En rentrant à la Cambre, Gerlando Infuso n’envisageait pas de s’exprimer autrement que par le dessin. Un jour, à l’occasion d’un exercice, il découvre l’animation en volume. Le contact avec la matière lui plaît, les films qui suivent en sont parfumés. « Margot » conte l’histoire d’une femme frigorifiée depuis la disparition de son amant, « Milovan Circus », celle d’un artiste de cirque rejeté par la communauté des hommes. Tous deux sont inspirés par la « poésie du sombre », évoquent la solitude, et insufflent un léger trouble auprès du spectateur.
Comparer Gerlando Infuso à Tim Burton, comme certains le font, est certes flatteur mais aussi un peu osé et facile. Le réalisateur des « Noces Funèbres » et de « L’Etrange Noël de Mr Jack » ne réalise pas ses films en minuscule comité, ne s’exprime pas par MAJUSCULES, et préfère « Vincent » à RoBERT. Tout le contraire de l’auteur des travaux en « M ».
C’est à la Cambre, à proximité des décors de ses films, que Gerlando Infuso, étudiant en dernière année, reçoit ses visiteurs. L’an passé, un tête-à-tête au sujet de « Margot » (Prix du Jury Jeunes à Annecy) avait laissé entrevoir les premiers plans de « Milovan Circus », son quatrième film. Cette année, avant de repartir à Annecy à l’occasion de la sélection de « Milovan », Gerlando Infuso déposait sa colle, et avalait un café, le temps d’une discussion autour de son nouveau projet et tout dernier film d’école, « L’Oeil du Paon ».
Aux abords de « L’Oeil du Paon », un contraste saisit l’oeil bleu : le soleil plante ses rayons dans l’espace de travail tandis que le plateau, décoré de trophées de chasse, est plongé dans une troublante obscurité quasi totale. Cet effet-nuit légèrement sibyllin correspond bien à l’atmosphère du dernier film de Gerlando Infuso, et au reste de sa filmographie, quand on y pense.
Depuis un moment, le projet occupe un tiroir de son esprit. Précisions : “Juste après « Margot », j’ai hésité à enchaîner avec « L’Oeil du Paon », parce que je trouvais qu’il y avait quelques similitudes entre les deux projets, notamment dans la thématique de la femme isolée, dominatrice, et légèrement castratrice. J’ai finalement poursuivi avec « Milovan Circus », car l’univers du cirque m’intriguait autant que celui de la chasse.”
Isolement, domination, castration ? Comme « Margot », « L’Oeil du Paon » traite de la passion, de l’obsession, et de la destruction. Sibylle, l’héroïne, est une femme ivre de chasse qui parcourt le monde, fusil à l’épaule, pour traquer de nouvelles espèces, et assouvir ses pulsions. L’auteur complète : “Un jour, elle réalise qu’elle a atteint les cimes de sa collection. Pour pallier son ennui, elle se fixe comme but d’accrocher un homme à côté de ses autres trophées, en s’imposant comme seule contrainte de ne pas recourir à la violence pour parvenir à ses fins. Elle va donc essayer de faire succomber sa proie par ses propres moyens : son charme et ses atouts de femme”.
Dans son intérieur, Sibylle dispose d’une “salle de victimes”, celle où son péché mignon s’étale dans sa majesté et sa diversité. Une cinquantaine de têtes d’animaux, confectionnée pour les besoins de l’histoire, inclut d’ailleurs certains trophées de chasse panda, autruche, brochet, flamand rose,..) plus exotiques et inattendus que d’autres. Gerlando : “Il fallait démontrer dans un même tableau que Sibylle avait chassé énormément, que son activité était l’oeuvre de toute une vie, qu’elle avait beaucoup voyagé, et qu’elle avait capturé des espèces rares. Certaines espèces devaient s’y retrouver, alors que d’autres, plus clichées comme le lion, ne m’intéressaient pas plus que ça. Des animaux tels que le nasique, le mandrille, et le requin marteau, me fascinent. En les ajoutant à la collection personnelle de Sibylle, je me suis aussi fait plaisir.”
Que les amateurs de « Margot » et de « Milovan Circus » ne se désolent pas s’ils ne découvrent « L’Oeil du Paon » que l’année prochaine. Il leur est d’ores et déjà possible de s’imprégner du dernier projet de Gerlando Infuso, via le clip « Ange et démon » interprété par la chanteuse RoBert. L’esthétique sombre et étrange de « L’Oeil » lui sert mystérieusement de décor.
Inspiré par l’animation en volume, la liberté et la « poésie du sombre », cet étudiant de la Cambre a remporté en 2008, au festival d’Annecy, le Prix du Jury Junior pour un film de fin d’études. Son court métrage de troisième année, « Margot », conte la solitude, le froid et la folie vécus par un personnage en volume calfeutré dans un amour devenu à sens unique. Retour à l’école avec Gerlando Infuso, à proximité d’un élément de décor de son troisième court métrage, « Milovan Circus ».
Ado, cellulos
« Très tôt, je me suis intéressé à l’animation; enfant, je regardais beaucoup de Disney et de dessins animés, et je griffonnais sans arrêt. Je fréquentais une académie de dessin où, à l’âge de 14 ans, j’ai été amené à faire un petit film d’animation de 30 secondes. L’histoire était celle d’un petit zombie qui se faisait piquer par une mouche : ce n’était déjà pas très joyeux (rires) ! J’ai développé cette animation de manière traditionnelle, comme ça se faisait avant, avec des cellulos [feuilles plastiques transparentes]. Ça a été une révélation : dans ce travail qui demandait du temps et qui empêchait de voir le résultat tout de suite, j’ai trouvé quelque chose qui m’intéressait, et que je pourrais développer par la suite. Au moment où j’ai terminé ce premier film, j’en ai fait un deuxième, l’année suivante et très vite, je me suis rendu compte que c’était ce que je voulais faire. »
La Cambre
« Avant de passer l’examen d’entrée à la Cambre, j’ai regardé plusieurs films d’anciens étudiants. Il y avait des similitudes de film en film, mais chacun avait une identité propre et un univers personnel. Le panorama graphique semblait être autorisé au sein de l’école, ce qui m’a immédiatement intéressé. Je sentais que je me dirigeais vers une sorte de poésie du sombre et j’avais envie de pouvoir défendre cet univers dans mes travaux. J’ai aussi été séduit par la grande liberté laissée à l’étudiant : à la Cambre, il y a un vrai respect de l’individu, de ses choix esthétiques, et de sa pâte graphique. Les professeurs ont écouté mes choix et les ont toujours respectés, quels qu’ils soient. Cela m’a plu d’emblée.
Technique(s)
« Les premières années, je me suis cherché au niveau de la technique. Mes premiers films étaient en 2D, parfois, j’utilisais des crayonnés ou je travaillais à l’ordinateur. En deuxième année, j’ai réalisé un film en 2D et en volume, « La Poire ». Cela a été un challenge d’incruster des personnages en 2D dans des décors en volume. J’ai beaucoup apprécié le travail du volume, raison pour laquelle, l’année suivante, j’ai fait « Margot ». Après avoir essayé différentes choses, la seule chose qui m’intéressait vraiment, c’était d’assurer un film en stop-motion du début à la fin. Avec « Margot », j’ai eu le sentiment de m’être enfin trouvé. »
Valeur volume
« Ce qui me séduit le plus dans la réalisation d’un film en volume, c’est que je passe par de multiples étapes et que je m’attarde sur chacune. Il n’y a pas vraiment de répétitivité dans le volume. D’abord, il y a l’écriture suivie des recherches graphiques. Après, je fais des aquarelles afin de m’approcher au maximum des ambiances que je recherche, puis, apparaissent le story-board, la construction d’objets, le développement des décors, le tournage, le montage, … (…) J’ai trouvé autre chose dans le volume : l’impression d’une maîtrise dans la composition de mon image et de mes cadrages. À partir du moment où mon plateau est devant moi avec les lumières installées, que le personnage est placé, et que je peux me promener avec mon appareil photo et choisir le cadre, je me sens à l’aise. Je suis physiquement dans mon image, j’ai l’impression de me balader dans mon décor et d’interagir avec mon personnage. C’est une sensation très intéressante ! ».
Histoire et création
« Rien ne se décide pour un film. Je pars d’une envie, d’une couleur, d’une musique ou d’une image que je dessine. À partir de ce moment-là, je raconte une histoire et j’essaye de développer quelque chose qui tient la route pour un court métrage. Forcément, les choses viennent après, naturellement. Pour « Margot », je suis parti de l’envie de parler d’un amour tellement grand qu’il peut être destructeur. Très vite, le visage de Margot s’est esquissé devant moi. Je voulais que ce personnage soit très ambigu, que son amour pour son défunt amant se heurte à ses troubles psychologiques. J’ai commencé à griffonner, à construire l’histoire autour de mon personnage et, au fur et à mesure, je l’ai contextualisée dans un univers plutôt 19ème siècle. Très vite, la notion de froid s’est greffée au fait que Margot était seule. Elle cherche à se réchauffer de plusieurs manières jusqu’à ce qu’elle réalise que son amant était la plus grande source de chaleur et qu’elle décide de le rejoindre dans sa tombe. »
Voix-off
« En animation, la voix-off suscite souvent beaucoup de réticences. On a peur d’être redondant. J’ai souhaité offrir une voix-off à « Margot » car cela offrait une toute autre dimension au personnage. Margot se parle à elle-même, on l’entend souvent dire qu’elle a froid. J’avais vraiment envie de jouer avec ce leitmotiv « j’ai froid, j’ai froid », je trouvais qu’au-delà de la rythmique suscitée, cela allait refléter le grain de folie et l’obsession du personnage. »
Fenêtres festivalières
« On vit pendant une année entière sur un film. On y pense tout le temps : sous la douche, dans le tram, au supermarché, … C’est dur de travailler pendant tout ce temps sur un même projet. On est dans l’incertitude complète au moment où on termine son film et où on le rend. Evidemment, il y a l’étape du jury, mais on a aussi envie de savoir ce que les autres en pensent. Les festivals sont très importants pour nous : ils permettent aux films de voyager, d’être vus et de susciter des retours après un an de travail. »
Annecy et le Prix du Jury Junior
« Le prix délivré à Annecy m’a beaucoup marqué. La surprise était énorme, je ne m’y attendais vraiment pas du tout. Mes études ne sont pas terminées, je dois encore parfaire mon apprentissage. Même si je trouve que c’est arrivé un peu tôt dans mon parcours, ce prix m’a évidemment fait très plaisir. Je l’ai pris comme un encouragement supplémentaire, une envie d’aller de l’avant. Je me dis que finalement, ce que je suis en train d’accomplir, je ne le fais peut-être pas forcément pour rien, et cela donne du sens à mes actions. Ce qui m’a marqué également, c’est d’avoir pu toucher le Jury Jeunes avec ce genre de film. Je me serais attendu à ce que ce soit un film plus conventionnel qui sensibilise un public adolescent. « Margot » a plu à des spectateurs auxquels je ne m’attendais pas forcément. »
Suite et fin
« Après « Margot », j’ai retravaillé autour du sombre et du volume. J’ai eu envie d’aborder la thématique de la vieillesse et le sentiment d’être peut-être passé à côté de sa vie. « Milovan Circus » retrace l’histoire d’une vedette de cirque, égérie à ses débuts et mime de rue en fin de parcours. Tout au long du film, on assiste à la déchéance de l’artiste et aux raisons pour lesquelles il est devenu mime. J’ai passé un an avec ce personnage, cela a réveillé des angoisses existentielles. Peut-être ai-je besoin de donner vie à mes marionnettes pour combattre les questions que je me pose. Peut-être… »
En collaboration avec Format Court et l’Actor’s Studio, l’asbl Artatouille organisera dès le 21 octobre des projections bimensuelles et thématiques de courts métrages. La première séance est consacrée aux films d’écoles belges réalisés en 2009, avec des films du KASK, du Rits, de l’INRACI, de l’IAD, et de La Cambre. Voici le programme en images.
Pygmalion de Demian Albers (KASK, animation, 5′)
Syn. : Un homme est attiré par la tentation d’être uni avec son obsession. Confronté à l’objet de son désir, pourrait-il se contrôler? Un conte de la lutte interne entre l’amour et le désir.
Geppino chante de Simon Van Rompay (RITS, documentaire, 25′)
Syn. : Geppino Cergua habite dans le Borinage, où le passé cru lié aux mines est toujours très présent. Malgré ses 67 ans, il n’a pas enterré ses rêves.
Retour simple de Jérôme Guiot (INRACI, fiction, 20′)
Syn. : Marie, 24 ans, rentre en Belgique après un long voyage pour assister aux funérailles de son père mais son deuil ne se fera pas sans heurts. Un lourd secret semblant déchirer la famille.
Goodbye Gift de Julien Monfajon (IAD, fiction, 15′)
Syn. : Journée portes-ouvertes au club des femmes expatriées. Welcome to America. Autour de la mayonnaise et des petits fours, Hélène s’agite, furète, s’essaie à la conversation. Et Michael qui s’en va…
Grand-mère, veux-tu ? de Lucie Thocaven (La Cambre, animation, 06’55 »)
Syn. : Une vieille dame seule et acariâtre reçoit la visite de sa petite fille et de son timide fiancé.
Infos utiles…
Date : Mercredi 21 octobre 2009
Heure : 19:00
Lieu : Actor’s Studio : Petite rue des bouchers, 16 – 1000 Bruxelles
Q. : artatouille@gmail.com, info@formatcourt.com Groupe Facebook : oui !
Le Festival du court métrage de Lille est fini. Les films en compétition ont été départagés par un Jury composé deFrancis Gavelle, Bert Gottschalk, Frank Lambert, Annette Scholz et Jacqui Davies. Voici les lauréats.
Grand Prix International : Um dia frio de Claudia Varejao, Portugal, 27mn
Syn. : Le portrait d’une famille. Un matin d’hiver à Lisbonne, le père, la mère, le fils et la fille ont chacun une dure journée à affronter.
Grand Prix National : Mei Ling de Stéphanie Lansaque et François Leroy, France, 15mn
Syn. : Mei Ling, jeune chinoise oisive, vit seule dans son appartement en attendant son amant. Jusqu’au jour où elle découvre un minuscule poulpe caché dans l’évier. Elle décide de l’adopter pour tromper son ennui. Le poulpe grandit.
Prix du meilleur film de fiction : Echo de Magnus von Horn, Pologne, 14mn
Syn. : Deux garçons ont tué une jeune fille. La reconstitution du crime et la rencontre avec la famille de la victime vont les forcer à revivre l’horrible scène et prendre conscience de l’atrocité de leur acte.
Prix du meilleur film d’animation et Mention du jury jeune : Muto de Blu, Italie, 7mn
Syn. : Une fascinante animation en peinture sur les murs publics de Buenos Aires et de Baden.
Prix du meilleur film expérimental : Dropping furniture de Harald Hund et Paul Horn, Autriche, 5mn
Syn. : Chorégraphie de la destruction.
Prix de la meilleure image : Danse macabre de Pedro Pires, Canada, 8mn30
Prix de la meilleure musique originale : Strata #2 de Quayola, Royaume-Uni, 7mn
Syn. : En reprenant les codes esthétiques des vitraux, un dialogue dynamique entre le son, l’image et l’architecture s’engage.
Prix de l’innovation technique : Dix de Bif, France, 7mn
Prix du jury jeune : The ground beneath de René Hernandez, Australie, 20mn
Syn. : C’est en se faisant des amis, et des ennemis, que le jeune Kaden découvre qui il est.
Prix du Public : Logorama de François Alaux, Hervé de Crécy, Ludovic Houplain, France, 16mn
Syn. : Une course poursuite effrénée, des animaux sauvages lâchés dans la ville, une prise d’otage qui tourne au drame… et bien plus encore !
Prix des Très Courts : Post It love de Simon Atkinson, Adam Townley, Royaume Uni, 3mn
Syn. : Une fille rencontre un garçon au bureau. Deux âmes sœurs, trop timides pour s’approcher, trouvent un nouveau moyen de se témoigner leur amour.
Pour sa parution automnale, le magazine trimestriel Repérages met l’étrange, le déconcertant, le sanglant et le politiquement incorrect à l’honneur dans un DVD rassemblant onze courts cultes, édité par Scope et Chalet Pointu. Variée par son approche des genres (parodie, humour noir, fantastique…), des thèmes (vampirisme, mutantisme, zombisme, tabou sexuel…) et des contrées explorées (France, Belgique, États-Unis, Argentine,…) la sélection des films reflète les dernières tendances situées en marge des productions classiques. Cinq ovnis nous apparaissent d’emblée comme des incontournables du genre extrême.
King Crab Attack ! de Grégoire Sivan
Lorsque la jolie et tranquille station balnéaire de Trouville-sur-mer se retrouve menacée par une attaque de crabes géants, Basile, jeune autochtone téméraire, décide d’affronter seul les monstrueux crustacés.
Monteur issu de la Fémis, Grégoire Sivan est l’auteur de plusieurs films d’animation dont « La Méthode Bourchnikov » et « Premier voyage » (Lutin du meilleur film d’animation en 2008). Parodie ingénieuse, « King Crab Attack ! » se présente comme la bande-annonce d’un film à venir. Toutes les références du film du genre s’y retrouvent : le mélo kitsch et larmoyant, le suspense haletant, l’action intense, l’héroïsme exacerbé, la soif de vengeance et de pouvoir, la morale abrutissante… Entre « Les Dents de la Mer » et « James Bond », le film de Grégoire Sivan est un bel hommage aux séries B américaines.
Mompelaar de Wim Reygaert et Marc Roels
Atypique et inclassable, le film du duo flamand Reygaert et Roels est de loin le court métrage le plus déjanté de la sélection. Sur l’air de la septième symphonie de Beethoven, des paysages inspirés des peintures flamandes médiévales (Brueghel, Bosch ou encore Grimmer) révèlent une Flandre mystique dans laquelle s’enracinent Lubbert, un marmonneur un peu niais et sa mère, un travesti un brin castrateur.
Perdu dans les méandres d’une narration décousue, entre une découverte macabre baignée dans des sons de radio inaudibles et la rencontre d’un guide nature aux instincts pervers, le récit prend des allures de fable christique lorsque l’idiot du village endosse le rôle de maître spirituel et la mère celui de Madone irréprochable.
Imprégné de références picturales, musicales et littéraires, « Mompelaar » répond à un vide existentiel par un humour absurde et décalé. Ne peut-on pas y voir du Ionesco dans cette histoire de marmonneur chauve ?
I love Sarah Jane de Spencer Susser
Titre aux accents country, « I love Sarah Jane » déploie ses accords sur fond de fin du monde. Dans un décor post-apocalyptique où les hommes se transforment petit à petit en morts-vivants, Jimbo, 13 ans, n’a de yeux que pour la belle Sarah Jane. L’originalité de l’intrigue amoureuse est bien évidemment de la confronter à la cruauté d’une bande de jeunes adolescents qui, ayant perdu toute notion de Bien et de Mal, s’amuse à torturer un zombie dans son jardin. Et quand il faut abréger les souffrances de celui-ci, seule, la fille de la bande a le courage d’agir. Inhumaine ? Pas aux yeux de Jimbo pour qui ce geste confirme ses sentiments à l’égard de la belle. Face au sadisme d’une jeunesse inculte qui crache littéralement sur ses pères (le zombie en question n’est autre que le paternel des avortons), Jimbo, lui, aime Sarah Jane.
The Blindness of the Woods de Javier Lourenço et Martin Jalfen
Il était une fois, dans les contrées froides et lointaines de Kiruna, au fin fond de la Scandinavie, Ulrika, une jeune fille aveugle qui souffrait de solitude. Un beau jour, un bûcheron des environs lui porta des bûches pour la réchauffer…
Nous savions déjà que les contes de fées étaient truffés de messages sexuels subliminaux, mais dans le sage conte érotique du tandem argentin Lourenço-Jalfen où une jeune fille, sorte de Lady Chatterley scandinave atteinte de cécité, découvre en l’amour physique une issue agréable à son sylvestre isolement, le thème de l’éveil à la sensualité est abordé sans refoulement aucun.
Les auteurs jouent sur la transgression par la représentation intégrale des relations sexuelles des personnages entièrement vêtus de laine. Sous ce déguisement, ils détiennent un certain anonymat et deviennent dès lors des archétypes immuables qui agissent selon des codes liés à des genres bien spécifiques : le conte et le porno. À la cécité de l’héroïne répond le voyeurisme du spectateur.
Au-delà d’une mise en scène qui fait sourire, « The Blindness of the Woods » est aussi un miroir de notre rapport consummériste et codifié à la relation au corps en particulier et à la relation affective, en général.
Bien sous tous rapports de Marina De Van
L’étrangeté, c’est l’art d’être dépaysé chez soi, c’est le connu qui devient subitement inconnu, c’est le familier qui se transforme en inhospitalier. L’étrangeté peut provoquer la fascination ou l’aversion mais elle laisse rarement indifférent. C’est le cas de « Bien sous tous rapports » le film d’école de Marina De Van, issue de la Fémis.
Loin du médiatique « Ne te retourne pas » mettant en scène Sophie Marceau et Monica Bellucci, l’intrigue du court métrage de la réalisatrice repose sur le fait de savoir si Sarah, jeune fille de bonne famille, maîtrise l’art de la fellation ou non.
Face au tribunal inquisiteur représenté par son père, sa mère et ses deux frères (vrais frères de la réalisatrice), la jeune fille n’a pas beaucoup de chance de s’en sortir indemne (pas plus que son malheureux copain victime du voyeurisme de la Sainte famille).
Transgressif, subversif, provocateur mais surtout intelligent, « Bien sous tous rapports » ébranle expressément le système éducatif bourgeois qui repose sur la notion de modèle et d’exemple à suivre. Encore faut-il qu’il soit bon, l’exemple. C’est alors que la néophyte demande à ses respectés et honorables géniteurs de le montrer, l’exemple. Et lorsque ceux-ci s’adonnent à l’intime exercice de style devant leur progéniture fascinée, le spectateur est renvoyé à sa propre éducation sexuelle.
Comme Buňuel dans sa période française, De Van s’en prend de façon jouissive à la bourgeoisie bien pensante, garante des valeurs morales, figée dans les codes de bienséance. Elle opprime l’individu qui n’est plus libre d’aimer à sa façon. Le final laisse tout de même entrevoir un espoir d’échapper aux tenailles du système grâce à une prise de position personnelle de l’héroïne.
Synopsis : Sarah ramène chez ses parents son petit ami Olivier et le présente à sa famille. C’est une famille très bourgeoise, très attachée à l’éducation, aux manières.
Genre : Fiction
Durée : 11’
Pays : France
Année : 1996
Réalisation : Marina De Van
Scénario : Marina De Van
Images : Christophe Bettati
Son : Jérôme Wiciak
Montage : Laurence Bawedin
Interprétation : Marina De Van, Jérôme Kapour, Thomas De Van, Benoit Brione, Adrien De Van, Jérôme Robar
Synopsis : Dans la froideur des bois de Kiruna, en Suède, une femme aveugle et un bûcheron nouent une relation érotique entre passion et trahison. C’est un ours qui finira par découvrir la trahison…
Genre : Expérimental
Durée : 11’
Pays : Argentine
Année : 2008
Réalisation : Javier Lourenço, Martin Jalfen
Scénario : Javier Lourenço, Martin Jalfen
Images : Flavio Dragoset
Son : Pedro Gomez, Martin Chebli Murad
Montage : Carolina Grgurevic
Interprétation : Federico Gelber, Nicolas Sanchez Solis, Maria Paula Pichersky
Synopsis : Jimbo a treize ans. Il ne pense à rien d’autre qu’à Sarah Jane. Et ni les gros bras, ni la violence, ni le chaos, ni les zombies ne l’empêcheront de trouver un moyen d’entrer dans son univers.
Genre : Fiction
Durée : 13’40’’
Pays : Australie, États-Unis
Année : 2007
Réalisation : Spencer Susser
Scénario : Spencer Susser, David Michôd
Images : Adam Arkapaw
Son : John Harding, Luke Mynott
Montage : Spencer Susser
Interprétation : Richard Mueck, Beau South, Mia Wasikowska, Anton Enus, Peter Yacoub, Vladimir Matovic, Brad Ashby
Synopsis : Lubbert est un jeune homme réservé qui vit avec une mère dominatrice dans une petite maison. Une promenade matinale dans l’arrière-pays flamand est troublée par la rencontre irréelle avec d’hallucinants habitants de la région.
Genre : Fiction
Durée : 21’40’’
Pays : Belgique
Année : 2008
Réalisation : Wim Reygaert, Marc Roels
Scénario : Wim Reygaert, Marc Roels
Images : Nicolas Karakatsanis
Son : Marijn Thijs
Montage : Dieter Diependaele
Interprétation : Piet De Praitere, Serge Buyse, Gunter Lamoot
Synopsis : Trouville-sur-mer, petite station balnéaire sans histoire. Basile, garde-côte, est le témoin d’événements étranges. Et si tout cela n’était que l’avant-goût d’une tragédie à l’ampleur catastrophique ?
Genre : Fiction
Durée : 7’
Pays : France
Année : 2008
Réalisation : Grégoire Sivan
Scénario : Grégoire Sivan, Noémie de Lapparent
Images : Stephen Barcelo
Son : Nicolas Bouvet, Gwénolé Leborgne et Laure Arto
Montage : Benjamin Weill
Musique : Matthieu Langlet
Décors : Franck Limon
Interprétation : Etienne Chicot, Charlotte Marin, Jean-Pierre Martins, Serge Dupire, Martine Fontaine, Vincent Robillard
Liste des films en lice pour le César du meilleur court métrage :
Masques de Jérôme Boulbès
Syn. : Deux masques se font face sous une multitude de regards inquiétants. Un signal est donné, commence alors une danse, un combat rituel.
Lila du Broadcast Club
Syn. : Ce doit être, se dit-elle, pensive, la forêt où les choses n’ont pas de nom.
C’est gratuit pour les filles de Claire Burger et Marie Amachoukeli
Syn. : Dans quelques jours, Laetitia obtiendra son brevet professionnel de coiffure. Elle et sa meilleure amie Yéliz, pourront concrétiser leur rêve : ouvrir un salon ensemble. Mais avant de passer son examen, Laetitia veut aller à une fête.
¿ Dónde está Kim Basinger ? d’Édouard Deluc
Syn. : Marcus et son frère Antoine atterrissent en Argentine. Ils viennent y passer quelques jours pour le mariage de leur cousin et comptent bien en profiter pour découvrir les joies de Buenos Aires. Seul problème, Antoine vient à peine de se faire quitter par la femme qu’il aime et Marcus a bien du mal à lui remonter le moral.
Le feu, le sang, les étoiles de Caroline Deruas
Syn. : Les journaux annoncent la défaite de la gauche aux élections. Une jeune mère en plein désarroi se relève pour son enfant. La jeunesse de gauche, si déroutée, s’élance dans tous les extrêmes. L’enfant demande conseil auprès de son grand-père.
Montparnasse de Mikhaël Hers
Syn. : Une nuit, trois jeunes femmes, le néon des boulevards, quelques rues désertées, une galerie marchande, un jardin endormi, le parvis de la tour, l’esplanade de la gare, le café du départ, un appareil photo, un concert, une terrasse, puis la ville qui s’éveille, Montparnasse.
Séance Familiale de Cheng-Chui Kuo
Syn. : Une équipe de télévision française s’invite dans une famille taiwannaise vivant à Taipei, dans le cadre d’une émission de télé-réalité. Petit à petit, la caméra devient un nouvel outil de communication au sein de la famille.
Mei Ling de Stéphanie Lansaque et François Leroy
Syn. : Mei Ling, jeune chinoise oisive, vit seule dans son appartement en attendant son amant. Jusqu’au jour où elle découvre un minuscule poulpe caché dans l’évier. Elle décide de l’adopter pour tromper son ennui. Le poulpe grandit.
La raison de L’autre de Foued Mansour
Syn. : Caroline, jeune conseillère du RMI, découvre par hasard que l’une des personnes dont elle a la charge travaille au noir. Se sentant étrangement trahie, elle va tenter d’en savoir plus sur cet homme en le suivant une nuit après son travail. Se mettant de cette manière en danger, elle espère redonner un sens à son rôle de travailleur social et soulager ses propres démons.
Les Williams d’Alban Mench
Syn. : Parmi ses cadeaux de mariage, Francis a reçu un chien. Il demande à William, son ami d’enfance, de le garder pendant sa lune de miel. Une simple demande qui va soulever un problème de fond chez William.
La harde de Kathy Sebbah
Syn. : Quatre garçons en vadrouille avec un fusil font route vers la forêt. Sur leur chemin, ils rencontrent le mystérieux Emir, qui s’embarque avec eux. Ils ne se doutent pas que cette aventure signera le dernier jour de leur jeunesse.
Voyage autour de ma chambre d’Olivier Smolders
Syn. : Retiré dans sa chambre, un cinéaste parle des territoires et des voyages, réels ou imaginaires, qui l’ont fait ou qui l’ont défait. À partir d’images récoltées au fil des années, Voyage autour de ma chambre interroge d’une façon poétique la difficulté de chacun à trouver sa juste place au sein du monde.
La 24ème édition du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) s’est clôturée vendredi 9 septembre. Emilie Dequenne, Baloji, François-Eudes Chanfrault, Jérémy Clapin, et Dominique Dugas, jurés officiels, ont départagé les films en compétition. Retrouvez le Palmarès 2009.
Compétition internationale
Bayard d’Or du Meilleur Court Métrage : « Donde Esta Kim Basinger ? » d’Edouard Deluc (France, 2009)
Synopsis : Marcus et son frère Antoine atterrissent en Argentine pour le mariage de leur cousin et comptent bien en profiter pour découvrir les joies de Buenos Aires. Seul problème, Antoine vient à peine de se faire quitter par sa femme qu’il aime et Marcus a bien du mal à lui remonter le moral.
Prix du Jury : « La Vie Commence » d’Emile Proulx-Cloutier (Québec, 2009)
Synopsis : « La Vie commence » raconte les vingt-quatre heures qui bouleverseront l’existence d’un adolescent et de son frère aîné qui ont toujours vécu ensemble sans véritablement se connaître, au coeur d’une banlieue anonyme.
Prix du Meilleur Clip : « Dans l’Herbe » d’Olivier Martin (France, 2009, 3’36 », artiste : Ignatus)
Compétition nationale
Prix du Meilleur Court Métrage : « La Balançoire » de Christophe Hermans. Prix d’interprétation : Jean-Jacques Rausin pour « La Balançoire »
Synopsis : Une station-essence autoroutière plantée entre deux mondes, celui d’un père et celui d’une mère… L’histoire d’un petit garçon encombré d’une balançoire qu’il faudra bien fixer quelque part. C’est sa balançoire, à lui. Mais c’est où, chez lui, justement ?
Prix de la Meilleure Photographie : Bart van Otterdijck pour « L’Eclusier » deNicolas Boucart (Belgique, 2009)
Synopsis : Un éclusier vit avec son poisson rouge dans une petite maison habitée par une pluie sans fin. Accompagné d’un vieil instrument, il orchestre les montées et descentes des péniches. Les hommes, les chiens, les saisons passent.
Avec un titre pareil, « Western Spaghetti » pourrait être peuplé d’anti-héros hirsutes et chauves, de rixes de bas étage, de prostituées édentées, et d’abominables méchants bigleux. Détournée par l’Américain Adam Pesapane, dit Pes, l’expression est plutôt associée à une insolite recette de pâtes à destination des gourmets de l’animation. Temps de dégustation : 1’45’’.
En juin, « Western Spaghetti » remportait le Prix du Public à Annecy. Un mois plus tard, le film était projeté à L’Etrange Festival, au Forum des Images, à Paris. Ingénieux, ce très court joue sur les perspectives, les objets du quotidien, leurs formes et leurs représentations. L’enjeu est purement formel : un homme, dont on ne voit que les mains et les bras en gros plans, se prépare un plat de spaghettis. Fin cuisinier, il préfère une recette maison à un sachet tout prêt M……i. Il allume sa plaque chauffante, attrape deux tomates, jette les pâtes dans l’eau, cueille des feuilles de basilic, … L’idée peut paraître simple, et pourtant, elle ne l’est pas. Pes n’illustre pas ses idées par des dessins, des éléments découpés, ou de la prise de vues réelles. Sa technique à lui, c’est la manipulation et l’association contextuelle et symbolique d’objets tels que des morceaux de pizzas, des post-it, des pelotes de laine, des pop-corn, des élastiques, du papier bulle, et des billets de banque.
Très influencé par Jan Švankmajer, l’animateur travaille depuis longtemps autour de l’ironie, des images associatives et des objets familiers. Il suffit de revoir « Game Over » (détournement savoureux de jeux vidéo), « KaBoom ! » (tract pacifiste sur la guerre en Irak) ou encore « Roof sex » (parodie du ‘’furniture porn’’ à travers des scènes chaudes entre deux fauteuils anthropomorphes new-yorkais). De sujet décalé en sujet décalé, Pes balade son œil génial sur les objets de tous les jours en les imaginant et en les transformant à l’envi.
Après « Spaghetti », Pes a déjà prévu un dessert : son nouveau projet s’articule autour de sa vision très personnelle du monde aquatique. En explorant les bas-fonds de la créativité, l’animateur n’a pas fini de remanier notre perception du banal et du journalier. ’’Ah ! Que la vie est quotidienne !’’, disait Jules Laforgue. ’’Tout dépend des lunettes que l’on porte’’, pourrait lui répondre Pes.
En collaboration avec Format Court et l’Actor’s Studio, l’asbl Artatouille propose, dès le 21 octobre, des projections bimensuelles et thématiques de courts métrages sur grand écran. La première séance « Côté Court » est consacrée aux films d’écoles belges réalisés en 2009, avec des contributions du KASK, du Rits, de l’INRACI, de l’IAD, et de La Cambre.
Rendez-vous au cinéma, et sur Format Court pour cette première séance !
Le Festival du Film de Gand en est à sa 36ème édition. Comme chaque année, l’importance de la musique au cinéma en sera le thème principal. Du 06 au 17 Octobre 2009, plus de 200 films seront à l’affiche au Kinepolis Gand, Sphinx, Studio Skoop et au Vooruit. Le court métrage, lui, se déclinera en trois programmes.
Compétition belge : le 09/10 à 14:30 au Kinepolis 08
– « Le Con » de François Paqua
– « Esther’s » de Chuck De Meyer
– « A Gentle Creature » de Marc James Roels
– « Gestreept » de Toon Mertens & Jonas Baeckeland
– « Übertijd » de Susan Tanghe
– « Zomer » de Ellen Helsen.
Compétitions de films d’écoles flamandes : 10/10 à 14:00 au Vooruit (Theaterzaal) et 14/10 à 20:00 au Kinepolis 09
-“Abrigo” de Maxim Dierickx (KASK-fiction)
– “AL/CE” de Céline Pourveur (KASK-fiction)
– “Het Animtieorgel” d’Annelies Vandenbosch (KhLim-animation)
– “Circus Ernesto” de Willem Pirquin (KASK-animation)
– “Helden van de Harmonie” de Nele De Cat (RITS – documentaire)
– “Helsinki” de Caroline de Maeyer (RITS–fiction)
– “Laundromatik” de Jeroen Syngedouw (KASK-animation)
– “Siemiany” de Philip James McGoldrick (RITS-Fiction)
– “Strangers” de Tomas Hendriks (KASK-fiction)
– “Tante Mans” de Barbara Raedschelders (KASK-animation)
Compétition internationale : 13/10 à 14:30 au Kinepolis 08 (films nominéspour le Prix du Meilleur Court Métrage Européen (du European Film Academy)
– “Amor” de Thomas Wangsmo (Norvège, 2009)
– “Commentary” de Robert Cambrinus (RU, 2009)
– “La Condena” de Torre Espinosa (Espagne, 2009)
– “Formic” de Roman Kälin & Florian Wittmann (Allemagne, 2009)
– “The History of Aviation” de Balint Kenyeres (Hongrie, 2009)
– “L’Homme à la Gordini” de JeanChristohe Lie (France, 2009)
– “Madagascar, Travel Diary” de Bastien Dubois (France, 2009)
– “Tulum“ de Dalibor Matanic (Croatie, 2009)
« Judge you wanna hear my plea, Before you open up your court, But I don’t want no sympathy, ‘Cause I done cut my good man’s throat. » (« M. le Juge, écoutez ma défense avant de me juger. Je ne demande pas de pitié, j’ai bien égorgé mon vieux. ») – Bessie Smith (Send Me to the ‘Lectric Chair).
Commandé par le Festival de Rotterdam dans le cadre de »Urban Screens », une série de films projetés sur des façades de la ville hollandaise, et sélectionné à l’Étrange Festival de Paris, « Send Me to the ‘Lectric Chair » est une expérience filmique unique, bizarre, et abstruse. Co-signé par l’improbable duo Guy « déjanté » Maddin et Isabella « Trésor » Rossellini, ce court réussit, avec peu de moyens, à redéfinir la notion de cinéma expérimental à l’ère postmoderne.
Guy Maddin n’est pas un cinéaste comme les autres. Éclectiques, excentriques et expérimentales à souhait, ses œuvres n’ont jamais laissé indifférents les amateurs de cinéma underground. « Send Me to the ‘Lectric Chair », son dernier court métrage, co-réalisé avec Isabella Rossellini, vedette de bon nombre de ses films précédents, narre, au sens le plus léger du terme, les derniers moments de la vie d’une ex-diva sur le point d’être électrocutée. Le récit, allusion directe à la célèbre chanson éponyme de Bessie Smith, laisse sous-entendre une histoire d’infidélité et de revanche, tout en esquissant une image pervertie de la femme fatale vieillissante, au crépuscule de sa vie. À partir de cette base morbide, les réalisateurs extrapolent à leur gré : l’onirique rencontre le glauque, le sensuel épouse le cauchemardesque,… Tout est permis dans cet univers pulsionnel, ténébreux, renferméetnoir et blanc.
Le parti pris de l’achromatisme, la pellicule abîmée, la bande-son extravagante et le jeu d’acteurs surexplicite, typiques de l’œuvre du cinéaste canadien, sont autant d’éléments stylistiques qui renvoient aux cinémas muet et classique. Le résultat se présente comme une surcharge sensorielle et une mosaïque stroboscopique réunissant le formalisme d’un Eisenstein (montage rythmé et associatif), l’expressionnisme d’un Murnau (psychologisme, gros plans symboliques, images mentales), et le postmodernisme d’un Jarman (sexualité accouplée avec la mort). Décortiquées, des citations postmodernes ébranlent les références du spectateur, des costumes (référence à Louise Brooks dans « Le journal d’une fille perdue ») au décor (évocateur de l’art-déco du XXème), en passant par la musique (le blues rauque de Bessie Smith), jusqu’au choix d’interprétation même (Isabella Rossellini, portrait craché de sa mère).
En subordonnant adéquatement le fond à la forme, Maddin et Rossellini proposent une lecture autre du genre expérimental, souvent perçu comme étant trop ésotérique. Chez eux, la distanciation et l’artifice qui marquent la diégèse n’atténuent en rien la puissance de la représentation du délire, un délire de plus en plus crédible malgré son basculement progressif vers le fantasque. Si « Send Me to the ‘Lectric Chair » est un film déconcertant, c’est autant par son sujet lugubre et la déconstruction de l’imaginaire qu’il opère, que par le lyrisme dont les réalisateurs réussissent à le doter.