Au centre du film de fin d’études de Simon Van Rompay, se trouve Geppino Cerqua, un personnage sensible et tendre. Le jeune réalisateur, fraîchement sorti du Rits, dresse dans son documentaire, un portrait doux-amer de celui qui fut l’un des protagonistes du très beau film de Paul Meyer « Déjà s’envole la fleur maigre ». Loin d’être une peinture sociale dénonciatrice et engagée, « Geppino chante » retentit au contraire comme une mélodie romantique à travers les terrils disparus d’un Borinage à réinventer.
Synopsis : Geppino Cergua habite dans le Borinage, où le passé cru lié aux mines est toujours très présent. Malgré ses 67 ans, il n’a pas enterré ses rêves.
Jeune diplômé de la Film School of Wales, Felix Massie est un animateur réservé, à l’origine de deux films pittoresques et morbides, « Keith Reynolds Can’t Make It Tonight » et « The Surprise Demise of Francis Cooper’s Mother ». Invitée au dernier Festival de Lille, cette nouvelle recrue de la boite de production The World of Arthur Cox se balade allègrement, de séance en séance, vêtu d’un t-shirt représentant un gros monstre vert fluo. Rapprochement de mise.
Quand t’es-tu réellement intéressé à l’animation ?
J’ai toujours dessiné. Quand j’ai découvert Wallace & Gromit et le court « The Wrong Trousers », j’ai un peu mieux compris ce qu’étaient l’animation, les maquettes, et la 3D. J’ai voulu travailler avec une caméra mais c’était trop cher, je me suis donc limité au dessin pendant tout un temps. Un jour, à l’âge de 16 ans, j’ai découvert le logiciel Flash qui m’a aidé à entrer dans l’univers de l’animation. Parallèlement, les dessins de Gary Larson m’inspiraient beaucoup, car ils racontaient des choses de façon très humoristique.
Tu t’orientais déjà vers l’humour ?
Si on manque de confiance, il vaut mieux tenter de faire rire. On peut être aussi sot qu’on le veut, ca n’a pas d’importance. Avec l’humour, il ne faut pas être plus confiant que ça. Ça m’arrange !
Le Royaume-Uni compte d’excellentes écoles d’animation. Comment ton choix s’est porté sur l’école du Pays de Galles, la IFSW ?
Quand on veut s’inscrire dans des écoles subventionnées par le gouvernement, on peut donner six préférences, six choix d’études. À l’époque, j’étais très intéressé par le graphisme et le design, donc j’ai choisi trois écoles de graphisme et trois d’animation, car je n’étais pas encore sûr de ce que je voulais faire. En deuxième année, l’animation m’est apparue comme une évidence, sauf que ce cours était supprimé dans tous les endroits où j’avais postulé. On m’a laissé encore une possibilité, la Wales School; c’est comme ça que je l’ai choisie. J’ai eu de la chance : c’était vraiment la meilleure des écoles proposées, et je suis tombé sur la bonne par hasard, sans me renseigner à son sujet au préalable.
Pourquoi estimes-tu que c’était la bonne ?
Parce que quand j’y suis allé, on m’a montré d’excellents courts récompensés en festivals : en particulier, un film de John Williams, « Robots » tellement bien fait qu’il m’a inspiré, « Astronauts », le film de fin d’études de Matthew Walker, le réalisateur de « John and Karen », et puis « t.o.m.» de Tom Brown et Dan Gray, sélectionné à Sundance et lauréat à Annecy. Cela fait du bien de savoir qu’il y a des gens si doués dans son université…
À la IFSW, on n’apprend pas simplement l’animation et les techniques comme dans beaucoup d’écoles, on nous apprend aussi comment construire une histoire. Et puis, en troisième année, c’est la liberté totale pour le film de fin d’études.
En deuxième année, tu as co-réalisé « Satisfactory » avec Joe Paine. Comment s’est conçu le travail à plein de doigts ?
Pour le film de deuxième année, on devait se concentrer sur un medium spécifique (2D, stop motion, CGI etc) et se regrouper pour travailler en équipe. Cette expérience de travail collectif a été très bénéfique pour la suite, car dans l’industrie de films, tu es souvent cantonné à un seul poste. « Satisfactory », je l’ai co-réalisé avec Joe Paine, qui était aussi étudiant en animation, mais qui est plutôt musicien, à vrai dire. Il a composé la musique de tous mes films, de « Keith Reynolds » et de « Francis Cooper » notamment. Il comprend très bien ce que la musique peut apporter à une image.
Est-ce que tu bénéficiais d’une liberté totale de sujet pour ce film ?
Oui. La seule consigne était le titre : ‘Recodage des conventions’. Je ne sais pas du tout ce qu’on a recodé, mais ça a été accepté !
« Keith Reynolds Can’t Make It Tonight » est ton film de fin d’études. Comment l’as-tu imaginé ? Y avait-il des contraintes imposées par l’école ?
En troisième année, la seule indication était que la durée ne devait pas dépassait trois minutes. On nous a dit que c’est une durée idéale car ainsi, le film était bien cadré et la perte de qualité nulle. Je n’ai pas tout à fait respecté cette indication, car mon film fait six minutes.
Au départ, n’ayant pas d’idée précise pour ce dernier film, j’ai repensé à des vidéos réalisées plus jeune qui comprenaient des silhouettes et des stick figures (‘I can’t colour in’). J’ai décidé d’en faire une version plus élaborée et de créer plus d’interactions entre les stickmen et de jouer avec les espaces, en mettant plein de carrés partout.
À l’université, on avait l’habitude de se réunir régulièrement pour présenter nos projets et d’avoir un retour des autres élèves. Lors que j’ai présenté mon idée, un ami qui avait travaillé sur « Satisfactory » m’a suggéré de voir « Flatlife » (Jonas Geirnaert) dans lequel l’action se situait dans quatre pièces simultanément. En le voyant, j’ai eu l’idée des pièces et de l’immeuble pour mon film.
Et puis, je me suis mis à écrire l’histoire de « Keith Reynolds ». C’est ici que Joe Paine est revenu… Un ami de sa mère s’appelle Keith Reynolds et a téléphoné un jour pour dire qu’il ne pouvait pas venir ce soir-là (« I Can’t Make It Tonight »). On a trouvé que cette phrase représentait un bon titre, et j’ai commencé à inventer une histoire sur la raison pour laquelle il n’avait pas pu venir.
Dans tes films, on remarque cette technique de panoramas, soit horizontal dans « Satisfactory » soit vertical dans « Keith Reynolds ». Cela fait partie de ton style ?
En fait, quand on travaille avec Flash, on est un peu limité, donc l’animation en panorama, c’est quelque chose de relativement facile à réaliser que j’ai naturellement tendance à faire, mais qui est aussi lié à l’histoire que je désire raconter. « Satisfactory » parle du travail à la chaîne dans une usine, donc le panorama horizontal s’imposait, tandis que dans « Keith Reynolds », cette technique, verticale mais aussi horizontale, permettait de voir précisément ce qui se passait et ce qui allait arriver sans devoir couper dans l’action. Ça ajoute de l’humour au film, je pense.
Tes deux derniers films, « Keith Reynolds Can’t Make It Tonight » et « The Surprise Demise of Francis Cooper’s Mother » reposent sur des voix-off. À l’école, vous apprend-on à travailler avec la voix, et ne vous met-on pas en garde contre les films trop bavards ?
À l’université, on ne nous décourage pas d’utiliser la voix, mais on nous avertit lors que son usage n’est pas assez bon. On ne nous apprend pas spécialement à l’utiliser, et il n’y a pas de cours de scénario ni de dialogues. Mais c’est vrai que je m’intéresse à certains films ‘vocaux’. « Astronauts » de Matthew Walker m’a peut-être influencé, même si je ne voulais pas consciemment imiter ce que les autres avaient fait avant moi. De même, un de mes films préférés est « Skhizein » (Jérémy Clapin) dans lequel le protagoniste se retrouve à côté de lui-même.
Depuis ta sortie de l’école, tu travailles pour The World of Arthur Cox, une des boîtes de production les plus en vues d’Angleterre. Comment y es-tu entré ?
J’y ai fait mon stage professionnel en troisième année, et j’ai rencontré Matthew Walker à Annecy. En novembre 2006, j’ai rencontré à l’université Sarah Cox [co-fondatrice de la boîte et réalisatrice] qui était invitée à juger les films de fin d’année. Elle a vu « Keith Reynolds » et l’a aimé. J’ai fait de l’animation sur quelques projets pour eux, puisque je savais travailler avec Flash, et un mois plus tard, elle m’a demandé si je voulais être représenté par eux. Depuis, j’ai travaillé sur plusieurs projets et j’ai réalisé « The Surprise Demise of Francis Cooper’s Mother » .
Y a-t-il selon toi une philosophie qui relie les films d’Arthur Cox ? Qu’est-ce qui les distinguent des autres productions ?
Je ne sais pas. Ils sont tous centrés sur l’histoire, je crois. Même si visuellement, tous ces films sont très différents, ils sont tous reliés par un souci de narration et même d’humour. Sinon, on aime tous la nourriture bio chez Arthur Cox !
Dans ce dernier film, tu traites avec humour de la mort, qu’elle soit provoquée par un accident, une irresponsabilité, ou la paranoïa. Est-ce que tu te reconnais dans un humour noir et morbide ?
Au début, je pensais ne raconter que l’histoire de Francis Cooper. Sa mère meurt avant son père et il est choqué par l’idée que les hommes puissent mourir avant les femmes. D’autres histoires sont apparues en parallèle. En fait, le thème du film, c’est comment faire face à la perte de quelqu’un de proche, et aux émotions liées à cette perte, et déterminer le moment où les personnages ont subitement conscience d’une vérité qui leur permet de surmonter leur agitation émotionnelle. Sauf que mes personnages en font beaucoup trop !
En faisant ce film, je pense que je me suis inspiré des animations en stick figures. Il existe sur Internet tout un genre d’animations appelé Stick Deaths dont le but est de tuer des personnages d’une manière drôle. Cette idée m’est un peu restée, « le côté amusant de la mort ».
Voudrais-tu explorer d’autres techniques, comme l’animation en volume ?
Je ne pense pas que je m’aventurerais dans la stop-motion à ce stade-ci, je m’y connais tellement peu. Aardman fait des choses géniales avec cette technique. Je me sentirais ridicule si je faisais quelque chose de médiocre ! Non, les dessins sur ordinateur, c’est plus facile pour moi.
Question de fin. Étudiant, percevais-tu correctement la réalité du milieu d’animation ?
Non pas vraiment. Dans le monde réel, on se rend très vite compte qu’on a beaucoup moins de liberté que ce qu’on aurait voulu avoir. Pendant nos études, on ne réalise pas toutes les subtilités et complexités du métier, comme le travail en freelance, par exemple. À l’école, on croit qu’on trouvera tout de suite un boulot comme animateur, mais ce n’est pas vrai. La vérité, c’est qu’on ne sait jamais quand on recevra notre prochain chèque !
Propos recueillis par Adi Chesson et Katia Bayer. Traduction, retranscription : Adi Chesson. Mise en forme : Katia Bayer
Synopsis : L’histoire de quatre individus et de leurs activités quotidiennes: accrochant une peinture sur le mur, regardant la télévision, construisant un château de cartes et faisant la lessive. Toutes ces actions paraissent innocentes et inoffensives.
Genre : Animation
Durée : 11’
Pays : Belgique
Année : 2004
Réalisation : Jonas Geirnaert
Scénario : Jonas Geirnaert
Images : Jonas Geirnaert
Décors : Jonas Geirnaert
Animation : Jonas Geirnaert
Storyboard : Jerzy Kucia, Jonas Raeber, Gabor Steisinger, Daniel Szczechura
Musique : Ward Seyssens. Composée par : Jonas Geirnaert.
– Yellow Sprite (de Wen Yang Liu, Ecole Nationale des Beaux-Arts, Lyon) 7’
– Agua Viva (de Anouk Dominguez-Degen, HEAD, Genève) 25’
– Abena (de Amel Elkamle, Le Fresnoy, Tourcoing) 6’
– La Rayure rose (de Nicolas Hensel, Ecole Nationale des Beaux-Arts, Lyon) 6’
– « Hiroshima mon amour » remake 2 (film collectif, HEAD, Genève15’
– Spirale (de Mélanie Dougoud, HEAD, Genève) 4’
– Third floor (de Ekaterina Deneva, NAFTA, Sofia, Bulgarie) 5’
– Passage (de Pauline Higgins, Ateliers Varan, France) 19’
– A Silent film (de Xiao Ding Guo, HEAD, Genève) 4’
– Palm tree (de Elina Talvensaari, UIAH, Helsinki) 10’
– Pas de deux (de Sarah Blum, INSAS, Bruxelles) 4’
– The Egg (de Ekaterina Deneva, NAFTA, Sofia, Bulgarie) 5’
– Faire le mur (de Bertille Bak, Le Fresnoy, Tourcoing) 17’
– Poseur (de Wen Yang Liu, Ecole Nationale des Beaux-Arts, Lyon) 7’
– Lo Stretto (de Sandra Ferrara, HEAD, Genève) 30’
Films d’auteurs en compétition
* Voyage autour de ma chambre d’ Olivier Smolders, 26′, France, Belgique, 2008
* Pas de deux de Sarah Blum, 3′, Belgique, 2009
* Avant que les murs tombent, Eve Duchemin, 27’, Belgique, 2008
* Famille #150, Emmanuel Dayan, 30′, États-Unis/France, 2009
* Récits de Sam, Esther Hoffenberg, 15′, France, 2009
* Tony Conrad DreaMinimalist, Marie Losier, 28′, États-Unis/France, 2008
* Si muove, Jean-François Neplaz, 21′, France, 2009
* L’œil de verre, Frédéric Compain, 26′, France, 2009
* Les films d’Alexis, Fabien Blanchon, 24′, France, 2009
* 10 min., Jorge Leon, 19′, Belgique, 2009
* Les oiseaux d’Arabie, David Yon, 39′, France, 2009
* Jardin secret, Véronique Burési, 20′, France, 2008
* Mudanza, Pere Portabella, 20′, Espagne, 2009
* Notes pour un film au Snark, François Xavier-Drouet, 16′, Belgique, 2008
* Des briques et des rêves, Rezaei Sediqa, 27’, France/Afghanistan, 2008
* Nora, Alla Kovgan et David Hinton,35′, État-Unis – Mozambique-Royaume-Uni, 2008
Retrouvez le programme complet sur le site du Festival : www.docencourts.com
Môme, Lucie Thocaven s’est gavée de Walt Disney. Plus tard, la magie des histoires et les amis d’amis l’ont incitée à pousser les portes vert bouteille de la Cambre. Entre fantasme et réalité, son deuxième court, « Grand-mère, veux-tu ? », est une comédie graphique interrogeant les rapports entre la vieillesse et la sexualité. Rencontre sonore avec la réalisatrice.
“This is Keith Reynols and today is Promotion Day”. D’emblée, le ton est donné par Felix Massie, jeune animateur britannique sorti de la Film School of Wales, à Newport, en 2007. Son film de fin d’études, récompensé au dernier festival Anima, est marqué par un penchant certain pour les silhouettes impersonnelles, l’humour sombre/anglais, et les travellings en entreprise.
Repéré à Bruxelles et projeté à Lille dans le cadre d’une théma ‘’Zygomatiks’’, aux côtés des courts d’Adam Elliot, « Keith Reynolds » débarque après une danse macabre, un film EX PER I MENTA L, et un docu animé. Bien plus léger que ses collègues, le film repose sur une idée minimaliste : Keith Reynolds, un employé de bureau, laisse son chapeau noir dans sa voiture bleue. Cette erreur ne sera pas la seule de sa journée. La faute à qui ? Au hasard et à Patrick Campbell.
Porté par une voix-off, ce conte sans fées se déroule dans un espace clos dans lequel l’intime, l’imprévisible, et le détail se dévoilent, à l’image du formidable « Flatlife ». Avec des nuances, toutefois : le film de fin d’études de Jonas Geirnaert repose sur un ludique split screen et des personnages “réels” alors que celui de Felix Massie multiplie les travellings et mise sur une animation en stickman (bonhomme allumette).
Et pourtant, un autre point commun lie les deux films : l’enchaînement absurde et fortuit d’événements. Chez le belge, les vases communiquent, les pandas passent à la télé, et les dépanneurs ignorent ce qui va leur tomber sur le camion. Chez l’anglais, un vieux Junior espère une augmentation et les faveurs de Spéciale Sarah, mais hésite entre l’ascenseur et les escaliers pour se débarrasser de Patrick, son concurrent, …L’individu s’oppose au collectif tandis que la marginalité heurte les conventions.
Douce sottise bien rythmée et narrativement aboutie, « Keith Reynolds Can’t Make it Tonight » offre au monde restreint de l’animation un nouveau nom à suivre. Pour preuve : le dernier projet de Félix Massie, « The Surprise Demise of Francis Cooper’s Mother », est une petite folie renouant avec les titres impayables, le commentaire en off, et l’humour mordant-noir.
Synopsis : Voici Keith Reynolds. Aujourd’hui, c’est le jour de la promotion. Pour avoir travaillé dans l’entreprise pendant huit ans, il est le plus ancien analyste commercial junior de l’immeuble. Il a attendu cette journée pendant très longtemps.
Petite anatomie de l’image / Olivier Smolders / Belgique / 21′ / expérimental
Vandalen / Simon Steuri / Suisse / 17′ / fiction
A time and a time / Grande-Bretagne / 3′ / animation, expérimental
I’m in away from there / Catrionna MacInnes / Ecosse / 22′ / fiction
You are my hero / Tobias Bilgeri / Allemagne / 9′ / animation
Lala / Esteban Crespo / Espagne / 19′ / animation
Compétition européenne 2
Fliegen / Piotr J. Lewandowski / Allemagne / 26′ / fiction
Para / Magne Pettersen / Norvège / 13′ / fiction
Off season / Deena Lombardi / Grande-Bretagne / 11′ / fiction
Der da Vinci time code / Gil Alkabetz / Allemagne / 3′ / animation, expérimental
Saltmark / Robin Haig / Ecosse / 12′ / fiction
Lies / Jonas Odell / Suède / 13′ / animation
Metropolis Ferry / Juan Gautier / Espagne / 16′ / fiction
Compétition européenne 3
Whipplashed / Arnoud Rijken / Pays-Bas / 6′ / animation
Un dia y nada / Lorenz Merz / Suisse / 21′ / fiction
Fantaisie sur la fin du monde / Jean-Marie Buchet / Belgique / 8′ / fiction
Jade / Daniel Elliott / Grande-Bretagne / 16′ / fiction
Seeds of the fall / Patrick Eklund / Suède / 17′ / fiction
Seemannstreue / Anna Kalus / Allemagne / 11′ / animation
Night school / Ben Soper / Ecosse / 10′ / fiction
Deux/ Nicolas Anthomé / 11′ / fiction
Logorama / François Alaux, Hervé de Crécy, Ludovic Houplain / 16′ / animation
Faiblesses/ Nicolas Giraud / 27′ / fiction
Je criais contre la vie ou pour elle / Vergine Keaton / 8′ / animation
La Harde / Kathy Sebbah / 20′ / fiction
Compétition nationale 2
Conversations de salon / Danielle Arbid / 30′ / documentaire
C’est gratuit pour les filles / Claire Burger, Marie Amachoukeli / 23′ / fiction
Les escargots de Joseph / Sophie Roze / 12′ / animation
Un homme à la mer / Fabien Gorgeart / 27′ / fiction
Compétition nationale 3
Nuvole Mani / Simone Massi / 12′ / animation
Annie de Francia / Christophe Le Masne / 32′ / fiction
Regarder Oana / Sébastien Laudenbach / 15′ / animation
La Guitare de diamants / Frank Beauvais / 35′ / fiction
Chanson d’amour et de bonne santé / João Nicolau / 32′ / fiction
Les Ventres / Philippe Grammaticopoulos / 17′ / animation
Icara / Alejandra Rojo / 20′ / fiction
Le petit dragon / Bruno Collet / 9′ / animation
Nourrir l’animal / S. Louis / 13′ / expérimental
Compétition nationale 6
Hiver / Mariane Pistone, Gilles Deroo / 55′ / fiction, documentaire
L’homme qui dort / Inès Sedan / 12′ / animation
Nice / Maud Alpi / 25′ / fiction
Sélectionné au Festival de Lille, “Passages” de Marie-Josée Saint-Pierre, est un documentaire autobiographique éloquent et prenant. Réalisée dans l’urgence, cette animation raconte les conditions extrêmes dans lesquelles l’artiste a donné naissance à sa petite fille, Fiona. Cinquième film de la réalisatrice québécoise, après le très remarqué « McLaren’s Negatives » (2006), « Passages » mêle animation, documentaire et autobiographie. La frontière séparant les genres y disparaît au profit d’un produit métissé qui ouvre de nouvelles perspectives au film d’animation.
Rien n’est plus beau pour une femme, dit-on, que de donner la vie. Sauf que ce rêve peut parfois se transformer en horrible cauchemar laissant des séquelles traumatisantes et indélébiles. Plusieurs mois après la naissance de sa fille Fiona, la cinéaste a l’idée de réaliser un pamphlet cinématographique sur les circonstances de son accouchement. La jeune femme imagine ainsi le scénario de “Passages”.
Sensible et enragée, cette sorte de fable moderne s’attaque ouvertement au système de santé canadien. La négligence, le manque d’effectifs et d’expérience du personnel soignant sont mis en cause par Marie-Josée Saint-Pierre qui s’est retrouvée entre la vie et la mort, priant pour que son bébé puisse marcher un jour.
L’animation simple et naïve, faite de traits blancs sur fond noir sert de toile de fond au récit commenté en off par la créatrice qui se met en scène. Commençant doucement, « Passages » ressemble, de prime à bord, à un dessin animé un peu niais où l’on montre que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Soudain, la narration bascule vers un ton plus amer, plus incisif, plus tranchant, plus critique. Sous le coup de crayon de la dessinatrice, l’infirmière inexpérimentée prend les traits d’un clown grotesque tandis que l’anesthésiste et d’autres médecins apparaissent sous la forme d’animaux de cirque. Sonnant comme une vengeance, le court métrage de Saint-Pierre reste un douloureux témoignage sur un sujet tabou dramatique. Il effleure les passages étroits que la vie nous force à prendre au détour d’un bonheur florissant.
Synopsis : J’ai découvert avec beaucoup d’émotions que j’étais enceinte de mon premier enfant, loin de me douter que mon accouchement serait un réel cauchemar et que nous nous retrouverions, mon bébé et moi, aux frontières de la mort…
Genre : Documentaire animé
Durée : 25’
Pays : Canada, Québec
Année : 2008
Réalisation : Marie-Josée Saint-Pierre
Scénario : Marie-Josée Saint-Pierre
Animation : Brigitte Archambault
Layout : Brigitte Archambault
Images : Marie-Josée Saint-Pierre, Kara Blake, Korbett Matthews
« Je te montrerai l’effroi dans une poignée de poussière. » – T S Eliot (La Terre vaine)
Retenu en compétition « expérimental » cette année à Lille, « Between » du réalisateur allemand Tim Bollinger est une composition en motion graphics qui se veut plus impressionniste que narrative. Sorte de roman photo à la Chris Marker, il s’en distingue cependant, moins par son curieux mélange d’onirisme et d’hyperréalisme que par sa propension pour les bas-fonds et les complexités du paysage psychique.
Sur fond d’univers presque enchanté, atemporel et atopique, l’auteur de « Between » assemble des associations subtiles entre des scènes disparates : un quai de métro, un sous-sol industriel, une plage ensoleillée, une forêt… Cette mise en scène étrange, parsemée de personnages types tout aussi déréalisés que leur décor, est dirigée non pas par une logique causale, mais plutôt par une analogie affective, proche de la notion de la Stimmung (humeur) heideggerienne.
Conformément à son titre signifiant ‘entre’ (et jusque dans la typographie de « B ETWE EN »), le film opère un jeu sophistiqué sur l’idée de l’interstice; à la fois l’intervalle littéral entre divers espaces et temporalités, et l’écart symbolique entre la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le fantasme et le cauchemar. Un travail de montage soigneux assure cette interaction d’éléments antithétiques, en rapprochant des techniques aussi diverses que la live action, l’animation en volume et celle en 2,5-D, en même temps que l’alternance constante entre stase et mouvement met en scène une (spatio)temporalité particulièrement souple.
De la netteté du grain « ultra-haute définition » de ce film, découle une certaine violence, renforcée par la bande-son froide et déroutante, par les transitions rudes entre médiums (eau, pierre, terre, béton), et par l’inquiétante étrangeté qui prédomine dans ce monde aliéné. À titre d’exemples : un enfant à la plage, quasi figé dans l’image, un vol de colombes symboliquement pétrifié quelques pieds sous terre, un personnage monstrueux dans le métro, ou encore une faucheuse masquée.
Si l’esthétique de « Between » est constamment mise à mal par des contre-représentations, le lyrique, lui, est bel est bien présent dans cet univers déviant. À la fois dérangeant et fascinant, décousu et cohérent, l’univers de Tim Bollinger tend en quelque sorte un miroir à nos propres angoisses et intuitions.