ce vendredi 25 février 2022, la 47ème cérémonie des César, pilotée par Antoine de Caunes, a primé 3 courts-métrages en fiction, animation et documentaire. Les 3 réalisateurs.trices récompensés avaient participé à nos différents After Short César organisés en partenariat avec l’ESRA.

Voici les films primés :

César du Meilleur court-métrage de fiction : Les Mauvais Garçons d’Elie Girard

César du Meilleur court-métrage d’animation : Folie douce, folie dure de Marine Laclotte

César du Meilleur court-métrage documentaire : Maalbeek de Ismaël Joffroy Chandoutis

Les écritures documentaires aux César du court 2022

La 47e Cérémonie des César, qui se tient ce vendredi, le 25 février, voit le retour d’une récompense qui n’avait pas été décernée depuis 1991 : le César du meilleur court-métrage documentaire. Ce César a été remis, de 1977 à 1991, à des cinéastes comme Agnès Varda, Chris Marker, Marceline Loridan et Joris Ivens, Georges Rouquier ou encore Raymond Depardon, à deux reprises.

Cette année, quatre films sont nommés dans cette catégorie. Leurs durées sont extrêmement différentes, de 8 à 59 minutes. Ce sont cependant surtout leurs formes qui témoignent d’une remarquable variété. Peut-être est-ce dû à la jeunesse du prix, sans doute davantage aux caractéristiques propres du cinéma documentaire, aux frontières difficilement définissable. Quoiqu’il en soit, les quatre films nommés dans la catégorie du César du meilleur court-métrage documentaire entretiennent un rapport au réel qui leur est propre. Chacun d’eux témoigne d’une manière particulière de faire du cinéma documentaire.

America de Giacomo Abbruzzese est une enquête sur une histoire familiale : le réalisateur se penche sur la vie de son grand-père, qui a quitté sa femme et ses enfants en Italie au milieu des années 1950 pour vivre aux États-Unis. Il revient en particulier sur les circonstances mystérieuses de la mort de celui-ci. Des quatre films en compétition, America est le seul dans lequel le réalisateur, moteur de l’enquête comme du film, se met en scène. Celui-ci est présent dans la voix off mais apparaît également à l’occasion de plusieurs discussions en vidéoconférence. Le cinéaste utilise également des archives : des photographies et des vidéos appartenant à sa famille pour donner vie au disparu, et des archives plus générales (essentiellement des vues de New York) qui constituent en quelque sorte un contrepoint des premières et dressent le portrait d’une société et d’une époque. Avec America, Giacomo Abbruzzese écrit une page de l’histoire de l’immigration italienne aux États-Unis et des conditions de vie des italo-américains des années 1950 aux années 1970. Giacomo Abbruzzese a déjà réalisé des documentaires (Fame) et des fictions (Stella Maris, I santi), America est le premier film dans lequel il se met en scène et s’intéresse à une histoire personnelle. Il vient de terminer le tournage de son premier long-métrage de fiction, Disco Boy.

La Fin des rois de Rémi Brachet est le documentaire de la sélection le plus proche du cinéma direct. En filmant des infirmières donnant naissance à des enfants, des employés municipaux aidant les habitants de logements insalubres, des footballeuses à l’entraînement et en plein match, Rémi Brachet réalise la chronique d’un lieu, Clichy-sous-Bois. Au montage, toutes ces séquences s’alternent en parallèle d’un fil narratif plus présent, qui suit un atelier de théâtre dans un lycée. Les lycéens et lycéennes travaillent sur une pièce autour de l’assassinat du roi Chilpéric 1er dans la forêt de Bondy, au VIe siècle. Les lycéennes écrivent des rôles féminins forts et redonnent aux femmes la place que l’histoire ne leur a pas donnée. Le titre est une métaphore : à l’hôpital, dans les logements, sur le terrain, au théâtre, les femmes prennent le pouvoir, quand elles ne règnent pas déjà. À toutes ces séquences filmées en cinéma direct s’ajoutent l’ouverture et la fin du film, des séquences de fiction, elles aussi sont le résultat d’un travail d’atelier, réalisé lors de la résidence CLÉA de Rémi Brachet aux Ateliers Médicis à Clichy-sous-Bois/Montfermeil. La Fin des rois est le troisième film de son réalisateur et son premier documentaire. Il est également scénariste (diplômé de la Fémis en scénario), assistant réalisateur et technicien effets spéciaux.

Les Antilopes de Maxime Martinot est à la frontière entre le documentaire et le cinéma expérimental. Le film est un montage entièrement réalisé à partir d’images trouvées sur internet. Il commence avec des images d’antilopes filmées en plongée, la voix off est une lecture d’un texte de Marguerite Duras sur un suicide collectif, d’antilopes précisément. Les plans sont longs, les mouvements amples et délicats. Puis la musique grince et le dispositif est dévoilé : toutes les images du film sont des prises de vues de drones. Lorsque les antilopes sont filmées, ne sont-elles pas également traquées, chassées ? Les Antilopes part du poétique pour s’inscrire dans le politique : Maxime Martinot termine son film par un plaidoyer contre la prolifération des drones dans l’indifférence générale. À la fois film essai (comme le précédent film du cinéaste, Histoire de la révolution) et found footage réemployant des archives internet, Les Antilopes est une critique de la violence des images volées et une fascinante expérience cinématographique.

Maalbeek d’Ismaël Joffroy Chandoutis, qui avait remporté le Prix de la Presse à notre Festival Format Court, commence par une image abstraite qui prend peu à peu la forme d’un métro. Cette image, c’est celle que recherche Sabine, rescapée de l’attentat à la station de métro Maalbeek, à Bruxelles, le 22 mars 2016. Dans le film, Sabine témoigne de sa recherche d’une image manquante, de son impossibilité à reconstituer sa mémoire à partir des images de l’événement. Ce témoignage s’accompagne d’images virtuelles animées qui s’approchent de la représentation mentale, presque onirique, d’un événement passé. La forme originale de Maalbeek, confrontation d’un témoignage et d’images numériques, est proche de celle de Swatted, le précédent film d’Ismaël Joffroy Chandoutis, dont les images proviennent d’un jeu vidéo. Nommé l’année dernière pour le César du meilleur court-métrage d’animation avec Swatted, Ismaël Joffroy Chandoutis navigue entre les catégories avec un cinéma aux frontières poreuses. Il travaille actuellement sur son premier long-métrage, Deep Fake, autour des identités numériques.

Qu’il soit construit autour d’une voix off ou uniquement en son direct, qu’il souligne la présence du cinéaste à l’image et au son, ou au contraire que celui-ci s’efface derrière le cadrage et le montage, qu’il soit composé uniquement d’images d’archives ou de prises de vues inédites, chaque film de la compétition pour le César du meilleur court-métrage documentaire témoigne d’une écriture qui lui est propre et offre un remarquable florilège du paysage documentaire contemporain. Verdict demain soir lors de la remise des prix…

Paul Lhiabastres

Jimmy Laporal-Trésor : « Le cinéma est un outil très puissant pour poser des questions de fond »

Soldat Noir de Jimmy Laporal-Trésor raconte l’histoire de Hugues, un adolescent, qui se rend compte, dans les années 80, que la pigmentation de sa peau a une importance pour la société dans laquelle il vit. C’est le début d’une prise de conscience nourrie par la colère. Ce film de Jimmy Laporal-Trésor, ayant démarré sa carrière à la Semaine de la Critique 2021, fait partie des 5 courts films nommés aux César dans la catégorie meilleur court-métrage de fiction.

À la veille de la cérémonie, Jimmy Laporal-Trésor nous parle de son parcours, de ses influences, de la nécessité de parler de certains sujets du cinéma aujourd’hui et de sa façon de travailler. Sont également convoqués dans cet entretien, ses co-scénaristes, son producteur et les interrogations qui l’anime.

Format Court : Quel a été ton parcours jusqu’à Soldat noir ?

Jimmy Laporal-Trésor : Je suis rentré dans le métier en tant que scénariste il y a une dizaine d’années sur un projet qui s’appelle La Cité rose et qui a eu son petit succès critique. Après, on a enchaîné avec Julien Abraham, le réalisateur, un deuxième film qui s’appelait Mon frère, qui est sorti en 2019. Entre les deux, j’ai monté une boîte de production avec un pote, Sébastien Birchler, qui s’appelait « Watchyourback ». En attendant que les projets se fassent, on avait envie d’expérimenter des choses. On a ainsi produit mon premier court, Le Baiser puis 2 autres courts (Boom Boom de Steve Tran, Libérable de David Ribeiro). L’idée, c’était vraiment de se faire plaisir et de ne pas attendre. Et puis, sur ma route j’ai rencontré Manuel Chiche, un peu avant que Mon frère sorte. Il m’a proposé d’écrire un film, un long-métrage qui s’appellerait Rascals. À la base, je ne devais pas forcément le réaliser. Il pensait qu’un premier film, d’époque, en costumes, avec de l’action, c’était peut-être un peu compliqué pour un jeune metteur en scène, ne serait-ce que pour rassurer les financiers. Au départ, ce n’était pas prévu. Et puis, au fil de la collaboration, il a changé d’avis, il m’a dit un jour : « non, c’est toi qui va faire le film, ça va peut-être être compliqué à financer, mais c’est toi qui va le faire et j’aimerais bien que tu refasses un court avant ». J’ai dit : « ok on y va ». Et ça a donné Soldat noir.

Que représente pour toi le court-métrage ?

JL-T : Le court-métrage, c’est vraiment quelque chose de très personnel. Je ne sais pas si tout le monde partage ça, mais pour moi, c’est vraiment un art à part entière. Souvent, je fais le lien avec les nouvelles et les romans. La nouvelle, c’est vraiment un courant littéraire à part entière. On ne peut lire que des nouvelles si on veut et prendre beaucoup de plaisir à en lire et ce n’est pas du tout la même chose que de lire un roman.

Je pense la même chose pour le court-métrage et le long-métrage. Je ne conçois pas le court métrage comme étant un passage obligé pour faire un long. Je le vois vraiment comme un champ d’expérimentation pour raconter un certain type d’histoires que l’on ne pourrait pas raconter dans un long. Pour raconter un film en court, il faut vraiment trouver une histoire qui peut se raconter vite, de manière un peu vive, un peu directe, un peu frontale même je dirais. C’est ça qui m’intéresse dans le court-métrage. Et effectivement, ça permet d’expérimenter des choses qu’on n’a pas forcément le loisir de faire en long-métrage parce que il n’y a pas les mêmes enjeux économiques, et donc pas la même pression. On a donc plus de place pour respirer. Ca ne me semble pas incompatible de faire des longs et arrêter les courts. Je pense que l’on peut faire les deux, passer de l’un à l’autre, selon ce qu’on a à dire.

Pourquoi était-ce nécessaire de raconter l’histoire de Soldat noir ?

JL-T : Tout au début, quand on a commencé à collaborer avec Manuel Chiche et mon équipe de co-scénaristes Sébastien Birchler et Virak Thun, on est arrivé avec une idée de série qui parlait de la jeunesse qui chassait les skins. Avec mes camarades, on est né à la fin des années 70. Dans le milieu et la fin des années 80, c’était vraiment la grande époque des skinheads qui faisaient un peu régner la terreur dans certains quartiers de Paris. Et il y a eu cette jeunesse qui s’était organisée en bande pour aller chasser le skin et sécuriser certains quartiers. Pour nous, c’était « nos grands » qui étaient concernés et qui faisaient l’objet de sujets de conversations qu’on avait dans la cour de récréation. On se racontait toutes les rumeurs, tous les faits divers qui s’étaient passés dans Paris. C’est un truc qui est resté dans ma tête pendant très longtemps et que j’ai oublié par la suite. Un jour, je suis tombé sur un livre de photos qui s’appelle « Viking et panthère » de Gilles-Elie Cohen. Un livre de photos, ça n’a rien à voir avec les chasseurs de skins mais ça montrait en fait les bandes du début des années 80. En feuilletant le bouquin, ça a ravivé ces souvenirs de gosse. C’est vrai qu’à l’époque, il y avait des bandes à Paris avec des mecs incroyables qui avaient des styles, qui faisaient peur. On ne pouvait pas aller à Châtelet, à République ou à Montparnasse. J’ai appelé mes potes et je leur ai proposé de raconter une histoire sur ce sujet. Quand on discute avec les gamins qui ont 20 ans, pour eux, ça n’a jamais existé et au mieux, ils nous prennent pour des mythos quand on leur en parle. Alors que pour moi, c’est la mémoire de Paris, ça raconte aussi un autre Paris qui n’était pas celui d’aujourd’hui qui est très propre. C’est un Paris qui était un peu crade dans certains quartiers, qui était aussi un peu un coupe-gorge parfois et j’avais envie de raconter ce Paris d’où l’on vient, notre patrimoine culturel et urbain. Du coup, on a commencé à écrire un projet de série qui a plu à Manuel Chiche. Et quand on a écrit le long-métrage, bizarrement, on est parti sur une autre histoire. Quand Manuel m’a demandé si je voulais faire un court, j’ai repensé à cette histoire de chasseurs de skins. Avec mes camarades, on avait justement une histoire qui permettait de raconter ça de manière concise, une ligne droite, un truc assez rugueux.

À travers le personnage de Hugues, qui est le personnage principal de ton film, est-ce qu’il y a une part autobiographique ? Qu’est-ce que tu as mis de toi dans ce projet ?

JL-T : Ce que j’ai mis de moi là-dedans, c’est ma colère. Celle de réaliser un jour que je n’étais pas considéré comme un citoyen à part entière. Ça m’est arrivé beaucoup plus tard que Hugues. Finalement, il est beaucoup plus précoce que moi car il l’apprend quand il a seulement 17 ans. Moi, je me suis mangé ça en pleine tronche quand je suis sorti du système scolaire. J’avais la chance d’être bon élève. Même si j’ai grandi dans un quartier populaire, j’ai vécu avec ma grand-mère, on était pas du tout riches, mais j’étais plutôt le mec du quartier qui disait qu’il ne fallait pas se plaindre, que si on voulait faire des choses, il fallait juste se bouger. Mes copains me disaient qu’en tant que noirs et arabes, c’était compliqué, je leur répondais que ça l’était parce qu’ils le voulaient bien. À l’école, ça se passait bien. J’étais en plus plutôt populaire parce que j’étais marrant, bon élève, sympa. On se référait toujours à moi avec des qualificatifs qui étaient plutôt plaisants, mais qui n’avaient jamais de rapport avec ma couleur de peau. Je sors du système scolaire avec ma maîtrise de communication et là je me rends compte que pour la société, la pigmentation de la peau à son importance. Et de fait, je tombe des nues parce que je n’ai jamais eu ça en tête. Je cherche un appartement, c’est compliqué. Trouvé un boulot, aussi. Je me retrouve à me faire contrôler par la police alors que je suis le genre de mec qui n’a jamais fait de conneries. Il y a des humiliations un peu au quotidien, comme ça. Et là, je me rends compte que je pensais qu’on avait des problèmes avec la police ou la société en général seulement si on se comportait mal. Si on se comportait bien normalement, c’est la même chose pour tout le monde. Quand je me suis rendu compte que c’était à cause de la couleur de ma peau, j’ai été en colère pendant très longtemps parce que j’ai vraiment vécu ça comme une injustice profonde. Ça a nourri le personnage de Hugues qui se rend compte de cette injustice.

Comment travailles-tu avec tes co-scénaristes ?

JL-T : Comme je te l’ai dit, à la base, je suis scénariste. J’ai appris le métier de la narration en passant par l’écriture. Je ne peux pas écrire une scène si je ne la vois pas. Même quand je n’’étais que scénariste pour La Cité rose et Mon frère, si je n’arrivais pas à visualiser les séquences, je ne pouvais pas les écrire. Ça, c’est un principe de base : déjà, à l’écriture, il y a des images qui se créent quand on lit le scénario. Je travaille avec Seb et Virak que je connais depuis longtemps. On a fait partie du même collectif à l’époque (« Renoash ») quand j’étais encore en maîtrise en cinéma. On faisait plein de courts-métrages, c’était un laboratoire de pleins de trucs, pas super bons (sourire), mais en tout cas, on a vraiment kiffé cette expérience, ça nous a appris pas mal de choses. Quand on écrit, quand on se raconte des scènes, on se demande ce qu’on va voir. Ça nous permet d’écrire un premier scénario qui est déjà une base commune. On écrit ce scénario a plusieurs mains. En général, je passe derrière une première fois. Après, on fonctionne étape par étape. On sépare les choses. Et après, je reprends toutes les parties pour qu’il y ait une espèce de cohérence littéraire dans le scénario. Là, je m’investis comme scénariste. Je suis juste scénariste comme mes camarades. Et après, seul, je découpe, je rafistole ce qu’on a écrit, je remodèle car il y a des choses qu’on écrit qui ont finalement du mal à fonctionner en termes de mise en scène. C’est le travail de réécriture que normalement tout réalisateur doit faire quand il s’approprie un scénario.

Est-ce que tu penses que le sujet de Soldat noir est peu ou pas assez représenté dans le cinéma aujourd’hui, notamment dans l’époque que tu filmes, celles des années 80 ?

JL-T : Ce type de film d’époque et même de film qui questionne le racisme et l’histoire de notre société confrontée au racisme, il y en a très peu en fait. Je suis en train de chercher des films qui traitent de ça sans toutefois passer par le prisme « banlieue/banlieusards » car Soldat noir ne parle pas du tout de ça, et je ne suis même pas sur qu’il y en ait. Mon film parle d’un gamin qui se rend compté que la couleur de peau a une importance pour la société.

Les Anglais, les Américains, même les Espagnols, n’ont pas de mal à faire des films qui questionnent leur histoire un peu plus sombre. Nous, à part à part la Seconde Guerre mondiale, on a du mal à parler de tout le reste. Je trouve ça dommage parce que finalement, c’est notre histoire. J’ai l’impression que quand on aborde ces sujets-là, il y a une espèce de suspicion. On suspecte les auteurs et les réalisateurs de ne pas aimer leur pays alors que non en fait, j’aime mon pays, j’en parle. Il n’y a pas de mauvais sujets. Quand on voit la société d’aujourd’hui, on se dit souvent que pour parler du présent, c’est bien de parler du passé. Ça nous permet de voir qu’il y a des erreurs à ne pas refaire. On est en plein dedans là avec la montée de l’extreme-droite et même la pensée de l’extrême-droite qui s’est plutôt normalisée. Parler des années 80 où il y avait une lutte antiraciste avec SOS Racisme ou même des choses plus rugueuse avec ces bandes qui s’organisaient dans la rue, c’est une façon de dire qu’à un moment donné, notre société refusait ça, ne voulait pas prendre la mauvaise direction. Et finalement, on n’a pas écouté, pas appris. Je me rappelle que quand j’étais petit, Jean-Marie Le Pen était diabolisé C’est un mec qui disait que les chambres à gaz étaient un détail de l’histoire et aujourd’hui, il y a des gens qui se permettent de dire des choses horribles et « c’est normal », personne n’apprend des leçons du passé.

Ça me questionne vraiment sur la société dans laquelle on vit. Ce n’est pas une question de couleur. On nous dit que le racisme, ça ne concerne que les Noirs, les Arabes et les asiatiques. Alors que le racisme c’est une vraie question, un vrai problème de société.C’est un problème, c’est un danger pour le vivre ensemble. On vit dans le même pays, c’est notre pays à nous, on vit tous ici avec nos origines. On participe tous à la même société. On parle tous la même langue et on est bien content aussi de goûter aux spécificités locales de chacun. C’est ce qui fait la richesse du pays et c’est ce qui a toujours crée la richesse de la France. Ça me fait peur d’entendre des gens dire : « Non, ce n’est pas ça la France ». Moi, vraiment, ça me questionne. Il suffit de regarder notre histoire. Dans toutes les strates de la société, que ce soit au niveau des artistes, des hommes politiques ou des grandes personnalités de notre histoire, il y a eu des gens de tous les horizons qui n’étaient pas forcément comme on dit des « français de souche ». Ce qui fait la grandeur de notre pays et on ne peut pas remettre ça en question. Pour paraphraser Fritz Lang, le cinéma rassemble les gens dans une même salle, la première chose qu’on a à faire, c’est de les divertir. C’est la moindre des choses : les gens payent leur place. Mais ce n’est pas parce que on fait ça, que derrière, on n’a pas la responsabilité d’essayer de nourrir leur esprit avec une nouvelle façon de voir la société, de poser des questions de fond sur la façon dont elle fonctionne et dysfonctionne. Le cinéma, c’est un outil très puissant parce que finalement, sans faire la morale, on peut poser des questions. Et c’est dommage de réduire le cinéma et d’avoir peur de poser des questions de fond.

Ça te fait quoi de te retrouver dans les cinq nommés aux Césars ?

JL-T : La première chose bien sûr, c’est que je suis fier, je suis super heureux. Ça c’est indéniable. Je me dis aussi que Soldat noir est un film particulier qui, à la base, a été compliqué à faire. Naïvement, au début quand on a commencé à le faire, je me suis dit que c’était un film sur l’antiracisme, qu’on pourrait le faire facilement. Ça n’a pas été si simple. Qu’on ait réussi à le faire le film, ça a été un miracle. Après la sélection à la Semaine de la critique, ça a été super. Et là, les César, symboliquement pour moi, c’est l’industrie qui te dit que l’on a besoin de ce type de films. C’est un vrai encouragement. On peut faire du cinéma autrement. Faire du cinéma, justement, qui interroge la société, qui pose des questions pertinentes, qui peuvent être des dérangeantes, mais qui sont essentielles pour tout simplement continuer à vivre dans le pays qu’on aime. On a une devise quand même très forte : « Liberté, égalité, fraternité » qui est souvent bafouée en ce moment. Pouvoir questionner notre société par rapport à cette devise à travers la fiction, je trouve que c’est très fort et que c’est essentiel. Cette nomination aux Cesar me donne l’impression qu’on me dit : « T’as raison, continue à le faire ».

Quel est la suite pour toi ?

JL-T : Déja Rascals qui sort le 23 novembre prochain. Là on finit le mixage. On espère être pris à Cannes. Ce serait bien. Ensuite, en parallèle, il y a l’adaptation de Soldat noir en série qui s’appellera Black Mamba qu’on est en train de developer avec Canal +. Là c’est pareil, c’est une nouvelle aventure qui commence : on commence à écrire. Enfin, je me remets à l’écriture de mon prochain film Mai 67 qui traite d’un fait divers qui s’est déroulé en Guadeloupe en mai 67. Des ouvriers en bâtiment étaient en grève. Ils demandaient juste à être augmentés. Ironie du sort : ils demandaient 2% d’augmentation. Ça a été refusé, ça a fini en bain de sang et après, ils ont obtenu 20% d’augmentation. La gendarmerie nationale a tiré sur eux alors qu’ils étaient des citoyens français. Il y a eu une centaine de morts, ça s’est fait dans le plus grand silence. C’est un oubli de l’histoire.

Propos recueillis par Damien Carlet

Entre fiction et animation, 5 coups de cœur courts avant les César 2022

À quelques jours de la cérémonie des César 2022, Format Court vous propose de (re)découvrir (après un premier reportage publié il y a un mois dans lequel seul Le Départ de Saïd Hamich reste en lice) un florilège de jeunes talents que nous avons le plaisir de suivre et dont les courts-métrages singuliers, profonds et émouvants, font preuve d’une grande diversité aussi bien stylistique que thématique.

Avec Les Mauvais Garçons (entre temps récompensé du César 2022 du meilleur court, depuis notre article), Elie Girard, auteur de nombreux courts-métrages, également en développement d’un projet de long, signe un premier moyen-métrage à la fois vif et mélancolique, sentimental et contemplatif, ayant pour sujet l’amitié entre de jeunes hommes se connaissant depuis le lycée, et qui approchent de la trentaine.

Un soir de février, Victor, Guillaume et Cyprien courent pour échapper à une forte pluie et trouvent refuge dans un snack au coin de la rue. Le « Milles et une Nuits » est l’adresse de leurs rendez-vous hebdomadaires, et ce soir comme tous les autres, ils s’attablent autour d’une bière et de plusieurs barquettes de frites. Tel un petit cocon chaleureux aux papiers peints oranges, ce lieu se rappelle de toutes les joies, malheurs et secrets confiés par notre trio d’habitués. Cet effet d’enfermement non-claustrophobique, très agréable au contraire, est subtilement rendu grâce aux plans filmés depuis l’extérieur à travers la vitrine. La caméra d’Elie Girard magnifie les clairs-obscurs de la ville nocturne, créant des beaux plans, qui rappellent par l’utilisation des couleurs l’ambiance conviviale du café de My Blueberry Nights de Wong Kar-Wai.

Sortant de son sac trempé une bouteille de champagne, Victor (Jonas Bloquet) annonce joyeusement la nouvelle à ses amis : sa compagne et lui-même vont bientôt devenir parents. Dès lors, leur équipe n’est plus au complet : le futur papa ne se rend plus au snack ni pour regarder un match de NBA, ni pour amener ses amis à la crémaillère de son propre cousin, malgré ses promesses. Guillaume (Raphaël Quenard) et Cyprien (Aurélien Gabrielli) se retrouvent alors dans un même bateau de célibataires. Durant leurs conversations, outre les regrets, les questionnements, les taquineries et les réévaluations, surgit une prise de conscience face à l’arrivée prochaine d’un bébé : les voilà maintenant, devenus des véritables adultes. Ils ont des choses à se dire, parfois difficiles, mais qu’ils devront assumer, car c’est là l’essence de toute amitié qui se cultive. Le moyen-métrage capte les dialogues nourris d’aisance frappante, sans jamais paraître bavard. Les acteurs Raphaël Quenard et Aurélien Gabrielli rendent palpable le lien fort qui unit leurs personnages, avec une interprétation tendre et sincère, dans un scénario qui évite soigneusement les clichés éculés du genre du buddy movie.

Avec Des Gens Bien, le réalisateur Maxime Roy (dont le premier long-métrage, Les Héroïques, est sorti en salle en octobre dernier), réussit un drame intimiste et charmant, tissé de réalisme. Diffusé à notre Festival Format Court 2021, le film raconte l’histoire de Manon (Clara Ponsot) enceinte de 8 mois, qui se débat au milieu des problèmes financiers, administratifs et familiaux. Ceux-ci pèsent lourd sur sa santé morale. Contre toutes recommandations qu’on fait généralement aux femmes enceintes, elle vit dans un monde où la tranquillité semble inatteignable. Les tribulations se succèdent sans lui accorder le moindre répit : Pôle emploi conteste le virement qu’elle vient de recevoir, son grand-père est sur le point de mourir, sa relation avec Ludo, le futur papa (interprété par Maxime Roy lui-même), est soumise à l’épreuve des difficultés financières. Arriveront-ils tous deux à résister au stress et à l’anxiété face à ces événements alors que la naissance de l’enfant se rapproche de jour en jour ? Contre toute attente, la fin du film laisse le spectateur dans l’expectative, mais laisse planer l’espoir. Co-écrit avec Clara Ponsot, elle-même criante de vérité dans le rôle de Manon, Des Gens Bien joue avec nos émotions, entre empathie, inquiétude et tendresse.

L’Age tendre, réalisé par Julien Gaspar-Oliveri raconte l’histoire de Diane, 16 ans, une ado typique, qui cherche à s’émanciper au plus vite et explore les possibles dans l’excès et la provocation, en quête d’identité et de féminité. Son quotidien, entre la maison et le lycée, se remplit d’expériences nouvelles : les premiers flirts, une grosse soirée de camarades de classe, la peur face au sentiment étrange de l’éveil du désir. Bien que souvent livrée à elle-même, la jeune fille vit une relation fusionnelle avec sa mère, célibataire permissive et désinvolte, qui ne pose aucune limite. Si l’une préfère au rôle maternel celui de sa sœur ainée ou de copine et cultive leur ressemblance, l’autre cherche, au contraire, à se démarquer en colorant pour la première fois ses cheveux bruns en blond.

La couleur est ratée, métaphore évidente de la tentative d’émancipation encore trop précoce. Lorsque dans la scène finale, on voit Diane en pleurs se réconforter sur les genoux de sa mère, son portrait se complète d’une façon logique. Derrière la tenue vulgaire et les talons à paillettes, se cache une petite fille fragile en manque d’affection maternelle.

La jeune actrice Noée Abita (nommée pour le César 2022 du Meilleur Espoir Féminin, pour Slalom de Charlène Favier) parvient à exprimer avec justesse les frustrations et les tournements qu’accompagnent cet âge tendre, et même frivole, pourtant marqué par l’aquisition de nouveaux rôles et responsabilités. Bien que cette thématique soit suffisamment explorée par le cinéma français, son interprétation solaire inspire autant de l’énergie dans ce teen movie, qu’on aurait voulu voir les mêmes pistes scénaristiques posées dans un format plus long.

Dans son court-métrage d’animation Empty Places, Geoffroy de Crécy crée un monde imaginaire coloré, où les lieux comme les aéroports, les supermarchés, les bureaux, les restaurants et piscines, se retrouvent totalement vidés d’êtres humains. Le spectateur est exposé à travers une série de plans statiques, au ballet hypnotique des machines qui tournent en rond, tout comme le disque de La Sonate au clair de lune de Beethoven qui fournit la musique diégétique. Cette bande sonore vise à renforcer le sentiment de pensivité mélancolique, induite par les images animées et par un mouvement répétitif produit par les machines (imprimantes, escalators, arroseurs automatiques, tapis roulants …). Le temps semble s’étirer à l’infini pris au piège dans l’attente de quelque chose qui briserait enfin cette monotonie. Réalisé peu de temps avant le confinement, Empty Places acquiert une résonance particulière dans le contexte de la pandémie, et prédit, en quelques sortes, une nouvelle réalité.

Ces lieux « de passage » qu’on n’a jamais eu l’habitude de voir déserts, Geoffroy de Crécy les conçoit aussi en référence au peintre étasunien Edward Hopper. Ce dernier avait également un attrait particulier pour les espaces identifiés par l’anthropologue Marc Augé comme « des non-lieux », avec une absence de repères spatio-temporels, qui n’appellent pas à y rester indéfiniment.

Empty Places fait se succéder des machines privées des humains et prisonnières de leurs mouvements perpétuels. Derrière une aussi simple idée, se découvre un propos richement universel : le film cherche à mettre en valeur un mouvement utopique, qui touche du doigt l’idée de la mort. Le même cercle sans fin mortifère qu’étudiait en son temps le road movie classique hollywoodien.

Réalisé par Sandrine Stoïanov et Jean-Charles Finck, Le Monde en soi est un court-métrage d’animation bouleversant, traitant de l’hypersensibilité de l’artiste. L’héroïne principale est une jeune peintre montmartroise qui prépare sa première exposition. Face à cet évènement important, tiraillée entre la nécessité de travailler dans l’intimité de son imaginaire et celle de ressortir dans la rue pour prendre les transports bondés, elle n’arrive plus à maîtriser le stress, la fatigue, l’exigence excessive envers soi-même, la peur de la page blanche … Les hallucinations inspirées par ses propres dessins surviennent et commencent à dominer son esprit fragile. Le dessin tout en aquarelles nous immerge pleinement dans la perception et les sensations de l’artiste et de son quotidien en pleine tempête : aux fragments de vie chaotique, se mêlent de soudains épisodes de lévitation. Doublement engloutie, aussi bien par une foule réelle que par un flot de couleurs, l’artiste est accompagnée par son alter ego, sous la forme d’une figure féminine dénudée, à la beauté parfaite. Le film donne lieu à une image très frappante, et une mise à nu de l’âme d’artiste.

Hospitalisée, la jeune femme est plongée dans un profond désarroi, indiqué par l’absence de couleurs chez elle, comme dans le décor blanc et stérile de sa chambre. Mais après avoir reçu une boîte à couleurs d’un patient anonyme, elle commence, grâce à l’objet à la fois dangereux et salvateur, à reprendre vie. La crise cède la place à la créativité. Le Monde en soi est une œuvre émotionnellement saturée, car décidément très personnelle, qui explore les puissances et les faiblesses d’un cerveau captivé par un talent extraordinaire.

Polina Khachaturova

Nicolae de Mihai Grecu, Meilleur court français 2021 selon le SFCC

Il y a quelques jours, nous vous parlions des 3 films en lice pour le Prix du Meilleur film de court métrage 2021, établi par le Jury court-métrage, composé de journalistes et membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma (SFCC).

Hier soir, à la Cinémathèque française, ce Jury, composé de Valérie Ganne, Pascal Le Duff, Francis Gavelle, Grégory Marouzé et Katia Bayer, Présidente du Jury (et créatrice de Format Court), a annoncé le lauréat : il s’agit de Nicolae réalisé par le cinéaste roumain Mihai Grecu et produit par Barberousse Films. Le Jury a souhaité récompenser « un film sur un retour. Le film primé est un moyen-métrage abordant la question du souvenir, un film mélangeant technologies, humour et bocaux à cornichons. Un film qui questionne la démocratie au moyen du virtuel » a évoqué Katia Bayer avant d’attribuer le prix au cinéaste et à son producteur. Mihai Grecu avait déjà intéressé notre site par le passé à travers plusieurs courts : The Reflection of Power, We’ll become oil  et Centipède Sun.

La Nuée de Just Philippot

En lice pour le César du premier film, La Nuée de Just Philippot est une œuvre ambitieuse, hybride, à la frontière des genres. Nous vous proposons de redécouvrir le film à travers le coffret DVD et Blu-Ray récemment édité par la société Capricci, agrémenté de bonus, de scènes coupées, des interviews de l’équipe de réalisation, des effets spéciaux et de deux précédents courts-métrages du réalisateur. Nous vous offrons même 3 exemplaires de ce coffret pour les plus rapides.

Il y a déjà sept ans, Just Philippot dévoilait Ses Souffles, court-métrage dans lequel nous suivions les rêves de Lizon, coincée entre les quatre portes de sa maison – la voiture de sa mère – et Karine, une mère éreintée, qui peinait à joindre les deux bouts. En 2018, le réalisateur nous étonnait avec son troisième court-métrage Acide, où la tension et les maux d’un territoire périclitant sous un nuage toxique nous étaient propulsés en pleine figure en moins de vingt minutes.

Pour son premier long-métrage, il se montre plus réservé dans l’horreur, préférant un naturalisme légèrement mâtiné de fantastique au service d’une diégèse vraisemblable pour défendre un propos de société. Cette œuvre hybride portée par des acteur.rice.s habiles – Suliane Brahim et Marie Narbonne en tête – étonnera les curieux par sa forme sans convaincre totalement les aficionados du genre horrifique et gore.

Initié par un appel à projets porté par le CNC pour peu ou prou renouveler le film de genre en France, le film de Just Philippot estampillé Semaine de la Critique 2020 esquisse le portrait d’une armada de sauterelles sanguinaires sans jamais se laisser porter ou déstabiliser par les impératifs du genre.

La Nuée est un projet cinématographique pluriel défendu par une équipe de scénaristes, Jérôme Genevray et Franck Victor, d’un réalisateur Just Philippot, d’Antoine Moulineau et Pierre-Olivier Persin, l’un est un talentueux superviseur des effets visuels dont le talent s’exporte à l’international – The Dark Knight, Avatar – et l’autre un esthète des effets spéciaux de maquillage. S’ajoutent deux producteurs ambitieux, Thierry Lounas – Capricci – et Manuel Chiche – The Jokers – pour relater l’abnégation toute personnelle d’une mère qui tente de ne pas faire faillite sur fond de thriller fantastique.

Laura (Marie Narbonne) et Gaston (Raphaël Romand) grandissent dans une ferme isolée avec leur mère célibataire Virginie (Suliane Brahim) – les contours de la disparition du père au milieu de ses chèvres n’étant jamais clairement évoqués -, persuadée que les sauterelles comestibles représentent l’avenir face à la catastrophe alimentaire des prochaines décennies. Réduites en farine ou grillées et aromatisées, leur richesse nutritive est sans égale et leur exploitation économe en eau finit de la convaincre de la pertinence d’un dessein auquel personne ne croit.

La réalité économique la rattrape rapidement, le prix d’achat de sa farine est constamment revu à la baisse par ses acheteurs tandis que ses rendements sont trop faibles et ne peuvent coller aux attentes d’un marché ultralibéral. De plus, les sauterelles ne semblent pas décidées à se reproduire, elles meurent prématurément, l’exploitation va alors de mal en pis. Prise d’un accès de rage suite à une énième humiliation auprès d’un acquéreur, Virginie envisage de détruire la serre où grandissent les insectes et se blesse avant de perdre connaissance. Lorsqu’elle revient à elle, les insectes paraissent se délecter de son sang. À cet instant commence pour la protagoniste une lente descente aux enfers dans un asservissement charnel et insensé qui mettra sa famille en danger.

Le trio familial entretient des relations contrastées avec les orthoptères ; l’aînée les exècre, déteste cette vie faite de sacrifices, de rafistolages, un mode de vie alternatif où la marge se veut normalité et dans lequel ses camarades se jouent d’elle et des choix de sa mère. Gaston, lui, adopte une attitude plus nuancée et montre un réel intérêt pour ces bêtes qu’il scrute avec minutie au travers de son vivarium.

Difficile d’apposer un épithète sur la relation de Virginie aux sauterelles, ni passionnée ni opportuniste, elle y voit seulement le moyen écologique de préserver la planète et de nourrir le monde de demain. Elle se trompe, au lieu de ça elle contribuera – à une échelle très minime – à le détruire par la menace qu’elle fomente malgré elle.

L’un des points forts du long-métrage est d’entretenir tout du long l’ambiguïté sur la menace planante, de son origine à son incarnation. D’où vient-elle ? S’incarne-t-elle sous les traits de Virginie qui donne corps et sang à ses sauterelles ?

L’appétit des sauterelles pour le sang existe en dehors des limites du récit et c’est Virginie qui le découvre et le perpétue. La protagoniste devient-elle pour autant monstrueuse ? Non, c’est avant tout une femme dépassée, abîmée par les responsabilités et la quête de l’amortissement. Finalement son seul but est de répondre aux besoins de sa famille en alimentant les penchants féroces de son exploitation agricole, un cycle qui ne pourra prendre fin que dans la violence et la destruction. L’horreur tient ici sa place dans le sujet invoqué, elle est économique, sociale, et prend le pas sur le déroulé cinématographique tant le scénario reste plausible et endosse les atours d’une réalité déconcertante. La crédibilité du scénario renforce l’horreur de la situation et nous amène à repenser le flegme de ces petits animaux chantants.

Jamais le réalisateur ne prend le parti du gore ou de l’horrifique et se détourne ainsi du film de genre généralement admis – il n’a rien d’un film d’exploitation mais s’épanouit plutôt dans un doux équilibre entre le fantastique vraisemblable et le naturalisme. La nuée est effrayante par sa multitude, son nombre mais aussi par sa sonorité imposante – à ce titre les bourdonnements croissants des sauterelles lorsqu’approche une victime et leur enracinement dans le paysage sonore de la ferme sont remarquables par leur intensité et leur justesse – mais pas par son individualité. Seule, la sauterelle – ou plus exactement le criquet migrateur casté pour le film – même en gros plan, ne revêt pas un caractère monstrueux mais plutôt fascinant, elle s’impose par une présence amplifiée mais rappelle au spectateur que seule elle est toujours inoffensive.

Si les intentions sont louables et plutôt bonnes, l’on regrette parfois le manque de profondeur de certains arcs narratifs comme la relation avec Karim – Sofian Khammes, excellent acteur aperçu dans Acide – ou encore la scène à la plage qui en substance n’apportent que peu de corps au récit. Mais l’on retiendra surtout une remarquable première œuvre, un réalisateur à l’écoute de ses personnages et de ses acteurs et l’on ne peut que se réjouir de le voir s’atteler à la préparation actuelle de son second long-métrage qui n’est autre que le développement d’Acide.

Léa Vezzosi

La Nuée de Just Philippot : combo Blu-ray + DVD. Edition Capprici.  Film et bonus : courts Ses souffles et Acide,  commentaire audio de l’équipe du film, présentation des films par Just Philippot, effets spéciaux expliqués par Antoine Moulineau, entretien croisé entre Christophe Lavelle (CNRS) et Just Philippot, entretien avec Jérôme Genevray et Franck Victor, scènes coupées et commentées, storyboard du film par Giuseppe Liotti

Saïd Hamich : « Réaliser a été une nécessité »

Le Départ de Saïd Hamich fait partie des 5 films nommés au César du meilleur court-métrage 2022. Cette chronique ultra maîtrisée relatant le départ d’un enfant (Adil, 11 ans), déchiré entre sa terre natale, le Maroc, et son nouveau pays, la France, avait remporté un prix d’interprétation pour son jeune acteur (Ayam Rachdane) et une Mention spéciale pour l’ensemble des acteurs du film lors de notre Festival Format Court (novembre 2021, Paris). Le film sera à nouveau diffusé le 7 avril prochain à l’occasion de la reprise de notre palmarès au Studio des Ursulines.

A quelques jours de la cérémonie des César, Saïd Hamich revient sur son premier film (Retour à Bollène, un long) et son premier métier, producteur, totalement compatible avec celui de réalisateur. Il est également question dans cet entretien d’expérimentation, de registres, d’intuition, de confiance mutuelle et de regards portés vers le long-métrage.

© Gabriel Renault

Format Court : Qu’est-ce qui t’a incité à te lancer dans la production et créer une boîte de production alors que tu étais encore à la Fémis ?

Saïd Hamich : A la Fémis, la plupart des producteurs qu’on rencontre sont souvent très installés. Ce sont des grands producteurs et des grandes productrices. Le modèle est un peu écrasant, mais souvent, les producteurs qu’on y rencontre sont des entrepreneurs : ce sont des gens qui ont monté leur boîte. Je pense qu’inconsciemment, le modèle de monter sa boîte et de produire du cinéma indépendant est majoritaire. Après moi, j’ai monté ma boîte (Barney Production) de manière un peu inconsciente, mais de manière très intuitive. Je voulais vraiment faire ça. Je l’ai montée quand j’étais encore à l’école. A la Fémis, on a une chance inouïe et on ne s’en rend compte que bien après : un producteur n’existe que par les réalisateurs et les réalisatrices qu’il produits. On ne se rend pas compte de la chance qu’on a d’appartenir à une génération qui nous permet de nous lancer. Il ne s’agit pas forcément de gens qu’on va produire toute notre vie, mais bien de gens qui nous permettent de faire le premier pas. Moi, j’ai commencé par produire Leyla Bouzid, Xavier Sirven, Vincent Tricon, Kamal Lazraq. Ce ne sont que des gens de ma promotion. C’est par eux que je me suis retrouvé à produire d’autres personnes. J’ai produit quatre films de Vincent Tricon, deux films de Xavier Sirven, deux films de Kamal Lazraq. Là, je produis son long, je développe le premier long de Vincent Tricon, donc il y a une espèce de continuité.

Dans ton parcours, tu as commencé par réaliser un long, Retour à Bollène, et puis, tu es passé au court-métrage. C’est bien dur de démarrer par un long-métrage et de faire un court après. C’est lié à quoi ?

S.H. : Le fait de réaliser a été une nécessité. Un an avant Retour à Bollène, je ne savais même pas que je voulais faire ce film. J’ai grandi dans cette ville. J’y ai passé quatre ans charnière de ma vie pendant l’adolescence. Je n’ai pas eu d’adolescence malheureuse mais j’ai vraiment eu de la rancœur vis-à-vis de cette ville. Quand ma mère a décidé de partir de Bollène, c’était plutôt une bonne nouvelle puisque pour moi, c’est une ville que j’avais associé à une forme de racisme ordinaire, de pauvreté de la communauté maghrébine, du chômage, de la ghettoïsation de plein d’endroits. Du coup, j’étais plutôt content qu’elle s’en aille vivre dans une ville un peu plus grande. Et pourtant, cette nouvelle m’a mis dans une forme de mélancolie un peu bizarre, de tristesse, de nostalgie très, très forte. Le film est venu de là. Comment une ville qu’on rejette peut en même temps représenter une telle identité ? Ce discours plutôt intime sur l’immigration, sur l’identité, j’avais l’impression de ne pas beaucoup le voir. La banlieue, je la voyais plutôt associée à de l’action, à des gangs, à du trafic de drogue, à des choses très rythmées. Je manquais d’une représentation d’un film de banlieue intime avec une déchirure, des silences, des non-dits. Retour à Bollène est né vraiment de cette urgence. J’ai écrit le film très vite. Il s’est tourné très rapidement et ensuite, la durée de ce film s’est imposée. A force de travailler la matière, on est arrivé à 1h7. Le film est sorti en salle avec Pyramide, j’étais plutôt content de l’avoir fait.

Après, je me suis demandé si je voulais continuer à réaliser ou pas. Je me suis posé la question après ce premier film. Je me suis dit que j’allais faire comme tout le monde. J’ai fait un court-métrage financé avec Arte, le CNC, .… A la Fémis, pendant les cours de production, on avait beaucoup de cours de scénario et j’avais un peu commencé à travailler sur cette idée du Départ qui est né d’une scène autobiographique. C’est un film personnel, mais pas autobiographique. La scène finale de l’enfant qui quitte le Maroc est une scène autobiographique : j’avais quitté le Maroc à 11 ans. Progressivement, j’ai écrit le film mais il s’est fait plus dans la réflexion et moins dans l’urgence que dans Retour à Bollène. La question de la durée du Départ est venue après, toute seule au montage.

Quelles qualités associes-tu au court ?

S.H. : Il y a une qualité qui est, pour moi, principale et énorme : c’est celle de l’expérimentation. L’économie du court en France est une chance inouïe de financer de manière structurelle un système de production de courts-métrages, en se basant quasi exclusivement sur des critères artistiques et d’expérimentation. Et nous, en tant que producteurs, on bénéficie aussi de l’aide aux programmes. On peut encore, au-delà des critères sélectifs des commissions, miser sur tel ou tel projet. Sukar, le film de Ilias El Faris, s’est monté par exemple avec l’aide aux programmes. Du coup, c’est un film de dix minutes où il n’y a pas de narration. La vraie force du court métrage, c’est d’expérimenter, de ne pas être contraint par des choix économiques de casting, de ne pas être trop gêné par des questions de durée. Les courts se font aussi avec des économies restreintes, grâce aux contributions des techniciens et des comédiens. Ce n’est pas quelque chose qu’il faut minimiser : les techniciens et les comédiens qui participent aux courts-métrages font un sacrifice énorme. C’est tellement libre dans la pratique que pour moi, c’est une chance inouïe. Par exemple Bab Sebta de Randa Maroufi est un film quasi expérimental dans un hangar sur une reconstitution documentaire d’un lieu, Vincent Tricon réalise un film de montage dans un premier temps, puis Sami La Fugue qui est une fiction vraiment très ancrée dans le réel. On a fait quatre courts métrages ensemble et il expérimente encore des choses, il se cherche. C’est passionnant de suivre ces réalisateurs et de voir comment une personne passe d’un registre à l’autre. On était à la Fémis ensemble, on a fait plusieurs métrages ensemble. Mine de rien, ce n’est pas pareil que de rater un court qu’un long, ça donne plus de liberté, ça a moins d’incidence économique. En réalité, le financement se fait quasi exclusivement sur des critères artistiques.

Est-ce que tu cherches encore des auteurs ou tu te concentres-tu sur les auteurs que tu suis déjà ?

S.H. : Déjà, je ne produis pas seul le court métrage, je travaille avec Sophie Penson. On choisit ensemble. Après, elle gère l’exécutif de la fabrication des courts. C’est la boîte au Maroc ( (Mont Fleuri Production) qui gère l’exécutif des courts au Maroc. Après moi, pour être honnête, j’ai moins de désir sur le court-métrage classique, parce que j’accompagne aussi les réalisateurs sur le long. En fait, je suis presque plus demandeur d’expérimentation que les projets que je reçois. J’essaye vraiment d’aller chercher des courts-métrages atypiques . Ce qui m’intéresse, ce ne sont pas des mini histoires mais des signatures, des réalisateurs et des réalisatrices.

Ça se trouve où ?

S.H. : Je crois que la production se résume quasi exclusivement à l’intuition des personnes. C’est mon approche. Il faut rencontrer les gens et sentir, repérer leur vivacité, leur intelligence. Je produis des gens, je ne produis pas des produits.

Comment perçois-tu cette nomination aux César ?

S.H. : Une sélection, ça fait toujours plaisir (rires). Le Départ a très bien marché, on a fait plus de 100 festivals, il a eu plus de 25 prix. Ça peut être un peu présomptueux, mais je suis content par rapport au film que j’ai fait. Comme c’est aussi très personnel, j’avais besoin de le trouver juste. Du coup, je suis très content de l’expérience. Après, les César, c’est un peu la cerise sur le gâteau. C’est super que les gens l’aient vu, que le comité de présélection l’ait mis dans les 24 films du premier tour, que les votants l’aient gardé dans les 5 nommé.

(…) J’ai envie de continuer à produire et réaliser. La production, c’est vraiment quelque chose que j’ai envie, que j’adore. J’ai monté ma boîte quand j’étais à l’école, ça fait déjà dix ans qu’elle existe et que je suis un producteur à plein temps. En termes de réalisation, il faut que les projets s’imposent à moi. Là, j’ai un projet de long que je voudrais faire. Ça traite toujours de la question de l’exil, cette fois à Marseille dans les années 90, autour de la musique, du raï. C’est un projet qui, tant dans le fond que la forme, me tient à cœur et que je porte depuis longtemps.

Est ce que t’as l’impression que les choses vont mieux pour le court depuis quelques années ?

S.H. : Franchement, je ne sais pas si c’est mieux ou pas. En tout cas, j’ai l’impression que la profession s’est vraiment structurée. Il y a de plus en plus de boîtes de production qui font du long mais qui poursuivent dans le court aussi. Il suffit de voir une société comme Kazak Productions qui gagne une Palme d’or et qui continue encore dans le court. J’ai l’impression de voir chaque année de vrais pros, des courts qui émergent avec une vraie proposition formelle. Là, cette année, je pense par exemple à Dustin de Naïla Guiguet qui incompréhensiblement n’est pas nommé aux César alors que c’est quand même un Grand Prix à Toronto. C’est un film que je trouve assez dingue. Je ne sais pas si c’est un film qui se finance sur du long, mais la proposition en tant que court me satisfait.

C’est un film que tu aurais pu produire, par exemple ?

S.H. : C’est un film que j’aurais aimé produire (rires) mais il a été très bien produit.

J’ai deux questions. Qu’est-ce qui t’a donné envie de produire au Maroc ? Et c’est quoi un film bien produit ?

S.H. : J’ai commencé à produire au Maroc parce que je cherchais un partenaire pour le deuxième court-métrage de Kamal Lazraq, avec qui j’avais fait un moyen métrage, Drari, son film de fin d’études de la Fémis qui avait bien marché (le film avait été primé à la Cinéfondation et avait gagné le Grand Prix à Belfort). Quand on a voulu faire son court-métrage L’homme au chien, on n’a pas trouvé de partenaire qui était vraiment sensible à l’économie du court-métrage tel que nous, on l’envisageait. On ne voulait pas faire un court-métrage en deux jours, rapidement, avec les moyens du bord. On avait vraiment en tête un court métrage ambitieux. Du coup, j’ai monté une boîte de production là-bas (Mont Fleuri Production). On a tourné pendant 10 nuits avec un vrai temps de casting. C’est comme ça que je me suis retrouvé à produire d’abord ce court-métrage, puis à être le producteur exécutif de Hope de Boris Lojkine et de Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore. Je me suis retrouvé à faire de la production exécutive et à produire du cinéma marocain sur place. Dans le cinéma marocain, en tout cas en termes de longs-métrages, il y a des auteurs et même une nouvelle génération : Sofia Alaoui, Yasmine Benkiran ou encore Kamal dont je parlais. Mais en courts-métrages professionnels, ça reste quand même soit des films d’école soit des films assez modestes dans leur économie.

Sinon, un film bien produit, ça, c’est une question ! Il y a trop de données. Est-ce que c’est bien financé ? Bien fabriqué ? Des fois, on peut faire un film pas très bien fabriqué, pas très bien financé, mais on a eu une intuition de départ avec le film…C’est triste pour les producteurs, mais un film bien produit, c’est un bon film.

L’auto-production, on la perçoit comment quand on fait de la production ?

S.H. : Comme en France, il y a ce système d’étiquettes, je pense que ce n’est pas très bien vu de se produire soi-même. Après, je comprends l’idée que quand on réalise un film, c’est bien d’avoir un partenaire qui a du recul. Personnellement, je ne produis pas seul mes films. Le Départ, c’est Sophie qui l’a produit intégralement. Bien évidemment, j’ai des notions de production. Je ne suis pas un réalisateur qui ne sait rien de la production. Je ne peux pas mettre de côté mon cerveau de producteur quand je fais un film. J’ai fait du cinéma parce que j’aimais le cinéma. J’ai fait une école d’art, je n’ai pas fait une école de commerce. Mon rapport à la production est en rapport avec la mise en scène. Après, ce n’est pas un monde de bisounours : il faut avoir des considérations économiques. Mais je fais du cinéma pour le cinéma, pas pour autre chose. Après moi, j’aime bien l’idée que sur mes films, il y ait quelqu’un d’autre avec qui j’échange. Sur le projet de long à Marseille, dans les années 90, on rencontre des coproducteurs. On va certainement le co-produire parce que c’est un film un peu plus ambitieux et qui demande encore plus de recul. L’idée après tout, c’est que la production soit un outil au service du film.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film