Tous les articles par Katia Bayer

La Cinéfondation dévoile son palmarès

Le palmarès de la Cinéfondation est connu. Lors d’une cérémonie, salle Buñuel, le Jury, présidé par le réalisateur britannique John Boorman, et composé du cinéaste français Bertrand Bonello, de l’actrice chinoise Zhang Ziyi, du réalisateur tunisien Ferid Boughedir, et de la comédienne portugaise Leonor Silveira a primé les films suivants :

Premier Prix : Baba réalisé par Zuzana Kirchnerová-Špidlová (FAMU, République Tchèque)

baba

Synopsis : « Ma mère ne m’a rien demandé, elle a tout simplement amené grand-mère chez nous. Maintenant, elle est couchée au milieu de ma chambre. Et c’est moi qui m’occupe d’elle. Tout le temps. »

Deuxième Prix : Goodbye réalisé par Song Fang (Beijing Film Academy, Chine)

goodbye

Synopsis : Lors de sa première visite à Nanjing, Li Xin est blessée dans un accident. C’est la ville de Lin Xi, son amie proche aujourd’hui décédée, dont les parents sont contactés par la police pour lui venir en aide. Elle ne les connaissait pas mais séjourne chez eux le temps.

Troisième Prix (ex aequo) :

Diploma réalisé par Yaelle Kayam (The Sam Spiegel Film & TV School, Israël)

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Synopsis : C’est la nuit dans la ville d’Hébron et les colons s’apprêtent à célébrer le carnaval de la fête de Pourim. Samer, un adolescent palestinien de 15 ans, veut accompagner sa soeur aînée Ayat à l’université pour chercher son diplôme. En se faufilant par les toits et les ruelles, ils doivent éviter les colons, l’armée et la horde de journalistes étrangers.

Don’t step out of the house réalisé par Jo Sung-hee (Korean Academy of Film Arts, Corée du Sud).

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Synopsis : Un garçon pauvre et sa petite sœur habitent un appartement en sous-sol.
Un jour, des intrus pénètrent dans la maison et les menacent.

Les films primés reçoivent également une dotation de 15 000 € pour le premier prix, 11 250 € pour le deuxième et 7 500 € pour le troisième.

Site internet : http://festival-cannes.fr/fr/cinefoundation.html

Serge Riaboukine : “un court métrage, ça peut être un véritable coup de poing”

Membre du jury au dernier festival du court métrage de Bruxelles, le comédien Serge Riaboukine est connu pour ses collaborations avec Pierre Salvadori et Manuel Poirier, mais aussi pour sa participation à plusieurs courts métrages remarqués en festival (« La Leçon de guitare », « Tout est bon dans le cochon », « La Copie de Coralie »). Rencontre avec un gouailleur sensible.

As-tu tu des souvenirs de cinéma reliés à ton enfance ?

J’ai eu la chance qu’un ami de la famille, un russe, Monsieur Merkouloff, m’emmène au cinéma tous les dimanche. Dans le bled paumé où je suis né, il y avait des projections de nanars. J’ai des souvenirs de trucs complément improbables, avec ce Monsieur. J’ai été marqué par des films de science-fiction japonais à chier. Il m’emmenait aussi voir les de Funès, donc j’ai découvert le cinéma un peu comme ça. Il y a eu la télé évidemment. À l’époque,  quand on voyait un film à la télé, on s’en souvenait. Comme il n’y avait qu’une chaîne, quand un film était diffusé, c’était un événement. Mais le plus marquant, forcément, reste les expériences dans les salles de cinéma. Le grand choc, c’est quand tu découvres un auteur et un cinéma. Pour moi, ça a commencé par « Le bon, la brute, et le truand », puis, il y a eu tous les autres films de Sergio Leone, « Leni », et « L’important, c’est d’aimer ».

À quel moment, t’es-tu dit que tu avais envie de te rapprocher du cinéma ?

Oh, j’ai eu une révélation, tout jeune. Je me suis dit : “c’est ça que je veux faire”. Ca m’est paru comme évident. Après, j’ai mis du temps à me décider. À l’age de 16 ans, j’ai dit : ça, y est, je vais faire ça, d’une façon concrète après avoir vu « Leni » et « L’important, c’est d’aimer ». Ces deux films ont été les déclencheurs.

Tu savais que tu voulais faire comédien ou tu avais d’autres envies ?

Comédien et réalisateur, les deux. Comédien, ça m’est apparu comme étant plus facile, et réalisateur, plus difficile. La preuve, à 51 ans, je n’ai toujours rien réalisé. Mais si avec le seul film que je ferai, je fais le même effet, que m’ont fait « Orange Mécanique », « Leni », « Le bon, la brute, et le truand », ce n’est pas la peine de faire d’autres films. Un seul suffira. Donc je préfère prendre mon temps pour faire le bon film (rires)!

Tu réfléchis à ça ? Tu es en train d’écrire ?

J’ai pris la grande décision de me dire que je n’allais pas écrire, le premier. Ma compagne est scénariste. C’est elle qui écrira le film que je vais réaliser. J’écrirai plutôt le second, ce qui m’évitera de tomber dans le piège du film d’auteur où on met tout, et après, on est un peu creux, un peu vide. Je vais m’investir, parce que c’est le premier, mais moins que si c’est une histoire que j’écris. C’est une manière, je pense, d’échapper au syndrome du second film. J’étudie ça depuis longtemps. J’ai fait beaucoup de premiers films, avec des jeunes réalisateurs que je trouve magnifiques, et j’ai été déçu devant leur second film. Je me demande comment ces gens qui ont tant de talent se plantent mais c’est le syndrome du second film, c’est très dur d’y échapper. J’ai compris qu’il ne fallait pas que j’écrive.

Ce sera un long ou un court ?

Un long. Ce sera un film de genre, un film noir. Cela dit, quand je vois des courts métrages au festival, je me dis qu’un court, ça peut être un véritable coup de poing, et que je ferais bien un court métrage aussi. Ca me tenterait bien, alors que je me suis toujours dit que j’allais faire le long en premier. Pour faire un film, quelqu’il soit, long ou court, il faut remuer ciel et terre alors, je me suis dis  autant le faire pour un long. Mais en même temps, si jamais il me vient une idée de court métrage que j’écrirais par contre, je le ferais volontiers.

On t’en propose beaucoup, en tant que comédien, des rôles dans des courts métrages ?

Oui, on m’en propose beaucoup, d’autant que j’ai eu la chance de faire, coup sur coup, quelques très bons courts métrages (« La Leçon de guitare », « Tout est bon dans le cochon », « La Copie de Coralie ») qui ont voyagé dans énormément de festivals, et qui ont reçu des prix. Depuis « La Leçon de guitare », beaucoup de propositions me sont parvenues. J’en avais toujours eues, mais là, ça c’est multiplié, mais je les ai déclinées assez souvent parce qu’il faut vraiment qu’un film me plaise pour que j’ai envie d’y jouer. Je ne cherche pas à faire un film pour le faire. Il faut qu’il y ait beaucoup de conditions. Il faut que je sente que ce n’est pas gratuit. Parfois, ça correspond à des attentes. Par exemple, le scénario de « La Leçon de guitare »est arrivé au bon moment. J’avais envie de chanter, je me suis dit : “voilà l’occasion de le faire”.

As-tu des critères ?

Aucun. Oh ben non, le critère, c’est que ça me plaise. C’est comme si tu me demandes de choisir entre une blonde, une brune ou une rousse. Si elle me plaît, elle peut même être chauve, ça m’est égal. Là, pareil, ça peut être une comédie musicale, un western, un film noir, un film d’horreur, un film gore, …Je n’ai pas de genre de prédilection.

Est-ce qu’à un moment donné, il y a un risque pour un comédien d’avoir une sorte d’étiquette de comédien de court métrage ?

Oui, ça peut arriver parce que les gens sont assez cons pour mettre des étiquettes. Moi, je ne veux pas avoir d’étiquette, donc quelque part, je fais attention à ça. Je suis probablement aussi con que ceux qui mettent des étiquettes puisque je fais attention à ne pas en avoir. En attendant, j’alterne les courts et les longs, je fais des téléfilms. Je prends ce qui me vient, mais je ne peux pas totalement décider de ma carrière. Je ne suis pas encore Nicole Kidman. Pour y arriver, il va me falloir beaucoup de travail !

Tu as senti une évolution de la place du court métrage tout au long de ta carrière ?

Oui, parce qu’à un moment, dans les années 80, j’en ai fait beaucoup, énormément même. On m’appelait le “Depardieu de l’IDHEC” à cette époque qui coïncidait avec celle du grand Depardieu et du grand IDHEC qui n’était pas encore la Fémis. Pendant une année, j’ai fait 6 ou 8 courts métrages, sans suite : c’étaient des films d’école. Moi, je les faisais pour apprendre mon métier en me disant que je ne risquais pas grand chose, et en même temps, je m’entraînais avec la caméra. À cette époque, je faisais beaucoup de théâtre, et pas tellement de cinéma. Là, grâce à l’IDHEC, j’ai appris plein de choses sur la caméra, et sur la façon de jouer au cinéma. Avec le temps, j’ai vu évoluer le court métrage et devenir quelque chose de plus important. Par exemple, je me suis rendu compte que plus de gens m’ont vu dans « La Leçon de guitare » que dans des longs métrages, même importants, dans lesquels j’ai joué.

Si on prend « La Leçon de guitare » et « La Copie de Coralie », le rapport au chant est très différent : dans le premier, c’est un play-back et dans le second, par contre, c’est un son direct.

Dans « La Leçon », on a été obligé de passer par le play-back, parce que c’était très difficile de jouer de la guitare et de chanter en même temps en live. Si j’avais eu une quelconque prédisposition, un quelconque talent à la guitare, on aurait pu se permettre de faire du live, mais là, ce n’était pas possible. J’étais très mauvais à la guitare, je ne savais pas du tout en jouer avant le tournage. Le comédien qui interprète le professeur dans le film est en réalité un vrai guitariste et un vrai professeur. Pendant plusieurs semaines, il est venu chez moi pour m’apprendre Laetitia. J’étais donc dans la vraie position du personnage. Chanter en studio, par contre, a été très facile. Ce que je trouve très fort, c’est qu’on ne se rend pas du tout compte que c’est un play-back. On peut croire que le play-back est une sécurité, mais il faut être très bon, surtout pour le play-back des doigts. J’ai fait des efforts afin que les 1% de guitaristes qui auraient vu le film y croient. Par contre, « La Copie de Coralie », c’était en direct, et il a fallu beaucoup, beaucoup travailler.

Est-ce dû en partie à la musique du compositeur du film, Philippe Poirier, qui n’est pas réellement chantée ?

Oui. C’est une musique qui est très difficile, et en même temps, très agréable. Pendant qu’on travaillait, j’ai beaucoup pensé à l’homme à la tête de chou, au Paris chanté de Gainsbourg. Chez Poirier, il y avait une espèce de décontraction et en même temps, une façon d’appuyer sur certains trucs. Dans « La Copie », j’ai un long plan séquence, un monologue chanté. Le faire, ce n’est pas si dur que ça. Le problème, c’est le faire sans s’arrêter (rires) ! J’étais fier d’y être arrivé, mais Engel, il a dû se tirer les cheveux, parce que j’ai eu des moments difficiles. Même Jeanne Cherhal qui est chanteuse, a eu des petites difficultés à s’acclimater à cette technique de chant. Mais c’est ce qui fait toute la valeur du film. Ce n’est pas Jacques Demy, on est ailleurs. C’est surprenant, la façon dont le chant entre petit à petit dans l’histoire, alors que dans les comédies musicales, ils ne se prennent pas la tête des fois :  ils parlent, puis d’un coup, sans prévenir, ils lancent la musique, et ils chantent.

Qu’est-ce qui t’a décidé à t’impliquer dans ce projet ?

Quand j’ai reçu le projet, j’ai dit : “oh, putain !”. Moi, je suis fou de comédies musicales qui ont révolutionné le genre à chaque fois. du genre West Side story ou les Blue Brothers. Quand j’ai vu « Les voiliers du Luxembourg », le premier film de Nicolas, je n’ai pas été plus motivé que ça, parce que j’ai un rapport conflictuel avec Jacques Demy. Quand j’étais petit, ma mère et mes soeurs m’ont emmené voir Les Parapluies, et j’ai pleuré, et j’ai dit : “ça, c’est du cinéma de gonzesses!”. Rétrospectivement, je pense que j’ai refusé d’admettre que ça me touchait, et sans savoir pourquoi, j’ai gardé ce blocage à la con. En fait, je crois que c’est plus lié à la musique de Legrand qu’à Demy. Demy, c’est quand même lyrique, beau, lumineux, et gai, alors que Legrand, c’est pompeux, ça me gave. Du coup, dès que quelque chose y ressemble, j’ai une espèce de rejet. Mais comme Nicolas m’a dit qu’il allait déstructurer la musique, et qu’il y aurait des sons de photocopieuses qui rentreraient petit à petit dans le rythme, j’ai dit oui.

Tu joues souvent des personnages plutôt fragiles, pas forcément dans leur environnement, un peu gauches. Ce sont des rôles que tu affectionnes ou on t’en propose beaucoup, des rôles comme ça ?

Les fragiles, j’aime beaucoup ça. Mon rêve, c’est de faire aussi des rôles fragiles dans des comédies. Bizarrement, il n’y a que les cinéphiles qui savent que je peux être bon dans ce registre, il y en a beaucoup qui se laissent berner par l’image de l’homme fort qu’on me donne à jouer, qui n’est pas moi. Moi, je ne suis pas un homme fort, même si ce n’est pas à moi de le dire. Enfin, si, un peu d’embonpoint, peut-être (rires) ! Dans les films de Poirier, de Salvadori ou dans « La Tour Montparnasse infernale », je joue des méchants ou des forts un peu cons qui font rire. Les rôles de méchant, c’est bien, mais moi, je veux faire la victime, le gentil con comme je suis dans la vraie vie. Le type qui ne sait pas s’exprimer, et qui est maladroit, ça, ça m’intéresse. Et ça marche d’enfer, parce que quand tu es grand comme ça, le spectateur ne s’attend pas à avoir un gentil con, en face de lui !

Question sur ta présence au festival. Tu suis les projections, en tant que juré. Est-ce que tu as réussi à être surpris, à sentir une originalité dans les films ?

C’est très délicat. On est humble dans un festival de courts métrages. Souvent, quand on voit un très bon film, ça galvanise, on a envie de faire ce métier, en se disant : “je vais faire pareil”. Quand on voit un mauvais film, on hésite à faire du cinéma, on se dit : “merde, c’est dur quand même”. Il y a beaucoup plus de mauvais films que de bons. Il faut vraiment oublier les mauvais, et penser aux bons.

Il faut avouer que plus on avance en âge dans le métier, plus on a du mal à être surpris. Les émotions dues aux films que j’ai cité au début, ce sont des émotions que j’ai eues en étant jeune, en étant “pur”, novice. Devant un travelling, mes poils se hérissaient, un mouvement de caméra me rendait fou… Je regrette d’ailleurs de ne pas avoir eu le courage et l’audace de réaliser quelque chose à ce moment-là, parce que je suis sûr que j’avais une sensibilité avec la caméra que j’ai perdu. Aujourd’hui, j’en ai le souvenir, mais je n’en ai plus la vraie émotion. Ici, c’est pareil : je vois des films, et ceux qui me surprennent, ce sont ceux qui osent et qui ont un ton. Pour certains, on sent vraiment le sujet, pour d’autres pas. Je trouve que les préoccupations des réalisateurs sont souvent terre à terre, et que les films sont anecdotiques. Personnellement, ce qui m’a surpris, c’est la spontanéité des acteurs dans des situations données par l’écriture, et le metteur en scène. Celui-ci les amène à faire des actes que je trouve vraiment géniaux.

Est-ce que tu as besoin d’être beaucoup dirigé ?

Ah non, moi, je n’aime pas trop qu’on me dirige.Par contre, j’aime bien qu’on me donne, comme dans un parcours de ski, des indications. Il y a des metteurs en scène qui sont très directifs, qui te font refaire plein de prises, et petit à petit, tu te trouves en étant libre, et il y en a d’autres qui te font chier pour la façon de parler, et de jouer. Grâce à Dieu, je les éloigne ceux-là. Ils ne me font pas de propositions, parce qu’ils ont peur de moi, je pense ou parce qu’ils savent que ça ne va pas être possible. Et moi, quand je les vois venir, je sais que je ne vais pas travailler avec eux. Ca m’emmerde les scolaires qui sont chiants sur le texte et qui ont envie qu’il soit restitué tel qu’il est écrit. Moi, je ne suis pas du genre à transformer le texte, j’ai même beaucoup de respect pour ça, mais il n’y a pas de musique préétablie dans un rôle.

Quels sont tes prochains projets ?

Je vais jouer dans le premier long métrage de Teddy Modeste, un jeune réalisateur sortant de la Fémis. Le film aborde l’univers des pentecôtistes, des gitans chrétiens, et je vais y jouer un prêtre pentecôtiste. C’est un rôle extraordinaire, j’en attends beaucoup. Sinon, je suis en train de faire un téléfilm, « Les vivants et les morts », avec Gérard Mordilla pour France 2.

Tu es là par rapport au court métrage. Question carte blanche : qu’est-ce qui t’intéresse dans ce format ?

C’est que tout est possible. J’ai l’impression qu’on peut plus facilement faire des choses totalement incorrectes dans un court métrage plutôt que dans un long métrage, parce qu’il n’y a pas d’enjeu économique

Il y a plus de liberté ?

Oui, je crois. Je crois d’ailleurs que ce qui manque pendant l’élaboration d’un court métrage, c’est la conscience de cette liberté.

Propos recueillis par Katia Bayer et Thierry Lebas

Articles associés : l’interview de Nicolas Engel et la critique de « La Copie de Coralie »

Consulter les fiches techniques de « La Leçon de guitare » et de « La Copie de Coralie »

L comme La Leçon de guitare

Fiche technique

Synopsis : Michel, la quarantaine, ne fait pas grand chose de sa vie. Lorsqu’il tombe sur la petite annonce ”jeune homme donne cours de guitare pour débutants”, il décide de se lancer.

Genre : Fiction

Durée : 17’40’’

Pays : France

Année : 2006

Réalisation : Martin Rit

Scénario : Martin Rit, Mariette Desert

Images : Hoang Duc Ngo Tich

Son : David Rit, Vincent Verdoux, Daniel Sobrino

Montage : Damien Maestraggi

Interprétation : Serge Riaboukine, Sébastien Morin, Luc Moullet, Pauline Morand,

Décors : Thierry Fievre

Production : Sunday Morning Productions

Article associé : l’interview de Serge Riaboukine

Next Floor de Denis Villeneuve

Tous à table

Le Canadien Denis Villeneuve, sélectionné à Cannes en 1997 à la Quinzaine des réalisateurs pour un long métrage collectif intitulé « Cosmos », collectionne, depuis plus de 20 ans, prix et distinctions dans le monde entier. Pour ce réalisateur de 42 ans, le court métrage n’est pas un exercice, mais bien un moyen d’exprimer un univers visuel particulier sur un format qui se prête à toutes les audaces. Son dernier opus « Next Floor », a obtenu le Grand Prix Canal+ du meilleur court métrage en 2008 lors de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes. Il ne repart, hélas, qu’avec une mention spéciale du Jury jeune au Festival du court métrage de Bruxelles.

En 1974, Luis Buñuel, dans « le Fantôme de la liberté » se jouait des conventions sociales et mettait en scène de typiques bourgeois réunis autour d’un table pour… déféquer. La nutrition, chose honteuse, était, elle, cachée dans un petit endroit au fond du couloir dans lequel on se séquestrait à double tour. L’acte de manger, de digérer et de déféquer se rangent parmi les expériences les plus fondamentales, les plus corporelles de l’homme. Le repas est un acte social, contrairement à la défécation…simple question de moeurs.

Pourtant, se nourrir peut se révéler quelquefois aussi obscène, il suffit de revoir « La grande Bouffe » de Marco Ferreri pour se convaincre que la représentation charnelle de la nourriture pose de profondes questions philosophiques quand elle est faite non pour se nourrir mais pour mourir. C’est un peu le postulat de « Next Floor » de Denis Villeneuve. Onze convives entourés de musiciens, d’une valetaille afférée et d’un maître d’hôtel pour le moins inquiétant déchiquètent, absorbent, sucent, avalent, gobent, les plats de chair animale qui se suivent et ne semblent pas avoir de fin.

Au menu, félin, tatou, rhinocéros et autres jolies atrocités filmées avec une délicatesse qui éveille des sentiments entre dégoût et fascination. Gros plan sur les bouches, les os, les yeux, la viande, les invités de cet étrange rituel, alourdis, tombant d’étages en étages avec force fracas. Impassibles, ils recommencent, animés d’un désir de possession sans limites, d’une violente frénésie de consommation. Si durant cet anti banquet platonicien, pas une parole ne s’échange, s’y dévoile pourtant une vérité humaine qui passe justement par l’oralité, mais l’oralité primitive.

Métaphore d’une société consumériste, destructrice et auto destructrice ? « Next Floor » n’affirme rien et laisse le champ libre à toutes les interprétations. Sa force visuelle et sa mise en scène réglée comme une machine infernale en font une œuvre d’une cohérence remarquable qui ne laissera personne indifférent.

Sarah Pialeprat

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N comme Next Floor

Fiche technique

Synopsis : Au cours d’un opulent et luxueux banquet, onze convives, servis sans retenue par des valets et des serviteurs attentionnés, participent à un étrange rituel aux allures de carnage gastronomique. Dans cet univers absurde et grotesque, une succession d’événements viendra secouer la procession de cette symphonie d’abondance.
Genre :  Fiction

Durée : 12’

Pays : Canada

Année : 2008

Réalisateur : Denis Villeneuve

Scénario : Jacques Davidts, sur une idée originale de Phoebe Greenberg

Images : Nicolas Bolduc

Montage : Sophie Leblond

Son : Sylvain Bellemare, Bernard Gariépy Strobl

Musique originale : Warren Slim Williams

Interprétation : Marchand, Mathieu Handfield, Sébastien René, Emmanuel Schwartz, Simone Chevalot, Ken Fernandez, Ariel Ifergan, Sergiy Marchenko, Deepak Massand, Gaétan Nadeau, Charles Papasoff, Daniel Rousse, Helga Schmitz, Dennis St-John, Valérie Wiseman, Warren Slim Williams, Luc-Martial Dagenais, Neil Kroetsch

Production : PHI GROUP

Article associé : la critique du film

Focus Festival du court métrage de Bruxelles

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Du 30 avril au 10 mai, avait lieu le 12ème festival du court métrage de Bruxelles. Pendant 10 jours, 250 films de moins de 30 minutes, répartis en de nombreuses séances, étaient proposés aux spectateurs et aux professionnels (acheteurs et programmateurs). Outre la compétition nationale (24 films belges) et internationale (56 films), la programmation avait misé sur le « off » : Grands réalisateurs, Best of International, Courts mais Trash (films indépendants et décalés), Latinos ! (films mexicains, brésiliens et argentins), carte blanche offerte au Festival de Biarritz, Très Courts (films d’une durée maximale à 3 minutes), séances UIP (14 courts récompensés dans 14 gros festivals européens), les 50 ans de l’IAD, clips, deux Nuits du court, des films seen on the Net, et enfin les 10 ans du mouvement Kino (films réalisés en 48 heures chrono).

Retrouvez dans ce Focus :

12ème festival du court métrage de Bruxelles : le Palmarès International

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Le Jury du 12ème festival du court métrage de Bruxelles (Augustin Burger, Nicolas Buysse, Anne Coesens, Eric De Staercke, Serge Riaboukine, Laetitia Spigarelli) a annoncé le palmarès national et international des films en compétition, hier soir, au Vendôme. Voici les films de la sélection internationale primés.

Grand Prix du Festival : « Smáfuglar » (Runar Runarsson, Islande)

Prix d’interprétation masculine : Harry Treadaway (pour « Love you more », de Sam Taylor-Wood, UK), ex-aequo avec Simon J. Berger (pour « Instead of Abracadabra », de Patrick Eklund, Suède)

Prix d’interprétation féminine : Andrea Riseborouch (pour « Love you more », de Sam Taylor-Wood, UK)

Prix du Jury Jeune : «Directions » (Kasimir Burgess, Australie)

Mention spéciale du Jury Jeune : «Next Floor » (Denis Villeneuve, Québec)

Prix Be TV : « Caporal Crevette » (Christian Laurence, Québec)

Prix du Public : « Instead of Abracadabra » (Patrick Eklund, Suède)

Mention spéciale du Jury pour la mise en scène : « Cafe Paraiso » (Alonsa Ruizpalacios, Mexique)

12ème festival du court métrage de Bruxelles : le Palmarès National

festival-bruxelles

Le Jury du 12ème festival du court métrage de Bruxelles (Augustin Burger, Nicolas Buysse, Anne Coesens, Eric De Staercke, Serge Riaboukine, Laetitia Spigarelli) a annoncé le palmarès national et international des films en compétition, hier soir, au Vendôme. Découvrez la liste des films belges primés.

Grand Prix National : « Bonne nuit » (Valéry Rosier, Belgique)

Prix de la Communauté française : « De si près » (Rémi Durin, Belgique)

Prix de la Photo : « Milovan Circus » (Gerlando Infuso, Belgique)

Prix d’interprétation féminine : Catherine Salé » (pour « Classes vertes de Alexis Van Stratum, Belgique)

Prix d’interprétation masculine : Jean-Benoît Ugeux et Pierre Nisse pour « Michel » de Emmanuel Marre et Antoine Russbach (Belgique)

Prix du Public : « Victor » (Kobe Van Steenberghe)

Prix La Deux : « L’été » (Vania Leturcq)

Prix de la Critique : « Jazzed » (Anton Secola)

Mention spéciale du Jury : « Panpan » (Sacha Caloussis, Belgique)

Mention spéciale du Jury Presse : « Michel » de Emmanuel Marre et Antoine Russbach (Belgique)

Leviathan de Simon Bogojevic-Narath

Projeté à la Fête de l’animation, à Lille, lors de la séance du studio croate Kenges, « Leviathan » de Simon Bogojevic-Narath (Prix du meilleur film d’animation à Clermont-Ferrand en 2008), est une réflexion en images sur le pouvoir et ses dérives adaptée du livre homonyme de Thomas Hobbes.

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Peintre et animateur, le croate Simon Bogojevic-Narath signe, avec « Leviathan », un film complexe par son sujet et son animation. Adaptation originale du traité politique classique de Hobbes, sorte de mise à jour postmoderne du symbolisme à la Bosch, le film est caractérisé par un trop plein d’éléments. Tel un peintre qui surchargerait sa toile, Simon Bogojevic-Narath remplit son cadre. Les détails sont partout et nulle part : les individus sont fous, nus, et hilares, les ethnies s’entretuent, une fanfare joue une marche militaire, des têtes d’hommes et de femmes se font écraser au rythme de la musique, les figures du pouvoir, religieux et politique, renaissent des cendres et des débris, … La composition de l’image est telle qu’il est difficile de décrocher, notamment devant la séquence impressionnante du personnage gigantesque du Leviathan, constitué d’une centaines d’individus, hommes et femmes, et qui se redresse, brandissant une épée dans une main, un sceptre dans l’autre.

Si Simon Bogojevic-Narath s’intéresse aux livres anciens, il ne dédaigne pas pour autant les citations et les métaphores. On pense notamment à l’évocation directe de l’œuvre source dans le générique, ainsi qu’à l’extrait de la célèbre gravure du Leviathan réalisée par Abraham Bosse pour le frontispice original du livre. Le décor du film propose, lui aussi, d’autres hommages : des escaliers et des centres de gravité éclatés, à la Escher, des ruines futuristes évocatrices de films tels « Le Jour d’après » ou « Waterworld », un gramophone en lien avec Fellini,…. Enfin, le générique contient également une allusion cinématographique intéressante, empruntant à Hitchcock : le film s’ouvre  sur des ombres et des bruits d’oiseaux menaçants, suggérant le monde dépeuplé et délabré des « Oiseaux ».

Dans ce monde à la dérive, la notion de guerre (bellum omnium contra omnes – guerre de tous contre tous) est esthétisée  L’ironie de la situation réside dans l’idée que la guerre, si terrible qu’elle soit, est perçue comme une condition nécessaire pour le commonwealth sociétal. Par conséquent, les victimes de la violence applaudissent et encensent les actes de violence qu’elles subissent, jusqu’à entamer une célébration orgiastique prenant un effet stroboscopique.

Vision d’apocalypse ? Point de vue sur le chaos ? Film sur la fin du monde ou regard sur le monde actuel ? Simon Bogojevic-Narath refuse de se prononcer. Pour lui, c’est au spectateur de lire son Leviathan, selon sa propre interprétation.

Adi Chesson

Article associé : l’interview de Simon Bogojevic-Narath

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Simon Bogojevic-Narath. L’animation, la métaphore

Simon Bogojevic-Narath est peintre, vidéaste, et animateur, en Croatie. ll y a deux ans, son film « Leviathan »  a été distingué à plusieurs reprises, notamment à Clermont-Ferrand (Meilleur Film d’animation, Mention du Jury Jeunes). À la cinquième fête de l’animation de Lille, il représentait le studio d’animation Kenges spécialisé dans la 2D/3D et les effets spéciaux. Rencontre avec un peintre du mouvement.

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Quels films t’ont intéressé, plus jeune ?

Les films qui m’ont influencé le plus, enfant, sont des films de génération (« Star Wars », « Indiana Jones », etc), mais ceux qui m’ont fait penser sérieusement au cinéma, ont été les films expérimentaux de Man Ray, Buñuel, etc. Ces films qui m’ont fait penser que le cinéma pouvait être autre chose qu’un divertissement; ils m’ont fort impressionné en termes de langage cinématographie, et de structure de narration.

Tes références sont européennes et américaines. Les cinéastes croates t’ont-ils également marqué?

En Croatie et plus globalement en ex-Yougoslavie, il y a eu de très bons artistes vidéo. Un en particulier, Vladimir Kristl, a été très important à mes yeux. Artiste, peintre et animateur, il a été un des fondateurs de l’école d’animation de Zagreb. Ses animations étaient très visuelles et éloignées du monde de Disney.

À quel moment l’animation est-elle apparue dans ton parcours ?

L’animation est apparue plus tard dans ma vie. Après avoir étudié la peinture aux Beaux-Arts, j’ai commencé à faire des vidéos d’art et des installations vidéo. Si je me suis intéressé à  l’animation, c’est grâce à mon bagage expérimental et à l’accessibilité technologique. À l’époque, c’était très compliqué de se lancer dans l’animation. Les équipements étaient très chers et hors de portée, mais à la fin des années 80, les ordinateurs sont arrivés. Ils étaient assez élémentaires, mais nous pouvions nous les procurer aisément, et travailler sans dépendre  des studios. Au même moment, en tant qu’artistes, nous essayions de voir quelle étaient les limites de la peinture, et si il était possible de peindre au-delà. Nous nous sommes tournés vers les images en mouvement, parce qu’il y avait une multitude d’idées visuelles à expérimenter. C’est ainsi que je suis passé de la peinture à l’animation.

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Dans tes films, tu privilégies un univers sombre, chaotique, apocalyptique…

On peut dire la même chose de l’univers de Terry Gilliam, et pourtant ses films sont pleins d’humour. La lecture d’un film reste toujours subjective : il y a autant d’interprétations que de spectateurs, au final.

Plusieurs de tes films s’inspirent de livres anciens et de cultures très éloignées. Pourquoi ce choix?

Je suis très conservateur (rires)! J’adore les livres anciens, je trouve qu’ils traitent de sujets très contemporains. Mon sentiment est que nous vivons dans une époque très rapide et superficielle, et que nous ne prenons pas le temps de considérer avec justesse ce que ces auteurs-éclaireurs ont écrit, il y a plusieurs centaines d’années, sur la société. Celle-ci change peut-être beaucoup, mais certaines choses sont immuables.

Qu’est-ce qui t’a intéressé dans le livre de Thomas Hobbes, Le Leviathan ?

J’ai eu envie de traiter un sujet sérieux avec un humour noir. Les prémisses du livre de Thomas Hobbes sont étranges, comme l’idée de s’entretuer si l’État ne nous commandait plus. Je ne suis pas d’accord avec ce concept, mais j’ai trouvé intéressant de transposer cette réflexion, dans une société individuelle et organisée, avec des moyens audiovisuels. En tant qu’artiste, ça m’intéresse de creuser du côté de ce qui n’est pas très beau, et de secouer le public visuellement, notamment à travers les métaphores.

Comment as-tu travaillé sur ce projet ?

Sur «Le Leviathan », je n’avais pas de storyboard très détaillé, comme ce fut le cas sur « Plasticat » et « Morana ». J’avais juste noté des sensations que je cherchais à atteindre. Nous étions cinq personnes folles et lunatiques à travailler sur ce projet, pendant deux ans. En ce qui concerne la production, l’avancement du projet a été très lent et très peu professionnel car nous ne respections jamais les deadlines. Un vrai désastre !

Quelles étaient tes références esthétiques, au moment du film ?

Ce qui m’a marqué, ça a été cette image de l’État, composée de nombreux individus, qui n’est autre que la copie du frontispice du livre de Thomas Hobbes. Elle sublime tout le contenu du Leviathan, elle est effrayante, mais cela a été vraiment très intéressant de l’animer, de la faire bouger, avec toutes les personnes qu’elle comporte. Quand j’ai commencé à faire ce film, je n’avais pas d’idées particulières en tête, j’incorporais des réflexions au fur et à mesure, comme un puzzle.

Es-ce que le conflit en ex-Yougoslavie a influencé ton travail ?

Il y a des guerres, certes, mais elles ne touchent pas tout le monde. Quand Zagreb fut bombardé, l’air était chargé, mais d’un autre côté, les gens continuaient à sortir. En 1993, je faisais des installations vidéos avec un groupe d’artistes de Zagreb. Les Allemands étaient intéressés par notre travail, et voulaient le montrer à l’étranger. Le public a été très déçu car nous n’avions pas d’images représentatives de la guerre. Nos installations reflétaient peut-être la situation, mais cela ne se voyait pas à première vue. C’était très étrange, cet accueil. Je pensais, et je pense encore maintenant, que c’est très facile d’exploiter la situation d’un pays en guerre. Cette situation peut paraître exotique aux yeux des autres. La Croatie a été attaquée, c’est vrai. Certaines personnes ont souffert pendant la guerre, et ont tout perdu, mais il y en a d’autres qui n’en ont pas été aussi touchées. Qui suis-je pour juger ? Je fais de l’art.

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Quel est le sujet de ton prochain projet, « The flowers of battle » ?

Ce sera un film très expérimental, en 2D, 3D, et stop-motion. Il traitera des libertés individuelles, de la manipulation, du contrôle de la société, et du collectif étatique, à travers l’art éteint du maniement de l’épée. Je compte, comme toujours, utiliser beaucoup de métaphores, et même introduire une nouveauté, des comédiens prêtant leurs voix au film. Et pour ne pas changer, je me base sur un livre ancien, un manuscrit, Flos Duellatorum, écrit en 1410.

Tu as fait cinq courts métrages. Qu’est-ce qui t’intéresse dans ce format ?

Je me sens plutôt à l’aise avec le court métrage. Celui-ci me permet d’être libre artistiquement. Je peux faire ce que je veux, sans compromis.  C’est une situation idéale pour moi. Je n’aurais peut-être pas pu faire ce que j’ai fait sur « Leviathan » ou « Morana » si j’avais dû l’envisager sur un format long. Ça aurait juste été impossible et trop cher.

Quelles sont les structures existantes pour le court métrage d’animation en Croatie ?

Nous avons deux écoles d’animation, l’une à Zagreb, l’autre, plus récente, à Split, où je torture les étudiants, avec mon ami Veljko Popovic [réalisateur de « She who measures »] (rires)! Nous avons un excellent festival expérimental, 25 FPS, et des grands studios obsolètes, dont Zagreb Films, qui date des années 50 et qui a du mal à se renouveler. Personnellement, j’attends beaucoup de la jeune génération.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film

Consulter la fiche technique du film

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Fiche technique

Synopsis : Réflexions en images sur le livre de Thomas Hobbes, « Léviathan », le manuel de tous les souverains du monde.

Genre : Expérimental, Animation

Durée : 14’40’’

Pays : Croatie

Année : 2006

Réalisation : Simon Bogojevic-Narath

Scénario : Simon Bogojevic-Narath

Directeur photo : Simon Bogojevic-Narath

Techniques : Animation d’objets, ordinateur 3D

Musique : Hrvoje Stefotic

Animation : Mario Kalogjera, Sasa Budimir

Effets spéciaux : Simon Bogojevic-Narath

Production : Kenges

Articles associés : l’interview de Simon Bogojevic-Narath, la critique du film

Cannes : la sélection officielle

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Cette année, Cannes accueillera neuf courts métrages en compétition. Tous briguent la Palme d’or du court métrage attribuée lors de la cérémonie de Clôture du Festival, le 24 mai prochain. Découvrez l’identité des films sélectionnés  :

The six dollar fifty man de Mark Albiston et Louis Sutherland – 15’- Nouvelle-Zélande

Larsog Peter de Daniel Borgman -15’ Danemark

Rumbo a Peor de Alex Brendemühl -12’ Espagne

Missen de Jochem De Vries -12’ Pays-Bas

L’homme à la Gordini de Jean-Christophe LIE -10’ – France

Ciao Mama de Goran Odvorcic -10’ Croatie

Klusums de Laila Pakalnina -14’ Lettonie

Arena de João Salaviza -15’ Portugal

After Tomorrow de Emma Sullivan -15’ Royaume-Uni

Le jury des courts métrages, qui récompensera également les films de la Cinéfondation, est présidé par le cinéaste britannique John Boorman et comprend les réalisateurs Bertrand Bonello, Ferid Boughedir ainsi que les actrices Leonor Silveira et Zhang Ziyi.

Le site du Festival de Cannes : www.festival-cannes.com

La Cinéfondation propose sa sélection

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Fondée en 1998, la Cinéfondation, volet du Festival de Cannes, soutient la création cinématographique dans le monde et aide à préparer la relève d’une nouvelle génération de cinéastes. Chaque année, la Cinéfondation s’attache à exposer le travail de jeunes talents issus d’écoles de cinéma du monde entier, en sélectionnant quinze à vingt courts et moyens métrages. Voici la sélection de cette année.

Il Naturalista de Giulia Barbera, Gianluca Lo Presti, Federico Parodi et Michele Tozzi – 6’ – Centro Sperimentale di Cinematografia, Italie

Le contretemps – Dominique Baumard – 39’- La fémis, France

Sylfidden de Dorte Bengtson – 8’ -Den Danske Filmskole, Danemark

#1 de Noamir Castéra – 4’ -ENSAV La Cambre, Belgique

Gutter de Daniel Day  – 17’ – New York University, Etats-Unis

Traverser – Hugo Frassetto – 5’ -La Poudrière, France

Don’t step out of the house de Jo Sung-hee – 43’ – Korean Academy of Film Arts, Corée du Sud

Diploma de Yaelle Kayam – 22’ – The Sam Spiegel Film & TV School, Israël

Kasia de Elisabet Lladó – 11’ – IAD, Belgique

By the grace of God de Ralitza Petrova – 37’ – NFTS, Royaume-Uni

El boxeador de Juan Ignacio Pollio – 10’ – Universidad del Cine, Argentine

Chapa de Thiago Ricarte – 15’ – FAAP, Brésil

Segal de Yuval Shani  – 23’ – Tel-Aviv University, Israël

Goodbye de Song Fang – 31’ – Beijing Film Academy, Chine

Baba de Zuzana Kirchnerová-Špidlová  – 21’ – FAMU, République Tchèque

Malzonkowie de Dara Van Dusen  – 12’ -PWSFTViT, Pologne

The horn de Yim Kyung-dong  – 24’ – Kaywon School of Art, Corée du Sud

Lors d’une cérémonie officielle du Festival, le Jury de la Cinéfondation et des Courts métrages (John Boorman, Président, réalisateur, écrivain, et producteur britannique; Bertrand Bonello, réalisateur français;  Ferid Boughedir, réalisateur tunisien; Leonor Silveira, actrice portugaise; Zhang Ziyi, actrice chinoise) décernera un prix aux trois meilleurs d’entre eux.

Le site du Festival de Cannes : www.festival-cannes.com

L’ACID : les réalisateurs font leur sélection

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L’ACID, l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion, fêtera cette année, du 14 au 22 mai, ses 15 ans à Cannes. Comme chaque année, des longs et courts métrages français et étrangers, pour la plupart sans distributeur, choisis et défendus par des réalisateurs réunis au sein de l’ACID, seront proposés aux spectateurs cannois, professionnels ou non, épris de découvertes.

Voici la liste des courts métrages sélectionnés :

C’est plutôt genre Johnny Walker de Olivier Babinet (France)

Dahomey de Jean Baptiste Germain (France)

Colchique de Catherine Buffet et Jean Luc Greco (France, Canada)

L’enclave de Jacky Goldberg (France)

Ebullition de Anne Toussaint (France)

Je criais contre la vie. Ou pour elle de Vergine Keaton (France)

Le site de l’ACID : www.lacid.org

Alexei Alexeev : l’humour, le court, et le stupide

« Qu’est-ce que je parle… Je n’aime pas trop parler de moi. Ça, c’est à cause de la bière ! Bon, j’en prends une autre ! Tu as une autre cassette ?! ».  Réalisateur russe habitant à Budapest, formé à l’animation au studio Pilot et à l’Université de cinéma de Moscou, Alexei Alexeev aime faire des films stupides, drôles et courts, à l’image de « KJFG n°5 », un sketch musical mettant en scène des animaux de la forêt. Entre houblon et exclamation, rencontre avec le réalisateur, présent à la cinquième Fête de l’animation, à Lille.

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Comment t’es-tu découvert un intérêt pour l’animation ?

Je n’ai jamais voulu être animateur. À vrai dire, toute ma vie, j’ai joué différents styles et instruments de musique. Mes parents m’ont inscrit, enfant, à l’Académie de musique de Moscou. Cela ne me plaisait pas au départ, parce que je préférais jouer avec les enfants dans la rue que faire des gammes, enfermé à l’intérieur! Comme mon père était professeur en ingénierie aéronautique à l’Université technique de Moscou. J’ai suivi sa voie, mais c’était censé être temporaire parce que je ne savais pas quoi faire. Aujourd’hui encore, je ne sais pas quoi faire (rires) ! J’ai terminé mes études, avec une centaine de professionnels de l’aéronautique connaisseurs du monde interplanétaire. Si je n’avais pas joué de la musique, je serais…

Devenu astronaute ?

…Non, je serais devenu complètement fou. La formation était très pointue et stressante.

Tu évoques la musique. Il semble qu’elle ait influencé ton travail : tes films sont très musicaux.

Merci. Je pense qu’ils sont plutôt stupides, en fait (rires) ! Mais si tu trouves des adjectifs raisonnables, ça me va !

As-tu le souvenir d’un film qui t’a touché, enfant ?

Non, pas spécialement. J’étais un enfant normal qui aimait l’animation, sans plus. Je me souviens toutefois d’une série en épisodes de 10 minutes, « Nu, pagadi » (« Attends que je t’attrape »), une sorte de « Tom & Jerry » russe qui passait à la télévision le soir. C’était peut-être la première série non moralisatrice en République Soviétique. Personnellement, la moralité dans les films m’insupporte. Ce côté « fais ceci, ne fais pas cela » convient peut-être aux professeurs, mais pas à moi. Ce qui me plaît par contre, c’est l’humour stupide.

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Plus c’est stupide, plus c’est intéressant ?

Oui. Moi, je trouve ça très excitant, la stupidité. Souvent, au cinéma, je peux prévoir ce qui va se passer, et je trouve ça ennuyant. Mais quand les choses sont illogiques et/ou dynamiques, n’importe quoi peut se passer n’importe quand : tout est imprévisible, et je reste attentif. Si j’apprécie les formats très courts, c’est parce que j’estime que je n’ai pas le droit de parler aux spectateurs plus longtemps qu’il ne le faut. Si ils n’aiment pas mes films, je ne leur aurai pris que deux minutes de leur vie. Moi, je suis très sensible à l’ennui. Cela fait 20 ans que je travaille dans l’animation. Je sais à quel point c’est dur, pesant et long de faire des films, et quand les résultats sont décevants, cela me rend malade.

Cette année, tu fais partie du comité de sélection des courts métrages au  festival d’Annecy. As-tu été  malade en voyant les films ?

Non, je l’ai plutôt été en me farcissant 98 heures de visionnage et 700 films (rires) ! Il y a quelques films que j’ai beaucoup aimés et d’autres qui m’ont désintéressé parce qu’ils étaient trop prévisibles ou parce qu’ils comprenaient des dialogues longs et inutiles. Est-ce que ça me touche ou non ? C’est la question essentielle.

Est-ce que ce que cela explique pourquoi tes deux derniers films ne comprennent pas de dialogues et sont très courts ?

Oui et non. Les dialogues et la durée ne m’intéressent pas trop. Je pourrais faire plus long, mais je n’en vois pas la raison. Pour moi, l’animation est un processus très long et plutôt ennuyeux. On passe beaucoup de temps dessus. Je ne voulais pas m’ennuyer, et ces films sont à la base des blagues que j’ai faites pour moi. Pour être honnête, je ne voulais même pas les montrer.

Tu voulais les garder pour toi ?

Oui. J’ai fait plusieurs films que je n’ai montré à personne. Ca me fait plaisir que les gens apprécient mon travail, mais c’est vrai que je crains par moments que mon humour complètement idiot ne soit pas compris par les autres parce qu’il n’est pas très commun. Pour moi, la seule règle, c’est le rire : dans mes films, il n’y a pas de sujets, d’histoires, ou de concepts. Il n’y a rien du tout  (rires) ! J’aime ce qui est simple et drôle, sans fioritures. Cela peut être vulgaire, sexuel, n’importe quoi, mais ça doit être drôle !

Tes nouvelles idées concernant tes animaux des bois seront donc sexuelles, drôles, d’une durée d’une minute, sans dialogue et sans histoires !

Oui (rires) ! Je ne sais pas quoi raconter sur les animaux de « KJFG n°5 ». Qui sont-ils ? Des hommes ? Des femmes ? Peut-être sont-ils des homosexuels  vivant reclus dans la forêt ? Peut-être. Même question pour le chasseur. Qui est-il ? Entretient-il une relation avec son chien ? Je n’en sais rien. Il n’y a rien à comprendre (rires) !

Comment se fait-il qu’à l’origine, tu ne voulais pas faire d’animation et que tu te sois retrouvé au Studio Pilot [premier studio indépendant, privé, et moderne en Russie] et à l’université de cinéma de Moscou ?

À la fin des mes études en aéronautique, j’ai suivi un cours d’art. Je faisais des dessins débiles pour impressionner la fille assise à côté de moi. Elle m’a tendu un journal avec une publicité du Studio Pilot, en me disant que si je dessinais, je devrais m’adresser à eux. Je les ai appelés, ils m’ont demandé de faire quelques dessins. Ils les ont appréciés, et j’ai commencé à me former chez eux au métier d’animateur. J’ai travaillé avec Alexandre Tatarsky [fondateur du Studio] et de nombreux jeunes animateurs. Plus tard, avec un groupe de Pilot, j’ai suivi quelques cours à l’Université pour apprendre la réalisation.

Comment Pilot a-t-il réformé l’esthétique russe ?

Au studio, il n’y avait rien de comparable à « Nu Pugadi ». On avait envie d’explorer le mauvais goût et les blagues vulgaires. Nous ne nous adressions pas aux enfants, mais aux adolescents et aux adultes. Les films n’étaient pas moraux du tout; ils étaient plus absurdes, libres, et drôles qu’auparavant. Tous les animateurs étaient jeunes et avaient une vision moderne de l’animation. L’atmosphère était géniale, les projets étaient chouettes, et les gens talentueux. Pilot a été la meilleure école, pour moi : de projet en projet, j’ai découvert d’autres techniques et styles, appris à travailler rapidement, et développé mon goût pour l’absurde.

Pourquoi t’es-tu installé à Budapest ?

Initialement, ça devait être provisoire. Il n’y avait plus de travail à Pilot, je suis parti superviser une production, pendant un mois, à Budapest, et je suis resté. Cela fait cinq ans que c’est provisoire !

Dans tes films, tu occupes beaucoup de postes : le scénario, la réalisation, le montage, le son, la musique, l’animation, …La seule chose que tu ne fais pas, c’est produire et distribuer tes films. À Pilot, tu avais l’habitude de travailler en équipe. Qu’est-ce qui a changé ?

À Budapest, je n’ai trouvé personne avec qui travailler, alors j’opère seul. Par le passé, j’ai eu quelques mauvaises expériences. Cela ne sert à rien d’expliquer beaucoup de choses aux animateurs : les bons te comprennent alors que les mauvais ne te comprendront jamais. Evidemment, je préférerais travailler avec des gens qui me comprennent : des gens qui ont pensent de la même manière que moi, qui s’amusent des mêmes choses stupides, et qui sont toujours dans la recherche.

Vu que t’investis beaucoup dans tes films, as-tu aussi prêté ta voix au loup chanteur de « KJFG n°5 » ?

Non. La voix a été créée par ordinateur. Moi, je chante très mal, et de toute façon, je ne suis pas un animal !

Depuis ce film, tu travailles avec la chaîne de télévision américaine Nickelodeon…

Oui. À la base, j’avais fait « KJFG » pour moi. Le film durait 14 minutes, c’était une histoire plus développée que l’actuelle,  avec les mêmes personnages. Je n’arrivais pas à la finir, j’ai donc coupé 10 minutes. Les gens de Nickelodeon ont vu le film, l’ont apprécié, et l’ont acheté. Ils m’ont commandé d’autres films courts pour remplir leurs grilles.

Pourrais-tu me parler du titre ? Y–a-t-il un lien avec une symphonie ou un parfum français ?

Ce titre est complètement inutile et dénué de sens.  Je ne savais comment intituler l’histoire, et je ne voulais pas d’un nom qui puisse être un repère pour le spectateur. KJFG pourrait être une abréviation, mais avec un nombre qui le suit, c’est encore plus absurde.

As-tu entendu parler des remakes de ton film, présents sur YouTube ?

Oui. Animamundi, un festival au Brésil, a organisé un concours d’imitation sur base de « KJFG n°5 ». J’ai ainsi découvert une animation et deux fictions que des gens ont fait pour s’amuser, probablement parce que mon film est réellement stupide et facile à imiter ! Je ne l’ai pas pris personnellement.; au contraire, ça m’a fait beaucoup rire !

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Quels sont tes projets actuels ou à venir ?

Je travaille sur les films pour Nickelodéon, et parallèlement, je développe un projet personnel. À Los Angeles, j’ai acheté deux automates en plastique que je trouvais drôles et ridicules, et que je transporte en permanence avec moi, dans une boîte en plastique recouverte de mousse, pour qu’ils ne s’abîment pas. Partout où je vais, je les filme en train de danser. Ainsi, ils danseront dans le monde entier ! Je ne sais pas pourquoi je fais ça, ne me pose pas de questions, car je n’ai pas de réponses (rires) ! C’est un ‘’low budget’’, comme tu peux le constater !

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique de « KJFG n°5 »

Consulter la fiche technique du film

Fête de l’animation 2009

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Depuis 2004, la Fête de l’animation propose à Lille une programmation centrée sur l’animation dans toutes ses expressions : cinéma et arts numériques, BD et manga, jeu vidéo, culture asiatique. Cette année, la cinquième édition de la Fête proposait, du 16 au 19 avril, différents rendez-vous aux amateurs du genre : un zoom sur Miyazaki (projections, exposition, conférence), une théma centrée sur l’Europe de l’Est (invitation à six maisons de production et trois écoles d’animation), un coup de projecteur sur l’anim’ française (cartes blanches offertes à six maisons de production françaises), des soirées électro-animées, des ateliers de découvertes des techniques d’animation, des conférences, des expositions, ainsi qu’une journée professionnelle dédiée aux spécialistes de la filière animation.

Retrouvez dans ce Focus :

Quinzaine des Réalisateurs : la sélection

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La Quinzaine des Réalisateurs est une section indépendante, internationale, et non compétitive du festival de Cannes, fondée en 1968 par la SRF (la Société des Réalisateurs de Films). Motivée par la découverte, l’audace, et la prise de risques, elle convie, chaque année, pendant le festival, des jeunes réalisateurs inconnus comme des cinéastes confirmés. Cette année, 14 courts métrages feront partie de l’actualité de la Quinzaine.

A Repüles Története (L’histoire de l’aviation) de Balint Kenyeres (Hongrie)

American Minor de Charlie White (Etats-Unis)

Anna de Rúnar Runarsson (Danemark)

El ataque de los robots de Nebulosa-5 de Chema Garcia Ibarra (Espagne)

Canção de amor e saúde (Chanson d’amour et de bonne santé) de João Nicolau (Portugal, France)

Cicada de Amiel Courtin-Wilson (Australie)

Drömmar Från Skogen de Johannes Nyholm (Suède)

Dust Kid de Yumi Jung (Corée du Sud)

Les Fugitives de Guillaume Leiter (France)

Jagdfieber de Alessandro Comodin (Belgique)

John Wayne Hated Horses de Andrew Betzer (Etats-Unis)

Nice de Maud Alpi (France)

Superbarroco de Renata Pinheiro (Brésil)

Thermidor de Virgil Vernier (France)

Le site de la Quinzaine des Réalisateurs : www.quinzaine-realisateurs.com

Semaine Internationale de la Critique : la sélection des journalistes

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Première section parallèle du Festival de Cannes, la Semaine Internationale de la Critique révèle depuis 1962 des jeunes cinéastes et des films fragiles et différents (courts, longs, et moyens métrages). Cette année, le « nouveau souffle du cinéma », prévu du 14 au 22 mai, enveloppera les sept courts métrages en compétition.

La sélection 2009 est la suivante :

Together d’Eicke Bettinga (Allemagne / Royaume-Uni)

Noche adentro de Pablo Lamar (Paraguay)

Runaway de Cordell Barker (Canada)

C’est gratuit pour les filles de Marie Amachoukeli & Claire Burger (France)

Tulum (La virée) de Dalibor Matanic (Croatie)

Logorama de François Alaux, Hervé de Crécy, Ludovic Houplain (H5) (France)

Slitage (Seeds of the Fall) de Patrick Eklund (Suède)

Le site de la Semaine de la Critique : www.semainedelacritique.com

Nicolas Engel et le film musical

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Il grandit à Hong Kong et à Londres, où naît son goût pour la comédie musicale. En 2005, il réalise son premier court métrage musical, « Les Voiliers du Luxembourg », puis approfondit son travail sur la fiction chantée avec « La Copie de Coralie ». Il… STOP !

Nicolas Engel, sensible aux films musicaux, à l’intemporalité, à la communication, à la mémoire, et au rythme, est le réalisateur de trois courts métrages, deux « classiques », et un mobile. « Les Voiliers du Luxembourg » relate la rencontre de petits bateaux et de grandes personnes, par le jeu de l’amour, du vent, et du hasard. « La Copie de Coralie », narre le souvenir d’une rencontre et d’une trace, une photographie reproduite à l’infini. Réalisé la même année, avec un téléphone portable, « Un premier amour » mêle, quant à lui, oubli et séduction dans le métro parisien.

Trois films, un auteur, un focus. Retrouvez-y :

Nicolas Engel : l’intrigue et le dialogue chanté

Il arrive en vélib’ (vélo en libre-service), s’excuse d’avoir du retard (quatre minutes), laisse ses cheveux (châtains) devant ses yeux (noisette), et est content de ne pas être résumé à sa bio (officielle). Interview-café, avec Nicolas Engel, le réalisateur des « Voiliers du Luxembourg », d’ « Un premier amour », et de « La Copie de Coralie ».

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D’où vient ton intérêt pour le cinéma ?

Je ne sais pas. J’ai toujours aimé le cinéma, je n’ai pas le souvenir d’un déclic. Mes parents ne sont pas dans ce milieu-là, je me rappelle seulement avoir été marqué, très jeune, par certains moments de cinéma. Il y eut l’empreinte de « Vertigo » d’Hitchcock. Enfant, je l’ai vu chez mes grands-parents, et j’ai eu très peur. Ils m’ont obligé à aller me coucher cinq minutes avant la fin, au moment où James Stewart emmène de force Kim Novak en haut du clocher. Cette image m’est longtemps restée en tête.  « Blanche Neige » de Walt Disney a provoqué le même effet : mon père m’a fait sortir de la salle, juste après que la reine se soit transformée en sorcière. En revoyant le film, il y a quelques années, je me suis rendu compte à quel point cette comédie musicale était incroyablement bien écrite.

Très tôt, tu t’es donc intéressé au cinéma chanté ?

Depuis l’enfance, j’ai toujours apprécié les moments où les personnages se mettaient à chanter dans les films. Assez rapidement, mon père a remarqué que j’aimais écrire des histoires en chanson, et que j’interprétais tout le temps des pièces de théâtre avec ma soeur. Il a commencé à nous filmer en train de jouer et de chanter, mais c’est moi qui lui disais : “tu mets ta caméra là, et tu fais ça”. J’avais une idée claire de ce que je voulais, mais je n’étais pas conscient que j’étais en train de faire de la réalisation.

Saut dans le temps. Tu as étudié le cinéma, notamment à la Sorbonne…

J’ai toujours su que je voulais étudier le cinéma. Après, j’aurais peut-être plus imaginé aller à la Fémis qu’à la Sorbonne. J’ai tenté le concours en scénario tout de suite après le bac. J’étais beaucoup trop jeune, je n’avais rien préparé, je me suis fait recaler. Ensuite, après mes études à la fac, j’ai tenté le concours en montage, parce que tout le monde me disait que c’était impossible de l’avoir en réalisation. Le jury m’a dit que je ne voulais pas faire de montage, et que j’allais être un monteur frustré (rires)! Je leur avais dit que je voulais monter des comédies musicales, et ils m’ont répondu : “mais vous savez, jeune homme, il n’y en a pas beaucoup, des comédies musicales en France ! (rires) ”.

La Sorbonne propose une formation très théorique. Vous n’avez pas la possibilité de faire de films de fin d’études.

Non. Après, chacun se débrouille pour rencontrer des gens et monter des projets. Les gens que j’ai rencontrés là-bas sont souvent dans la théorie. Ils ont des idées, mais quand il s’agit de passer à la réalisation, ils rencontrent des problèmes, parce qu’on ne les a pas poussés à faire des films, et parce qu’on ne leur a pas appris la pratique. À la Sorbonne, on nous enseigne plutôt l’histoire du cinéma, la critique, l’esthétique des images, etc. C’est une formation théorique très éloignée de la réalité d’un tournage et d’un film.

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Comment en es-tu alors arrivé à faire ton premier film, en sortant de l’école ?

Après la Sorbonne, j’ai travaillé dans une agence, comme monteur. J’y faisais des bandes-annonces pour le cinéma et la télévision. J’avais très peu de temps libre, mais en parallèle, j’écrivais « Les Voiliers du Luxembourg » avec Pierre Gascouin, le compositeur du film. Les films que j’avais faits jusque là, avec une caméra DV au poing, ne ressemblaient à rien, et je n’avais aucune idée de la manière dont un projet cinéma se montait. Du coup, le film s’est fait dans une inconscience totale : on ne s’est pas posé de questions, et on ne s’est pas demandé si notre projet était réalisable.

Ce film a été ton premier court métrage chanté. Au fil du temps, tu as “gagné” une étiquette : celle de réalisateur de comédies musicales.

Je ne l’avais pas à l’époque. Ça étonne toujours les gens que je continue à rester dans ce thème, alors que ce qui me plaît, c’est de travailler un genre, et de voir tout ce que je peux expérimenter dessus. Pour moi, le fait de chanter, et de poser ses mots sur une musique accompagnant une intrigue, peut renforcer l’émotion et la justesse contenues dans le film.

Quand tu abordes un film, penses-tu à sa musique avant son histoire ?

Cela dépend du film. Le projet « Les Voiliers » est né de l’image des petits bateaux du bassin du Luxembourg qui se croisent d’une manière très musicale, et des musiques hyper jazz que Pierre avait imaginées pour coller à ces mouvements. Le point de départ du deuxième film, « La Copie de Coralie », a été d’introduire des personnages dans un magasin de reprographie, avant tout parce que le son de photocopieuses m’intéressait pour construire les dialogues et une intrigue. Sur ce film-là, on ne partait donc pas de la musique, mais du son, tout comme dans « Un premier amour », le film que j’ai tourné avec un téléphone portable. Pour moi, le son de ces deux films est proche, et intervient dans la narration : il sert à évoquer le souvenir.

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Dans ton travail, la mémoire s’imprime aussi sur les murs.

Les murs ont un sens légèrement différent dans chacun de mes films. J’aime bien les considérer comme des traces de ce qui est passé, comme des surfaces sur lesquelles le souvenir s’est inscrit. Quand j’écrivais « Les Voiliers », j’ai été inspiré par les peintures de Némo. Celui-ci revient souvent sur les murs qu’il a déjà peints, et peint par dessus, mais un peu différemment. Il joue beaucoup de la ville, de la récurrence, et des différences. Du coup, la mémoire travaille, parce qu’on ne sait plus, et qu’on est perdu. Sur « Les Voiliers », je voulais filmer les murs de Némo, parce que je voyais un parallèle entre sa démarche et la mienne. Ce qu’il cherche à faire, c’est créer un petit moment d’évasion du monde réel, à travers la peinture d’un mur triste et sale. C’est ce que j’imaginais faire sur mon premier film : proposer une autre façon de regarder le réel.

À l’époque des « Voiliers », tu mentionnais que le film devait “être naïf sans être niais”. Comment as-tu évité de tomber dans le ridicule ?

J’ai essayé d’être dans la sincérité, et non dans une fausse naïveté, parce que sinon, je me serais approché du ridicule. « Les Voiliers » ont représenté un défi, car je tenais vraiment à filmer cette naïveté de manière sincère. Le projet partait de ces petits bateaux et de la simplicité de ce jeu qui étonne toujours les touristes américains qui ne comprennent pas pourquoi les enfants s’amusent à pousser des bateaux avec un bâton, et qui se demandent toujours où sont cachées les télécommandes. Voilà, moi, je tenais à ce que mon film ait la simplicité de ce jeu-là.

Il est difficile de situer ce film dans le temps. Pourquoi avoir choisi de travailler sur l’idée d’intemporalité ?

Ce qui me paraît incroyable par rapport à ce bassin de petits bateaux, c’est que cela fait plus d’un siècle qu’il est là, qu’il n’a pas bougé, qu’un travail est fait pour l’entretenir, et qu’on ne voit pas le temps passer à cet endroit-là. J’y ai rencontré de nombreuses personnes âgées qui venaient se promener là parce que le lieu, lié à leur enfance, était resté intact, et chargé de souvenirs. Je voulais vraiment garder ce lieu comme lieu de mémoire, du coup, j’ai eu envie de raconter une histoire intemporelle. C’est pour cela qu’on s’est montré très attentif à ce qu’aucun élément ne permette de situer l’histoire.

On sent l’empreinte de Demy sur ce film…

Effectivement, le clin d’oeil était vraiment très appuyé. Il y avait tellement de choses dès le départ (la musique de Pierre, les petits bateaux, comme dans « Les Demoiselles de Rochefort »,…) qui faisaient penser à Jacques Demy qu’on a décidé à un moment de l’assumer à fond, et de construire le film en hommage au cinéaste.

Il y a une tentation ces dernières années de faire tourner des chanteurs, comme on voit des comédiens se mettre à chanter. Pour « La Copie », comment as-tu dirigé Serge Riaboukine et Juliette Laurent ?

Avec Juliette Laurent, sur « Coralie », ça a été très simple, parce qu’on se connaît depuis longtemps, et qu’elle savait ce que je voulais. Il y a eu une belle rencontre avec Philippe Poirier, dont la musique n’est pas réellement chantée. Avec lui, il ne s’agit pas de porter la voix, mais plus de poser les mots sur un rythme. Entre Juliette et Philippe, ça a été très simple. Ils ont répété trois fois la chanson, et c’était parti. Avant d’appeler Serge Riaboukine, j’ai revu « La Leçon de guitare » [Martin Rit], dans lequel il chante du Gainsbourg. Son parlé-chanté était parfait pour « La Copie ». En le rencontrant, j’ai appris qu’il avait chanté en play-back, or, mon film, je voulais le faire en son direct. On lui a donc mis la musique en oreillette, et il a su, petit à petit, se réapproprier la mélodie de Philippe, et poser ses mots sur le rythme.

La même année que « La Copie de Coralie », tu as réalisé un film mobile, « Un premier amour »,  dans le cadre de la collection “Caméra de Poche” lancée par ARTE. Comment as-tu envisagé l’idée de filmer avec un téléphone plutôt qu’avec une caméra ?

Depuis « La Copie de Coralie », je travaille avec Hélène Vayssières [chargée des courts et moyens métrages au sein de l’Unité Cinéma d’Arte France]. Pendant le montage de « La Copie », elle m’a proposé de faire un film avec un téléphone, et je dois bien admettre que je n’étais pas convaincu par l’idée, sur le coup. Sur le moment, je ne savais pas trop quoi faire, et puis, quand j’ai reçu le téléphone, je me suis soudainement rendu compte que je pouvais l’utiliser dans l’autre sens, et ne pas filmer en 16/9, mais en format portrait. Tout d’un coup, ça, ça m’a paru super excitant d’être dans la verticalité des corps, et de filmer un champ contrechamp de cette manière. Ensuite, comme tout ce que je fais aborde le thème de la communication et de la non communication, cela semblait finalement assez ironique d’utiliser ce moyen de technologie, censé favoriser le contact. Après, au moment du tournage ça a été plutôt ridicule de se pointer dans le métro, et de bloquer un wagon, avec les comédiens, la perche, la lumière, et comme seul outil dans les mains, un petit téléphone (rires)! Surtout que le petit téléphone émettait un petit bruit vraiment grotesque quand on appuyait dessus !

T’es-tu senti plus libre avec ce nouveau médium ?

Le film de poche s’est vraiment fait sur une courte période, et si il avait une base scénaristique, il s’est construit, pour moitié, au montage. Ce qui m’a plu, c’est de pouvoir être surpris. Ça ne m’était pas arrivé sur les autres films, parce qu’ils étaient tellement écrits avant le tournage que je savais vraiment où j’allais. En faisant « Un premier amour », je savais que j’avais une sécurité : si le montage ne donnait rien, on pouvait toujours aller tourner une scène supplémentaire. Tout le contraire d’un court métrage tourné en pellicule : en général, c’est inimaginable de repartir tourner un jour ou deux, pour des questions de budget et de planning.

Où en es-tu dans tes prochains projets, le court (« Les lignes de Sam Un »), et le long (« De quelque part ») ?

Le court va se tourner au Havre. Il se déroule dans une librairie dans laquelle un personnage joue constamment au piano, et il traite du conflit entre ce qui se passe à l’intérieur, et à l’extérieur. En ce moment, je travaille sur la musique avec un groupe du Havre, “Your Happy End”. En ce qui concerne le long métrage (qui portera un autre nom), je suis en pleine écriture. Il s’agit en quelque sorte d’une version longue de « La Copie de Coralie ». A priori, je pense retravailler avec Philippe Poirier, qui avait signé la musique de « Coralie ».

Question carte blanche. Qu’est-ce qui t’intéresse dans le court métrage ?

Initialement, j’ai toujours eu un désir de cinéma, mais aucune formation valable pour me prétendre réalisateur. Du coup, le court métrage m’a vraiment permis de tout apprendre, puisque je ne savais rien de la manière dont se déroulait un tournage. Sur « Les Voiliers », j’ai mis quelques jours à comprendre que c’était moi, le chef du navire, et que je risquais de perdre une partie de l’équipe en route. Ce que j’aime dans le court métrage ? Sa faculté de proposer des petits moments d’évasion, en posant un regard différent sur le réel.

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter les fiches techniques suivantes : « La Copie de Coralie », « Les Voiliers du Luxembourg »

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