Tous les articles par Katia Bayer

K comme KJFG n°5

Fiche technique

Synopsis : Trois musiciens professionnels, l’ours, le lapin et le loup, répètent dans la forêt, mais soudain le chasseur arrive.

Genre : Animation

Durée : 2’10’’

Pays : Hongrie

Année : 2007

Réalisation : Alexei Alexeev

Scénario : Alexei Alexeev

Animation : Alexei Alexeev

Décor : Alexei Alexeev

Son : Alexei Alexeev

Technique : Ordinateur 2D

Musique : Alexei Alexeev

Production : Studio Baestarts LTD

 

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Alexei Alexeev

 

Clare Kitson : Channel 4 et le film d’animation britannique

En 1982, une nouvelle chaîne de télévision apparaît dans le paysage audiovisuel anglais. Son nom : Channel 4. Ses valeurs : innovation, créativité, expérimentation, originalité, subversion, nouveaux talents. De 1989 à 1999, Clare Kitson dirige le Département Animation de la chaîne. Cet auteur de plusieurs ouvrages spécialisés (Yuri Norstein, Channel 4) était, en février 2009, membre du jury international à Anima.

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Channel 4 est née en 1982. Dans quel contexte est-elle apparue ?

Le contexte de sa création est plutôt intéressant. Dans les années 60, des voix radicales se sont fait entendre dans le milieu universitaire. Partout en Angleterre, les gens ont commencé à discuter de l’éventualité d’une chaîne de télévision supplémentaire.  Chacun disait qu’il fallait un changement, et qu’une nouvelle chaîne de télévision qui ne soit pas démodée et qui soit de gauche devait voir le jour. Dans les années 60 et 70, il y eut plusieurs tentatives pour que cette idée se concrétise.  Mais ce n’est que dans les années 80, en pleine ère Thatcher, que la chaîne s’est constituée. Ironique, n’est-ce pas ?

Quelles étaient les spécificités de cette quatrième chaîne ?

Channel 4 se voulait dès le départ différente des autres chaînes (BBC 1, BBC 2, ITV). Innovation, créativité, expérimentation, originalité, subversion, nouveaux talents … : tels étaient les maîtres mots. Channel 4 a une particularité : c’est une chaîne du service public financée par des fonds privés, dont des publicités. Celles-ci sont gérées par la chaîne commerciale ITV qui est complètement séparée de la chaîne. À l’époque, le marché publicitaire télévisuel était florissant, car seules deux chaînes commerciales se le partageaient. Depuis, cela a fort changé, car la publicité est sur Internet et partout ailleurs, et que les chaînes commerciales se sont multipliées.

À cette époque, regardais-tu aussi la télévision, en te disant que quelque chose devait changer ?

Ces années-là, travaillant au National Film Theatre, je passais mon temps au cinéma. Je n’étais pas trop au courant de ce qui se passait à la télévision, celle-ci était même un peu considérée comme l’œuvre du diable (rires)! Ce n’est que quand la personne en charge de l’animation à Channel 4 est partie en 1989 que j’ai commencé à m’y intéresser. On était plusieurs à briguer le poste. Les autres candidats étaient très spécialisés, soit dans l’expérimental soit dans l’animation populaire, et moi, je n’avais aucune étiquette. Au National Film Theatre, je montrais toutes sortes d’animations (des programmes pour enfants, des films très expérimentaux, des comédies, ….) à toutes sortes de publics. C’est probablement pour cela que j’ai été prise, malgré le fait que je n’avais aucune expérience télévisuelle.

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Même si les films d’animation du catalogue de la chaîne sont très différents les uns des autres, ils ont deux points en commun : l’interrogation identitaire et le goût du subversif. Est-ce que ce sont deux éléments essentiels pour Channel 4 ?

Oui. Les travaux les plus intéressants et originaux proviennent de personnes capables d’exprimer leurs sentiments personnels. Les dernières années à Channel 4, je m’intéressais d’ailleurs beaucoup aux  documentaires animés, à ces films marqués par la première personne d’une manière ou d’une autre. Quant au subversif, c’est aussi une valeur qui a été importante pour la chaîne, dès sa création. A l’époque, un prix très spécial existait en Angleterre, le “Dick Award”, récompensant les courts métrages les plus controversés, innovants et subversifs. Nous en avons remporté deux : un pour « 15th February » (Tim Webb, 1995), l’autre pour « The Sound of Music » (Phil Mulloy, 1993).

Est-ce que l’animation est considérée par le public anglais comme un programme trop spécifique ?

C’est bien possible. Le court métrage ne récolte pas de très larges audiences et n’est pas non plus un format très populaire. Les personnes intéressées par la culture ont une sorte de liste de référence pour les longs métrages, mais ils vont rarement dire à leurs amis : “as-tu vu ce court métrage-là ?”.

Quelle est la situation actuelle du cinéma d’animation britannique ?

Il y a du positif et du négatif. Le court métrage se porte très bien. Des travaux très surprenants continuent à sortir des écoles et de certains studios, même si ceux-ci ont des motivations très différentes (ils passent des commandes de courts car ils veulent tester des réalisateurs et des idées pour des longs métrages). Par contre, l’Angleterre reste à la traîne en matière de longs métrages par rapport à l’Europe, pour des questions de financements. L’animation rencontre également un gros problème avec les séries pour enfants. Initialement, BBC 1 et ITV commanditaient de telles séries, mais ITV a fermé son Département Jeunesse il y a quelques années, donc il y a clairement un manque dans notre paysage audiovisuel. Enfin, réside le problème de la publicité. Les spots liés à la malbouffe ont été interdits d’antenne pendant les programmes pour enfants, ce qui a été assez dramatique pour les séries pour enfants .

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Qu’est-ce qui t’intéresse, finalement, dans le court animé ?

Le court métrage est un moyen d’expression dans lequel on a la possibilité de condenser des choses, et de juxtaposer plusieurs idées, précisément parce que les films sont courts. Ceux qui m’intéressent le plus sont ceux qui comportent une part de mystère, mais qui ne sont pas obscurs au point que je me perde dans leur lecture. Je garde également en mémoire les comédies très habiles, intelligentes, et inattendues. Parfois, les courts combinent ces deux aspects. Mon film préféré de tous les temps n’est autre que « Skazka skazok » (« Le Conte des contes ») de Yuri Norstein, un film merveilleux plein de mystère et d’humour.

Propos recueillis par Katia Bayer

– “British animation : The Channel 4 factor”, le livre de Clare Kitson est disponible sur http://parliamenthillpublishing.co.uk/

– Consulter la fiche technique de « Skazka skazok » (Le conte des contes »)

– Lire également les critiques de « Girl’s Night Out » et « The Man with the beautiful eyes » , deux films issus du catalogue par Channel 4

S comme Skazka skazok (Le Conte des contes)

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Fiche technique

Synopsis : Sur une comptine très populaire en Russie, un poète fait vivre les images de souvenirs d’un monde paisible où les hommes et les animaux savaient être ensemble, avant que la guerre n’arrive.

Genre : Animation

Durée : 29’

Pays : Russie

Année : 1979

Réalisation : Yuri Norstein

Scénario : Yuri Norstein, Lioudmila Petrouchevskaia

Images : Igor Skidan-Bossine

Décors : Frantcheska Yarboussova

Musique : Mikhaïl Meerovitch

Ingénieur du son : Boris Filtchikov

Voix : Aleksandr Kaliaguine

Production : Soyouzmoultfilm

Article associé : l’interview de Clare Kitson

Don’t Let It All Unravel de Sarah Cox

Tout se disloque. Le centre ne peut tenir – The Second Coming, W. B. Yeats

Lauréat du Grand Prix de Tricky Women 2008, du Grand Prix du Festival regard sur le court métrage au Saguney 2008, du Prix spécial du Jury Hiroshima 2008, et de bien d’autres accolades, l’ovni « Don’t Let It All Unravel » a enclenché des applaudissements enthousiastes à Anima.

Le film de Sarah Cox repose sur l’idée de défaire, de démêler, au sens littéral du mot unravel, et sur la découverte, au sens figuré. La réalisatrice britannique a choisi d’animer une tapisserie, en train de se détricoter, représentant des éléments relatifs à la menace écologique actuelle : la Terre, des avions, des ours polaires, des glaciers fondants, … En l’espace de deux minutes, tout tend à se désagréger, pour ne plus tenir qu’à un fil de laine. « Don’t Let It All Unravel » fait aussi référence aux découvertes scientifiques importantes qui mettent en péril l’équilibre de la planète. Le pessimisme est renforcé par l’accompagnement musical, un chant répétitif, aux tonalités tribales africaines, présage d’un avenir morne mais imminent.

« Ne laissons pas notre monde ne tenir qu’à un fil. Raccommodons-le. » : le synopsis du film recommande la sensibilisation et l’action. Curieusement, en anglais, le pitch – « Don’t pull the end of the thread*, darn it! » – contient un jeu de mots supplémentaire. Le verbe darn signifie à la fois repriser un vêtement, et un juron euphémique en allusion à damn (m****). Le film n’est pas anglais pour rien !

Ce très court réussit, malgré son format succinct, à ramener l’art cinématographique au service des considérations sociopolitiques, à la façon du cinéma documentaire, ou des publicités de propagande britanniques, telle la campagne des années cinquante, « Go to work on an egg ». L’animation de Cox témoigne de l’efficacité du soft power dans un domaine où les messages ne sont pas toujours faciles à faire passer, mais nécessitent tout de même une prise de conscience globale et une réaction urgente.« Don’t Let It All Unravel » est une tentative ingénieuse de véhiculer un tel message critique, d’une façon minimaliste, quasiment naïve et véritablement universelle, par la métaphore du tricot.

Adi Chesson

* Ne tirez pas le bout du fil

Consulter la fiche technique du film

KKO Festival : l’Alsace et le film court

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La huitième édition du festival du court métrage d’Altkirch (Alsace) rebaptisée Kino Knock Out (KKO) Festival aura lieu du 15 au 19 avril prochain. Le thème de cette édition 2009,  » Entrer dans l’histoire », associera, en plus de 33 courts métrages projetés en compétition, le souvenir des images, l’identité des hommes, et la mémoire des lieux.

Liste des films en compétition

Est-ce que tu m’(a)imes de Pierre Loechleiter

Trompe l’œil de Florent Sawze

Le secret de Salomon de David Charhon

La saint Festin de Anne-Laure Daffis et Léo Marchand

L’homme est le seul oiseau qui porte sa cage de Claude Weiss

Peau neuve de Clara Elalouf

La résidence Ylang Ylang de Hachimiya Ahamada

Petzolds Pfeifen de Olaf Held

The Big Brother State de David Scharf

Ultima Ratio de Marc Schleiss

Der Jäger und der Bär de Joachim Brandenberg

Golden Guy de Julia Tews

Tsuribashi de Ulrike Schulz

La raison de l’autre de Foued Mansour

Partition oubliée de Teona Grenade

L’enclave de Jacky Goldberg

Je criais contre la vie ou pour elle de Vergine Keaton

Alter ego de Cédric Prevost

Les mots de Madame Jacquot de Matthias Desmarres

Brises de Enrique Ramirez

Transfert de Guillaume Paquin-Boutin

En douce de Vanessa Lepinard

Lisa de Lorenzo Recio

Polar de Mickaël Koch

Pour de vrai de Blandine Lenoir

Marcher de Jeanne Herry

Forbach de Claire Burger

Un bisou pour le monde de Cyril Paris

Des hommes de Romain Cogitore

The heart of Amos Klein de Uri Kranot

Skhizein de Jeremy Clapin

Le site du festival : www.kkofestival.com

J comme John and Karen

Fiche technique

Synopsis : John l’ours polaire s’excuse auprès de Karen le pingouin à la suite d’une dispute; puis il prend du thé et un biscuit.

Genre : Animation

Durée : 3’30 »

Pays : Royaume-Uni

Année : 2007

Réalisation : Matthew Walker

Scénario : Matthew Walker

Animation : Pauline Pinson, Helene Friren, Matthew Walker

Storyboard : Matthew Walker

Décor : Helene Frirer

Directeur artistique du son : Tom Russell

Technique : ordinateur 2D, ordinateur 3D

Montage : Ben Lole

Musique : Oliver Davis

Voix : James Bachman, Emma Cunniffe

Production : Arthur Cox LTD

Distribution : Arthur Cox LTD

Article associé : la critique du film

Q comme La Queue de la souris

Fiche technique

Synopsis : Dans une forêt un lion capture une souris et menace de la dévorer. Celle-ci lui propose un marché.

Genre : Animation

Durée : 4’10 »

Pays : France

Année : 2007

Réalisation : Benjamin Renner

Scénario : Benjamin Renner

Graphisme : Benjamin Renner

Storyboard : Benjamin Renner

Layout : Benjamin Renner

Décor : Benjamin Renner

Animation : Benjamin Renner

Caméra : Benjamin Renner

Musique : Christophe Héral

Son : Christophe Héral

Montage : Emmanuelle Pencalet

Compositing : Pierric Gilbert

Voix : Anthony Poupard

Production : La Poudrière

Articles associés : la critique du film, l’interview de Benjamin Renner

L comme Le Loup blanc

Fiche technique

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Synopsis : Un enfant réussit à apprivoiser un gros loup blanc pour en faire sa monture. Son petit frère et lui sont ravis. Mais pour nourrir sa famille, le père ramène de la chasse un gibier plus gros que d’habitude, un loup blanc…

Année : 2006

Durée : 8’10″

Pays : France

Réalisation : Pierre-Luc Granjon

Scénario : Pierre-Luc Granjon

Image : Sara Sponga

Montage : Nathalie Pate

Son : Loïc Burkhardt

Musique originale : Timothée Jolly

Voix : Oriane Zani, Louis Sommermeyer, Hélène Ventoura, Sylvain Granjon

Production : Sacrebleu Production

Article associé : la critique du film

P comme Le Pont

Fiche technique

Synopsis : Un homme et son fils vivent au sommet d’un pic escarpé. Le seul accès au monde extérieur se fait par un pont ; celui-ci étant détruit, les deux personnages sont entièrement isolés du reste de l’humanité. Le père a veillé à tenir son fils éloigné des réalités du monde des hommes. Mais une nuit, l’enfant aperçoit au loin, en bas de la falaise, une ville dont les lumières brillent. Il devient alors fasciné par cette ville, dont son père veut le préserver à tout prix.

Genre : Animation

Durée : 14’

Pays : Belgique, France

Année : 2007

Réalisation : Vincent Bierrewaerts

Scénario : Vincent Bierrewaerts

Assistant réalisateur : Mehdi Ouahad

Animateur marionnette : Xavier Truchon

Assistant animation : Ronan Cueff

Chef décorateur : Zoé Goetgheluck

Décorateur : Eric Blésin

Accessoiriste : Magali Wassong

Costumière : Jeanne Corbel

Marionnettistes : David Thomasse, David Roussel, Maëlle Bossard, Delphine Priet Mahéo

Infographiste : Julien Leconte

Monteur Image : Nolwenn Jacob

Animateur 2D : Vincent Bierrewaerts

Bruitage : Marie Jeanne Wijckmans

Son : Christian Cartier

Mixage : Michel Coquette

Technique : dessins animés en volume et ordinateur 2D

Production : La Boîte,…Productions, Les Films du Nord, Vivement Lundi !, Digit Anima, Studio Suivez mon regard, CRRAV

Article associé : la critique du film

E comme l’Évasion

Fiche technique

Synopsis : Un homme est en prison. Son compagnon de cellule est torturé jusqu’à la mort. Quand ses geôliers viennent le chercher à son tour, il parvient à s’enfuir dans l’enceinte du bâtiment. Geste désespéré car il s’agit d’un vrai labyrinthe. Il échappe pourtant à ses poursuivants jusqu’au toit du bâtiment. Du haut des miradors, un militaire le tient en joue. Là il exprime devant eux toute la mesure de sa liberté.

Genre : Animation

Durée : 10’

Pays : France, Belgique

Année : 2007

Réalisation : Arnaud Demuynck

Scénario : Arnaud Demuynck

Coréalisation – graphisme : Gilles Cuvelier, Gabriel Jacquel

Chorégraphie : Thomas Lebrun

Animation: Gilles Cuvelier, Gabriel Jacquel, Nicolas Liguori, Frits Standaert

Décors : Gilles Cuvelier, Samuel Guénolé

Son : Fred Meert

Musique originale : Falter Bramnk

Chant : Cécile Thircuir

Voix : Thomas Lebrun

Production : La Boîte,…Productions, Les Films du Nord, Digit Anima, Studio Suivez mon regard, Frits GCV, CRRAV

Article associé : la critique du film

Cartoon d’Or 2008 : les cinq finalistes

À l’image de ses éditions précédentes, Anima a consacré, cette année, une de ses séances au Cartoon d’Or. Unique prix européen récompensant un court métrage d’animation, il offre au lauréat l’opportunité de se lancer dans un projet plus ambitieux tel un long métrage ou une série télévisée. L’initiative comporte une particularité, mais aussi une limite : seuls les films récompensés dans l’un des principaux festivals européens d’animation peuvent concourir au Cartoon d’Or. Cette année, 5 nominés avaient été retenus, par un jury de réalisateurs, parmi 32 films d’animation primés en festival. Présentation des finalistes.

John and Karen de Matthew Walker (Royaume-Uni)

Épisode 43.762. John, l’ours polaire, n’aurait pas dû remettre en question, la veille, les talents de pêcheuse de Karen, le pingouin. Aujourd’hui, il est venu s’excuser, lui dire qu’elle était une excellente nageuse, et que ce n’était pas important si elle n’arrivait pas à attraper de baleine. Pattes croisées, Karen est contrariée, mais elle offre tout de même du thé et des biscuits à John.

« John and Karen » est né sur une page vierge du carnet de croquis de Matthew Walker. Un ours polaire et un pingouin, assis l’un en face de l’autre, se lancent : « Tu te tais ! », « Non, toi, tu te tais ! ». Le réalisateur, ayant déjà été sensible aux duos (des cosmonautes dans « Astronauts », un homme et Dieu dans « Operator »), a développé une histoire courte délirante autour de ce nouveau couple improbable. L’humour « british » est au rendez-vous, les dialogues sont savoureux, et les biscuits se prennent jusqu’au générique de fin.

Le Pont de Vincent Bierrewaerts (Belgique, France)

Au sommet d’une falaise, vivent, coupés du monde extérieur, un homme, son fils, et quelques animaux de ferme. À l’extrémité de leur terre, se trouve un pont en ruine. Tenant farouchement à leur isolement, le père n’a jamais cherché à réparer la passerelle, et a tenté de préserver, à tout prix, son fils des tentations de l’humanité. Une nuit, l’adulte pointe le ciel et les étoiles, quand tout à coup, l’enfant baisse le regard, et découvre, en bas de la falaise, la ville et les hommes…

« Le Portefeuille », le film précédent de Vincent Bierrewaerts, ancien élève de la Cambre, se basait sur le choix, le double, et la surimpression en couleur. « Le Pont » évoque, quant à lui, le passage à l’âge adulte et la confrontation au monde réel, par le biais d’une animation en volume soignée.

L’Évasion de Arnaud Demuynck (Belgique, France)

Du pain pour deux. Un homme partage sa cellule avec un autre prisonnier. La porte  s’ouvre : le codétenu, traîné par des gardiens, est torturé à mort. Ration pour un. La porte s’ouvre à nouveau, l’homme est escorté vers un destin similaire. Il réussit à s’enfuir, et est rattrapé par ses poursuivants. Faisant mine de se rendre, il met un pas devant l’autre, et se met à danser devant les visages fermés et les armes chargées.

Après « Signes de vie » et « À l’ombre du voile », « L’Évasion » clôt la « trilogie chorégraphique » d’Arnaud Demuynck. Ce film de dix minutes, dépourvu de tout dialogue, est une interrogation en noir et blanc sur l’enfermement, l’oppression, le corps, le désespoir, et la liberté.

Le Loup blanc de Pierre-Luc Granjon (France)

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Arthur et Léo, deux petits garçons éveillés, vivent aux abords d’une forêt, à la fois terrain de jeu et de chasse. Ils s’y aventurent sur leurs chevaux de bois, tandis que leur père y traque des beaux lapins. En jouant, Arthur se retrouve nez à museau avec un loup blanc. Il apprivoise l’animal, en fait sa monture, et se met à rêver de chevauchées intrépides, dans les bois, avec son nouvel ami. En se réveillant, l’enfant découvre que le loup a été capturé par son père.

Dans ses précédents courts métrages (« Petite escapade », « Le château des autres », « L’enfant sans bouche »), Pierre-Luc Granjon s’intéressait déjà aux forêts sombres et aux enfants rêveurs et imaginatifs. Avec « Le Loup blanc », il récupère ces deux idées, et signe un conte atypique en papier découpé, dans lequel il n’y a pas de grand méchant loup, de lapin blanc en redingote et en retard, et de parents rassurants et végétariens.

La Queue de la souris de Benjamin Renner (France)

Dans une forêt rouge, noire et verte, une souris importune, par inadvertance, un lion. Celui-ci l’attrape par la queue, et ne la montre pas à ses messieurs. Il s’apprête à croquer sa proie quand celle-ci se met à le supplier de l’épargner et lui propose un marché (lui ramener quelque chose de bien meilleur qu’elle-même). Le lion, pas bête, attache un fil à la queue de la souris.

Lauréat du Cartoon d’Or, « La Queue de la souris » est le film de fin d’études de Benjamin Renner, ancien étudiant de La Poudrière.  Inspiré des fables de La Fontaine, ce conte très court (4’), conçu en papier découpé, est un film profondément esthétique et drôle, porté par des couleurs, des ombres et une musique envoûtantes.

Katia Bayer

Consulter les fiches techniques de « John and Karen », « Le Pont », « L’Évasion »« Le Loup blanc », et « La Queue de la souris »

Les Midis du Court : un peu d’Afrique….

Dans le cadre des Midis du Cinéma, un programme de courts articulé autour du thème « Un peu d’Afrique…. » sera présenté au cinéma Arenberg (Bruxelles), le mardi 28 Avril, à 12h00.

Les veuves ne meurent plus de Aïcha El Hammar – IAD – Belgique – 2008 – Vidéo – 12’55 »

Je me bats pour que chaque femme ayant perdu son mari ne subisse pas le même sort que moi…

Chaîne alimentaire de Marie-Louise Sarr – Sénégal / Belgique – 2008 – 28’

L’Université Gaston Berger du Sénégal compte près de 5000 étudiants. Le restaurant universitaire assure la nourriture quotidienne de tout ce monde. Une chaîne alimentaire qui focntionne chaque jour, des premières lueurs de l’aube jusqu’à la tombée de la nuit. Ce film donne à découvrir la transformation lente et minutieuse des aliments, mais aussi des corps au travail de ceux et celles qui préparent et servent les repas.

Où sont-ils ? de Anite Kassa Lellly – Belgique – INSAS – 2008 – 13’55.

Une jeune Burkinabaise débarque à Bruxelles et part à la recherche du « belge typique »…

Pour plus d’informations : www.arenberg.be

Helen Nabarro : le cinéma d’animation anglais, la place du spectateur, et l’influence de l’audience

Sensible aux histoires et à la magie, Helen Nabarro, est responsable du Département Animation à la National Film and Television School (NFTS), une des écoles d’animation les plus réputées d’Angleterre. Venue en coup de vent à Anima, elle y a présenté une sélection de films d’étudiants des cinq dernières années. Discussion autour du cinéma d’animation anglais, de la place du spectateur, et de l’influence de l’audience.

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Comment as-tu fait tes premiers pas dans l’animation ?

Quand j’ai quitté l’université, avec un diplôme en littérature anglaise en poche, je voulais travailler dans les médias. Je me suis retrouvée dans une petite boîte de production indépendante qui s’occupait surtout de live-action et occasionnellement de publicités. Je suivais la création de spots radio et de publicités d’animation car mes collègues, obnubilés par le live, trouvaient le reste ennuyeux. Dans le cadre de ce travail, j’ai  découvert quelque chose de fascinant, l’animation en studio, et les gens formidables des productions Richard Purdum. J’ai rejoint l’équipe, et pendant six ans, j’ai travaillé comme assistante de production, puis comme productrice, avec Richard Purdum, Michael Dudok de Wit, Sylvain Chomet, et Paul Demeyer.

Par la suite, tu as été engagée aux studios Aardman et à la BBC. Quelles y furent tes activités ?

Ayant déménagé à l’ouest, j’ai travaillé, pendant trois ans, chez Aardman, qui était à l’époque une toute petite boîte. J’y ai produit plusieurs publicités et courts métrages, en  collaborant notamment avec Luis Cook (« The Pearce Sisters »), Steve Fox (« Stage Fright ») et Nick Park (« Wallace and Grommit »). Ensuite, j’ai rejoint le Département Animation de la BBC où j’ai produit des programmes maison, des séries, et des émissions spéciales de 30 minutes, notamment « The Gogs », une série galloise très vulgaire, avec des hommes de cavernes brusques qui passent leur temps à roter (!).

Comment l’animation était-elle perçue à la BBC ?

Au début, il y a eu de l’intérêt pour des courts métrages d’animation de qualité. Beaucoup de nos films se retrouvaient dans de grands festivals, comme à Annecy, et on pouvait les programmer relativement aisément à l’antenne. Mais après, les télévisions sont devenues très compétitives, et la BBC n’a plus voulu de trous dans sa programmation. Les décideurs, ayant peur de perdre des spectateurs, ont promu d’autres programmes. Pour les courts animés, il ne restait qu’une seule possibilité, des blocs de 30 minutes, de préférence comiques, mais même ceux-ci n’étaient pas toujours considérés comme assez rentables. Si on dépensait autant d’argent pour un programme, il fallait au moins attirer tel ou tel public sinon, c’était de l’argent perdu. Je ne suis pas du tout d’accord avec ce point de vue, mais malheureusement c’est comme ça partout. La télévision est très influencée par les résultats d’audience et le revenu des publicités. À la BBC, à la fin, l’animation n’était plus perçue comme un genre, mais comme une technique de production visant le moins cher, et la section Animation a fermé.

Récemment, des étudiants m’ont interrogée sur la BBC, et je crois avoir réussi à déprimer toute une classe, en l’espace de quelques minutes ! J’ai parlé de la chaîne de façon positive, mais quand ils m’ont demandé : « est-ce qu’ils aimeront ceci ou cela ? », j’ai répondu par la négative. Tout ce qu’ils aiment, c’est la comédie, c’est un humour à la « Monkey Dust » [dessin  animé satirique]. Moi aussi, cela me déprime !

Depuis janvier 2008, tu es responsable de la section Animation de la National Film and Television School (NFTS). Quel est ton lien avec cette école ?

Quand j’étais à la BBC, on avait l’habitude de rencontrer des étudiants en animation pour leur expliquer notre travail. J’ai fait la connaissance de Gillian Lacey, qui encadrait précédemment la section d’animation de la NFTS. Quand j’ai quitté la BBC, elle m’a appelée et m’a demandé si je voulais travailler avec elle.  Au début j’étais hésitante parce que je n’avais jamais enseigné et que tous les autres professeurs étaient des réalisateurs. Finalement, j’ai accepté. Tout au long de ma carrière, j’ai toujours soutenu les animateurs/réalisateurs. À l’école, je fais la même chose : j’aide les nouveaux réalisateurs.

Certaines écoles conçoivent les élèves comme des artistes individuels. Vous misez beaucoup, dans votre communication, sur le travail d’équipe…

Oui. Nos étudiants – huit admis par an – collaborent avec des élèves d’autres sections de la NFTS (réalisation, son, montage, production, musique) dès la première année. Ils rencontrent plein de gens, et à la fin de leurs études, ils se sont tous entourés d’une équipe. Nous les incitons à se préparer à l’industrie, ce qui n’est pas évident. Ils doivent déjà apprendre à bien diriger leur équipe, à accepter les critiques et feedbacks de celle-ci, et décider ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. En fonction du projet, certains travaillent avec des petites équipes, d’autres avec des grandes. Cette année-ci, on a, par exemple, un projet très ambitieux : un film de 10 minutes en 3D. Le réalisateur et ses producteurs ont fait faire des séquences d’animation partout dans le monde. Tout seul, le réalisateur n’aurait pas pu mener son projet à bien.

Est-ce que vos étudiants réalisent ce qui les attend après leurs études ?

En première année, on visite des studios et on les encourage à faire des stages. On essaie d’être aussi réalistes que possible et on les forme sans illusion. Ils savent ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils ne peuvent pas faire, mais ils sont bien conscients qu’ils n’auront peut-être pas la chance de trouver du boulot tout de suite après leurs études.

Même si elles sont très distinctes les unes des autres, y a-t-il quelque chose qui relie les animations de la NFTS ?

J’espère que c’est le mot « histoire ». Quand les étudiants arrivent à l’école, ils sont souvent très doués et talentueux dans plusieurs domaines. On leur offre un bon encadrement, mais ce sont les élèves qui définissent  leur histoire. Dès le début, et pendant tout le développement de leur projet, on leur demande ce qu’ils souhaitent raconter. Même si leur histoire est abstraite, elle doit être racontée, et ne pas être traditionnellement linéaire. Dernièrement, j’ai repensé à Abigail Youngman, une script editor avec laquelle j’ai longtemps travaillé à la BBC. Elle a écrit un article sur les approches d’écriture. L’histoire ? Pour elle, cela tenait en deux lignes : « De quoi s’agit-il ? » et « De quoi s’agit-il vraiment ? ».

Comment le court métrage est-il vu à la NFTS ? Est-ce un film à part entière ou une carte de visite ?

Les deux, à vrai dire. On est convaincus que le court métrage est une forme d’art à part entière, mais on doit aussi regarder vers l’industrie et répondre aux besoins des étudiants. Il faut que leurs beaux films circulent et qu’ils soient remarqués.

L’école opère une sélection rigoureuse en ne prenant que huit élèves par an. Que recherchez-vous chez vos candidats ?

Ont-ils une vision ? Ont-ils des idées ? Bénéficieront-ils de ce que l’école peut leur offrir ? Si quelqu’un se présente juste pour travailler seul, il sera peut-être un jour un grand réalisateur populaire, mais il ne bénéficiera pas de ce que nous avons à lui offrir. Parfois, nous nous intéressons simplement aux idées. Cette année-ci, par exemple, nous avons reçu la candidature d’un animateur génial. Il était nerveux et nous disait ce qu’il savait faire, mais ce qu’il ne comprenait pas, c’est qu’on voulait qu’il nous raconte ce qu’il avait envie de faire. Tout d’un coup, il a compris, s’est détendu, a commencé à nous raconter tout ce qu’il voulait faire, et a été pris !

Retour en arrière. Te souviens-tu des films d’animation qui t’ont vraiment marqué ?

Il y a eu un moment décisif quand je travaillais chez Purdum. Je n’étais pas très fan de l’animation en volume, je trouvais ça souvent lourd. Mais en voyant les rushes de la séquence du train dans « Wallace and Gromit », j’ai eu l’impression que les personnages avaient pris vie. Un moment similaire s’est produit avec « Stage Fright », le film de Steve Box. J’avais vu Steve animer deux enfants en train de courir, et le lendemain, j’ai vu les rushes : les enfants étaient vivants ! C’est pour cela que j’aime l’animation, c’est parce que je trouve ça magique.

Propos recueillis par Katia Bayer et retranscrits par Adi Chesson

Le site de la National Film and Television School : www.nftsanimation.org/departments.htm

Il neige sur Liège…mais y’a des poules… Petit billet d’humeur sur le court métrage belge à Anima

Certes, c’est la crise, le réchauffement de la planète, la catastrophe écologique, les émeutes de la faim, la guerre en Irak, au Darfour, au Congo, à Madagascar, en France (ben oui, les amis, en France aussi !)… Certes, certes, certes ! Et quand bien même, pas un seul des courts métrages belges d’animation présentés à Anima cette année ne s’ancrait dans le réel de nos jours difficiles – « Persepolis » est loin des préoccupations de notre plat pays dirait-on -, la plupart de ces films pourtant, étaient tristes, mais d’un triste ! – version condition de l’homme moderne, ab abstracto, entre solitude, folie, isolement, dérèglement, absurde… Et pourtant, on n’a rien vu, on vous le dit, de toute la banale atrocité qui traverse notre époque. Ou presque ! On n’a presque rien vu de ce monde, et si on ne s’est pas pendu au sortir des projections, c’est grâce à quelques films…

À l’école, la chaire semble triste

Sans doute qu’une partie de notre déception trouve son origine dans le fait que beaucoup de ces courts métrages sont des films d’écoles et qu’en tant que tels, ils se veulent des démonstrations de talents. Soit ils ne nous ont pas convaincus des talents en question, comme ce fut le cas d’ « Adalbert » (Albert Jacquard) de Guillaume Dubois, petite histoire de détective, « Une Toile » (KASK Hogeschool Gent) d’Ophélie Tailler où des fils d’araignées – très jolies – emplissaient la toile – ou encore de « 36ème dessous » (Albert Jacquard) de Thomas Dumont, qui nous a semblé fait de clichés et nous a rendu tristes. Soit ils nous ont convaincus, certes, mais de rien d’autre : « Rhum Salé » (La Cambre) de Remi Vandenitte, joli film tout en encre et contrastes blancs noirs sur la mer, disparitions, réapparitions d’images où l’on se noie seul et à plusieurs, ou encore « Bitte Wenden » (KASK Hogeschool Gent) de Joris Bermans où l’on se perd en rond, chacun son tour, vers nulle part, nous laissant ainsi un peu sur notre faim, passant sans doute les lois de l’exercice, mais sans vraiment nous emmener dans un univers à eux. Plus réussi, « Time Out » (KASK Hogeschool Gent) de Sarah Menheere, un beau film assez audacieux par sa technique qui mélange le noir et blanc et la couleur, le dessin crayonné et la peinture épaisse, qui danse autour des jeux de couleurs et tisse le portrait d’une solitude moderne au bord de la folie. Par contre, « Milovan Circus » (La Cambre) de Gerlando Infuso, sélectionné déjà dans de nombreux festivals, y compris à Annecy, résiste toujours à la quatrième vision et continue d’émerveiller par son univers original, sa technique impressionnante et sa poésie grave et délicate.

Ailleurs on a lu tous les livres

Plus professionnels, puisque presque tous produits par Arnaud Demyunck, on a pu revoir « La Svedese » de Nicolas Liguori, crayonné nostalgiquement et magnifiquement, un bel enchantement qui nous laisse de plus en plus sur notre faim parce qu’une fois saisi ce que dessine le film (la rencontre amoureuse entre Ingrid Bergman et Roberto Rossellini) et bien, disons qu’on n’est pas plus avancé et qu’on commence à s’ennuyer de son atmosphère triste et nostalgique. Et si « La Vita Nuova » de Christophe Gautry est un très bel exercice poétique autour de Gérard de Nerval, il nous laisse un peu indifférents parce qu’il est difficile, au-delà de la maestria plastique dont il fait preuve, d’en saisir l’émotion. Il tente pourtant de rendre, dans un entremêlement de réalité et de temporalité, cette émotion qui agite Nerval justement, en lutte avec sa folie grondante – la folie, d’ailleurs, notez-le, au passage ! Beau, rond, et doux, « De si Près » de Rémi Durin, suit la longue rêverie d’un grand-père qui replonge dans son passé de militaire. Un film triste et nostalgique qui s’empêtre un peu les pédales dans des allers-retours temporels et qu’on aurait préféré finalement libéré de ces contraintes narratives tissées dans la thématique d’une impossible transmission – les séquences des flashbacks étaient sacrément réussies ! Au rayon du double pire (entendre le pire de notre monde et le pire de la programmation), on s’est insurgé devant « Candy Darling » de Silvia Delfrance (sorte de cauchemar préhistorique – entendre pour ceux qui le regarde- sur les rapports homme-femme, mère-fille et long long en plus !). Et l’on est resté coi devant le clip « Dictée Magique » d’Aaron Fuks, une sorte de balade électrique urbaine plutôt drôle, mais qu’on a le sentiment d’avoir déjà vu …  dans les années 60 ou 70 et 80…

Reste les poules et le jazz… Si, si…

Sur ces visions plutôt crépusculaires de notre monde absurde et violent, quel bonheur s’empare de nous à la vue de quelques petits courts métrages ludiques impertinents, joyeux, ouverts, lumineux, allègrement subversifs ou tout simplement terriblement imaginatifs et inattendus. « Zachte Planten » (KASK Hogeschool Gent) d’Emma De Swaef, tourné dans une technique plutôt inhabituelle d’animation de petits personnages en laine, était une douce rêverie poétique et cruelle, drôle, dure et originale, où un homme coincé à sa table de travail s’évade de son bureau et de son ordinateur pour rêver à une forêt, où, tout nu, il gambade avec les moutons et manque de se faire écraser par un pied de géant ou avaler par une fleur venimeuse. « Bill et Bob », de Nicolas Fong, continue de nous séduire par sa vivacité, son impertinence et son beau travail de rythme musical, mais nous interroge quant à ce qu’il raconte sur les rapports Nord Sud : c’est que deux jumeaux sont séparés à la naissance par un tremblement de terre, mais tandis que l’un devient un merveilleux chirurgien plein de sous et de femmes sur notre continent, l’autre galère allègrement en Afrique – d’un point de vue philosophique et politique, on aurait préféré l’inverse… mais bon !

« J’ai faim » et « Paola la Poule Pondeuse », deux films d’ateliers réalisés par des enfants et coordonnés par Louise-Marie Colon avec Caméra etc (le premier avec Delphine Herman et le second avec Quentin Speguel) sont deux petites perles d’inventivités et de fraîcheur.  Le premier, qu’on pourra bientôt voir à Annecy, suit les mésaventures d’un petit garçon esquimau qui mange beaucoup trop, tandis que le second, qui a emporté notre adhésion, raconte l’évasion d’une poule condamnée à pondre à l’usine mais qui, faisant la morte, prend la clé des champs, et entraîne, dans son sillage, une vache. Poule insurrectionnelle si l’en est, pas prête à baisser les bras, elle réinvente, à la ferme, le paradis perdu. Très coloré, très naïf, rapide et plein d’humour, pimenté d’une voix-off qui tisse toutes les voix des enfants, Paola la poule pondeuse est un film qui tranche par sa générosité matérielle et narrative et son thème, éminemment politique et là, vraiment subversif. Et il nous ramène à cette première vérité de tout récit, de toute représentation : qu’on peut croire tout et n’importe quoi puisque, comme les enfants le savent parfaitement, il suffit d’un « il était une fois ». Au cinéma aussi, et un arbre est un arbre si « on dirait que c’est un arbre ».

Enfin, « Jazzed » d’Anton Setola, était sans doute le film le plus abouti et plus intéressant présenté à Anima cette année et lui aussi bientôt en compétition à Annecy. À partir de toute une série de clichés cinématographiques sur le jazz, le jeune réalisateur flamand (qui aura commencé une école d’animation mais qui ne l’aura jamais terminée) réalise là son troisième film après deux courts métrages expérimentaux, un objet cinématographique hors pair, une belle expérience de cinéma. « Jazzed » est un film dansé, un film musique, une explosion de couleurs, de formes, d’images en mutations, qui se tisse autour d’un canevas simple et riche de possibilités : les clichés que véhiculent cette musique (celui de la femme fatale, des bars de la boîte de jazz, des néons de la ville, des courses en voitures, etc…)  Setola parcourt tout cela avec une vivacité, une joie et un humour qui décapent,  et  s’évade vers McLarren, joue des couleurs à la Mondrian, explore les formes comme un Matisse… « Jazzed » nous plonge ainsi dans une succession d’états et d’émotions, et fait du spectateur une pâte modelée par toutes les impressions que balance son film. Une belle expérience de cinéma, véritable souffle de liberté et d’invention.

Anne Feuillère

Consulter les fiches techniques de « Paola la Poule Pondeuse » et de « Jazzed »

J comme Jazzed

Fiche technique

Synopsis : À la tombée de la nuit, Jack quitte son appartement. Au club de jazz du coin, il rencontre une très jolie jeune femme, Jill. Ils prennent un verre ensemble… Jack se noie dans son regard… Elle l’entraîne à l’extérieur de la ville, dans une folle virée nocturne qui les amènent aux portes d’un cimetière.

Genre : Animation

Durée : 7′

Pays : Belgique, France

Année : 2008

Réalisation : Anton Setola

Scénario : Anton Setola

Graphisme : Anton Setola

Animation : Anton Setola

Techniques : Dessin sur papier, ordinateur 2D

Musique : Frederik Segers

Son : Fred Meert

Production : Lumière, Les Films du Nord

Distribution : Les Films du Nord

Article associé : Le Petit billet d’humeur sur le court métrage belge à Anima

P comme Paola poule pondeuse

Fiche technique

Synopsis : Paola travaille dans une usine ou elle pond des oeufs à longueur de journée. Un jour, elle reçoit une carte postale de sa cousine qui travaille dans une ferme. Paola décide de la rejoindre…

Genre : Animation

Durée : 5’25”

Pays : Belgique

Année : 2008

Réalisation: Louise-Marie Colon

Assistant : Quentin Spéguel

Scénario : Enfants de l’école Bressoux-Porto

Musique : Manu Louis

Production : Camera etc

Article associé : Le petit billet d’humeur sur le court métrage belge à Anima

G comme Girl’s Night Out (Sortie entre filles)

Fiche technique

Synopsis : Quand les copines de Beryl l’emmènent dans un club de strip-tease masculin pour son anniversaire, celle-ci ramène un souvenir à la maison.

Genre : Animation

Durée : 6’

Pays : Royaume-Uni

Année : 1988

Réalisation : Joanna Quinn

Scénario : Angela Hughes, Joanna Quinn

Animation: Joanna Quinn

Son: Les Mills

Voix : Myfanwy Talog, Gillan Elisa Thomas, Catrin Llwyd, Siwan Jones, Stephen Lyons.

Production : Middlesex Polytechnic, Channel 4, S4C

Article associé : la critique du film

M comme The Man with the beautiful eyes (L’homme aux beaux yeux)

Fiche technique

Synopsis : Quatre garçonnets s’aventurent dans une maison lugubre malgré l’interdiction de  leurs parents.

Genre : Animation

Durée : 5’

Année : 1999

Pays : Royaume-Uni

Réalisation : Jonathan Hodgson

Scénario : Jonathan Hodgson, d’après un poème de Charles Bukowski

Designer: Jonny Hannah

Animation : Jonathan Hodgson, Kitty Taylor, Lucy Hudson

Son : Jonathan Hodgson

Musique: Jonathan Hodgson

Voix : Peter Blegvad, Louis Schendler

Production : Sherbet, Channel 4

Article associé : la critique du film

The Man with the beautiful eyes (L’homme aux beaux yeux) de Jonathan Hodgson

Bukowski : Trois divines syllabes aux senteurs nicotinées et aux vapeurs éthyliques.  Souffrances, scandales et sexes sont les S  qui parsèment toute l’œuvre du poète américain. Il y a du Gainsbarre chez Charles, et du Baudelaire aussi, Baudelaire dont il partage le prénom, les initiales et le goût de la provocation. Ses « Fleurs du Mal » à lui , il les a plantées dans chacun des vers incisifs et étonnants de simplicité de « The man with the beautiful eyes ».

Parmi les 13 élus de la rétrospective surprenante et audacieuse consacrée à la chaîne britannique Channel 4 à Anima, le film de Jonathan Hodgson et John Hannah « The man with the beautiful eyes » est une magnifique interprétation du poème éponyme de Charles Bukowski.

Dès les premières secondes, on plonge dans la pensée du poète qui revient sur un moment précis de son enfance : celui où il fait la connaissance de l’homme aux beaux yeux. Ce qui impressionne l’enfant-narrateur et ses amis, c’est le sentiment de liberté qui se dégage de l’homme. Une liberté enviable, une liberté à faire peur, une liberté qui se reflète jusque dans les pupilles si claires de l’étranger. Une liberté que ne peuvent admettre les parents qui leur interdisent fermement de côtoyer l’homme en question.

Par cette histoire d’enfants vivant leur première désillusion, les artistes fustigent une société enfermée dans un conformisme écoeurant, détentrice des valeurs morales et orchestrant, à sa manière et selon ses humeurs, les notions de Bien et de Mal. Notons le clin d’œil au très bon film de Charles Laughton « The Night of the hunter » (La Nuit du chasseur) avec les mots « Love » et  « Hate » tatoués sur les mains d’un des parents contestataires et faisant référence au personnage énigmatique de Robert Mitchum.

Sur la voix chaude et profonde de Peter Blegvad, les dessins naïfs de Jonathan Hodgson et John Hannah, défilent sous nos yeux. Les animateurs mêlent dessins, mots, collages, travail de caméra avec intelligence et pertinence au bénéfice d’une narration percutante. Tout au long du film, les mots de Bukowski glissent délicatement pour créer, dans un nouvel espace physique, une réelle poésie visuelle.

Marie Bergeret

Consulter la fiche technique du film

Article associé : l’interview de Clare Kitson, ex-responsable du Département Animation à Channel 4