Tous les articles par Katia Bayer

B comme Between

Fiche technique

Synopsis : Between adresse le conflit interne continuel entre l’aisance et l’agitation, et l’occlusion dans un monde de discorde. Par sa représentation d’un voyage à travers les mondes de l’inconscient, le film permet des aperçus sinistres de l’ambivalence du psyché humain.

Genre : expérimental

Durée : 5′

Pays : Allemagne

Année : 2009

Réalisation : Tim Bollinger

Scénario : Tim Bollinger

Images : Daniel Meinl

Son : Michael Fakesch

Interprétation : Robert Schwarz, Ulla Stotz, Leo Stotz, Linus Lomenick

Production : Tim Bollinger

Article associé : la critique du film

Focus Lille

Du 6 au 11 octobre 2009, la neuvième édition du Festival du court métrage de Lille s’affichait, toutes dents à l’air, dans la ville du Nord. Le Palais (des Beaux-Arts), le Théâtre (Sébastopol) et des canapés de récup’ (L’hybride) servaient de cadres à la compétition internationale (80 films), aux Très Courts (moins de 4 minutes), aux programmes sur le thème de l’humour, aux voyages transdisciplinaires aux frontières du cinéma, à la Nuit de l’animation, et à des vidéos bonbons. Suivez les trois points pour en savoir plus…

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Retour de Flamme : Les prochaines séances

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Les Papillons fantastiques de Georges Méliès

Production : Star Film France / Scène à trucs / 1909 / couleur / Muet / 1’11’’ / bétanum

Résumé : Un nouveau Méliès, tout juste retrouvé, à découvrir en première mondiale !

Gershwin plays I Got Rhythm

Avec : George Gershwin USA / Jazz / 1935 / N&B / Sonore / 0’51’’ / bétanum

Résumé : Les seules images connues de Gershwin jouant “I got Rythm”.

Jewish prudence de Léo Mac Carey

Production : Hal Roach / Pathé Exchange

Avec : Max Davidson, Johnny Hall, Martha Sleeper et Gaston Glass USA / Burlesque / 1927 / N&B / Muet / 19’16’’ / bétanum

Résumé : Suite à un accident de voiture, le grand Max Davidson met au point une petite fraude à l’assurance grâce à la jambe cassée de son fils… Un film satirique et bourré d’humour.

Pickpock ne craint pas les entraves de Segundo De Chomón

Production : Pathé France / Scène à trucs / 1909 / N&B / Muet / 8’20’’ / Bétanum

Résumé : Pickpock est sous les verrous. Mais, plus insaisissable que Arsène Lupin, nulle chaîne ne lui résiste et il se joue des agents comme le chat d’une souris. Un court métrage à en rendre jaloux le grand Méliès!

The cat’s canary de John Foster

Production : Van Beuren USA / Dessin animé / 1932 / N&B / Sonore / 6’50’’ / Bétanum

Résumé : Ayant avalé un canari, un chat de gouttière se retrouve à siffler au lieu de miauler. Cette situation devient embarrassante lorsqu’il s’agit de se faire respecter. Un dessin animé qui a certainement dû inspirer Tex Avery quelques années plus tard…

…Retrouvez aussi un drôle de film qui, par ces temps de grippe, vous donnera de bons conseils et, bien sûr, de nombreuses surprises de dernière minute…

Dates : 28-29 novembre – Forum des images – Site internet : www.forumdesimages.fr

Danse Macabre de Pedro Pires

« Requiem pour une déesse chaste »

Un alignement de lave-mains émaillés, un long couloir obscur, le plafond d’une église baroque, des fragments d’espaces vides, un vol de pigeons, et une lumière matinale laissant apercevoir les derniers instants d’une jeune femme suicidaire articulent le début de « Danse Macabre ». Sélectionné au Festival de Namur et primé pour la meilleure image au Festival de Lille, le film expérimental de Pedro Pires explore le subtil passage de l’être charnel à l’être spirituel.

Sarabande d’origine médiévale, la danse macabre emmène dans sa folle farandole aussi bien le riche que le pauvre, devenus égaux devant la grande faucheuse. Thème repris au 19ème siècle en poésie (Cazalis, Baudelaire) et en musique (opéra de Saint-Saens), la mort y est perçue de façon joyeuse et positive. Dans le film de Pedro Pires, celle-ci n’est pas qu’enjolivée, elle est est littéralement sublimée.

Véritable poème audio-visuel, cette réalisation canadienne se présente comme une oraison funèbre chorégraphiée. Parmi des moments figés, le corps, hideux tas de chair et d’os, se transforme, se meut pour s’offrir à la lumière. Baignée dans le clair-obscur, « Danse Macabre » use de contrastes allégoriques : face à l’inertie de la matière répond la cadence du cadavre exquis, face à la froideur clinique du vide répond la chaude harmonie de l’âme.

Dans son œuvre, Pedro Pires établit une relation au corps à la fois sensuelle et distanciée. Il décortique le rite funéraire en s’appuyant sur la métamorphose de la chair adulée de son vivant et réduite en cendres après sa mort. Ce passage délicat vers l’abstraction est étiré à l’extrême et les images assemblées les unes aux autres forment un contenu narratif au style éthéré. Esthétisés à leur comble, les plans montés soigneusement, agissent comme des arrêts sur images où chaque détail amplifié met en évidence la délicatesse des choses et la fugacité du temps.

À la lisière du cinéma et de la danse, ce ballet posthume interprété majestueusement par la chorégraphe Anne Bruce Falconer, avance doucement sur l’air du Casta Diva de Bellini. Le timbre cristallin de La Callas magnifie la décomposition du corps en mouvement, la rendant légère et terriblement romantique. Mêlant volupté profane et spiritualité religieuse, le court métrage de Pires se regarde et s’interprète comme une ode à la vie et comme un hymne à la mort.

Marie Bergeret

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D comme Danse Macabre

Fiche technique

Synopsis :Pendant un certain temps, alors qu’on le croit parfaitement inerte, notre cadavre s’anime, s’exprime et s’agite en un ultime ballet macabre. Les nombreux spasmes qui secouent notre corps ne sont-ils que mouvements erratiques ou font-ils écho au tourbillon et au tumulte de notre vie passée?

Genre : Expérimental

Durée : 8’30’’

Pays : Canada

Année : 2009

Réalisation : Pedro Pires

Scénario : Pedro Pires d’après une idée originale de Anne Bruce Falconer

Images : Pedro Pires

Son : Bernard Gariépy Strobl

Montage : Pedro Pires

Interprétation : Anne Bruce Falconer

Production : Catherine Chagnon et Pedro Pires

Article associé : la critique du film

Média 10-10 : les films en compétition

La 31ème édition du Festival Média 10-10, c’est pour bientôt. Du 11 au 15 novembre à Namur, six séances de films en compétition seront proposées au public et aux deux Jurys, l’officiel (Sandrine Blancke, Ginette Petit, Stéphane Vuillet, Joseph Coché, Stéphane Orlando) et celui de la Presse (Olivier Clinckart, Frédéric Clautier, Benoît Rensonnet).

Compétition 1

Mémoire fossile (Arnaud Demuynck et Anne-Laure Totaro)
 » 26.4  » (Nathalie André)
De si près (Rémi Durin)
L’Abri (Antoine Duquesne)
Sous un coin de ciel bleu (Arnaud Demuynck et Cécilia Marreiros Marum)
Dans nos veines (Guillaume Senez)
Les Manches Noires (Willy Kempeneers)
Jazzed (Anton Setola)

Compétition 2

Clicked (Romain Rihoux, Manon Martin, Martin Landmeters)
Shanti (Noamir Castera)
Combat de Bronze (Caroline Boily)
Retour Simple (Jérôme Guiot)
Grise Mine (Rémi Vandenitte)
Porte à porte (Delphine Duquesne)

Compétition 3

Tuulepealne (Dominique Guelette)
L’Été (Vania Leturcq)
Micro dortoir (Léa Bertels)
Place Moscou (Mohamed Bouhari)
Un Havre de Paix (Léo Medard)
Hudud (Louise-Marie Colon et Delphine Hermans)
Mijn Broer (Brieuc de Goussencourt)

Compétition 4

Aral (Delphine Renard et Delphine Cousin)
Vivre encore un peu (David Lambert)
Allons-y! Alonzo ! (Camille Moulin-Dupré)
Climax (Frédéric Sojcher)
La Légende du Chou (Pascale Hecquet)
Bonobo (Jacques Molitor)
La Balançoire (Christophe Hermans)

Compétition 5

Désanimée (Anne Leclercq)
Le Con (François Paquay)
Pantone 549 (Samy Brunett)
En attendant Juliette (Frédéric Guillaume)
Paola, poule pondeuse (Louise-Marie Colon)

Compétition 6

Matagalpa (Stéphane Bergmans)
Esperando (Méryl Fortunat-Rossi)
Je te pardonne (Pierre Mousquet et Jérôme Cauwe)
Mimesis (Camille Meynard)
Portraits entrelacés (Miklos Keleti)
Le Négociant (Joachim Weissman)
Three Inches of Memory (Camille Fontenier)

Le site du Festival : www.media10-10.be

Média 10-10 : les films OVNI

Pour sa 31e édition, le Festival du court métrage de Namur  Média 10/10 introduit une nouvelle catégorie dans sa compétition. La section OVNI (Objets Visuels Non Identifiés) se veut un espace ouvert aux expérimentations audio-visuelles en tout genre, aux explorations créatives et inventives, aux aventures menées à la frontière des genres et des médias. Elle présentera des œuvres récentes échappant aux catégorisations et témoignant d’une approche résolument originale, loin des formatages imposés.

Compétition 1 OVNI

Annual Report (Cristina Braga, Portugal)
Un Week-End pour faire un film (Mickaël Muraz, France)
Movement # 1 (Daniel Hopkins, Angleterre)
Two Times 4’33 » (Manon de Boer, Belgique)
Montanha Fria (Luis Alves de Matos, Portugal)
A Place (Jean De Lacoste, Belgique)
Cancao De Amor e Saude (Joao Nicolau, Portugal)

Compétition 2 OVNI

Como Dibujar Animales Tristes (Pere Ginard et Laura Gines, Espagne)
Saison mutante (Jimmy Audoin et Delphine Chauvet, France)
Petite Anatomie de l’image (Olivier Smolders, Belgique)
Artificial Paradise – INC (Jean-Paul Frenay, Belgique)
Corrente (Rodrigo Areias, Portugal)
Lointain des Profondeurs (Le) (Patrick Dekeyser, France)
Devine mon quartier (Aline Moens, Belgique)
Arise (Zona) (Pedro Maia, Portugal)
Altogether (Hermann Asselberghs, Belgique)

Le jury OVNI est composé de Annik Leroy, Floris Vanhoof, et Katia Rossini

Le site du Festival : www.media10-10.be

Alain Rocca : “Réalisateur/producteur, c’est une association de malfaiteurs. Faire un film, c’est faire un coup”

Piètre acteur selon ses dires, ancien régisseur, fondateur de la maison de production Lazennec, trésorier de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, auteur du rapport Rocca sur la diffusion du court métrage en France, et président de la plateforme de cinéma indépendant VOD UniversCiné, Alain Rocca est aussi le Président du Jury Officiel des longs métrages à Namur. Pendant une heure, un lundi, jour de pluie et de mendiants au chocolat, il se raconte.

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Retour en arrière. Vous souvenez-vous d’un film qui vous ait marqué dans votre adolescence ?

Non. Je n’étais absolument pas client du cinéma d’expression quand j’étais enfant et adolescent. Moi, j’étais vraiment un client lambda du cinéma. Mes souvenirs sont liés aux films commerciaux. Les courts métrages, je ne m’en souviens même pas. Ceux qui ont représenté des  chocs, comme « Star Suburb, la banlieue des étoiles » de Stéphane Drouot (1983), je les ai découverts plus tard. À cette époque, je commençais seulement dans le métier.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la production et au court métrage si vous n’aviez pas une approche cinéphilique à la base ?

À la base, j’ai une formation et un métier d’ingénieur. Je suis arrivé à la production par le tournage, en passant par la régie, l’assistanat, et même en étant un piètre acteur.

Je ne crois pas qu’on arrive à la production par la cinéphilie, mais par goût du pouvoir, par une envie de maîtriser un peu ce qui se passe. Il y a deux patrons sur un film : celui qui le fait et celui qui permet qu’il se fasse. Le passage par la régie et le reste m’a permis de me rendre compte que les cinéastes étaient vraiment des décathloniens d’exception et qu’il aurait été très prétentieux de prétendre en faire partie, alors que la production me paraissait plus accessible.

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Elle n’a pas été déterminante, mais elle m’a frappé. C’est relativement facile à comprendre, la production. Par contre, devenir producteur, c’est autre chose. J’ai eu la chance de voir un très grand producteur en activité. C’était impressionnant de le voir assembler toutes les pièces de puzzles techniques, artistiques, et financiers, comprenant des enjeux humains, commerciaux, et symboliques.

À l’époque, je faisais de la régie sur deux films produits par Fleshner, « Marche à l’ombre »  (Michel Blanc, 1984) et « Les Spécialistes » (Patrice Leconte, 1985). J’étais copain avec les membres de la régie et avec ceux de l’administration de production. J’étais très concerné par la manière dont on assurait les choses au mieux. Ça me passionnait presque plus que ce qui se passait réellement sur le plateau. Cette impression est restée : j’ai toujours été plus excité par le fait qu’on réussisse à faire exister un film que par le film lui-même.

Lazennec s’est créé en 1985, et le premier film produit, « Samedi, dimanche à Cabourg » de Laurent Teyssere date de la même année…

Ah, vous êtes informée ! « Samedi, dimanche »  c’est le vrai premier, alors que « Fin de série » de Philippe Harel est un premier légendaire…

Pourquoi faites-vous une distinction entre les deux, entre un vrai et un faux premier ?

Parce que « Samedi, dimanche à Cabourg », c’est le premier chantier. L’équipe est composée pour l’essentiel d’Adeline Lécallier avec qui j’ai fait toute l’histoire de Lazennec, et de tous mes potes techniciens de « Marche à l’ombre » et des « Spécialistes ». On est tous là, on se dit qu’on a tous à peu près les spécialités requises pour faire un film, alors on le fait.

Pourquoi est-ce le faux premier ?  Parce que c’est un “faux départ”. Quand on attaque « Fin de série », on se retrouve dans la vérité de la production. Philippe Harel a une idée de film dans la tête, et nous, nous faisons en sorte que cette idée puisse devenir une réalité sur un écran. Dans « Samedi, dimanche », on ne joue pas ce rôle de passeur et l’enjeu que quelqu’un s’exprime n’est pas aussi présent. Ce qu’il y a, à la place, c’est une bande qui se marre et qui fait tout (cuisiner, jouer, pousser le travelling, …). Ce type d’expérience offre de formidables souvenirs, mais je ne sais pas si cela fait des films.

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Trois ans après sa création, Lazennec a commencé à produire du long en maintenant son intérêt pour le court…

Moi, je venais du long métrage comme technicien et surtout de « Marche à l’ombre » et des « Spécialistes » qui n’étaient vraiment pas des petites productions. Mon modèle, c’était Chrisitian Fleshner. Je voulais être comme lui, sans savoir à l’époque ce que représentait vraiment Fleshner et quel était exactement son parcours. J’étais juste impressionné par le fait que c’était lui qui avait permis que des films vraiment intéressants et originaux puissent exister.

Je trouvais que le métier de producteur était incroyable, mais que ce ne serait peut-être pas stupide de passer par le court pour arriver à gérer un budget aussi colossal qu’une production de long métrage. Par la suite, j’ai découvert que cela permettait aussi de construire une relation entre le cinéaste et le producteur et que ce lien serait très utile pour le passage au long.

C’est vrai que “vos” réalisateurs vous sont fidèles dans leur transition du court au long.

Ce n’est pas de la fidélité. Il n’y a pas plus infidèle qu’un cinéaste par rapport à un producteur.

Alors, comment appelle-t-on le fait que Rochant, Kassovitz, Klapisch ou Harel continuent à faire des longs chez Lazennec ?

Réalisateur/producteur, c’est une “association de malfaiteurs”. Faire un film, c’est faire un coup. Pour le faire, il vaut mieux avoir une bande qui fonctionne assez bien, au moins le temps du coup. Les films sont bien plus importants que l’amitié entre les gens. Une amitié ne résiste pas aux conflits qu’il peut y avoir sur un film. Ce qui résiste par contre, c’est l’intérêt bien compris des parties : si vous êtes un cinéaste, c’est beaucoup plus efficace de travailler avec un producteur que vous connaissez qu’avec un producteur que vous ne connaissez pas. Vous perdez beaucoup moins d’énergie et de temps avec un producteur qui veut vous produire et qui vous a suivi dans vos exercices de style préalables, dans vos courts métrages.

Plus qu’une fidélité, c’est une relation qui se crée. Moi, j’ai fait six films avec Rochant, vous imaginez bien que quelque chose d’énorme s’est construit entre nous, et que cela restera éternellement, quoi qu’on devienne. Je pense vraiment que le producteur et le réalisateur fonctionnent en synergie, qu’ils doivent être tous deux conscients qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Parce que c’est bien joli de permettre que les films existent, mais il faut bien que quelqu’un les fasse.

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Différents producteurs sont passés par Lazennec. Entretenaient–ils tous des relations avec des réalisateurs particuliers ?

Oui, toujours. À partir du moment où vous dites qu’un producteur a besoin d’identifier fortement le cinéaste avec lequel il travaille et vice-versa, vous êtes bien obligé d’avoir de nombreux producteurs dans la boîte si vous voulez faire beaucoup de films. Un certain nombre de producteurs a ainsi fait ses premières armes à Lazennec.

Vous avez continué à produire des films jusque il y a 9 ans. Pourquoi n’en produisez-vous plus depuis ?

Pour faire de la production, il faut être très engagé et oublier le reste. Le film que vous produisez compte plus que tout. Enfin, si je produis, moi, je produis comme ça. Je ne peux pas faire autrement. Je peux, par exemple, diriger les César et UniversCiné, en étant en même temps Président du Jury à Namur, mais si j’étais en train de produire un film, ce serait impensable de s’occuper du reste. Cela ne veut pas dire que je passe ma vie sur le tournage, mais que tous mes neurones sont mobilisés sur le film que je suis en train de produire. Depuis un petit temps, cette remobilisation à 100% ne me paraît pas nécessaire.

Si aujourd’hui, un projet formidable apparaissait, le produiriez-vous ?

Maintenant, c’est plus compliqué. J’ai d’autres engagements, donc il faudrait que j’abandonne un certain nombre de choses qui me plaisent. Mais pourquoi pas ? Vous savez, produire des films, c’est une drogue. J’y résiste très bien, mais ça n’empêche que je pourrais tout à fait recommencer.

Est-ce que Lazennec continue à produire des courts métrages ?

Non, on a arrêté d’en produire pour une raison très technique, à cause d’un contrôle fiscal. Ça faisait 20 ans qu’on militait pour que les courts puissent exister. Le court, c’est un endroit où personne, ni un technicien, ni un acteur, ni un producteur, ni un distributeur, ni un patron de festival, ne fait fortune. Il y a une volonté de gagner sa croûte, et de sauver sa peau, mais personne ne fait de profit dans le court. Et nous, pas plus que les autres. Après tout le monde y tire un intérêt : les techniciens apprennent leur boulot, les réalisateurs se font les dents, les producteurs aussi, etc. Il y avait quelque chose de noble chez tous ceux qui en faisaient, et tout à coup, je risquais des ennuis à cause d’un encadrement administratif. On a arrêté de produire du court, puis, c’est reparti doucement, mais plus du tout comme avant. Le court à Lazennec était un gros pôle de production qui crachait quand même 5 à 6 films par an.

Pendant plusieurs années, vous avez encadré des étudiants à la Fémis. Comment forme-t-on les futurs producteurs ?

Former, c’est un très grand mot pour le département production. Le but avoué de ce département, c’est de permettre à des jeunes gens qui en sont désireux de creuser la question de la production indépendante pendant quatre ans. Que signifie produire un film de cinéma aujourd’hui en France ? C’était vraiment passionnant de creuser cette question, et de le faire dans une école de cinéma dans laquelle évoluent les futurs techniciens de plateau et les directeurs de prod’. En plus, à la Fémis, les étudiants ont la possibilité de produire les films en interne. Ça leur donne un champ d’expérimentation très intéressant.

Malgré l’absence de profit, est-il intéressant d’envisager une plateforme pour les courts de Lazennec sur Internet ?

On y pense. On se demande ce qu’on va faire des nôtres. Personnellement, j’ai joué le jeu de deux, trois plateformes de courts : 6nema.com, VODMania, … On me disait qu’il y avait un marché, je n’y croyais pas. J’ai voulu vérifier si il y avait des remontées de recettes. Il n’y en a pas eu, ça m’a confirmé qu’il n’y avait pas de marché. Après, est-ce que ces plateformes marchent ? Je n’en ai aucune idée.

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Si on regarde l’histoire des César, au départ, il y avait un César du meilleur film d’animation, un autre relatif à la fiction, et un dernier lié au documentaire. Comment se fait-il qu’au lieu des trois prix d’origine, il n’y en ait plus qu’un ?

Effectivement, on récompense un seul film, mais a priori, il y a un autre endroit spécialisé pour cela, les Lutins du court métrage. Ce serait absurde de faire une cérémonie avec plusieurs César, surtout que la distribution de médailles dans le court métrage, c’est un sport très pratiqué, notamment avec les festivals.

Je ne sais pas si un deuxième ou un troisième César de plus changerait les choses. Par contre, je suis très attentif aux actions que l’Académie accomplit dans le courant de l’année, dans des manifestations périphériques, avec les Nuits en or du court métrage et les DVD César.

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Des DVD de Lazennec sont sortis dans le commerce, l’un en 2006, l’autre en 2008. Comment s’est opéré le choix des films ?

Lazennec a sorti à peu près 130 courts métrages. Là-dedans, il y en a une trentaine qu’on considère comme des objets de cinéma complètement finis. À l’origine, j’avais vraiment envie que mes enfants voient ces trente films-là. Du coup, je me suis dit : “il faut que ces films puisse se trouver sur un DVD, sur un support de cinéphile.” C’est pour ça qu’on a fait le premier, le deuxième, et qu’on va faire le troisième.

Avez-vous le sentiment depuis 2006, depuis votre rapport, que les choses ont changé dans le court métrage, au niveau de sa diffusion et de son caractère fondamental dans le cinéma ? Pensez-vous également toujours que ce sont les acharnés qui montrent le genre court ?

Je ne sais pas, vraiment. Cette étude pour le CNC avait été très surprenante. Je m’étais immergé pendant 3-4 mois dans le monde du court que je croyais connaître et j’avais découvert une planète entière dont j’avais une vague habitude. Je m’étais rendu compte à quel point le désir de cinéma de ce pays était important, mais que peu de possibilités réelles existaient pour que ce désir se mue en vie professionnelle. J’avais découvert à quel point c’était la véritable fonction sociale du monde du court métrage, en plus d’être un endroit rempli de choses cinématographiquement intéressantes. Ça m’avait incité à me dire que le court était indispensable et formidable, et que c’était une réponse à tous ceux qui estiment que le cinéma français n’est pas bon en développement. Le court est un drôle de monde dans lequel il y a des acharnés, une administration, et une ressource prélevée sur la filiale de longs métrages. Donc il faut vraiment une compréhension de la part des filières du long métrage, une administration intelligente, et des acharnés pour que tout cela continue. Parce que le désir de cinéma, lui, je n’ai pas d’inquiétude, il est toujours là.

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter les fiches techniques de « Star Suburb, la banlieue des étoiles », « Fin de série », et de « Présence féminine »

Le DVD César du meilleur court métrage 2009 et les DVD « Lazennec, 20 ans de courts métrages » sont sortis chez DVD Pocket.

P comme Présence féminine

Fiche technique

presence

Synopsis : Une jeune femme arrive chez un homme qu’elle ne connait pas avec deux valises mystérieuses.

Genre : Fiction

Durée : 16’

Pays : France

Année : 1987

Réalisation : Eric Rochant

Scénario : Eric Rochant

Image : Arnaud Desplechin

Son : Jean-Jacques Ferran

Musique : Gérard Torikian

Montage : Michelle Darmon

Décors : Vincent Bertault

Interprétation : Marc Berman, Isabel Otéro

Production : Lazennec Tout Court

Article associé : l’interview d’Alain Rocca

F comme Fin de série

Fiche technique

fin-de-serie

Synopsis : Le héros ne comprit rien à cette histoire, jusqu’au moment de son exécution, à la fin du film. Pourtant, quand il est né à l’écran, la voix off lui enseigna son rôle, lui dicta sa mission. On lui remit sa panoplie : une belle voiture, un révolver, une clé. Jusque là, tout est normal.

Genre : Fiction

Durée : 11’

Pays : France

Année : 1985

Réalisation : Philippe Harel

Scénario : Philippe Harel

Images : Claude Nourry

Musique : Ronan Girre

Son : Raoul Fruhauf

Montage : Bénédicte Teiger

Décor : Gérard Coltat

Interprétation : Philippe Harel, Agnès Cassandre, Yann Collette, David Gabisson

Production : Lazennec Tout Court

Article associé : l’interview d’Alain Rocca

S comme Star Suburb, la banlieue des étoiles

Fiche technique

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Synopsis : La nuit, une H.L.M. galactique ; Mireille, petite fille insomniaque, est inquiétée par d’étranges bruits et lumières.

Genre : Fiction

Durée : 28’

Pays : France

Année : 1982

Réalisation : Stéphane Drouot

Scénario : Stéphane Drouot

Images : Philippe Welt

Son : Unheimliche Co.

Montage : Catherine Horvath

Décors : Sophie Herr, Stéphane Drouot

Interprétation : Marcelle Turlure, Caroline Appere, Rémy Giordano, Céline Gremy, Marine Gremy, Joachim Gremy, Olivier Di Benedetto, Jean-Charles Jarrel, Lyle B. Mayer, Céline Menguy

Production : Banc Public, Ulysse Laugier

Article associé : l’interview d’Alain Rocca

Goût du court : rendez-vous de novembre

Pour cette nouvelle édition du « Goût du court » organisée par Cinezik.fr, le cinéma Le Balzac propose le samedi 21 novembre une sélection de courts métrages présentant un intérêt pour les yeux comme pour les oreilles. L’invité d’honneur, le compositeur Bruno Coulais, viendra présenter un court métrage dont il a écrit la partition.

gout-du-court-novembre

Programme

10h – Accueil, petit déjeuner Starbucks Coffee

10h30 – Projection

D’une vie à l’autre, d’Alice Mitterrand (musique : Yan Volsy)

Une nuit au moulin, d’Aurore Casalis (musique : Xavier Plouchart)

L’Age adulte, de Pierre Daignière (musique : Jeremy Chinour, Anthony Lerat)

Dehors, de Charlotte Buisson-Tissot (musique : Virgile Van Ginneken)

Skhizein, de Jérémy Clapin (musique : Nicolas Martin)

L’Ondée, de David Coquart-Dassault (musique : Christophe Heral)

Nice, de Maud Alpi (musique : Foreign Office)

Merci Docteur !, d’Anne Kessler (musique : Bruno Coulais)

12h30 – Rencontre avec le public et débat animé par Benoît Basirico

En partenariat avec VODmania.

Infos : 21 novembre à 10h
Le Balzac  : 1 rue Balzac (Paris 8e) www.cinemabalzac.com, info@cinemabalzac.com
Tarif unique : 8 euros

J comme Juste la lettre T

Fiche technique

Synopsis : Dans un monde où la communauté est poussée à l’extrême, Anatole gagne le rare privilège d’habiter dans l’unique quartier qui offre du logement individuel. Anatole est alors gagné par l’ennui…

Genre : Fiction

Durée : 18’

Pays : Belgique

Année : 2009

Réalisation : Ann Sirot, Raphaël Balboni

Scénario : Ann Sirot

Images : Julia Kundler

Son : Arnaud Calvar

Montage : Nicolas Rumpl

Interprétation : Cédric Eeckhout, Jean-Jacques Rausin, Jan Hammenecker

Production : Novak Prod

Article associé : la critique du film

Juste la lettre T de Ann Sirot et Raphaël Balboni

Incursion intéressante dans le milieu de la science-fiction, ce court à quatre mains, présenté en compétition nationale, au FIFF, se distingue par la représentation d’un univers singulier aux influences kafkaïennes.

Dans une société communautaire poussée à l’extrême, Anatole (Cédric Eeckhout) est LE lauréat de la loterie du Tiraniwen. En guise de récompense, il gagne l’immense privilège d’habiter dans un logement individuel. Déployant sa fragile constitution dans un décor froid aux couleurs artificielles et insipides, il est très vite gagné par l’ennui et commence à regretter l’impudique masse grouillante de son ancien quartier.

À l’instar de « Brazil » de Gilliam, le film pose la délicate question de la place de la liberté individuelle dans un système clos et ultra surveillé. Seul contre tous, Anatole, agit selon sa conscience et son désir pour échapper à une structure qu’il juge morose et claustrophobe. Presque aussi anonyme que Joseph K, Anatole, devenu Azael T ne subit pas son destin, mais le dessine de ses mains, contrairement au héros de Kafka.

« Juste la lettre T » est une belle métaphore qui traduit les failles visibles de notre société très médiatisée souffrant d’un manque de communication. Isolé dans sa bulle, l’individu se mortifie dans une complaisance égoïste et malsaine.

Deuxième création du tandem Sirot-Balboni, après « Dernière partie » qui affichait déjà un goût pour le décalé, le film décline de façon intrigante les paradoxes de l’être humain sur fond d’angoisse existentielle.

Marie Bergeret

Consulter la fiche technique du film

FIDEC 2009, le Palmarès

La 20ème édition du FIDEC (Festival International des écoles de cinéma) vient de se terminer. Voici le palmarès des films primés par Cécile Nhoybouakong, Jean-Jacques Rausin, Nathalie Masset, Mohamed Hamra, Christian Crahay, et le public de Huy.

• Grand Prix International : Himnon de Elad Keidan – Sam Spiegel Film & TV School – Israël

• Grand Prix International : Clean up de Sebastian Mez – Filmakademie Baden-Württemberg – Allemagne

• Prix SABAM : Grand-mère que veux-tu ? de Lucie Thocaven – La Cambre – Belgique

• Prix SABAM : Micro-dortoirs de Lia Bertels – La Cambre – Belgique

• Grand Prix National : Suzanne de Julien Monfajon et Baptiste Janon. IAD – Belgique

• Prix Roger Closset : Das mädchen mit den gelben Strümpfen de Grzegorz Muskala -Deutsche Film und Fernsehakademie Berlin – Allemagne

• Prix du jury Jeunes, Prix du Public, Prix Communauté française Wallonie-Bruxelles :  Retour simple de Jérôme Guiot – INRACI – Belgique

Festival d’Angers : appel à candidature pour le Jury Etudiants

La Fé2A (fédération angevine des associations étudiantes) et le Festival Premiers Plans (22-31 janvier 2010) s’associent pour mettre en place le Jury des étudiants d’Angers. Composé de 9 étudiants, ce jury aura pour mission d’attribuer un prix à un réalisateur concourant dans la catégorie « Films d’Ecoles Européens ».

Vous êtes étudiants à Angers et vous souhaitez faire partie de ce jury ? Envoyez votre candidature avant le 5 décembre à Premiers Plans avec :

– une lettre de motivation évoquant votre envie de cinéma et votre dynamisme culturel dans votre vie étudiante.
– un CV
– une photo.

Coordonnées : Festival d’Angers – 9 rue Claveau, BP 82214, 49022 Angers cedex 02 – veronique.charrat@premiersplans.org

Le site du Festival : www.premiersplans.org

Jérémy Clapin. Abstraction de l’acteur, contre-emploi, et personnages un peu cassés

Ancien de l’ENSAD (École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs), Jérémy Clapin est l’auteur de deux films d’animation remarqués en festivals, Une histoire vertébrale et surtout Skhizein. Pour l’occasion, il est membre du Jury courts métrages au Festival du Film Francophone de Namur. Rencontre décontractée au théâtre local.

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Format Court : Y a-t-il des films d’animation ou en vues réelles qui t’ont inspiré, plus jeune ?

Jérémy Clapin : Le film que je retiens de cette époque, c’est Taxi Driver. Ce qui m’a vraiment fait découvrir l’animation, c’est le Festival d’Annecy. À l’époque, il y a quinze ans, Internet n’était pas très répandu, et on n’avait pas accès à un cinéma d’animation très différent, à part les Disney. La diversité du cinéma d’animation, je l’ai vraiment découverte dans ce festival, d’année en année. Là-bas, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de techniques et de façons de raconter des histoires différentes, et que des films pouvaient aussi se faire tous seuls, avec une économie de moyens incroyable. Ça m’a marqué. J’aimais beaucoup le dessin, j’avais aussi envie de raconter des histoires, tout seul.

Avais-tu déjà envie de raconter des histoires quand tu étais aux Arts-Déco ?

J.C. : Oui, mais j’ai toujours mis ça de côté parce que je n’ai jamais cru que c’était un métier. Dans ma famille, à part mon oncle projectionniste, personne ne fait de cinéma de près ou de loin. Finalement, raconter des histoires, c’est un métier, parce qu’il est difficile d’en vivre.

Pourtant, tu t’es orienté vers une école artistique qui n’aurait pas spécialement pu déboucher sur un métier.

J.C. : C’est pour ça que j’étais prof de tennis avant !

Ah bon… Et comment passe-t-on du tennis aux Arts Déco ?

J.C. : Justement, il n’y a aucune passerelle ! Je donnais des cours de tennis pendant que j’étais aux Arts-Déco, et même en sortant, ce qui m’a permis de d’être indépendant assez rapidement. Je donnais 15 heures de cours par semaine, et cela me suffisait pour faire ce que je voulais en tant que auteur, le reste du temps. J’avais l’impression de ne pas me corrompre. Après, j’ai arrêté de donner des cours parce que ça devenait difficile de tout faire.

Après tes études, tu n’as pas été tenté de t’inscrire dans une école d’animation ?

J.C. : Non. J’étais content de ma formation. Aux Arts Déco, j’ai fait beaucoup de graphisme et de typographie, des choses qui font que mon parcours est différent de ceux qui n’ont fait que de l’animation. On peut arriver à l’anim’ de plein de façons. C’est important que les parcours ne soient pas toujours identiques. Un artiste n’est pas un autre, c’est sa personnalité qui traduit la singularité de son travail.

C’est pour ça que tu fais d’autres choses à côté ? De l’illustration, notamment.

J.C. : Oui. L’animation a vraiment pris le devant sur l’illustration. Pendant longtemps, c’était le contraire : je faisais beaucoup d’illustrations pour honorer des commandes, et je faisais ce dont j’avais envie en animation. Je voulais seulement être auteur, sans contraintes de commandes. Maintenant, c’est différent : je fais plus de travaux de commandes en animation. Donc je veux revenir à l’illustration. Je suis coincé ! Il faut que je redonne des cours de tennis !

Tu es sorti de l’école en 99, mais ton premier court date de 2004. Que s’est-il passé pendant ces cinq ans ?

J.C. : Étudiant, je suis parti à Londres avec un programme d’échange Erasmus. Je n’ai pas fait de film de fin d’études, je ne le regrette pas, j’ai fait d’autres choses. Quand on développe un film d’animation, il ne faut se concentrer que sur ça. Si on travaille à côté, le projet n’avance pas. J’ai eu l’opportunité de faire un premier film après mes études, en rencontrant ma première productrice. Sans elle, je n’aurais pas fait de premier film, donc pas de deuxième. J’ai eu de la chance : quand on commence à sortir des rails, une fois dans le monde du travail, c’est très dur d’arriver ne serait-ce qu’à monter un projet d’animation.

Une histoire vertébrale et Skhizein sont nés de croquis. Est-ce que face au premier, tu étais conscient que tu allais te lancer dans la réalisation ou tu as juste senti que le dessin pouvait être exploité autrement qu’en illustration ?

J.C. : J’ai conçu le premier croquis quand j’étais à l’école et le film s’est fait quatre ans après. J’ai commencé à vouloir raconter une histoire au personnage que j’avais dessiné. Je n’étais pas du tout attiré par le travail en solitaire qu’est la bande dessinée. Il ne me restait qu’un moyen, faire enfin un film d’animation, ou alors, ne rien raconter.

À l’époque, je ne me rendais pas compte que c’est très dur de faire un film d’animation, que ça demandait du temps, beaucoup de travail, et peu d’aides extérieures. En même temps, c’était mon premier film. Je le faisais aussi pour me rassurer, savoir si j’étais capable de raconter une histoire, et déterminer si c’était vraiment ça que je voulais faire par la suite. C’était important pour moi d’arriver au terme de quelque chose qui avait mûri pendant un certain temps.

Dans les deux films, il y a un parallèle, une attention commune pour les personnages décalés et hors normes. Précédemment, avais-tu déjà le goût de l’atypique ?

J.C. : Moi, je viens du visuel, je fais beaucoup de dessin. C’est sûrement une déformation de partir d’un concept fort, symbolisé par un physique un peu inhabituel, et c’est vrai que mes films touchent à la différence, sujet auquel je suis sensible. Mes scénarios se sont écrits autour de personnages qu’on ne voit pas beaucoup au cinéma, des personnages un peu cassés, mais en toute honnêteté, je n’avais pas prévu d’aborder à nouveau la question du handicap dans Skhizein. J’ai vraiment fait le deuxième film inconsciemment, alors que cela paraît évident quand tu vois les deux films. Maintenant, avec le troisième, j’essayerai de ne pas aborder la question de la différence, mais plutôt de me mettre en danger. C’est drôle : j’ai l’impression que quand les gens font leurs films d’études, ils prennent plein de risques, et s’assagissent souvent par la suite. J’essaye de fonctionner à l’envers, de combattre une certaine prudence.

Le point de départ de Skhizein, c’est le dessin de ce personnage à côté de ses baskets, à quelques centimètres de la réalité. À quel moment dans l’élaboration de ton scénario, as-tu senti que tu allais parler de schizophrénie ?

J.C. : J’ai écrit la première version du scénario assez vite. La dimension psychologique est arrivée plus tard. Il se trouve que c’est un film sur la schizophrénie, mais je n’avais pas du tout prévu de faire un film sur ce sujet au départ. Je trouvais même que c’était un thème casse-gueule, mais l’idée est venue assez rapidement, parce que j’avais simplement dessiné un personnage assis sur une chaise sur deux calques différents. Quand on les faisait glisser, le personnage était toujours dans la même posture : il était assis, mais la chaise n’était plus là, et pourtant, cela n’avait pas l’air de lui poser problème. Plus on éloignait les dessins l’un de l’autre, plus ça risquait de se compliquer pour lui,  surtout si il était également en décalage avec son quotidien.

Plus tard, je suis tombé sur l’idée de la schizophrénie par chance et grâce à Internet. J’ai découvert sur la Toile des symptômes qui correspondaient un peu aux problèmes de mon personnage, et je les ai incorporés au film.

Dans les films d’animation traditionnels, genre Walt Disney ou Pixar, les couleurs sont très vives et très gaies. La palette graphique choisie dans Une histoire et Skhizein est plutôt terne, sombre, et sobre à la fois. Est-ce lié à une idée d’intemporalité ou est-ce juste un choix visuel ?

J.C. : C’est surtout un choix. Mes films fonctionnent dans une animation 3D, mais j’ai une narration qui est plutôt 2D. C’est plus dur de travailler avec les couleurs. J’ai fait des tests, mais la couleur m’amenait une information dont je n’avais pas besoin. Je travaille plus sur des valeurs de noir et blanc, ce qui complique le moins l’image et ce qui est le plus efficace. Je pourrais faire mes films en couleur, mais pour être honnête, je n’ai pas envie de me rajouter une difficulté. Le noir et blanc me convient.

En parlant de difficultés, le premier film est muet, le second est parlant. Certains animateurs rencontrent parfois des problèmes à gérer la partie sonore de leurs films. As-tu hésité par rapport à l’utilisation de la voix dans Skhizein ?

J.C. : Non, pas du tout. Pour Une histoire, je ne voulais pas mettre de voix, parce que je n’en avais pas besoin et que c’était mon premier film, mais Skhizein devait automatiquement passer par la voix. Le film s’est vraiment écrit en même temps que les quelques phrases qui sont prononcées.

L’acteur y est pour beaucoup dans l’utilisation de la voix. Avant de faire jouer Julien Boisselier, j’ai enregistré ma voix pour l’animatique. Pour ne pas trop me planter, j’ai filmé le storyboard, inséré un timing, quelques sons, et lu le scénario. C’était vraiment atroce : je jouais très, très mal !

Quand Julien Boisselier est venu au studio d’enregistrement, tu as écouté sa voix, mais tu ne l’as pas regardé lire le texte. Pourquoi ?

J.C. : Je n’étais pas dans la pièce où il enregistrait, mais dans celle d’à côté. On faisait passer le film, et on enregistrait à côté avec le rythme pour faire abstraction de l’acteur. Ce n’était pas l’acteur qu’on utilisait, mais vraiment sa voix. Je ne voulais pas être influencé par sa façon d’interpréter l’histoire visuellement. Je voulais juste prendre sa voix.

Les deux films se sont faits en petit comité, avec des copains et des sensibilités communes. Est-ce que tu veux conserver cette dimension artisanale ?

J.C. : À l’échelle du court métrage, largement, je pense. C’est rare de trouver des collaborations qui fonctionnent, alors, quand j’en ai, et qu’elles marchent, j’ai tendance à les garder précieusement.

Quand je fais des travaux de commande, les gens redoutent de me demander autre chose que ce que je sais faire. J’évite de répéter cela avec les gens avec lesquels je travaille. Je me dis que si on s’est bien entendu dans un registre, ça leur ferait peut-être plaisir de faire totalement autre chose. Souvent, en contre-emploi, les gens s’investissent beaucoup et livrent des choses très intéressantes.

Sur Skhizein, quels ont été les contre-emplois ?

J.C. : Le musicien, Nicolas Martin, avait crée une musique très narrative dans le premier film, et il ne fallait autre chose dans Skhizein. Je l’ai briefé différemment, et ça s’est très bien passé. De même, pour la voix, je ne voulais pas forcément un acteur qui avait déjà fait de l’animation, parce que je voulais éviter qu’il arrive avec des codes et des habitudes. Julien Boisselier n’avait jamais joué dans un film d’animation, c’était un acteur vierge. Enfin, j’ai collaboré avec Marc Piera, un sound designer qui n’avait jamais fait d’animation, et qui travaille d’habitude pour la scène contemporaine.

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Y a-t-il des éléments appris sur le premier film qui t’ont permis d’aborder le deuxième ?

J.C. : De la confiance, surtout. Quand on a fini un film, on pense qu’on est capable d’en faire un deuxième. Avec de la confiance, est plus à l’aise et on peut aussi plus se lâcher.

Tu t’es senti plus libre pour Skhizein ?

J.C. : Oui. Le traitement du film me permettait de m’ouvrir davantage à un maximum de choses. J’ai pu tester plus de bricoles que sur le premier qui était finalement très cartésien et très scolaire. Je me suis aussi fait embarquer par la musique. Le compositeur m’a livré des musiques qui ont participé au ton du film.

Restes-tu intéressé par l’idée de faire du court ? Le format te satisfait-il toujours ?

J.C. : Moi, je suis profondément attaché au court métrage. En animation, c’est vraiment un format de prédilection. On peut expérimenter beaucoup de techniques et de choses qui seraient insupportables à tester sur une longue durée. Sur dix minutes, on peut proposer des choses très riches, aussi bien narrativement qu’esthétiquement. Le court m’intéresse vraiment, je ne suis même pas sûr de vouloir faire du long.

Certains dessins t’incitent-ils déjà à envisager un troisième court ?

J.C. : Oui. Mais cette année, je n’ai absolument pas eu le temps d’y penser, je n’ai fait que de la commande. D’ailleurs, je suis assez frustré de ne pas travailler sur mes films, ce qui est bon signe. Deux scénarios m’attendent, mais il faut que je les écrive : l’un concerne un pilote de dragster, l’autre, un canard écorché.

Propos recueillis par Katia Bayer

Festival du court métrage de Brest : la compétition Cocotte minute

Parallèlement à sa compétition européenne, le Festival de Brest a sélectionné 19 œuvres ultra courtes comprises entre deux et sept minutes, pour figurer dans sa compétition Cocotte Minute. L’humour, la dérision, la provocation, et la fantaisie de ces films devront rivaliser pour tenter de glaner le Prix du public et le Prix Canal +.

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Compétition Cocotte Minute

Cantor Dust Man / Sébastien Loghman / Le Fresnoy  / 6′ / France

Fouding or not fouding / Youlia Rainous / ENSAD  / 5′ / France

Dialogos / Ülo Pikkov / Eesti Joonisfilm / 5′ / Estonie

Glong! / Romain Blanc-Tailleur / ENSAD  / 7’11 » / France

Le Son du Pignon / David Martin / ENSAD / 2’23 » / France

Hoor / John Kennedy / Network Ireland Television / 3′ / Irlande

Post-It Love / Simon Atkinson & Adam Townley / Academy Films Ltd  / 3’16 » / Royaume-Uni

La Carte / Stefan Le Lay / Stefan Le Lay / 7’20 » / France

Anima / Rémi Devouassoud / Premium Films / 5’25 » / France

Zahn um Zahn / Ivana Lalovic / ABBC production / 6′ / Suisse

No Way Through / Alexandra Monro & Sheila Menon / Andy Noble / 7’11 » / Royaume-Uni

Adieu Général / Luis Briceno / Trois Fois Plus / 5’26 » / France

Ghost of Marx / Jérémie Sein / Tony Botella / 7’30 » / France

Das letzte Rad / Olaf Held / HFF Konrad Wolf / 6’ / Allemagne

Down Under / Detsky Graffam / Detsky Graffam / 4’45 » / Allemagne

El Ataque de los robots de nebulosa 5 / Chema Garcia Ibarra / Chema Garcia Ibarra / 6′ 20 » / Espagne

La minute vieille / Fabrice Maruca / Premium Films / 2’20 » / France

Brokeback Cowboy / John Burns / Ikon Films / 3’34 » / Irlande

Log Jam « The Log », « The Rain », « The Moon », « The Snake » / Alexeev Alexey / Studio Baestarts, LTD  / 4′ / Hongrie

Le site du Festival : www.filmcourt.fr

Festival du court métrage de Brest : les films en compétition

7-15 novembre : pendant 9 jours, le Festival du court métrage de Brest vivra sa 24ème édition. Au programme : 200 films sélectionnés, 24 pays représentés, 9 programmes de compétition européenne, 1 compétition Cocotte minute, 5 programmes Brest Off, 2 rétrospectives autour d’Eric Rohmer et Fatih Akin, 1 focus sur l’Europe de l’Est, 1 panorama axé sur l’animation, 2 avant-premières de long métrage, et 4 expositions. Brest s’annonce gai et pertinent. Sans plus tarder, découvrez les films en compétition.

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Compétition 1

L’amore non esiste / Massimiliano Camaiti / Blue Suede Shoots / 15′ / Italie
Lépcsospróba / Zsófia Szilágyi / Campfilm Kft. / 26′ / Hongrie
Universal Spring / Anna Karasinska / Marcin Malatynski / 17′ / Pologne
Les ongles noirs / Jérôme Descamps / Meroe Films / 30′ / France
Nue / Catherine Bernstein / Paris-Brest Productions / 7’58 » / France

Compétition 2

Suzanne / Baptiste Janon, Julien Monfajon / Institut des Arts de Diffusion / 11′ / Belgique
Procuration / Vital Philippot / Takami Productions / 17’24 » / France
Lars og Peter / Daniel Borgman / Danish Film Institute / 15′ / Danemark
Waramutseho! / Auguste Bernard Kouemo Yanghu / Courte Echelle Production / 21’46 » / France
¿ Donde esta Kim Basinger ? / Edouard Deluc / Bizibi Productions / 28’27 » / France

Compétition 3

Kaszel Umarlaka / Krzysztof Borowka / Writv Katowice, Uniwersytet Slaski / 22’20 » / Pologne
Classes vertes / Alexis Van Stratum / Iota Production / 17’48 » / Belgique
Echoes / Rob Brown / White Lantern Film / 11’38 » / Royaume-Uni
Torpedo / Mirko Borscht & Helene Hegemann / Credofilm GMBH / 42′ / Allemagne

Compétition 4

A French Courvoisier / Valérie Mréjen / Aurora Films / 15′ / France
Anna / Runar Runarsson / Schlüter Caroline / 36′ / Danemark
Luigi Indelicato / Fabrizio Urso / C4 Productions / 14′ / Italie
The End / Eduardo Chapero-Jackson / Madrid En Corto – ECAM / 28′ / Espagne

Compétition 5

Of Best Intentions / Brian Durnin / Red Rage Films / 14′ / Irlande
Balladen om Marie Nord och hennes klienter / Alexander Onofri / Alexander Onofri / 28′ / Suède
Marker / Susanna Wallin / Film London / 11’46 » / Royaume-Uni
Dans le sang / Katia Jarjoura / Bizibi Productions / 31’07 » / France
Tchernobyl / Pascal-Alex Vincent / Trois Fois Plus / 6’10 » / France

Compétition 6

Posrednikat / Dragomir Sholev / National Academy for Theatre & Film Arts (NATFA) / 25′ / Bulgarie
Leaving / Richard Penfold / Rachel Drummond-Hay / 22′ / Royaume-Uni
Akmeni / Laila Pakalnina / Hargla Company / 20′ / Lettonie
Vacsora / Karchi Perlmann / Karchi Perlmann / 26’18 » / Hongrie

Compétition 7

Consulta 16 / José Manuel Carrasco / Malvalanda / 12′ / Espagne
Baba / Zuzana Spidlova / Famu / 21’10 » / Republique Tchèque
Dans nos veines / Guillaume Senez / IOTA Production & Les Films Velvet / 15′ / France
Tarantyno / Mircea Nestor / Mircea Nestor / 17’15 » / Roumanie
Cavalier seul / Vincent Mariette / La Femis / 30’10 » / France

Compétition 8

C’est gratuit pour les filles / Claire Burger, Marie Amachoukéli / Dharamsala / 23′ / France
L’Aide au Retour / Mohammed Latreche / Takami Productions / 17’40 » / France
Aplinkkelis / Lawrence Tooley / DFFB / 36’33 » / Allemagne
Slitage / Patrik Eklund / Direktörn & Fabrikörn / 17′ / Suède

Compétition 9

Kid / Tom Green / NTFS / 25’25 » / Royaume-Uni
Lunatycy / Maciej Sterlo-Orlicki / Andrezj Wajda Master School of Film Directing / 30′ / Pologne
Sopla / Magne Pettersen / Norwegian Film Institute / 9′ / Norvège
Maso / Rodolphe Tissot / La Luna Productions / 28′ / France

Le site du Festival : www.filmcourt.fr

La Désinvolture de Charline Lancel

Qu’est la volupté elle même, sinon un moment d’attention passionnée au corps ? (Marguerite Yourcenar)

Primé au Festival d’Ismailia, en Egypte, et sélectionné au festival d’Ostende, « La Désinvolture » a dernièrement été présenté au FIFF, à Namur, dans le cadre de la carte blanche à la boîte de production Ambiances asbl. Son auteur, Charline Lancel, artiste visuelle belge, effectue ici un exercice de style à la fois esthétique et déroutant, s’appuyant sur la simplicité et le minimalisme.

Dépouillé de toute narration intelligible comme de tout dialogue, « La Désinvolture » capte les mouvements d’une jeune femme qui sèche son linge dans un champ éventé. Expérimental dans la mesure où les codes narratifs classiques sont délaissés au profit du formalisme, ce film subordonne le protagoniste humain aux éléments stylistiques (le vent, l’herbe, la robe, les mains et les cheveux de la femme) qui acquièrent, eux, en quelque sorte le statut de personnages à part entière. Dans ces éléments se cache en grande partie le sens du film : à savoir, le contraste entre la légèreté associée au personnage sylphide d’une part, et d’autre part, la sensualité, enracinée dans le tabou, à laquelle fait référence le titre.

Cependant, loin de tomber dans une ‘objectification’ de la femme, -fatale ou -victime, Lancel dote son personnage féminin d’un grand degré d’émancipation, digne des protagonistes d’Akerman, à l’instar de qui la réalisatrice se met en scène. Son pari, admirablement réussi, est de faire du personnage féminin, non pas un pur objet de désir, mais un agent qui va au-delà du sous-texte érotique pour s’approprier l’espace-temps dans lequel elle se trouve, et se révèle inaccessible et insaisissable devant une caméra à la fois curieuse (gros plans intimes) et furtive (plans métonymiques abstraits). Aussi la réalisatrice opère-t-elle une mise à mal du regard patriarcal qui caractérise inévitablement la plupart des représentations filmiques des femmes, tout en proposant une nouvelle définition du genre du woman’s film.

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Car l’univers de « La Désinvolture » est un univers féminin, qui livre un bref instant de félicité liée à la communion avec la nature. Par contre, son image, tournée en Super8, évoque, elle, la nostalgie et l’intemporalité dans lesquelles visage, corps et gestes deviennent des éléments stylistiques à part entière ; tout comme la partition musicale, signée Sandro di Stefano, dont les pulsations pianistiques jaillissent après un long silence déconcertant, et atteignent un apogée de curieux accords dissonants et orgasmiques. Plutôt que de narrer quoi que ce soit, « La Désinvolture » joue sur les sens, les impressions et les arrière-pensées.

Adi Chesson

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