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Le 8ème concours européen de scénario Nisi Masa est lancé. Son thème : le tabou

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En septembre 2001, à l’initiative de quelques jeunes Français, Italiens, Finlandais, Espagnols, Hongrois, Belges et Portugais, naît l’association Nisi Masa. Animés d’une même passion pour le cinéma, leur but est d’organiser un concours d’écriture de scénarios de courts métrages, simultanément dans leurs différents pays. Aujourd’hui, Nisi Masa est devenu un véritable réseau européen d’associations cinéphiles, présent dans plus de 17 pays d’Europe et ayant pour vocation de favoriser la jeune création cinématographique européenne. Il vise à découvrir de nouveaux talents, à favoriser la prise de conscience européenne par le biais des films, à mener des projets interculturels autour du cinéma et à créer un espace de discussion et de collaboration entre jeunes européens passionnés par le 7 ème Art.

Chaque année depuis 2002, le réseau Nisi Masa lance un concours  européen d’écriture de scénarios de courts métrages, accessible à tous les jeunes de 18 à 28 ans résidant dans l’un des pays organisateurs. Le concours est ouvert aux personnes vivant en Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Espagne, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Italie, Kosovo, Macédoine, Pays-Bas, Roumanie, République Tchèque, Russie, Suède ou Turquie. Les participants doivent rédiger un scénario original de 20 000 signes maximum, sur un thème imposé, et peuvent écrire dans leur langue maternelle. Cette année, le thème du concours est TABOU. La date limite pour envoyer vos scénarios est fixée au 31 juillet 2009.

Une pré-sélection nationale aura ensuite lieu dans chacun des pays participants et le(s) meilleur(s) scénario(s) de chaque pays continueront leur course au niveau international, où il se mesureront entre eux. Un jury européen, composé de jeunes de Nisi Masa, détermine les lauréats au terme de la compétition européenne. A la clé : un séjour de travail avec des auteurs et des producteurs confirmés afin de donner aux gagnants toutes les chances de réaliser leur film.Dès à présent, rendez-vous sur la page d’inscription du site www.nisimasa-scriptcontest.eu et sur celle de l’antenne Nisi Masa de votre pays.

Et un édito, un !

Taper un édito, partir en festival avec une toute petite valise, apprendre le créole en trois jours ou sortir son joker, à la deuxième ligne ? Lequel de ces exercices est-il le plus déroutant ?

Depuis Clermont-Ferrand, le site a été nourri de quatre Focus, articulés autour de trois festivals, et d’un réalisateur. À Anima, le festival d’animation de Bruxelles, le réalisateur américain Bill Plympton, et deux pros de l’anim’ anglaise, Clare Kitson et Helen Nabarro, ont rejoint nos colonnes virtuelles. De même qu’un ours polaire, un pingouin, un chien pompier, un trio musical, un monde détricoté, un DVD Anima, un couple d’automates, les cinq finalistes du Cartoon d’Or, des nanas exubérantes, un poème animé de Bukowski, un conte XXL portugais, et un petit billet d’humeur sur le court belge, parsemé de poules jaseuses et de jazz cool.

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Entre deux festivals d’animation, un Focus a été consacré à Nicolas Engel, un réalisateur de fictions musicales, repéré à la Semaine de la Critique. Visiblement, cela a attiré le lapin barjo de la Fête d’animation de Lille. Tenant de la patte droite, Alexei Alexeev, un réalisateur russe, et de la gauche, Simon Bogojevic-Narath, un animateur croate, le rongeur était accompagné du trio du deuxième paragraphe et d’un Leviathan plus que expérimental. Distrait par une carotte, Lapinou s’est éloigné, et Bruxelles est réapparu, avec son Festival annuel du court métrage. Généreux, le comédien Serge Riaboukine a eu l’amabilité de partager la vedette avec des chroniques de repas fantastique, de magie foireuse, de chasse aux zombies, de fragilité masculine, de perte d’innocence et de choix assumé, de problèmes de communication et de boîtes à chaussures.

Voilà. Pour patienter avant Annecy (on aime bien l’animation à Format Court), nous vous conseillons d’aller vous balader du côté de Cannes ou pour les plus casaniers, de regarder chez vous nos films animés dans leur intégralité : « #1 », « Milovan Circus », « Paola poule pondeuse », « Orgesticulanismus », et « Domino ».

Bonne lecture, bon visionnage.

Katia Bayer
Rédactrice en chef

J comme Jagdfieber (La fièvre de la chasse)

Fiche technique

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Synopsis : La chasse, c’est moins le fait de tirer qu’un véritable processus : un jeu de patience, de stratégie, d’instinct et d’adrénaline. La fièvre de la chasse est un état où l’on redevient aussi animal que la bête que l’on cherche.

Genre : Documentaire

Durée : 22′

Pays : Belgique

Année : 2008

Réalisation : Alessandro Comodin

Image : Alessandro Comodin

Montage : Image

Son : Julien Courroye

Mixage : Florian Namias

Directeur de production : Camille Meynard

Production : Insas

Distribution : La Big Family

Articles associés : l’interview d’Alessandro Comodin, la critique de « Jagdfieber (La fièvre de la chasse) »

Alessandro Comodin, traqueur du réel

D’origine italienne, Alessandro Comodin a étudié le cinéma à Paris 8 et à l’INSAS. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, son film de fin d’études, Jagdfieber est un documentaire sur la chasse, ses traques, ses rituels, ses gestes, et ses silences. Rencontre avant Cannes.

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Pasolini

Je suis originaire de la région du Frioul, celle où Pasolini a écrit ses premières compositions poétiques. À 19 ans, dans le but de faire un film sur sa poésie frioulane, j’ai rencontré des gens qu’il avait connus. Je me suis d’abord intéressé à l’homme et à sa langue, avant de découvrir ses films, plus tard à l’université.

Parcours

Je n’ai jamais voulu entrer dans une école de cinéma ni faire du cinéma. J’avais des envies, mais elles n’étaient pas vraiment assumées. Je suis parti étudier les lettres à Bologne, et sur place, je passais mon temps à la Cinémathèque. Rapidement, j’ai eu envie d’apprendre le français et de venir en France. Dans le cadre du programme Erasmus, j’ai choisi toutes mes options en cinéma, à Paris 8. À l’université, je fréquentais des passionnés de cinéma qui, au terme de leurs études, prévoyaient de présenter le concours d’entrée de l’INSAS. Comme je en souhaitais pas rentrer en Italie, je l’ai passé aussi, et j’ai été accepté.

L’INSAS

Grâce à l’école, j’ai appris à exprimer mes désirs de cinéma, à les assumer, et à les mettre en forme. Evidemment, j’ai des regrets. Ils sont liés à une conception du cinéma plus classique que j’ai toujours aimée, mais que je n’ai pas retrouvée dans l’enseignement proposé. Je me suis inscrit en réalisation, mais avec le recul, je me dis que j’aurais peut-être dû choisir l’image. Pour ces raisons, j’ai le sentiment que j’ai encore beaucoup à apprendre.

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Jagdfieber (La fièvre de la chasse)

Alors que j’étais en vacances dans le Lot, l’ami qui m’hébergeait m’a parlé des chasseurs du coin, de leurs réunions, et de leurs rituels de manière un peu magique. Cela m’a donné envie de revenir avec une caméra pour les filmer. J’ai découvert la force cinématographique de leur acte et j’ai voulu y consacrer mon film de fin d’études. L’idée que j’avais des chasseurs était complètement romantique, raison pour laquelle j’ai été agréablement surpris de les voir évoluer dans un milieu totalement ordinaire et prosaïque. Ce qui m’intéressait, c’était de voir dans quelle mesure ces gens, en chassant dans ces conditions, pouvaient rejoindre une idée de sacré qui est dans l’acte même.

Bertrand Hell

Au moment des repérages, j’ai fait des recherches sur les essais d’anthropologie existants parce que j’estime qu’il y a beaucoup de parallèles intéressants entre l’approche anthropologique et cinématographique. J’ai ainsi découvert le travail de l’anthropologue français Bertrand Hell. Dans les années 80, il a étudié de près le comportement des chasseurs, dans les Vosges. Dans ses écrits, j’ai trouvé mon titre :  “jagdfieber”.

Filmer la chasse

J’ai eu envie de faire un film de ressenti, et de transmettre la fièvre de la chasse. Au départ, je suivais plusieurs personnes, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre. Très vite, je me suis rendu compte que pour des raisons de techniques et de confiance, il fallait mieux être seul à suivre un chasseur. J’ai donc décidé de centrer le film sur deux personnes. Cela a été un double apprentissage : au fur et à mesure que je chassais avec eux, j’ai appris à les connaître et à les filmer.

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Les sujets

J’ai eu de la chance de bénéficier d’un intermédiaire qui m’a introduit auprès des chasseurs, et j’ai été accepté sans trop de difficultés. Même si je suis Italien, j’étais considéré comme le caméraman belge qui faisait un film sur eux ! Je leur ai présenté le projet en leur disant que j’allais les suivre pendant une certaine période et qu’on allait respecter leur travail, tout en faisant le notre. Je leur ai demandé de ne pas me parler et de ne pas regarder la caméra. C’est tout. De mon côté, je n’ai rien fait, je les ai juste suivis. Les deux premières semaines, ils se sont montré méfiants, mais ils se sont vite rendus compte qu’on était là en permanence et qu’on ne prenait pas nos distances avec eux. Si il fallait se lever à 5 heures du matin, manger, boire, ou courir à n’importe quelle heure, on le faisait, on s’investissait complètement. Cela a été une plongée anthropologique totale et un tournage très physique : même si je chassais avec eux, j’ai quand même pris 10 kilos !

Certains chasseurs ne sont pas reconnus dans la version finale. Ils s’attendaient à se voir davantage à l’image, dans des moments de partage, de chasse, de compagnonnage, et de repas. Mais ils ont fini par comprendre que le film correspondait à ma vision personnelle de la chasse.

Galerie de portraits

Le film est composé en grande partie d’individus filmés de dos. J’ai eu envie d’introduire un contrechamp en insérant les portraits d’autres chasseurs, des hommes tout simplement pris dans leur quotidien et leur existence. Ces personnes ont des visages assez purs, assez vieux, marqués par le temps, l’endroit et la vie, qui reflètent un monde qui n’est pas forcément connu mais qui existe, malgré tout à la campagne.

Le montage

À l’origine, le film n’était pas du tout écrit. À chaque fois que je revenais dans le Lot, je regardais mes rushes, je testais des idées, j’étais en recherche. Au début, l’école m’a imposé un monteur avec qui ça ne s’est pas très bien passé. On n’avait pas la même idée du rapport entre monteur et réalisateur. Moi, j’avais besoin de bidouiller, de chercher ma forme, alors que lui, il estimait que tout devait passer par un dialogue. Nos rapports ont été assez difficiles, j’ai terminé le film tout seul.

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Plan final

Je me suis longtemps demandé si je devais garder le plan final, celui d’un sanglier qui charge dans notre direction. On entend les chasseurs qui rigolent, la galère que j’ai eue pendant le tournage. Pour moi, il témoigne d’une fraîcheur qu’il n’y a pas dans le film. J’aimais bien l’idée que le sanglier attaque le spectateur et que celui-ci ressente quelque chose. Des gens de confiance trouvaient que ce plan avait un aspect trop léger, et qu’il était en contradiction avec le reste du film. Du coup, il ne figure plus dans la version finale. Après coup, je trouve ça dommage de l’avoir enlevé. J’y étais attaché.

Cannes

Dès le départ, l’école m’a pris pour un rigolo qui présentait un projet bizarre. Les gens passionnés l’ont soutenu, les autres l’ont descendu. À une voix près, il ne passait pas. Par la suite, l’école redoutait le fait que je ne voulais pas de chef op, mais ils ont fini par l’accepter. On ne m’a pas soutenu, surtout au moment du montage. Au moment de la présentation, j’ai obtenu une note en dessous de la moyenne. Bref, j’ai rencontré plusieurs obstacles. Si mes copains et certains professeurs ne m’avaient pas soutenu dans le projet, je n’aurais pas fait le même film. Plus qu’un film d’école, Jagdfieber a été un film de copains et de soutiens. La sélection à la Quinzaine des Réalisateurs, à Cannes, a été une vraie surprise, mais aussi une belle revanche !

Giacomo

Mon prochain projet est un documentaire. Je vais suivre Giacomo, le petit frère de mon meilleur ami. Je désire filmer sa métamorphose. À 18 ans, Giacomo va récupérer l’ouïe et passer son bac. Ce ne sera pas un film sur la surdité, mais un film sur un adolescent qui devient un adulte.

Propos recueillis par Katia Bayer. Mise en forme : Marie Bergeret, Katia Bayer

Consulter la fiche technique du film

Article associé : la critique du film

Fenêtre sur le court métrage contemporain à la Cinémathèque française

Chaque mois, la Cinémathèque française propose une anthologie de courts métrages devenus soit des classiques, soit des passerelles entre générations d’auteurs, soit des films témoins de leur époque. Le prochain rendez-vous intitulé « La Nuit éclaire le jour », aura lieu le lundi 22 Juin 2009, à 20h30, autour de deux films, « Trypps #6 » et « La Dérive ».

Le résumé :

Lors d’une ballade en kayak sur un affluent de la Seine, deux jeunes gens de bonne famille partis à la campagne pour réviser leur droit font donc la rencontre de deux autres hommes : figures bien réelles d’êtres qui semblent sans attaches. Ils tiennent de l’apparition et l’inquiétude qu’ils produisent vient du fait qu’ils sont absolument là et en même temps ailleurs. Constituant une véritable révélation au sens où leurs paroles et leurs actes se doivent d’être interprétés, ils se proposent aux deux jeunes hommes comme le possible miroir où écrire ce qui les constitue.

La Dérive est un objet symbolique où la nuit paraît éclairer le jour. Le feu de bois y est d’ailleurs indifféremment nocturne ou diurne. Et crépite comme les paroles du monologue halluciné d’un des deux hommes sans attaches ou comme celles, que l’on entend comme rarement, de la chanson The Man Who Sold the World de David Bowie.

Et en guise de prélude extatique au film de Philippe Terrier-Hermann, on pourra découvrir ici celui réalisé par Ben Russel, Trypps #6. Précipité cinématographique tourné dans un village maroon au Surinam et remarquable hommage à la ciné-transe de Jean Rouch.

François Bonenfant

Trypps #6 de Ben Russel (Etats-Unis/2009/12’/16mm)

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« En un seul plan, une vision étonnamment contemporaine d’une procession dans le village de Malobi au Surinam. C’est Halloween sur l’Equateur… » (Ben Russel)

La Dérive de Philippe Terrier-Hermann (France/2009/59’/vidéo)

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Avec Simon Buret, Andy Gillet, Dimitri Capitain, Charles Delpon, Roxane Mesquida, Brady Corbet.

Deux jeunes hommes, issus d’un milieu aisé, font une rencontre fascinante lors d’une balade en kayak sur un affluent de la Seine. Ils rencontrent deux hommes socialement détachés qui ont entrepris la descente des eaux jusqu’à la mer sur un radeau de fortune. Entre peur et attirance, les deux jeunes hommes seront tentés par l’expérience.

En présence du réalisateur et de l’équipe du film

Infos  : lundi 22 Juin 2009 – 20h30 – Salle Jean Epstein (durée : 71’)
Site internet : www.cinematheque.fr

Cannes, le Petit Journal

13 mai, premier jour du Festival de Cannes. Gare de Lyon, 7h36. Le quai du TGV est envahi de voyageurs endormis, chargés comme des boeufs estoniens, se dépêchant d’embarquer, avant le coup de sifflet fatidique. Dans cinq heures, ils seront à Cannes. Penélope Cruz y est déjà, du moins en couverture de nombreux magazines. Curieusement, si les médias ont retenu une actrice pour cette 62ème édition, c’est bien elle.

Le Festival commence dans le train. On se reconnait, on se salue, on se donne rendez-vous à la cafétéria, on fait la file pour un café, avant de se rabattre sur un jus de pomme, (la machine est en panne.) On sort son ordinateur (un Mac), ses lunettes (noires), et les derniers potins (tu savais, toi, que Monique fréquentait Jean-Jacques ?).

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Le n° 114 de TGV Magazine, avant le café

 À l’entrée du wagon, une femme d’un certain âge attend le démarrage du train. Elle a deux grandes valises, l’une pleine, l’autre, quasi vide. Elle explique : “On part en croisière. C’est pour les souvenirs.” Pendant le voyage, à chaque arrêt, elle vérifie que ses bagages restent bien dans le train. C’est vrai qu’en cas de problème, elle ne pourra pas rapporter de tapis d’Orient ou de Sphinx miniature… Entre deux villes, elle rejoint son mari qui est un pro du voyage. Ce matin, il a embarqué un énorme thermos, et verse maintenant du café pour deux dans une minuscule tasse. La suite est prévisible : le café s’éparpille partout. Même sur la table, même sur les notes personnelles, même sur les taches de rousseur de Sandrine Kiberlain, en couverture de TGV Magazine. On s’éloigne, on revient : le pro du voyage est aussi un sacré ronfleur. Cannes, c’est parti… Plus que 4h30, en musique. Pas de bol, un retard d’1h40 est annoncé. Le voisin se réveille, et demande : “il reste du café ?”. Par prudence, on retire l’ordinateur, et on va voir si il y a encore du jus de pomme.

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Le Grand Théâtre Lumière, la salle de projection de la Sélection officielle, et Monica Vitti, offrant son dos à l’affiche du Festival (image extraite de « L’Avventura », de Michelangelo Antonioni) © KB

Une fois à Cannes, le voyage n’est plus qu’un lointain souvenir (oui madame, vous pouvez le ranger dans votre malle). Très vite, les journées se remplissent et les nuits se raccourcissent : il y a les films à voir, les tickets à gratter pour l’officielle, les repas à adjectifs (irréguliers, catastrophiques, solitaires), les files d’attente à faire, les rendez-vous à obtenir, les tenues à porter, …. Ah, les tenues à porter. Ayant eu la lumineuse idée d’emporter un bagage ventripotent, on a décidé de tout mettre, vu l’épreuve pour le tracter jusqu’à destination. Résultat : même si il s’agit de porter une robe du soir au Mac Do et un short à la Quinzaine, on met TOUT!

À Cannes, rien ne vaut les fraises au sucre sur la plage, rien ne remplace les ampoules aux pieds des filles, rien n’est plus classique que le coup de soleil sur le nez, rien ne détourne plus le regard que les tenues invraisemblables des femmes, rien n’est plus soudain qu’une apparition/disparition furtive de célébrité, et rien ne suscite plus de commentaires que le sac d’accrédité que tout le monde critique et que personne ne porte.

Et le court métrage, dans tout ça ? Même si Cannes n’a pas pour vocation d’être un festival de films courts, ceux-ci s’affichent dans toutes les sections, officielles comme parallèles. Bémol, toutefois : de manière générale, les courts passent tard, à la fin du festival. Pour les voir, on se rabat sur les postes du Short Film Corner (SFC pour les initiés), l’espace dédié au court, pris d’assaut par les pros (réalisateurs, comédiens, producteurs, programmateurs, acheteurs, …). L’astuce, pour dégoter un poste de libre, est de réserver le matin, quand les pros dorment encore, et au moment des Happy Hour, quand ils ont soif.

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Le Short Film Corner © KB

Sur la Côte, la semaine s’écoule très vite. Le jour du départ, on dit au revoir aux autres festivaliers, on libère les lieux, et on rend la clé. En attendant le train, sur le quai de la gare, on avale des Dragibus, en faisant le point sur la semaine (degré de fatigue, nombre de films au compteur, classement des réjouissances, …). Penélope est toujours là, cette fois en une de Télérama. Péniblement, on hisse le ventripotent dans le wagon. Paris, c’est parti… Au bar, il y a du café. Par contre, l’absence du Monsieur au thermos et de la dame aux souvenirs se fait ressentir. Après une semaine tachetée par la course et le paraître, leur authenticité/simplicité auraient été fort appréciées au retour….

24 mai, dernier jour du Festival de Cannes. Bruxelles, 19h30. Même si l’aspect vaseux n’est pas complètement parti, le décalage avec la réalité s’est estompé et les nuits sont redevenues à peu près normales. On regarde la remise des prix, retransmise en clair et en direct. Après quelques minutes, la cérémonie s‘interrompt soudainement pour faire place à un match de foot (Anderlecht-Standard), et Isabelle Huppert se métamorphose en commentateur sportif. Le Festival de Cannes est peut-être l’événement culturel le plus médiatisé du monde, mais le foot reste le foot. Il n’y a rien à faire, c’est comme ça. Ce soir, un palmarès en évince un autre. Le Petit Journal de Cannes a son point.

Katia Bayer

Lien associé : Cannes, les quelques photos

Noamir, Marion et Romain Castera à propos de «#1»

L’enfance de l’art

Lorsqu’on invite Marion et Romain Castera pour une interview, c’est Noamir qui entre et s’installe. N O A M I R, six lettres, celles qui composent leurs deux prénoms. Frère et sœur, habitués depuis toujours à jouer ensemble, ont fusionné et prolongent ainsi leurs jeux d’enfants dans leur vie d’adultes sous forme de clips, de concerts, de films. Un corps à deux têtes en somme, artistiquement siamois. L’un a l’œil, l’autre l’oreille, et à quatre mains, ils ont réalisé #1, un court métrage de quatre minutes qui vient d’être sélectionné à Cannes par la Cinéfondation.


Pour #1, les dessins d’animation ont été faits par Marion et la bande son par Romain ?

Marion : On préfère dire que c’est un film de Noamir, même s’il a été fait dans le cadre de La Cambre et que c’est moi qui ait été notée, mais hors de ce contexte, le film est un film de Noamir, pas de Marion Castera.

Romain : Il se trouve que concrètement sur un film d’animation comme #1, c’est Marion qui dessine parce que moi, heureusement pour vous, je ne dessine pas, mais la réalisation, l’écriture, le montage se font à deux. Noamir, c’est un nom qui nous représente, notre signature, notre patte et c’est comme ça pour tout ce qu’on fait. Quand Marion fait une expo et qu’elle y travaille à 90%, elle est signée Noamir. Idem quand je fais un concert où elle intervient peu. C’est venu comme ça, ça nous a simplement paru naturel dès qu’on a commencé à monter des projets artistiques en 2004.

C’est un peu un prolongement de vos jeux d’enfants ?

Marion : Oui. Enfants, on faisait déjà des films dans nos têtes, on créait notre univers.

Romain : C’est clairement ça. On continue à prolonger l’univers qu’on avait créé à deux, avec nos jeux, nos histoires quand on était encore chez nos parents, à Montpellier. Quand on a grandi et qu’on a quitté la maison, on a continué à remplir ce qu’on appelle nos carnets noirs, des carnets remplis d’idées, de notes, de dessins, de citations qu’on s’échangeait quand on se voyait. Aujourd’hui, on a la chance d’être tous les deux sur Bruxelles et de pouvoir travailler ensemble, de confronter nos idées au quotidien. Mais on continue toujours à griffonner nos carnets noirs !

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Vous avez tous les deux choisi une école artistique à Bruxelles, mais une école différente.

Marion : J’ai toujours dessiné, et Romain a toujours tapé sur tout ce qu’il avait sous la main pour faire des sons. Le dessin et la musique, c’était quelque chose de vital pour nous. À l’adolescence, on a commencé à s’intéresser au cinéma et on s’est dit que c’était ce qu’on voulait faire. Les dessins et la musique se sont naturellement intégrés à cette idée. Tout a convergé. J’ai donc choisi La Cambre, et Romain est entré en son à l’IAD.

Avec quels films avez-vous découvert le cinéma ?

Romain : Moi, c’était Orange mécanique, je m’en souviens parce que la cassette était cachée et je n’avais pas le droit de la prendre ! Ça a été une grande claque… enfin, je parle du film !

Marion : Ah ? Moi mon premier souvenir, c’était Shining, mais ça reste Kubrick….

Et la musique ?

Marion : Le jazz. Que ce soit pour les films de Noamir ou pour les concerts, c’est le jazz qui nous inspire. C’est une musique dans laquelle on retrouve nos envies à tous les niveaux, même dans le dessin, au niveau du rythme.

Romain : Le jazz, ce n’est pas qu’une musique pour nous. C’est surtout un état d’esprit, même dans la réalisation… Je pense à Cassavetes par exemple, pour nous, c’est un jazzman, dans les ambiances qu’il met en scène, ses plans, sa façon de voir le monde. C’est une façon de créer des sensations, des images très fortes. Je me souviens d’un de mes premiers stages de musique, je devais avoir 13 ou 14 ans… Le pianiste qui donnait le cours et qui était vraiment un musicien extraordinaire a demandé à chacun de jouer un thème avec son instrument. Moi, j’étais devant ma batterie et quand je lui ai demandé ce qu’il voulait que je joue, il m’a répondu : « je veux que tu fasses une rivière avec, au bord, un château d’eau et des castors qui pissent dessus ! » Il était très sérieux. Je me demandais s’il se foutait de ma gueule, mais je l’ai fait. Ça m’a permis de comprendre que l’on peut vraiment faire des images avec de la musique.

Marion : Et moi, je fais de la musique avec des images. Je crée un rythme, comme une musicienne.

Quel a été le départ de #1 ?

Marion : L’année dernière, j’étais en deuxième année, et je devais faire un exercice, mais ça ne m’amusait pas parce que je voulais que cet exercice soit au service d’une idée : c’est devenu un film de 4 minutes. #1, c’est l’histoire d’un personnage qui se retrouve physiquement assailli par le poids de la culture, qui essaie d’échapper à l’histoire de l’art. Alain Van Der Hofstadt, mon prof d’histoire de l’art, m’a beaucoup aidée à choisir les œuvres qui sont dans le film. Je voulais des choses que n’importe qui puisse reconnaître, la Vénus de Milo, la Joconde mais que les gens qui connaissent l’histoire de l’art puisse aussi trouver une cohérence, avec des choses plus fines. Cette idée est arrivée naturellement. J’ai fait des études scientifiques, Romain aussi d’ailleurs, et quand je me suis retrouvée à La Cambre, j’ai eu le sentiment d’être ensevelie par tout ce qui avait été fait et que je ne connaissais pas. On me disait « fais quelque chose » et je me sentais incapable de créer puisque tout avait été fait. En même temps, je me disais que dire que tout avait été fait, ça avait aussi été dit ! Mais je devais le dire quand même. Aujourd’hui, du coup, je me sens moins oppressée. Ça a libéré quelque chose. Ce que je retiens de tout ça, c’est qu’il y a une issue, c’est que l’on peut encore inventer, créer, transformer.

Romain : Pour moi #1, c’est la course poursuite sur la page blanche d’un artiste. Il n’y a pas de décor, on est dans un univers blanc. Ça dit qu’il faut arrêter de se poser des questions et faire…agir….

Le film de fin d’année de Marion à La Cambre sera aussi une réalisation de Noamir, j’imagine ?

Romain : Oui. Ce sera totalement différent de #1 graphiquement : au niveau des détails, des couleurs, des décors. Ce sera moins abstrait, plus narratif. On a aussi décidé de faire venir deux musiciens qui joueront en live comme dans les film muets. La bande-son sera bien sûr enregistrée sur les images, mais pour le jury, et si le film est projeté dans des festivals, le son sera en direct.

Marion : Je suis partie un mois en workshop au Danemark pour faire le story-board. J’ai commencé à dessiner en décembre. En ce moment, je suis en train de l’animer, j’ai déjà six minutes sur  une durée totale de 7 minutes. Le film s’appelle Shanti, qui signifie « patience » en tibétain. C’est l’histoire de trois enfants qui sont un peu dans leur monde. On a voulu montrer la magie ordinaire, montrer qu’elle peut arriver à n’importe quel moment et comment faire pour la gérer. Un des trois enfants va vivre ce moment et va essayer de voler. Parler  des enfants, c’est quelque chose qui nous tient à cœur. L’innocence, la curiosité, ce sont des thèmes qui nous intéressent. Deux choses nous ont inspirés : un morceau de musique, Révélation de Dave Holland, ainsi que Dharma et créativité un livre de Chögyam Trungpa (un des maîtres tibétains contemporains qui a joué un très grand rôle dans la transmission du Bouddhisme) qui parle de la magie ordinaire et de la patience qu’il faut avoir. Tout a commencé il y a un an, avec un petit dessin animé de rien du tout que j’avais fait pour Romain, quand il était à l’hôpital, pour l’aider à traverser ce moment.

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Comment voyez vous le court métrage d’animation en général ? Cela vous semble t-il une bonne carte de visite pour l’avenir ou un véritable espace de création ?

Romain : Je sais que c’est un a priori et que certains y arrivent, mais moi j’ai du mal à imaginer qu’on puisse vivre uniquement du court métrage. Ce qui est intéressant, c’est que le court métrage est quelque chose de concret et permet plein de choses. Si on peut en vivre, tant mieux ! Le problème c’est la visibilité. La diffusion est un peu bloquée, et le seul endroit où on peut les voir, c’est les festivals et les associations. Ça reste quelque chose d’un peu confidentiel, un truc d’aficionados.

Marion : Le court métrage d’animation, ça nous permet de faire ce qu’on aime. C’est un espace où dessin et musique trouvent tout leur sens. Mais Noamir, c’est aussi des clips, des concerts jazz où j’improvise des dessins en direct, des pochettes d’album …. On a aussi envie de faire des choses différentes, de travailler sur des projets d’autres personnes

Romain : On travaille en ce moment avec un chanteur français, Brazùk, pour les arrangements et l’univers graphique. Le clip, c’est vraiment un espace qui laisse beaucoup  de liberté. Quand on voit ceux de Björk par exemple, ce sont des œuvres artistiques à part entière. On a beaucoup de projets de clips pour l’instant. Mais là encore, est-ce que le clip n’est pas aussi du court métrage ?

#1 part à Cannes. Pour un exercice de deuxième année, j’imagine que ça a dû être une surprise pour vous ?

Marion : Le film a été proposé par La Cambre et a été sélectionné pour la Cinéfondation. Quand on m’a contactée par téléphone, je croyais que c’était une blague d’un copain ! Quand tu commences à faire du cinéma, Cannes, c’est un truc un peu….enfin, c’est quelque chose que tu imagines un peu plus tard quand même !

Romain : Même beaucoup plus tard… même jamais ! Pffff, mais c’est génial !

Marion : Oui, pour les contacts, les rencontres…le champagne !

Romain : Même s’il ne se passe rien, qu’on ne rencontre personne, on va quand même s’y croire pendant quatre jours. C’est incroyable ! On ne pense même pas à un prix ! Pour nous, aller là-bas, c’est déjà suffisant ! On s’est amusé à regarder sur Internet un petit film sur les 60 ans de Cannes, et tu vois mais…. tout le monde… ils sont tous là, les monstres du cinéma !!!!! Maintenant, il nous reste deux choses à faire :  des cartes de visite, et acheter un smoking chez Tati.

Propos recueillis et mis en forme par Sarah Pialeprat

Article paru sur Cinergie.be

Article associé : la critique du film

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Cannes 2009

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L’événement culturel le plus médiatisé du monde a son Focus sur Format court. Même si Cannes n’a pas pour vocation d’être un festival de courts métrages, ceux-ci s’affichent dans toutes les sections, officielles comme parallèles. À la Semaine de la Critique et à l’ACID, ils sont projetés avant chaque long. À l’officielle, ils concourent pour la Palme d’or. À la Cinéfondation, ils mettent en valeur les films d’étudiants. Et à la Quinzaine des Réalisateurs, ils sont présentés dans des programmes spéciaux.

Retrouvez dans ce Focus :

Masculin, masculin

Qu’il soit profane ou sacré, l’art emprunte à la réalité ce qu’elle a de plus banal, complexe ou intime. Reflet d’un monde en évolution, le cinéma exhibe, aujourd’hui, les failles de la société dans laquelle l’homme tente en vain de garder l’équilibre. C’est du moins l’impression ressentie au regard des films courts présentés en compétition nationale et internationale de la 12ème édition du Festival du Court Métrage de Bruxelles.

Dans cette sélection internationale vaste et variée l’homme d’aujourd’hui est en questionnement perpétuel. On l’aperçoit tantôt enfant, obligé de prendre une décision cruciale pour son identité de petit mec « Jerrycan » (de Julius Avery), tantôt adolescent lors de sa première expérience sexuelle « Love you more » (Premier amour, de Sam Taylor-Wood), en conflit face à un père incompréhensif « El viaje al paraiso » (Un voyage au paradis, de Juanan Martinez), « Déraciné » (de Pierre-Antoine Fourinier), en jeune cadre en manque d’affection « Voyages d’affaires » (de Sean Ellis), ou encore plus âgé, confronté à un placement inévitable dans une maison de retraite (Le Premier jour, de Karolina Jonsson).

Plus touchant dans sa position de père, l’homme doute des valeurs qui lui étaient prêtées jusque là. Loin du surhomme surlequel on peut compter, il peut se montrer écorché en pitoyable alcoolique « Martin » (de Sean Branigan), dévasté par le remords « U ime Sima » (Au nom du fils, de Harun Mehmedinovic), attendrissant à l’article de la mort « Sleeping mat » (Le Matelas), éveillé par une sensibilité que seul le quotidien du handicap permet « Orgesticulanismus » (de Mathieu Labaye) ou tout simplement bouleversant en face de l’enfant qu’il partage avec son ex-femme « Zand » (de Joost Van Ginkel).

Dans la sélection nationale, « Dimanche soir » (de François Pirot) présente un trentenaire vacillant tout à coup et hésitant entre liberté et responsabilité. En tant que père dans « Bonne nuit » (de Valéry Rosier) et « La Balançoire » (de Christophe Hermans), l’homme se retrouve dans le plus grand des désarrois social et affectif, mais tente coûte que coûte d’être à la hauteur

À travers le thème de l’homme, trois films oubliés du palmarès ont retenu notre attention subjective : « Zand » de Joost Van Ginkel, « Jerrycan » de Julius Avery, et « La Balançoire » de Christophe Hermans.

Zand de Joost Van Ginkel

Ce petit film néerlandais évoque une relation délicate et trop peu abordée au cinéma, celle qui unit un père et sa fille. Entre Luuk, chauffeur de poids lourds un peu bourru et Isabel, sa petite princesse, il existe une complicité extraordinaire nourrie par un amour simple et pur. Des phares de camion éclairant les petits pas d’une danseuse étoile suffisent à mettre en valeur la vulnérabilité d’un père aimant.

Face au monde sécurisant du père, répond celui de la terrible réalité qu’Isabel rencontre un peu trop souvent par la main leste de sa mère. Traitant avec pudeur et audace de la maltraitance, Joost Van Ginkel remet en question le cliché de l’homme violent et de la femme protectrice.

Jerrycan de Julius Avery

Quand on est jeune et que l’on circule en bande, on subit toujours à contrecœur les caprices du chef. Un jour, Nathan bafoue l’autorité de celui-ci au péril de sa vie, et la conséquence de son choix lui permet de construire son identité au sein du groupe et par extension, au sein de la société.  On ne naît pas homme, on le devient, semble affirmer le cinéaste australien, Julius Avery.

Admirablement mis en scène, cette sorte de « Easy rider » à vélo montre avec humour et tendresse la nécessité de s’affirmer dans la jungle sociale urbaine. Lauréat du Prix du Jury, à Cannes, l’an dernier « Jerrycan » filme les moments forts d’un groupe de jeunes acteurs non professionnels captés en gros plans, à la manière du cinéma direct.

La Balançoire de Christophe Hermans

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Présenté en compétition nationale, le film renouvelle le genre intimiste avec talent. Refusant la séparation de ses parents, un enfant désire recréer la cellule familiale bancale (représentée par une balançoire) dans une station-essence, sur le bord d’une autoroute anonyme, à mi-chemin entre sa mère et son père.

Quelle est la place du père dans cette nouvelle configuration ? Comment s’y prendre ? Partagé entre les valeurs obsolètes du paternalisme et la tolérance excessive voire irresponsable d’un Peter Pan qui refuse de grandir, l’homme se cherche. Traité avec justesse, « La Balançoire » est un huis-clos qui se dessine délicatement, par petites touches impressionnistes.

Parmi les 82 films sélectionnés, au Festival, cette année on a donc pu découvrir la thématique de l’homme vu par lui-même. Sur le point de perdre pied, celui-ci plonge dans les abysses de la confusion. Dans le sillage du court métrage, flotte le visage inquiet d’un Adam aux prises avec un ego malmené. Loin des préoccupations collectives, les cinéastes se centrent sur l’individu et sur la cellule familiale éclatée. L’homme se montre fragile, craintif, assailli par la peur et le doute. Dans l’espoir d’atteindre son âme, la caméra observe le moindre mouvement de son corps, la moindre expression sur son visage.  L’art est-il le reflet de la société ?

Marie Bergeret

Consulter les fiches techniques de « Zand », « Jerrycan », et « La Balançoire »

J comme Jerrycan

Fiche technique

Synopsis : Nathan, sous la pression de ses camarades, doit prendre une décision qui mettra sa vie en jeu.

Genre : Fiction

Durée : 13’30’’

Pays : Australie

Année : 2008

Réalisation : Julius Avery

Scénario : Julius Avery

Images : Adam Arkapaw

Son : Emma Bortignon

Montage : Jack Hutchings

Musique : Andrew Callaghan

Interprétation : Tristan Burke, Walter Currie

Production : Park Films

Article associé : la critique du film

Z comme Zand (Sable)

Fiche technique

Synopsis : Luuk, chauffeur de poids lourd, est de toute évidence un bon père pour sa fille Isabel, qui vit avec sa mère. Dès qu’il le peut, il l’emmène faire une balade en camion. Mais un jour, il découvre la terrible vérité qui se cache derrière le silence de sa fille.

Genre : Fiction

Durée : 21’

Pays : Pays-Bas

Année : 2008

Réalisation : Joost Van Ginkel

Scénario : Joost Van Ginkel

Images : Rogier den Boer

Son : Ruud de Boer

Montage : Bob Soetekouw

Musique : Amir Swaab, Jorg Kaaij

Interprétation : Jack Wouterse, Veerle Witkop, Margot Ros

Production : Helen Zwaan

Article associé : la critique du film

B comme La Balançoire

Fiche technique

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Synopsis : Une station-essence autoroutière plantée entre deux-mondes, celui d’un père et celui d’une mère… L’histoire d’un petit garçon encombré d’une balançoire qu’il faudra bien fixer quelque part. C’est sa balançoire, à lui. Mais c’est où, chez lui, justement ?

Genre : Fiction

Durée : 18’

Pays : Belgique

Année : 2008

Réalisation : Christophe Hermans

Scénario : François Verjans, Christophe Hermans

Images : Fred Noirhomme

Son : Jeff Levillain

Montage : Joel Mann

Interprétation : Thomas Roland, Jean-Jacques Rausin et Charlotte Dupont

Production : Eklektik Productions

Article associé : la critique du film

Simon Bogojevic-Narath : Carte blanche au Forum des Images

Cartes blanches, hommages, reprises de festivals ou avant-premières, le Forum des images continue d’explorer le cinéma d’animation, une fois par mois, en partenariat avec l’Afca. Programmé le mardi à 19h00, ce rendez-vous est l’occasion de rencontrer des auteurs français et étrangers, venus parler de leurs parcours et de ceux qui les ont influencés. La prochaine carte blanche offerte est celle de Simon Bogojevic-Narath, le 30 juin prochain.

Remarqué en festival pour ses courts métrages – Plasticat, l’ambitieux Leviathan et, récemment, l’étrange et fascinant Morana –, le Croate Simon Bogojevic-Narath est sans doute l’auteur le plus prometteur de sa génération dans les Balkans. Diplômé des Beaux-arts de Zagreb, il travaille depuis 1990 sur des films expérimentaux et des installations vidéo. En 1993, il se lance dans l’animation et fonde FX Interzone, qui produit des vidéos en images de synthèse pour des chaînes de télévision. Il est actuellement directeur artistique de Bonobostudio, spécialisé dans les courts métrages d’animation et les films expérimentaux.

30 Juin – 19h00 (105 min) : Les films choisis par Simon Bogojevic-Narath (sous réserve). Séance en présence du réalisateur qui présente et commente une sélection de films l’ayant marqué et influencé, programmés en regard de ses propres films.

Šagrenska Koža / La Peau de Cragin (1960, 11min) et General in resni clovek de Vlado Kristl (1962, 10min) ; Pasadena Freeway Stills de Gary Beydler (1974, 6min) ; Open Reel de Dalibor Martinis (1976, 4min) ; No Title (Rezanje Vrpce) de Goran Trbuljak (1976, 25sec) ; Manual de Dalibor Martinis (1978, 1min30) ; Personal Cuts de Sanja Ivekovi´c (1982, 4min) ; Water Pulu 1869 1896 d’Ivan Ladislav Galeta, (1987/1988, 9min) ; Contamination de Carl Stevenson (2003, 6min), Dad’s Dead de Chris Shepherd (2003, 7min) ; Seventeen de Hisko Hulsing (2003, 12min) ; Empire d’Édouard Salier, (2005, 4min).

30 Juin – 21h00 (127 min) : Les films de Simon Bogojevic-Narath et les productions du Bonobostudio (sous réserve) :

Hand of the Master (1995, 6min) ; Plasticat (2003, 10min), Leviathan (2006, 15min) et Morana (2008, 13min) de Simon Bogojevic Narath ; She Who Measures de Veljko Popovic (2008, 7min) ; Relocated de Vladislav Kneževic (2005, 12 min) ; Soldat de David Peroš Bonnot (2006, 5min) et des extraits des nouvelles productions de Bonobostudio : The Flowers of Battle de Simon Bogojevic Narath ; Old Woman and the Dog de Veljko Popovic ; Arheo29 de Vladislav Kneževic ; A Tale from the Beginning of Time de Božidar Trkulja ; Jozef de Dario Jurican et Larcana Project de Nikola Radovic (sketches, designs, animation tests – 15min).

Site Internet : http://www.forumdesimages.net/fdi/Rendez-vous/Cinema-d-animation

Articles associés : l’interview de Simon Bogojevic-Narathla critique du Leviathan

« Le Goût du court » au Balzac : Carte Blanche au compositeur Jean-Michel Bernard

Le Goût du court au Balzac et Cinezik organisent le 6 juin 2009 à 10h, au cinéma Le Balzac (Paris 8e), une carte blanche à Jean-Michel Bernard (compositeur de Michel Gondry) autour de 4 courts métrages dont une avant-première mondiale et un coup de projecteur sur 3 films d’animations inédits sur Paris.

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À l’approche de l’été, le « goût du court » invite le compositeur Jean-Michel Bernard, connu pour son travail auprès de Michel Gondry (La Science des rêves). Avec un court métrage dédié à ce réalisateur français issu du clip, le Balzac diffuse deux films de Karim Adda marquant une double collaboration musicale. Puis propose une avant-première mondiale mise en musique par Jean-Michel Bernard : un film franco-suisse-américain loufoque contant les aventures de Freud se découvrant des pouvoirs. Les questions du public sont attendues sur le parcours de ce musicien issu du jazz ayant travaillé avec les plus grands (Ray Charles, Ennio Morricone…) mais continuant malgré tout à soutenir les talents émergents. En conclusion, le bonus « Jeunes Talents » sera consacré aux films d’animation avec trois courts métrages de 2009, des petits bijoux inédits sur Paris.

Programme

10h : Accueil brunch avec Starbucks Coffee

10h30 : Carte blanche à Jean-Michel Bernard

« La 17ème marche », de Karim Adda (2007)
« J’ai plein de projets », de Karim Adda (2007)
« La Lettre », de Michel Gondry (1998)
« Freud’s Magic Powder », d’Edouard Getaz (2009) – Inédit

Rencontre-débat avec Jean-Michel Bernard, mini-concert.

Bonus jeunes talents – Spéciale Animation

« Je criais contre la vie, ou pour elle », de Vergine Keaton (2009) – Inédit
« Patrouille, de Wendy Dettmann » (2009) – Inédit
« Des chasseurs et des ours », de Joachim Brandenberg (2009) – Inédit

Matinée animée par Benoît Basirico avec Jean-Michel Bernard et ses invités.

Infos : Le Balzac (Paris 8e), 6 juin 2009 à 10h
Tarif unique : 8 euros
Le site de Cinezik.org : www.cinezik.org

Smáfuglar (Deux oiseaux) de Rúnar Rúnarsson

Grand Prix du Festival de Bruxelles, et sélectionné en compétition officielle, l’an passé, à Cannes, « Smáfuglar » de l’islandais Rúnar Rúnarsson traite de la perte de l’innocence et des prémisses de l’âge adulte, dans un contexte plus que délicat. Intense, pudique, et déroutant, le film est un véritable choc visuel.

Timide, il la regarde à la dérobée, n’osant soutenir son regard plus de quelques secondes. À une fête, influencé par un ami, il avale, tout comme elle, un comprimé de kétamine. Plus tard dans la soirée, le visage ruisselant de sueur et les yeux embués de larmes, il la retrouve, somnolente et étourdie, dans un lit. Il l’exhorte à s’en aller, et s’allonge à ses côtés en attendant qu’elle se relève. À son réveil, il est étendu dans le couloir. Il tourne la tête, ouvre péniblement les yeux, et la voit, inerte, en train de se faire violer. Incapable de bouger, il referme les yeux. Le lendemain, ayant repris ses esprits, il s’approche d’elle. Elle dort paisiblement, nue, sans se douter de ce qui lui est arrivé la nuit précédente. Il la considère quelques instants, avant d’ôter ses vêtements. Va-t-il imiter ses agresseurs ? Non, il se couche à ses côtés, la regarde tendrement, et caresse délicatement ses cheveux. En se réveillant, elle relève, par pudeur, le drap sur son corps. Leurs yeux se rencontrent. Elle ouvre la bouche : “J’ai été bonne ?” Il hoche doucement de la tête (faut-il lui révéler ce qui lui est arrivé ?) Elle poursuit : “Je suis contente que ça se soit passé avec toi.” Elle se rapproche de lui, ils se serrent l’un contre l’autre. Les “deux oiseaux” se sont rejoints.

Rarement, l’envie de parler d’un film dans son intégralité s’est fait autant ressentir qu’avec cette histoire d’amour, de tabou, et d’abnégation. Ces lignes pourraient se limiter au synopsis de « Smáfuglar », évoquer la jeunesse islandaise, les premiers émois, et la drogue, tout en omettant le viol et la chute poignante du récit. Sauf que la puissance du film repose sur plusieurs éléments de poids qui justifient une défense plus affirmée. Rúnar Rúnarsson adopte le parti pris de montrer explicitement l’agression, sans recourir au hors-champ, tout en maintenant une certaine distance et une pudeur dans son cadre. Fidèle aux thèmes du changement et du choix explorés à travers sa trilogie “Crossroads” (dont « Smáfuglar » est le deuxième volet), le réalisateur personnalise son scénario par le geste final du jeune garçon, son sacrifice, et sa préférence, le silence. Devant « Smáfuglar », ses échanges de regards gênés, son mélange de vulnérabilité et de rudesse, la blancheur de ses corps, sa superbe photo signée Sophie Ollson, et son silence écrasant lors des dernières minutes du film, le spectateur se sent démuni, dépossédé de ses certitudes. En proie à une émotion réelle, palpable, il vient d’expérimenter un film de ressenti.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Rúnar Rúnarsson

S comme Smáfuglar (Deux oiseaux)

Fiche technique

Synopsis : Une nuit d’été lumineuse où un groupe de jeunes adolescents passe de l’innocence à la dure réalité de l’âge adulte.

Genre : Fiction

Durée : 15’15 »

Pays : Islande

Année : 2008

Réalisation : Rúnar Rúnarsson

Scénario : Rúnar Rúnarsson

Images : Sophia Olsson

Son : Sylvester Holm

Montage : Jacob Schulsinger

Musique : Kjartan Sveinsson

Costumes: Hrafnhildur Hólmgeirsdóttir

Interprétation : Atli Óskar Fjalarsson , Hera Hilmarsdóttir , Sigurður Jakob Helgason , Þórunn Jakobsdóttir

Production : Zik Zak Filmworks

Articles associés : la critique du film, l’interview de Rúnar Rúnarsson

B comme Betty Banned Sweets

Fiche technique

Synopsis : Alors que Benjamin rêve de s’enfuir en Amérique du Sud, sa mère prépare une fête d’anniversaire dont il ne veut pas… Mais parfois les meilleures fêtes sont celle dont vous ne vouliez pas.

Genre : Fiction

Durée : 15′

Pays : Nouvelle-Zélande

Année : 2008

Réalisation : Michelle Savill

Scénario : Michelle Savill

Image : Chris Tan

Son : Isaac Dean

Montage : Tracey Egerton

Interprétation : Matt Scheurich, Lee Hutson, Sandra Jensen

Production : Paint-by-Numbers Collective

Article associé : la critique du film

Betty Banned Sweets (Les délices interdites de Betty) de Michelle Savill

Ticket to Anywhere

Toutes les femmes deviennent comme leur mère. Tel est leur drame. Les hommes ne le deviennent jamais. Tel est le leur. (Oscar Wilde, « l’Importance d’être constant »)

Sélectionné cette année au festival de Clermont-Ferrand et à celui de Rotterdam, « Betty Banned Sweets » a été programmé dans le Best of International au festival bruxellois. Premier film de la réalisatrice néo-zélandaise Michelle Savill, « Betty Banned Sweets » traite, de manière touchante, de l’incommunicabilité, de l’atavisme renié, et de divers usages de la farine.

Benjamin, un jeune homme désenchanté qui vit seul avec Betty, sa mère arthritique, éprouve le désir de quitter le milieu limité et gris qui l’entoure. Il se réfugie dans son art : des dioramas de paysages merveilleux créés dans des boîtes à chaussures fournies par une jeune vendeuse. A l’occasion de son vingt-troisième anniversaire, sa mère lui organise une petite fête, et la visite temporaire de sa sœur lui offre la possibilité de concrétiser son rêve : un voyage sans retour. Benjamin rate le rendez-vous, et retrouve la vie à laquelle il voulait tant échapper. Une situation à laquelle il finira par s’accommoder, car malgré la distance apparente entre sa mère et lui, ils ont en commun un côté obsessionnel, une résistance à la communication, et même une propension pour l’art. Leurs traits de personnalité se révèlent si proches que l’on ne peut s’empêcher de considérer le rendez-vous raté de Benjamin comme un acte manqué, puisque, comme l’indique le synopsis, « parfois les meilleures fêtes sont celles dont vous ne vouliez pas. »

« Betty Banned Sweets » livre un portrait réaliste et subtil des relations humaines tendues et stériles au sein de la famille. Marqué par un dialogue minimaliste et une facture sobre, voire prosaïque, le film de Michelle Savill entretient néanmoins une dimension poétique, à travers les mouvements « farinés » de Benjamin, et l’onirisme des boîtes à chaussures qui transportent le spectateur vers le monde intérieur des personnages. Quant au titre, il fait référence aux délices (friandises) interdites par Betty jusqu’au jour de l’anniversaire de Benjamin, où elles surabondent, symbolisant ainsi la fin de l’incommunicabilité entre mère et fils.

Adi Chesson

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A comme Arbeit für alle (Travail pour tous)

Fiche technique

Synopsis : Un docufiction sur le futur de l’emploi. Un futur d’horreur.

Genre : Documentaire, Fiction

Durée : 12′

Pays : Allemagne

Année : 2008

Réalisation : Thomas Oberlies, Matthias Vogel

Scénario : Thomas Oberlies, Matthias Vogel

Images : Nadine Neuneier, Alexander Klein, Martin D’Costa

Son : Maximilian Kaiser

Montage : Martin D’Costa

Musique : Ingo Ludwig Frenzel

Interprétation : Martin Baden, Wolfgang Stegemann, Wilfried Elste, Antje Rau, Mark Auerbach, Rainer Gerlach, Rainer Knepperges, Fred Yorgk, Andreas Merker, Stefan Bergel

Production : Jumping Horse Film

Article associé : la critique du film

Arbeit für alle (Travail pour tous) de Thomas Oberlies et Matthias Vogel

Avec « Arbeit für alle », un documenteur allemand à la Peter Watkins qui s’ouvre avec le portrait d’un employé d’une agence d’aide aux séniors actifs et qui se clôt avec une chasse aux zombies précaires, Matthias Vogel et Thomas Oberlies signent l’un des films les plus jouissifs du Festival de court métrage de Bruxelles.

Dans un futur proche, une entreprise propose ses services pour aider les personnes âgées à maintenir leurs activités professionnelles. C’est ainsi que l’on suit Miro, un des jeunes « employés », ainsi que son client, M. Janssen, sympathique octogénaire en fauteuil roulant. Cela ressemble à un docu-fiction à la Peter Watkins (« Punishment Park »), jusqu’au moment où l’on propose au faux retraité un ‘travail de terrain’ : un technicien de 84 ans ayant mordu son supérieur et l’ayant transformé en zombie, M. Janssen, chasseur de morts-vivants, est chargé de reprendre les armes.

À l’instar de Georges Romero qui critiquait la société de consommation dans ses films de genre (on pense à la scène de « Zombie » dans laquelle les morts-vivants se baladent avec des caddies), les réalisateurs Thomas Oberlies et Matthias Vogel filment des zombies, victimes du monde du travail qui sont souvent des stagiaires sans avenir. Dans un pays où l’on a inventé l’emploi à un euro de l’heure pour les chômeurs de longue durée, « Arbeit für alle » prend tout son sens. Le parti pris des réalisateurs, en optant pour une forme proche du documentaire, est d’illustrer une certaine normalité de cette situation. Ainsi qu’une ironie : la seule lutte possible contre cette société étant de se transformer en zombies, il ne reste que la survie et l’espoir de l’amélioration de sa propre condition. Ainsi Miro rêve d’être un jour payé pour son travail, et M. Janssen continue ses activités pour subvenir aux besoins de ses petits-fils, des stagiaires non payés. Un système mortifère qui n’est pas sans rappeler le nôtre par bien des aspects. Dans « Arbeit für alle » le message est clair : la jeunesse est un naufrage.

Thierry Lebas

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