Il y a de petits objets géniaux que l’on aurait aimé inventer, le post-it, l’entonnoir pliable. Il y a des titres que l’on aurait aimé imaginer, Les affinités électives, À l’ombre des jeunes filles en fleurs…Et puis des noms, des intitulés, des slogans politiques qui frappent, qui restent. Ainsi en est-il de Premiers Plans, le Festival d’Angers mettant à l’honneur chaque année au mois de février, les premières œuvres, longues, courtes ou moyennes.
Premiers Plans, titre à double sens : premiers plans tournés évidemment, mais aussi référence à l’expression « de premier plan », quelque chose d’important, qui fait l’objet de l’attention générale. Disparaît, avec ce nom astucieux, le côté bancal et imparfait que l’on aurait été tenté d’accoler à un nom comme Festival du Premier Film. Après 21 ans d’existence, sa réputation n’est plus à faire, un nom devenu une référence.
Cette année, outre une centaine de films en compétition, un jury prestigieux, des milliers de spectateurs, des rétrospectives et autres tables rondes, outre tout cela donc, un Président de Jury bien connu pour la section animation : le réalisateur qu’on ne présente plus, Raoul Servais. Et qui mieux que le maître de l’animation belge qui a su hisser le format court au rang de chef-d’œuvre devenu depuis classiques, pour juger des courts métrages d’animation ? Petite balade lui et moi, escortés par le brouillard glacé de la Côte. Là-bas la mer, ici les yeux clairs du magicien d’Ostende… Nos voix qui se perdent.
Au programme des courts d’animation cette année, 24 films venus de toute l’Europe et trois personnes pour en juger, le plasticien et scénographe français Emmanuel Morin, le fondateur et directeur de la boîte de production Caméra Enfants Admis, Jean-Luc Slock, et bien sûr Raoul Servais, Président du Jury. Un Jury qui a décerné le grand prix à « La Peste » de Benoît Galland, Gildas LeFranc, Olivier Du bocage et Michal Firkowski. « Les quatre réalisateurs qui ont fait ce film viennent de l’école Supinfocom de Valenciennes. Ce n’est pas pour l’originalité de l’histoire que nous avons décidé de remettre le prix à ce film, mais bien pour son atmosphère et la technique qui nous ont vraiment séduits. C’est un film d’une grande qualité graphique et qui possède une ambiance très particulière. Ce film, qui dure à peine 5 minutes, met en scène des personnages, qui, pour ne pas être touchés par l’épidémie portent des masques avec de longs museaux. On retrouve déjà ça d’ailleurs dans des gravures du XVIIIème siècle : un masque en forme de bec avec deux trous à l’endroit des yeux. Cela donne aux personnages un aspect totalement monstrueux. Ces gens habillés de noir avec ces masques horribles qui circulent dans les rues, c’est très impressionnant ».
Une description et une atmosphère qui rappellent inévitablement les horribles personnages masqués d’ « Opération X 70 » que Raoul Servais avait créés en 1971. « C’était vraiment mon coup de cœur, c’est vrai, mais c’était aussi celui des autres membres du Jury… Le film a vraiment fait l’unanimité comme je l’ai annoncé lors de la remise du prix. Il se démarquait des autres, même si nous avons vu des choses extrêmement intéressantes. »
24 films d’animation en compétition, et un seul prix à remettre, voilà de quoi frustrer un jury. Une limitation due aux nombreuses sections récompensées (en tout 23 prix pour 5 sections) dont les plus gros reviennent, comme toujours, à la fiction et aux formats longs. « Ce n’est pas évident en effet de ne choisir qu’un film ! J’ai quand même demandé s’il était possible de remettre des mentions spéciales. Il ne s’agit pas d’un prix, mais une mention a le mérite de mettre d’autres films en valeur. C’est une sorte d’encouragement. Nous avons donc décidé de donner deux Mentions Spéciales à des films qui étaient quand même remarquables, « La Vita Nuova » de Christophe Gautry et Arnaud Demuynck et « Orgesticulanismus » de Mathieu Labaye. »
Deux films belges donc dont « Orgesticulanismus » qui avait déjà, au mois de novembre, séduit le jury du festival namurois Média 10-10 en remportant le Meilleur Court Métrage d’Animation et le Prix de la Presse ! Une preuve supplémentaire du talent des animateurs du plat pays ou une solidarité pour la production nationale ? « Quand je regarde un film, je ne fais pas attention à sa provenance. Je le regarde pour ce qu’il est, ce qu’il me donne à voir. Il se trouve que le Jury a décidé de donner ces deux mentions à ces deux films-là parce qu’ils le méritaient vraiment. »
Mais un festival, ce n’est pas seulement des prix et des films, c’est aussi une ambiance. Des festivals, Raoul Servais en a fréquenté des centaines dans le monde entier après 50 ans de carrière. « À Angers, Je n’ai qu’une vue partielle évidemment car je n’ai malheureusement pas pu assister aux séances des autres sections. Ce que j’ai pu voir, c’est qu’il y règne une atmosphère très particulière, sans doute due à la jeunesse du public. Ce festival attire beaucoup de gens, mais surtout des jeunes, la plupart étudiants bien sûr. C’est un festival extrêmement vivant qui facilite les rencontres. L’ambiance bonne enfant me rappelle un peu celle du Festival de Gand qui est aussi un événement qui attire de nombreux étudiants. D’ailleurs, la marraine du festival Premiers Plans d’Angers, Jeanne Moreau, m’avait confié, il y a quelques années, que c’était là les deux festivals qu’elle portait vraiment dans son cœur. »
Un jeune public en demande de nouvelles propositions allant à la rencontre de cinéastes d’une même génération. Voilà une des grandes particularités du Festival d’Angers. « En animation, mais c’est peut-être le cas pour d’autres sections, on sent véritablement une envie d’exploiter de manière inventive les nouvelles technologies. Les jeunes réalisateurs extirpent tout ce qui est possible et imaginable de l’image digitale. J’ai vu des choses vraiment extraordinaires ».
Autre constat. Ce n’est pas évident, lorsqu’on n’a pas encore un nom, de réunir le budget nécessaire à la réalisation d’un film. Une difficulté plus évidente encore lorsqu’il s’agit de courts métrages d’animation qui n’ont que rarement la chance d’être vus hors des festivals. « La plupart des films en compétition à Angers étaient des films de fin d’études. Il est tellement difficile, lorsqu’on sort du circuit scolaire, de faire un film d’auteur. Les moyens sont extrêmement limités, les aides à la production presque inexistantes car le long métrage et les séries télévisées raflent tout. Du coup, la quasi totalité des courts métrages d’animation qui sont réalisés le sont grâce aux écoles. Pour la plupart des films que j’ai pu voir, on sent qu’il s’agit d’un premier film. Il y a un potentiel, mais pas ce n’est pas encore tout à fait abouti : il manque un peu d’expérience, de maturité. Pourtant, pour quelques-uns, on peut dire que tout est déjà là, et ça c’est vraiment quelque chose d’extraordinaire. »
Grand Prix : Everyday Everyday (Tous les jours), de Chui Mui Tan (Malaisie)
Prix Spécial du Jury: L’arbitro (L’arbitre), de Paolo Zucca (Italie)
Prix du Public : Andong, de Rommel Milo Tolentino (Philippines)
Prix du Meilleur Film d’Animation : Seemannstreue (Fidélité de matelot), de Anna Kalus (Autriche, Allemagne)
Prix de la Jeunesse: Luksus, de Jaroslaw Sztandera (Pologne)
Prix Canal+: The Blindness of the Woods (L’obscurité des bois), de Javier Lourenço et Martin Jalfen (Argentine)
Prix des Médiathèques : The Ground Beneath (Le sol sous nos pas), de René Hernandez (Australie)
Prix de la Presse: Andong, de Rommel Milo Tolentino (Philippines)
Prix du Rire « Fernand Raynaud »: Succes (Réussite), de Diederik Ebbinge (Pays-Bas)
Mentions Spéciales du Jury :
– The Woman Who Is Beating the Earth, (La femme qui martèle la Terre), de Tsuki Inoue (Japon)
– Naglinn (Le Clou), de Benedikt Erlingsson (Islande)
– Mention spéciale de Teona Strugar Mitevska, John Smith et de Xian Min Zhang : Three of Us, de Umesh Kulkarni (Inde)
Mention du Jury Jeunes : The Ground Beneath (Le sol sous nos pas), de René Hernandez (Australie)
Mention du Jury Presse : The Ground Beneath (Le sol sous nos pas), de René Hernandez (Australie)
Compétition Labo
Grand Prix : Muto (Muet), de Blu (Italie)
Prix Spécial du Jury : Lila, de Broadcast Club (France)
Prix du Public: Yellow Sticky Notes (Post-it jaunes), de Jeff Chiba Stearns (Canada)
Prix Audi: The Control Master (Le chef contrôle), de Run Wrake (Royaume-Uni)
Prix Canal+ : My Rabit Hoppy (Mon lappin Hoppy), de Anthony Lucas (Australie)
Prix de la Presse Télérama: Lila, de Broadcast Club (France)
Mentions Spéciales du Jury :
– Muro, de Tião (Brésil)
– Inukshuk, de Camillelvis Thery (France)
– Codswallop, de Myles McLeod , Greg M (Royaume-Uni)
Prix Spécial du Jury: C’est plutôt genre Johnny Walker, de Olivier Babinet
Prix du Public: Séance familiale, de Cheng-Chui Kuo
Prix Audi: Dix, de Bif
Prix de la meilleure musique originale (SACEM) : Mei Ling, de Stéphanie Lansaque et François Leroy
Prix de la Meilleure Première Œuvre de Fiction (S.A.C.D.) : Une sauterelle dans le jardin, de Marie-Baptiste Roches
Prix ADAMI d’interprétation Meilleure comédienne: Chloé Berthier, pour La raison de l’autre, de Foued Mansour
Prix ADAMI d’interprétation Meilleur comédien : Jacky Ido, dans Bunker, de Manuel Schapira
Prix du Meilleur Film d’Animation francophone (S.A.C.D.) : Skhizein, de Jérémy Clapin
Prix de la Jeunesse : Corpus/Corpus, de Christophe Loizillon
Prix Canal + : Citizen versus Kane, de Shaun Severi
Prix « Attention Talent » Fnac : Harash (Rêche), de Ismaël El Maoula El Iraki
Prix de la Presse : Alter ego, de Cédric Prévost
Prix Procirep du producteur de court métrage : Aurora Films (Charlotte Vincent)
Mentions Spéciales du Jury :
– L’ Ondée, de David Coquard-Dassault
– Harash, de Ismaël El Maoula El Iraki
– Peau neuve, de Clara Elalouf
– Génocidé, de Stéphane Valentin
Mention Spéciale du Jury Jeunes : Ich bombe, de Daniel Klein
Mention du Jury Presse : Les Paradis perdus, de Hélier Cisterne
Mention Spéciale d’Interprétation du Jury ADAMI : attribuée au comédien Jérémy Azencott, pour Alter ego, de Cedric Prevost
Le 31ème festival international de Clermont-Ferrand vient de s’achever. Format Court y était pour découvrir la sélection 2009, promouvoir le site, nouer des contacts, déguster des canards auvergnats, rejoindre le Jury Presse International, et participer à une table-ronde critique, en direct et en public, sur France Culture.
Retrouvez la 1ère partie de l’émission « Tout arrive ! » d’Arnaud Laporte, diffusée le mercredi 4 février, sur France Culture. Intervenants : Jacques Kermabon, rédacteur en chef de la revue Bref, et Katia Bayer, rédactrice en chef de Format Court.
Synopsis : Une immersion dans la pensée mouride par le biais des œuvres de Thiam, peintre vagabond et mystique, et de rencontres avec les habitants de Saint-Louis.
Synopsis : Suzanne, 37 ans, travaille dans une usine de moutarde. Aujourd’hui, tout au long de la journée de travail à la chaîne, elle va recevoir des messages SMS d’un inconnu. Des messages qui la flatte, qui l’invite, qui la déstabilise.
Genre : Fiction
Durée : 11’05’’
Pays : Belgique
Année : 2008
Réalisation : Julien Monfajon, Baptiste Janon
Scénario : Julien Monfajon, Baptiste Janon
Images : Jérôme Van Grunderbeeck, Stéphane Boissier
Son : Jonathan Lelubre, Luc Frédéric Hanneuse
Montage : Peter Conversano
Mixage : François Dediste et Luc Frédéric Hanneuse
Interprétation : Lara Persain
Production : L’Institut des Arts de la Diffusion (IAD)
Synopsis : C’est par le mouvement qu’on s’approprie sa propre vie. Par la liberté d’aller, de venir, d’avoir des gestes d’amour, de colère, peu importe…
Genre : Animation
Durée : 9’20’’
Pays : Belgique
Année : 2008
Réalisation : Mathieu Labaye
Scénario : Mathieu Labaye
Animation : Mathieu Labaye, Sébastien Godard
Son : Mathieu Labaye
Musique originale et création sonore : Mathieu Labaye, Fabian Fiorini
Voix : Benoît Labaye
Production : Camera-etc, Wallonie Image Production, Digital Graphics
Synopsis : Dans la Taverne de la Forêt, un mulot fabulateur et un peu mythomane raconte ses exploits aux animaux des bois. Insignifiant de prime abord, le mulot est alors la personnalité la plus en vue de la forêt. Mais ce soir-là, le retour à la maison sera plus long que prévu…
Synopsis : Bruno, petit représentant en sapins de Noël musicaux, ne trouve pas le courage de faire cuire un homard et décide de le garder vivant dans la baignoire. Lorsqu’il commence à éprouver des sentiments pour la bête, sa vie se complique.
Genre : Fiction
Durée : 15’
Pays : Suisse
Année : 2008
Réalisation : Simon Nagel
Scénario : Simon Nagel
Images : Andreas Birkle
Son : Simon Graf, Gregg Skerman
Montage : Simon Nagel, Niccolò Castelli
Interprétation : Stephan Witschi, Eleni Haupt, Enzo Scanzi, Stephanie Glaser
Synopsis : Pablo, seize ans, vit seul avec sa mère. Depuis quelques années leur situation financière est difficile. Elle essaye de s’y adapter comme elle peut. Il essaie de continuer comme avant.
Genre : Fiction
Durée : 27’
Pays : France
Année : 2007
Réalisation : Franco Lolli
Scénario : Franco Lolli, Virginie Legeay
Images : Sébastien Hesdin
Son : Matthieu Perrot
Montage : Nicolas Desmaison
Interprétation : Santiago Porras, Marcela Valencia, Luis Fernando García, Daniel Gómez, Felipe Guerra, Pablo Guerra, Miguel Leon, Daniel Trujillo, Sarah Malagón, Ana Malagón
Synopsis : Un agent de sécurité d’un grand magasin est rongé par la culpabilité après avoir décidé de ne pas venir en aide à la victime d’une agression dans le métro.
Genre : Fiction
Durée : 30’
Pays : Allemagne, Suisse
Année : 2007
Réalisation : Reto Caffi
Scénario: Reto Caffi, Philippe Zweifel
Images : Piotr Rosolowski
Montage : Thomas Bachmann
Son : Andreas Hildebrandt, Kai Storck, Marc von Stürler
Synopsis : Krystyna conduit sa fille à une audition pour un « girls band ». Une panne de voiture l’oblige à demander de l’aide à un homme qu’elle n’a pas vu depuis longtemps. Ces retrouvailles vont profondément affecter leur existence.
Genre : Fiction
Durée : 35′
Année : 2007
Pays : Pologne
Réalisation : Anna Kazejak-Dawid
Scénario : Anna Kazejak-Dawid
Images : Slawomir Berganski
Son : Michal Kosterkiewicz
Montage : Maciej Pawlinski
Interprètes : Agata Kulesza, Marlena Kazmierczak, Janusz Chabior
Production : Panstwowa Wyzsza Szkola Filmowa, Telewizyjna i Teatralna (PWSFTviT), Telewizja Polska – II Program, Telewizja Polska – Agencja Produkcji Audycji Telewizyjnych, Polski Instytut Sztuki Filmowej
En 2005, le Forum des Images initia le festival Pocket Films, une manifestation attentive aux films tournés exclusivement avec des téléphones portables. Au fil des éditions, les organisateurs ont ouvert leur programmation à tous les créateurs (cinéastes, photographes, musiciens, plasticiens, amateurs, …), les genres (fiction, animation, documentaire, expérimental, clips, portraits, …) et les métrages (courts, moyens voire longs). Entretien avec le coordinateur général de la manifestation, Benoît Labourdette, présent à Bruxelles en novembre dernier en tant que membre du jury de la deuxième édition du festival Cinépocket.
Le Forum des Images est connu pour investiguer dans le domaine de la création et de la diffusion. Comment est apparu le festival Pocket Films ?
Benoît Labourdette : Au Forum, on a senti qu’un phénomène naissait avec l’apparition des téléphones portables. À chaque fois qu’une nouvelle technologie surgit, elle génère, entre autres, des usages chez les gens. Très tôt, on s’est rendu compte que l’usage du portable était massif : les gens filment, mettent leurs images sur YouTube ou Dailymotion et s’échangent des vidéos. Ils se sont emparés de l’outil et produisent continuellement un certain type d’images parmi lesquelles on trouve des films de famille, des souvenirs personnels, mais aussi des films violents comme les happy slapping. Moins nombreux sont les films qui, à l’instar du cinéma et de l’art en général, ont pour objet de créer quelque chose et de le donner à un spectateur potentiel. Ce sont ces films en lien avec les autres que nous souhaitons diffuser au Festival Pocket Films.
À partir du moment où chacun a un téléphone dans sa poche et est producteur potentiel d’images, le cinéma est-il pour autant à la portée de tous ?
Non, il ne s’agit pas de dire qu’on est tous réalisateurs : une telle idée serait démagogique. Avant l’émergence des téléphones, il y a eu celle des caméscopes. En France, il y avait 5 millions de caméscopes et on ne comptait pas pour autant 5 millions de cinéastes. Là où on est davantage concerné, c’est que le phénomène et l’usage du portable se sont généralisés. Personnellement, je pense qu’il y a un enjeu éducatif très important dans cet outil étant donné qu’aujourd’hui, l’image est omniprésente, d’autant plus que les gens la produisent et la diffusent. Avant 2005, cette situation n’existait pas : je pouvais filmer, mais je ne pouvais pas diffuser mes images, alors qu’aujourd’hui, je mets mon film sur Youtube, et tout le monde peut le voir. Cette nouvelle situation fait que chacun a une responsabilité plus importante. Pourquoi ? Parce que filmer quelque chose n’est pas un geste anodin : filmer, c’est avoir une action sur le réel par l’image, ce n’est pas regarder mais agir.
Dans quelle mesure avez-vous un rôle à jouer vis-à-vis des jeunes ?
À l’école, il n’y a pas beaucoup d’outils pour lire et fabriquer suffisamment les images, du coup il me semble qu’il y a là un enjeu important qu’une institution culturelle se doit d’assumer. Au lieu de transmettre la grammaire de l’image, nous passons par la pratique : nous organisons des ateliers dans lesquels la création artistique et l’expression personnelle ont leur place. Les jeunes que nous rencontrons ont déjà souvent tourné des petites vidéos avec leur téléphone, mais n’ont pas envisagé de les mettre dans un contexte. Nous leur expliquons qu’il est intéressant de faire des films pour les autres et pas seulement pour eux-mêmes.
Est-ce que l’appellation « film de poche » est à rapprocher de certaines caractéristiques du livre de poche, comme sa généralisation et son accessibilité ?
Oui. Comme le livre de poche, le film de poche se diffuse facilement et a un aspect très démocratique. L’appellation a été trouvée par Laurence Hertzberg, la directrice du Forum des Images, lors d’un brainstorming, lorsqu’on a commencé à définir les contours du projet. Ce qui est étonnant, c’est qu’aujourd’hui, le film de poche est devenu un nom commun : on parle d’un « pocket film » pour évoquer un film tourné avec un téléphone alors que c’est juste l’appellation d’un événement et une marque déposée par le Forum des Images.
Chacune de vos éditions évolue en fonction des avancées technologiques. Que peut-on faire aujourd’hui que l’on ne pouvait pas faire à l’époque?
Au fil des éditions, on a suivi de près l’évolution des capacités techniques des téléphones. La plus importante est sûrement la progressive amélioration de la qualité de l’image. Il y a quatre ans, ce qu’on faisait avec un téléphone restait cantonné au domaine de l’expérimentation alors qu’aujourd’hui, il existe des téléphones qui ont quasiment la même qualité qu’une camera DV. A titre d’exemple, le partenariat noué cette année avec Arte dans le cadre de la collection « Caméra de Poche » [Mes 20 ans] n’aurait pas réellement pu se faire en 2005 car la qualité de l’image mobile n’était pas suffisante par rapport aux règles et aux conventions de diffusion.
Pourquoi privilégierait-on le téléphone portable plutôt qu’une caméra classique ?
Le téléphone va me permettre de faire des choses différemment qu’un autre outil même si classiquement, ce qui fait le film, c’est le choix de tel comédien, tel décor ou tel technicien. Ce qui importe, c’est le dispositif de production choisi et les décisions techniques prises. Pourquoi se laisse-t-on alors tenter par le portable ? Certains réalisateurs y voient une dimension de spontanéité qu’ils ont envie d’incorporer à leur travail; d’autres s’intéressent à sa facilité d’usage, sa légèreté ou encore au traitement de son cadre.
De quelle manière le portable influence-t-il justement le cadre ?
Avec une camera habituelle ou même un appareil photo, on cadre, on a l’œil rivé à l’écran. L’image passe par le regard alors qu’avec le téléphone, beaucoup de gens ne cadrent même plus tellement l’objet est devenu habituel. La façon de porter le regard est complètement différente; cela se ressent dans le résultat. La caméra a un côté vraiment cérébral alors que le téléphone est comme un œil dans la main.
Quels sont vos arguments pour retenir, défendre et programmer un film de poche ?
Il y a plusieurs arguments à prendre en compte. Vu la quantité de films (un peu plus de mille en moyenne depuis deux ans), on est plusieurs à visionner les films et à confronter nos avis. Pour moi, un film, comme n’importe quelle œuvre d’art, doit transmettre quelque chose, une émotion, une idée, etc. Le critère principal est l’intérêt : est-ce que ça nous parle, est-ce que ça nous touche? Autre argument : on prend garde à la spécificité de l’outil. On s’intéresse aux choses différentes et inhabituelles parce qu’elles ont justement été tournées avec un téléphone portable.
Comment les films de poche sont-ils perçus par le grand public ?
Les modes de représentation ont évolué : il y a quelques années, c’était bizarre de voir des images tournées avec un portable mais aujourd’hui, le regard des gens a globalement changé, surtout que nombre d’entre eux font désormais leurs propres images. Même si beaucoup se montrent encore réticents vis-à-vis des films mobiles car ils croient que ceux-ci se rapprochent de ce qu’ils ont l’habitude de voir sur Youtube ou Dailymotion, on a encore un travail constant à faire pour que ces films soient vraiment perçus comme tels : intéressants et différents.
Beaucoup de ces films se font sans budget. Peut-on imaginer une économie pour ce secteur ?
On peut l’imaginer mais pas pour autant la voir se concrétiser tout de suite. La majorité de ces films se fait sans moyens : les gens font des films sans budget, il n’y a pas de financement mais il n’y a pas non plus de recettes. Il y a mille choses à inventer et on a un rôle à y jouer : on essaie de susciter au maximum des financements et d’inventer de nouveaux modèles économiques par rapport aux nouvelles façons dont les gens s’approprient l’audiovisuel. Aujourd’hui, artistiquement, plein de choses se passent dans le monde du film mobile, mais économiquement parlant, tout est à inventer.
Chargée des courts et moyens métrages au sein de l’Unité Cinéma d’Arte France, et de l’émission Court-Circuit, Hélène Vayssières est à l’origine de « Caméra de Poche », une collection de dix courts métrages ayant la particularité d’avoir été entièrement tournés avec des téléphones portables. En novembre, elle faisait partie du Jury de la deuxième édition du festival belge de films mobiles, Cinépocket. Entretien.
Dans le magazine Court-Circuit, tu programmes du format court. Récemment, tu as diffusé des films réalisés avec téléphones portables dans le cadre d’une collection, « Caméra de poche ». Comment t’es-tu intéressée à ces films ?
Hélène Vayssières : Je me demandais comment expérimenter cet outil émergent, le téléphone portable muni d’une caméra, quand j’ai rencontré Benoît Labourdette qui m’a parlé de son expérience avec le Festival Pocket Films, au Forum des Images. Je me suis dit que ce serait intéressant de tester aussi la vidéo sur mobile, de découvrir ce qu’il serait possible de créer à partir d’un tel outil mais aussi de voir si une nouvelle grammaire cinématographique allait émerger. Comme ARTE développait une programmation spéciale sur le thème « Avoir 20 ans », j’ai introduit un projet de collection de films sur téléphones autour du même sujet. La chaîne a été tentée par l’opération, un budget a pu être dégagé, le Forum des Images et SFR sont devenus partenaires de « Caméra de poche », notre collection de dix courts métrages entièrement tournés avec des téléphones mobiles. L’idée devait se concrétiser assez rapidement. On a commencé en février et il fallait que les films soient terminés fin avril pour être projetés, pendant le Festival Pocket Films en juin, au Centre Pompidou. Pour avancer, j’ai soumis l’idée à onze réalisateurs avec lesquels j’avais déjà travaillé sur des films plus classiques et qui avaient, à mon avis, un potentiel. J’ai contacté six réalisateurs entre 20 ans et 29 ans, et cinq plus âgés, pour récolter des points de vue complètement différents. Ce projet intégrait un cahier des charges : un thème imposé (« Mes 20 ans »), une durée maximum de 5 minutes, et un tournage entièrement réalisé sur mobile. Par contre, le genre était libre : il pouvait il y avoir autant de documentaires que de fictions ou de reportages.
La projection à Beaubourg s’est bien passée : 300 personnes sont venues voir ces films diffusés sur grand écran. Par après, on les a diffusés, en septembre, dans Court-Circuit dans une édition spéciale Avoir 20 ans dans laquelle il y avait aussi des films plus traditionnels liés au sujet. En parallèle, on les a diffusés sur la plateforme Internet d’ARTE (http://www.arte.tv/cameradepoche) et on a crée un blog interactif sur les coulisses du projet.
Ca a été une aventure intéressante qui était loin d’être gagnée au départ. En dépit de la question du temps, il fallait convaincre les réalisateurs. Quand j’en appelais certains en leur disant : « est-ce que ça t’intéresse de faire un film avec un mobile ? », même si je ne pouvais pas voir leur regard hésiter, je sentais quand même des blancs dans la conversation. Ce n’était pas rare que mon correspondant réagisse de cette manière : « avec un téléphone ?! Je sais à peine utiliser mon téléphone et tu veux que je fasse un film avec ?! ».
Tu es très attentive à l’écriture. Comment la considères-tu à partir du moment où un réalisateur saisit un appareil mobile plutôt qu’une caméra ?
En découvrant des films sur téléphone portable, j’ai souvent constaté un déficit de scénario mais c’est peut-être une déformation professionnelle ! Par rapport à cette collection, même si l’outil n’était pas à la base une caméra mais un téléphone, j’avais envie qu’il y ait un travail sur le scénario. L’écriture se transforme : en effet, on ne peut pas écrire tout à fait de la même façon pour l’outil mobile que pour une caméra. Comme le portable est quelque chose que l’on porte sur soi, il joue souvent le rôle de caméra subjective. De plus, avec cette technique, on ne pose pas trop la caméra et le cadrage est, lui aussi, complètement différent. Tout cela implique une autre écriture. Ce n’est pas évident car logiquement, les réalisateurs sont tentés par l’écriture classique. Avec le Forum, on leur prête alors un mobile bien avant le tournage pour qu’ils essayent des choses, manipulent l’objet et se rendent compte des contraintes, des avantages, des possibilités et des impossibilités. En ayant l’outil en mains, en expérimentant, ils réalisent qu’ils ne doivent pas écrire comme si la caméra était classique, qu’ils doivent revoir leur scénario, transformer leur écriture et trouver des nouvelles astuces de narration. Eux, ils essayaient de faire l’image la plus belle possible, le film le plus correct possible, sauf qu’on n’est pas dans un outil qui génère cela. J’ai donc dû les pousser à écrire différemment, en leur disant : « servez-vous de l’outil, utilisez-le pour ce qu’il est, et voyez ce qui en sort. » Cela n’a pas été facile pour tous.
Tu as des exemples en tête ?
Je pense à Mehdi El Glaoui (« Mao est mort ») ou à Anna Da Palma (« Lisbon calling »). Au départ, ils avaient imaginé des fictions assez classiques. Petit à petit, j’ai fait en sorte de les amener à s’emparer de ce mobile et à libérer leur caméra. Ils avaient un peu peur de l’outil, mais progressivement, ils ont accepté de jouer le jeu. Ce n’est pas évident parce que quand on tourne des films classiques, on peut poser à loisir sa caméra, du coup, lorsqu’on se retrouve face à ce tout petit bidule qui bouge tout le temps et qui fait des images un peu bizarres, on en a vite peur donc on a envie de le stabiliser. Au bout de quelques temps, on peut aussi se lâcher, ce qui a été le cas de Marie Vermillard (« Les premiers pas »). Au départ, elle aussi, elle avait peur du mobile, ce qui l’avait conduite à faire une première partie très posée et classique, mais au bout d’un moment, elle a vraiment utilisé l’outil. Elle s’est tellement lâchée qu’elle a fait le film le plus expérimental de la collection !
Sens-tu que qu’une nouvelle écriture cinématographique est en train d’apparaître avec ces films-là ?
Je pense qu’il est encore trop tôt pour estimer qu’il existe une nouvelle écriture par rapport au mobile. Pour l’instant, dans leur majorité, ces films s’écrivent à la caméra ou au montage, mais il n’y a pas encore de véritable travail d’écriture sur le papier ou à l’ordinateur. Dans la prochaine collection de films sur portables qu’on va lancer à ARTE (nouveaux thèmes : « Mutants », « Années 80 »), je vais quand même essayer de faire travailler les nouveaux réalisateurs dans ce sens.
Tu évoques les possibilités et les contraintes. Lesquelles vois-tu à travers ces films ?
Avec cet outil, je découvre un parallèle avec les films en Super 8 d’une certaine époque. Je vois une possibilité de faire des films plus intimes, des films de proximité, presque de famille. De plus, l’appareil est léger et permet l’improvisation : tout à coup, s’il se passe quelque chose, on sort le mobile de sa poche et on filme. Maintenant, je pense que si c’est pour faire des choses très classiques, ça ne vaut pas le coup.
Tu es membre du jury au festival Cinépocket. Que penses-tu du niveau des films sélectionnés ?
À ce stade, je n’ai pas encore tout vu mais je constate une faiblesse générale de l’écriture. Il faut se demander pourquoi on fait un film, ce qu’on a à raconter, et savoir exactement ce que l’on veut avant d’écrire son scénario. Si on ne s’est pas posé toutes ces questions, on obtient des films qui peuvent être sympathiques mais qui peuvent aussi être très vite oubliés.
Les festivals de films mobiles sont accessibles aux réalisateurs, aux photographes, aux plasticiens, mais aussi à toute personne qui possède, aujourd’hui, un appareil téléphonique dans sa poche. À partir du moment où chacun est porteur potentiel d’images, ne peut-on pas penser que ces films peuvent être confusément apparentés à des courts métrages et donc à du cinéma ?
Effectivement. Ce n’est pas parce qu’on a dans la main un outil qui filme qu’on est cinéaste. C’est le problème aujourd’hui : on confond l’outil et le processus de création. Il faut se demander si le film est créatif ou si c’est juste une blague. Intègre-t-il une partie créatrice, artistique et réflexive ? Parmi les films que j’ai vus à Cinépocket, il y en a un qui m’a intéressée particulièrement : « Domino » (Sandy Claes, Prix du Jury). Je le trouve très original dans sa forme et très ludique. Son écriture n’est pas classique du tout, mais par contre, on voit très bien qu’il y a eu une réflexion et une construction derrière, et que le film ne s’est pas fait par hasard.
À partir du moment où un outil est démocratisé, les gens sont susceptibles de s’en emparer et de développer des projets dans lesquels un acte de création et une réflexion sont intégrés, mais le risque, c’est qu’il y ait aussi beaucoup de films qui ne sont pas des films mais des blagues. C’est pour cela qu’il ne faudrait pas confondre l’amateurisme et le professionnalisme. Dans le même ordre d’idées, quand j’ai lancé la collection d’ARTE, au-delà des réflexions qui ont entouré le projet, j’ai essayé de trouver des financements. Ce n’est pas parce qu’on filme avec un téléphone portable qu’on peut faire croire aux gens que tout est possible et que tout est gratuit. Même si on n’avait pas un budget énorme, on a tenu à payer les équipes (réalisateurs, monteurs, comédiens, …), à négocier les droits d’auteur pour les musiques, bref à se placer dans un contexte professionnel.
Peut-on imaginer que ces films, pour le moment cantonnés à des manifestations très spécifiques, puissent un jour alimenter une section « mobile » d’un festival de courts métrages ?
Pourquoi pas ? De toute façon, les festivals ça pousse comme des champignons : il suffit qu’il pleuve ! Ceci dit, un film de qualité réalisé avec un mobile pourrait très bien se retrouver dans la section « Labo », à Clermont-Ferrand.
Est-ce que tu envisages de diffuser ces films, comme d’autres extraits du catalogue d’ARTE, sur des téléphones portables?
Pour les films de la collection, je concevais une diffusion surtout mobile. Je n’ai pas dit aux réalisateurs de penser au grand écran, mais bien à un petit, un tout petit écran. Je pensais que le partenaire SFR allait s’emparer de ces films pour les offrir à ses abandonnés mais cela ne s’est pas fait. C’est dommage mais avec l’arrivée de la TMP (Télévision Mobile Personnelle), ça va peut-être changer les choses. Sinon, dans l’absolu, moi, je suis favorable à la diffusion sur les mobiles, mais il faut lui associer une écriture spécifique. Montrer sur portable des courts métrages qui n’ont pas été pensés pour un écran différent me semble risqué à partir du moment où l’image est transmise sur une toute petite fenêtre et que le cadrage est imposé. Il faut prendre en compte ces paramètres si on envisage une telle diffusion, sans compter le fait qu’il y a un risque de différence de perception d’un écran à l’autre. Ceci dit, à une époque, on disait ça du cinéma par rapport la télévision, puis de celle-ci par rapport à Internet, et maintenant on soulève ces questions par rapport aux mobiles. Ce qui me semble intéressant, c’est qu’aujourd’hui, ce n’est plus cloisonné. On pense de plus en plus, dès le départ, au multi-écran : on imagine des déclinaisons de films ou de programmes, avec des spécificités suivant l’écran. Dans cet esprit, il y a beaucoup d’idées très intéressantes et faciles à mettre au point. Par exemple, cette année, à ARTE, on va creuser plus du côté d’Internet et de l’interactivité. Il y a quelques temps, on a lancé l’atelier Final Cut sur le site, permettant aux internautes de s’entraîner à monter les rushes de certains réalisateurs. Il est tout à fait imaginable d’y insérer ceux des films tournés avec téléphone portables.
Tu t’occupes aussi de moyen métrage à ARTE. Es-tu également tentée d’explorer le format plus long, toujours à partir de téléphones portables ?
Pour l’instant, ce n’est pas à l’étude : on a une collection à faire. Je ne dis pas que ce projet ne se fera jamais, mais si on se lance dans une telle aventure, cela demandera des financements supplémentaires et surtout, on ne fera pas dix courts métrages en même temps. Un moyen métrage réalisé avec un téléphone portable ne serait à envisager que si le scénario se prête réellement à ce type d’écriture.
« Bonjour. Vous êtes bien sur le répondeur de Julie. Merci de me laisser un message visio après le bip. ». Pas d’erreur sur le numéro : le jeune homme s’exécute et invite sa correspondante, croisée la veille, à le revoir autour d’un verre. Elle ne le rappelle pas ? Qu’à cela ne tienne ! Il ne fait pas partie de ceux qui renoncent facilement. Persévérant, il commence à harceler son nouveau contact à différents moments de la journée en trouvant spontanément un prétexte à chaque appel (café, ciné, fleurs, chanson,…). Après 26 tentatives, le silence est toujours radiophonique. Julie ne recevrait-elle pas ses messages ? Est-elle occupée ? Pire : serait-elle timide ? Forcément, il y a une explication…. Forcément…
Projeté cette année au festival Pocket Films, à Paris, et à Cinépocket, à Bruxelles, « Julie » est un film mobile réalisé et interprété par un musicien, Wael Koudaih. Celui-ci livre un film intime à la fois par son sujet et son médium : à défaut de nouer une relation avec Julie, le personnage masculin se répand sur son répondeur, le téléphone devient son réel interlocuteur, donc un acteur à part entière, tandis que le spectateur prend involontairement la place et les messages de Julie. Réjouissant, l’humour distillé dans ce petit film ludique tient à plusieurs traits : la personnalité versatile du personnage principal (tour à tour timide, optimiste, lyrique, amoureux, mélancolique, énervé et agressif), la fréquence, le contenu et le rythme de ses messages, mais aussi l’accentuation de son délire jusqu’à un point de non retour. Le clin d’œil du film tient en quatre secondes : c’est celui d’un feu de signalisation à l’arrêt illustré par une voix lourde en reproches (« J’attends, Julie ! J’attends ! »). À elle seule, la silhouette immobile du piéton aux mains fermement posées sur ses hanches symbolise l’impatience constante et la résignation impossible du personnage. La preuve ? Un nouveau message vient de s’afficher sur le répondeur de Julie.