Le Studio des Ursulines accueille du 18 au 22 janvier 2023 le Paris International Animation Film Festival (PIAFF), festival spécialisé dans le cinéma d’animation. Au menu, plusieurs compétitions : courts-métrages, films d’études, musique, horizon, jeunesse et cinéma expérimental. Différents jurys éliront les films lauréats de ces compétitions, avec notamment un jury jeunes (entre 9 et 11 ans !) pour la compétition jeunesse.
Une rencontre avec le cinéaste québécois Steven Woloshen (Cameras take five) et le réalisateur français Bastien Dupriez (Sous la canopée) égaiera la soirée de samedi. Enfin, My love affair with marriage, de Signe Baumane, clôturera dimanche le festival, après la proclamation du palmarès.
C’est un film réconfortant. La première affirmation à propos du long-métrage de Céline Devaux, Tout le monde aime Jeanne, peut sembler surprenante si l’on jette un coup d’œil aux mots-clés du film : “deuil”, “dépression”, “suicide”, “faillite”. Pourtant, Tout le monde aime Jeanne est bel et bien réconfortant. Il réchauffe le cœur au soleil de Lisbonne, il nous amuse aussi ! D’un rire clair et sincère qui surprend ; il nous fait croire à l’amour, répare nos blessures, nous rassure sur nos faiblesses. Et depuis aujourd’hui, il est disponible en DVD, édité par Diaphana ! Nous vous en offrons d’ailleurs 3 exemplaires.
Le film qui avait été repéré à la Semaine de la Critique 2022 a fait une belle carrière en salles et attend maintenant d’être vu (ou revu !) dans les salons des cinéphiles français. En têtes d’affiche, Blanche Gardin et Laurent Lafitte se partagent la vedette.
Tout le monde aime Jeanne, sauf Jeanne. Pourtant, elle est belle, intelligente, utile, drôle, riche, elle est sacrée la “femme de l’année” ; mais d’un retournement de situation – un plongeon pathétique – toute sa belle vie coule au fond de l’eau avec “Nausicaa”, une machine révolutionnaire censée récolter les déchets en plastique si les câbles avaient tenu. La faillite personnelle guette la femme de l’année si elle n’agit pas au plus vite. Haut les chœurs, la petite voix dans la tête de Jeanne lui ordonne de se jeter sous le bus. Sous les conseils d’une avocate aux yeux de grenouille et aux remarques sans tact, elle part à Lisbonne vendre l’appartement de sa mère décédée l’année dernière – comment direz-vous ? d’un suicide, pardi !
Si l’on se permet autant de sarcasme, c’est parce que le film n’en manque pas ; un sarcasme qui n’est pas de mauvais goût, bien au contraire. Tout le monde aime Jeanne peut se résumer dans ce bel oxymore, il est d’une douceur sarcastique. Guidé par les pensées de son personnage principal, le film ne manque pas de commentaires ironiques. Pourtant, le film ne manque pas de tendresse pour ses personnages, pour ce qu’ils vivent, pour leurs émotions que Céline Devaux explore avec beaucoup de poésie.
La réalisatrice mêle à la prise de vues réelles de nombreux et courts passages en animation. Dès le générique, on reconnaît sa technique bien à elle où la magie existe grâce à quelques feutres, de la peinture acrylique, une feuille transparente et une tablette lumineuse. Elle dessine, efface, redessine, colorie, efface encore et les objets se transforment sous nos yeux envoûtés par les couleurs et les mouvements de ses dessins. Par ce tour de passe-passe, elle nous invite dans la tête de Jeanne qui est dominée par ses angoisses, ses petits défauts, son orgueil, sa morosité et surtout, son sarcasme. Sous ce semblant d’humour, elle se cache à elle-même sa détresse. Parfois, les souvenirs l’envahissent et au fond d’une boîte bien rangée, se cache le regard de sa mère. Alors les remords surviennent et l’humour peine à garder le contrôle dans la tête de Jeanne où tout se bouscule. C’est dans ce vacarme de pensées que survient la rencontre avec Jean. Personnage atypique, anti-capitaliste, dragueur lourd et touchant, il se fera l’apôtre de la réconciliation avec sa maladie.
Jeanne a les pensées aussi noires que ses tenues de tragédienne parisienne et derrière ses grandes lunettes de soleil, se cache un regard que le déni a rendu morose. On doit à Blanche Gardin beaucoup : déjà célèbre pour son humour sans détour, la comédienne habituée des planches comme de la caméra, ajoute ici à ses boutades sur scène (qui sont d’un entrain admirable) une profondeur touchante. L’humouriste tient le rôle d’une femme essouflée, guettée par la maladie, rongée par le désespoir et l’angoisse ; pourtant, elle garde toute son énergie qu’elle puise avec force dans son humour noir. Blanche Gardin joue du tragique au burlesque, et sans sourciller ; tandis que Laurent Lafitte joue le rôle d’un homme fragile et dont l’étrangeté déplaît avant d’attendrir. Il nous prouve une fois de plus son talent à construire derrière des personnages aux ressorts comiques de la sensibilité.
“Tu n’es pas du tout décevante par rapport à ce que j’avais imaginé” balance Jean à Jeanne après l’avoir croisée par hasard à l’aéroport. On pourrait dire la même chose du film de Céline Devaux qui signe son premier long-métrage. La réalisatrice était très attendue effectivement grâce aux succès de ses courts-métrages : Le Repas dominical (2015) avait remporté un César du meilleur court-métrage d’animation et Gros Chagrin (2017) le Lion du meilleur court-métrage à Venise.
Bonheur, ses courts sont visibles dans les bonus du présent DVD. On retrouve dans Le Repas Dominical la délicieuse ironie du long-métrage. Dans ce court, c’est Vincent Macaigne qui nous raconte avec morosité un repas de famille du dimanche. Après une soirée trop arrosée, les remarques parentales grincent dans la tête du jeune homme invité chez ses parents. Les non-dits de l’éminence paternelle sur l’homosexualité de leur fils retentit dans le crâne fatiguée du pauvre garçon qui est sans cesse déstabilisé par la douceur maternelle. Vincent Macaigne chuchote et hurle comme parfois il nous semble que nos pensées doivent crier. Dans Gros Chagrin, pas de cris ni de sarcasme : Swann Arlaud raconte une rupture et toute sa douleur s’écoule de son quotidien, de son corps, de sa voix et des dessins de Céline Devaux.
On reconnaît dans le film la patte de la monteuse, Gabrielle Stemmer (la réalisatrice du court-métrage Clean With Me After Dark), et l’auteur de la bande-originale, Flavien Berger. Le film est effectivement rempli de l’humour et de la modernité de la première dans le rythme du film et de la sensibilité du deuxième dans sa musique, qu’on écoute en boucle depuis la sortie du film. Pour une expérience complète du film, direction les bonus où un entretien avec la réalisatrice et Flavien Berger nous racontent leur voyage à Lisbonne pour construire une “cartographie de souvenirs sonores”, et une version du film commentée avec Gabrielle Stemmer, Céline Devaux et la productrice Sylvie Pialat des films du Worso qui nous en apprend plus sur leur collaboration.
À l’occasion d’un jeu-concours avec Le Pacte, Format Court vous fait gagner 3 exemplaires du DVD Les Cinq Diables, le deuxième long-métrage de Léa Mysius (après Ava), sorti début janvier. L’édition DVD comprend également ses courts-métrages Cadavre exquis réalisé en 2012 et L’Ile jaune, tourné en 2018. Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs (Festival de Cannes 2022), le synopsis annonce déjà la couleur particulièrement brûlante du film… Vicky Soler (Sally Dramé) est une petite fille au don olfactif exceptionnel : elle peut reconnaître et reproduire n’importe quelle odeur, qu’elle place dans des bocaux. Lorsque sa tante (interprétée par Swala Emati) sort de prison et refait surface dans la vie de ses parents (joués par Moustapha Mbengue et Adèle Exarchopoulos), le quotidien monotone de la famille est bouleversé. En essayant de reproduire l’odeur de Julia, Vicky est transportée dans le passé, et découvre peu à peu les secrets de sa famille et du village…
Un élément nous frappe, et ce dès le début du film : nous n’assistons pas seulement au déroulement d’images en deux dimensions propres au cinéma, mais bien à un voyage sensoriel complet tourné en pellicule 35mm. La première scène, d’où est d’ailleurs tirée l’affiche du film (Joanne jouée par Adèle Exarchopoulos devant un feu immense, se retourne, horrifiée, vers la caméra), instaure un climat anxiogène. La réalisation de Léa Mysius a beau se focaliser sur le quotidien de Vicky, la menace, inconnue et inexpliquée, plane sur les protagonistes. Le rapport du spectateur en est perturbé : la tension n’explose pas en coups d’éclats mais monte petit à petit à travers la multitude de stimulations auxquelles il est soumis. Cela est introduit par le personnage de Vicky, débordante d’énergie et pourtant terriblement seule.
Sa présence intrigue : déjà, parce que l’odorat n’est pas un sens fréquemment exploité au cinéma. Le don de Vicky en revêt d’ailleurs un caractère presque animal, à la manière d’un fauve aux yeux bandés retrouvant sa proie grâce à son odorat. Ensuite, parce qu’elle comprend qu’un héritage lourd pèse sur sa famille, au fur et à mesure du harcèlement qu’elle subit des autres enfants de par sa couleur de peau, et le mépris cruel que les autres parents portent à la famille Solet. Les Cinq Diables, du nom du complexe sportif où sa mère enseigne l’aquagym, est d’abord un film sur le poids du passé et de la culpabilité, tous deux transmis de générations en générations. La manière qu’a Léa Mysius de zoomer sur les photographies fait pénétrer les images immuables d’une actualité troublante. En imbriquant silencieusement des éléments entre eux, elle crée l’angoisse latente propre au film, notamment à travers l’incapacité des parents à expliquer à Vicky l’immense malaise ressenti par Joanne à l’arrivée de Julia.
Il subsiste néanmoins cette étrangeté propre au cinéma de Léa Mysius, déjà engrenée dans ses deux précédents courts-métrages disponibles dans la version DVD du long-métrage. Les deux ont pour protagoniste la même actrice enfant, Ena Letourneux. Dans Cadavre Exquis, elle trouve un cadavre au milieu d’un bois et devient fascinée par sa texture. Le rapport au corps est déjà primordial : malgré la lente décomposition de la femme, l’enfant semble prendre du plaisir à la toucher, à la sentir, à prendre soin d’elle comme sa poupée choyée. Le jeu de la perspective sonore la rend bruyante à des dizaines de mètres quand une multitude de sons parasites viennent contaminer l’instant. Dans L’Ile jaune, la jeune fille cherche à se rendre de l’autre côté d’une île pour rejoindre un garçon, mais doit demander de l’aide à un garçon marginal pour se rendre sur la côte. L’impulsivité de l’actrice face au mutisme mystérieux de l’acteur construit une dynamique étrange, où la confrontation à l’altérité et la tristesse du garçon se teintent de mélancolie fantastique.
Dans Les Cinq Diables, c’est en clandestine totale que Vicky se retrouve passagère des voyages dans le passé, revenant sur les instants qui ont précédé sa naissance. Ces séquences, interdites par la logique linéaire, surgissent de manière imprévisible, faisant basculer le drame familial en un thriller fantastique assumé. Ici, le passé n’est pas derrière les personnages, mais empoisonne leur quotidien, portant les stigmates de la cicatrice sur le visage de l’amie de Joanne (jouée par Daphné Patakia). Mais le médium cinématographique permet de développer la proximité sensible de Vicky avec son environnement. Elle est toujours en contact avec son environnement : elle touche, écoute, observe et renifle tout ce qui l’entoure. Le spectateur est, par son biais, constamment assailli de stimulations sensibles. Comme un feu dont on ne peut ignorer l’odeur, Léa Mysius ne nous donne aucun répit de silence ou de contemplation. Même au milieu de la nature, l’action est mise en scène comme un huis-clos tendu par des performances excellentes d’Adèle Exarchopoulos et de Swala Emati. Léa Mysius, qui en plus d’être une excellente metteuse en scène de ce périple sensoriel, renouvelle le genre du film fantastique en France dont on attend avec impatience, les prochaines créations.
L’info est tombée. Voici les 20 courts-métrages issus de 15 pays qui seront en compétition pour les Ours d’or et d’argent de la prochaine Berlinale (16-26 février 2023).
– 8 de Anaïs-Tohé Commaret – France
– Back de Yazan Rabee – Pays-Bas
– Les chenilles de Michelle Keserwany, Noel Keserwany – France
– Eeva de Morten Tšinakov, Lucija Mrzljak – Estonie, Croatie
– From Fish to Moon de Kevin Contento – USA
– Happy Doom de Billy Roisz – Autriche
– La herida luminosa (Daydreaming So Vividly About Our Spanish Holidays) de Christian Avilés – Espagne
– It’s a Date de Nadia Parfan – Ukraine
– Jill, Uncredited de Anthony Ing – Royaume-Uni
– A Kind of Testament de Stephen Vuillemin – France
– Marungka tjalatjunu (Dipped in Black) de Matthew Thorne, Derik Lynch – Australie
– As miçangas (The Beads / Perlen) de Rafaela Camelo, Emanuel Lavor – Brésil
– Mwanamke Makueni (A Woman in Makueni) de Daria Belova, Valeri Aluskina – Allemagne
– Nuits blanches (Sleepless Nights) de Donatienne Berthereau – France
– Ours (Bear) de Morgane Frund – Suisse
– Qin mi (Daughter and Son) de Cheng Yu – Chine
– Terra Mater – Mother Land de Kantarama Gahigiri – Rwanda, Suisse
– The Veiled City de Natalie Cubides-Brady – Royaume-Uni
– The Waiting de Volker Schlecht – Allemagne
– Wo de peng you (All Tomorrow’s Parties) de Zhang Dalei – Chine
Il était une fois, dans la campagne finlandaise enneigée, un bûcheron du nom de Pepe. Il vivait paisiblement avec ses proches jusqu’au jour où la situation se dégrade brutalement pour lui. Pepe doit alors faire face aux différents drames de la vie. Voici L’étrange histoire du coupeur de bois, le premier long-métrage du réalisateur et poète Mikko Myllylahti entièrement tourné en 35mm. Le film a déjà obtenu huit nominations et un prix en festival. Sélectionné à la 61ème Semaine de la Critique à Cannes 2022, il sort en salles en France ce mercredi 4 janvier 2023, distribué par Urban Distribution. L’étrange histoire du coupeur de bois, sonnant comme un charmant conte de fées pour enfants, se trouve être en vérité une comédie dramatique morbide à l’allure fantasque.
Dans un monde teinté de tristesse et de vicissitude, Pepe reste de marbre. Malgré les événements tragiques – chômage, maladie, tromperie et deuil – le visage du protagoniste reste fermé. Seules les paroles prononcées permettent de déceler une émotion, la rendant alors encore plus frappante. L’écriture à la fois douce et aiguisée de Mikko Myllylahti met en exergue le contraste avec l’attitude insensible de ses personnages. Même lorsque la violence atteint son paroxysme, lors d’un meurtre ou un suicide, elle reste silencieuse, presque muette. Une frontière s’établit entre les actes et les mots, créant une atmosphère dérangeante.
On ne peut regarder ce premier film sans remarquer le travail minutieux des plans, où tout semble ajusté au millimètre. Les espaces géométrisés et les lumières travaillées mettent en valeur ce vide qui se détache d’un quotidien absurde marqué par la fatalité. De cette manière, le spectateur plonge aisément dans ce grand calme, couleur blanc neige.
Ce calme inquiétant et tout particulier au réalisateur rappelle l’atmosphère hors du temps du village enneigé de son dernier court-métrage The Tiger (2018), également programmé à la Semaine de la Critique, où la violence d’un père était cette fois-ci clairement exprimée. Dans ce film, après avoir beaucoup bu, un homme se dispute avec sa femme et sort son fusil de chasse. La femme et le fils, déguisé en tigre de la tête au pied, quittent la maison pour le fuir. Malgré tout, le petit “tigre” veut rentrer à la maison pour voir ce qu’il s’y est passé. La folie, l’illusion, la désillusion et l’amour étaient déjà abordés avec finesse, tout comme dans le court-métrage Handbag (2013) dans lequel une jeune femme de ménage vient de se faire quitter par son petit ami. Un jour, dans l’hôtel où elle travaille, elle tombe sur un petit sac à main blanc contenant une lettre adultérine. Minée par la curiosité et le chagrin de sa relation récemment terminée, elle s’immisce alors comme vengeresse dans une histoire d’amour qui ne la regarde pas. Le jeu d’acteur est ici très éloquent alors que L’étrange histoire du coupeur de bois est un film silencieux, ce qui en fait toute sa singularité.
Dans ce premier long-métrage du réalisateur, on se laisse prendre par le jeu inexpressif, la poésie étrange et l’humour sombre du scénario. Sans aucun doute, le côté remarquable de ce film est, justement, que le doute subsiste. Et si tout n‘était qu‘une illusion ? Qu’est-ce-qui est important et qu’est-ce-qui ne l’est pas ? A l’attitude du bûcheron Pepe, rien ne l’est, mais dans son discours, tout peut l’être. L’écriture percutante et imagée du scénario permet de mettre des mots sur l’insaisissable. Vacillant entre le fantastique et le réel, Mikko Myllylahti nous livre une philosophie personnelle et énigmatique fondée sur le doute.
Cette notion de doute quant au possible bonheur des personnages est déjà présente depuis les débuts du réalisateur, notamment dans son premier court Love is Vain (2009) réalisé à la ELO Helsinki Film School. Le film aborde la journée précédant le mariage d’un homme d’une trentaine d’années. Si on comprend très vite que celui-ci se marie par défaut, sa future compagne étant enceinte et qu’il n’est pas très heureux en couple, passant ses journées à traîner au bar avec ses amis, il finit par sourire de la situation et à s’en acquitter. La fatalité ne pose jamais problème au protagoniste, ce qui est également le cas dans L’étrange histoire du coupeur de bois.
« Il y a de la neige mais la température monte » lance un personnage usé de fatigue dans ce premier long. Peut-être est-ce la phrase qui se rapproche le plus de ce que montre le long-métrage : un danger grandissant, ou le cycle absurde de la vie. Flottant comme un mauvais rêve devant les yeux du spectateur, l’histoire absurde de Pepe nous livre non seulement un parcours initiatique – semblant de fausse chute aux enfers – mais aussi une vision personnelle et poétique du monde : un monde singulier de pantins émotifs.
La Ville de Paris a toujours entretenu des liens étroits et passionnés avec le Septième Art. En créant la Mission Cinéma, elle a voulu affirmer son attachement au cinéma et sa volonté de préserver l’exception culturelle parisienne en ce domaine.La Ville de Paris a toujours entretenu des liens étroits et passionnés avec le Septième Art. En créant la Mission Cinéma, elle a voulu affirmer son attachement au cinéma et sa volonté de préserver l’exception culturelle parisienne en ce domaine.
Afin d’encourager la production de films courts dans la capitale, la Ville de Paris a créé un fonds de soutien financier ouvert à tous les courts métrages. 3 sessions sont prévues pour l’année 2023. La première vient de démarrer et s’arrête le 26 janvier prochain. Pour déposer votre projet de court, on vous invite à cliquer ici.
Créé en 2006, le fonds de soutien dédié à la production de court métrage s’adresse à toute entreprise de production cinématographique ou audiovisuelle établie en France, intervenant au titre de producteur ou coproducteur majoritaire.
« Les Vertueuses » de Stéphanie Halfon
Sélection du projet
Le soutien de la Ville de Paris prend exclusivement en considération:
– Tous les films courts
– Durée inférieure à 60 mn
– Tournage prévu principalement à Paris
Le soutien à la production s’adresse à toute entreprise de production cinématographique ou audiovisuelle établie en France, intervenant au titre de producteur ou coproducteur majoritaire. Les projets portés par une association ou un candidat à titre individuel (auteur ou réalisateur) ne sont pas éligibles.
Montant de l’aide
En partenariat avec le C.N.C, dotation à hauteur maximum de 20 000 € par projet
Modalités de sélection
Le comité de sélection recevra les auteurs et les producteurs des courts métrages retenus. Le comité de lecture est composé de membres professionnels du cinéma (liste à retrouver en ligne).
Première session 2023 :
Dépôt des dossiers : du 1er au 26 janvier 2023
Comité de lecture : mars 2023
Comité de sélection : mai 2023
Deuxième session 2023 :
Dépôt des dossiers : du 1er avril au 27 avril 2023
Il s’agit du premier court-métrage ghanéen à avoir concouru cette année en compétition officielle à Cannes. Tsutsué raconte l’histoire de deux enfants dont le frère aîné a disparu en mer. Seuls face à l’adversité et à un père autoritaire, dans une petite ville aux abords de l’eau polluée, ils se retrouvent en proie à des questionnements d’enfants/adultes.
Le film réalisé par Amartei Armar, un jeune cinéaste ghanéen-américain est en lice aux César du meilleur court 2023. Il est co-produit côté français par Sébastien Hussenot (La Luna Productions) et ghanéen par Yemoh Ike (AKA Entertainment). Le film fabriqué en temps de Covid, à distance entre les deux pays, vient d’être programmé en compétition lors de la deuxième édition du Red Sea International Film Festival, en Arabie saoudite. Sur place, Amartei Armar a remporté le Prix du Marché de la production pour son premier long-métrage Vagabonds lié à son premier court auto-produit au titre homonyme. Pour ce prix, la production a remporté 100.000 $, ce qui aidera non seulement le film à se monter mais aussi au cinéma ghanéen à se faire connaître à l’international. Lors de cet entretien réalisé à Djeddah, la ville où s’est tenue le festival au mois de décembre, il fut question d’amitié, de collectivité, d’authenticité, de marginalité et de subjectivité.
Format Court : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Amartei Armar : Je suis allé à l’école à l’Université de la British Columbia à Vancouver (Canada) pour apprendre la production. Je me sentais perdu et j’ai souffert du syndrome de la page blanche. Je ne savais pas quelles histoires je voulais raconter, j’avais l’impression que je ne pouvais pas les raconter à Vancouver. Je ne me sentais pas passionné par les histoires que je racontais à ce moment. J’ai décidé de déménager au Ghana pour toujours. C’est le pays de mon père. J’y suis connecté comme un enfant mais pas comme un adulte. J’ai hérité de la culture mais il faut aussi la mériter dans un sens. Je suis ghanéen parce que mon père est ghanéen. Les gens ne me voient ghanéen pas grâce à ma personne mais grâce à ce dont j’ai hérité. J’y suis allé pendant deux ans, de l’âge de 6 à 8 ans. Je me suis rendu compte que je n’avais jamais vraiment compris la culture. J’y allais pour les vacances, je visitais ce pays comme un étranger. Je me sentais triste et je voulais être plus proche de ce pays et découvrir mon identité là-bas.
Notre rencontre remonter à la période où je travaillais pour la chaîne BCB au Canada. Autour d’une bière, une connaissance de Facebook a entendu mon accent. En apprenant que j’étais un jeune cinéaste ghanéen, il m’a mis en contact avec Yemoh. Je ne connaissais personne de l’industrie du cinéma sur place et je cherchais un producteur pour un clip pour ma sœur. C’est comme ça que nous nous sommes rencontrés. Dès notre première conversation, je l’ai vraiment apprécié. J’ai eu l’intuition qu’on allait bien s’entendre parce qu’il était exigeant dès notre première rencontre (rires) ! On a commencé à travailler et à traîner ensemble tout le temps ! Je suis comme ça. Une fois que j’aime bien quelqu’un, que je sens une connexion, je peux l’appeler tous les jours ! On a construit cette amitié et on a découvert des années plus tard que nous étions apparentés en fait !
Yemoh Ike : Nous ne sommes pas amis en fait, mais des cousins lointains ! Notre rencontre à tous les trois existe grâce à Internet. Après avoir tourné avec Amartei Vagabonds, notre premier court-métrage, nous étions fauchés. C’était auto-produit et nous avions un bon film. Il a fait quelques festivals et a reçu quelques récompenses, alors nous avons essayé de le vendre à des distributeurs. J’en ai contacté beaucoup. Deux ou trois jours plus tard, j’ai reçu une réponse de la Luna Productions : Sébastien était intéressé et avait plusieurs questions. Nous avons reçu un coup de téléphone. Nous avons discuté du budget de Vagabonds et il nous a proposé de faire un nouveau court-métrage. Ca a donné lieu à Tsutsué.
Sébastien Hussenot : Je reçois beaucoup de films mais quand j’ai vu Vagabonds, j’ai vu beaucoup de bonnes choses : l’écriture, la direction des acteurs, la mise en scène, la musique… Amartei et Yemoh se sont débrouillés pour réaliser un film très professionnel. J’ai senti le talent d’un réalisateur derrière ce film. Je n’étais pas sûr de pouvoir le vendre – et je ne l’ai pas fait. C’était difficile parce que le film avait déjà fait plusieurs festivals sinon, nous aurions peut-être pu construire une autre stratégie. Maintenant peut-être que nous pourrions le vendre ! Ce court-métrage, en tout cas, m’a donné envie de les connaître. Nous nous sommes rencontrés avant la crise sanitaire du Covid.
Yemoh, quand tu as décidé de produire ainsi des courts-métrages, qu’est-ce qui t’a incité à mettre de l’argent de ta poche ?
Y. I : Pour être sincère, je n’ai pas investi dans Vagabonds. Par le passé, j’ai co-produit un court-métrage mais je n’étais pas tellement content de la façon dont les histoires étaient racontées au Ghana. À chaque fois, j’essaye de m’exprimer sur ce que je pense de l’histoire, sur ce qu’il faudrait faire mais c’est compliqué. Je n’ai pas vraiment l’espace pour m’exprimer. J’ai arrêté la production pendant un an ou deux à cause de ça. Quand nous nous sommes rencontrés avec Amartei, il m’a raconté sa vision. Au début, je n’étais pas intéressé. Quelques semaines après le tournage du clip de sa soeur, il est arrivé avec un script. J’avais adoré le clip mais c’est très commun à faire. Tout le monde en fait au Ghana. J’ai lu l’histoire de Tsutsué et je l’ai adorée. J’ai dit à Amartei que je voulais voir ce qu’il pouvait faire. Je suis allé sur le tournage et j’ai été enthousiaste. Je suis content d’avoir pris cette décision, de m’être dédié à lui, à ce réalisateur. Tous les deux, on veut raconter des histoires authentiques, on veut changer les modes narratifs, on veut que notre industrie aille plus loin que les attentes. Si un réalisateur vient me voir et ne correspond pas aux standards d’Amartei, je ne vais pas le soutenir. J’ai rencontré des gens qui venaient avec de l’argent mais ce n’est pas ce qui m’intéresse, il faut que ça corresponde à mes attentes.
Certains réalisateurs ou scénaristes échouent à raconter des histoires de leur pays en voulant plaire aux Européens. Amartei, tu disais vouloir devenir ghanéen. Quelle est ton histoire, celle que tu as voulu raconter ?
A.A. : Retourner au Ghana et être humble, c’est mon histoire et c’est ce qui m’a appris à être authentique. J’ai beaucoup de cousins qui viennent des Etats-Unis, qui font sentir leur éducation occidentale et qui pensent que leur retour au pays est une bénédiction. Je me suis souvent battu à ce sujet avec eux : pour moi, retourner au Ghana était une volonté d’apprendre. C’est seulement quand je me sens suffisamment confiant que je peux commencer à m’exprimer, tout en restant ouvert aux suggestions et ne jamais penser que je sais mieux que les autres ! Ca se manifeste surtout dans l’écriture; je suis toujours attiré par les marginaux, ceux qui vivent en marge de la société. C’est pourquoi Tsutsué est une histoire d’orphelins dans une culture qui est très orientée sur la famille. Nous ne considérons pas seulement la mère, le père et les frères et sœurs comme membres d’une famille ; tous tes oncles, tantes, cousins sont aussi comme tes frères. Cette certitude que j’avais était l’une des intentions de mise en scène. Un père meurt, un autre revit. Quand le père d’Yemoh est mort, le premier jour du tournage, on a vécu un moment très émotionnel. Je ne comprends toujours pas comment il a été capable de produire le film, de rester concentré pendant les cinq jours de tournage. Son père était décédé et on lui en donnait un nouveau, son oncle, et ainsi de suite.
Dans le film, les enfants sont complètement éloignés de leur famille, il me semblait que c’était comme ça que je me sentais dans ce pays. Je me suis senti supprimé de cette culture, de ma famille. Je ne peux pas parler la langue, le dialecte. Quand je suis arrivé au Ghana, j’ai tout de suite senti que je n’étais pas l’un d’entre eux. Je l’étais quand j’étais un enfant et mon accent américain était mignon. Maintenant que je suis adulte, on me demande pourquoi je ne parle pas la langue. Je me suis senti comme un alien, mais j’ai senti une connexion avec les gamins du film qui sont dans la même position : ils sont ghanéens mais ils n’ont pas de famille. J’ai une famille mais je ne me sens pas faire partie de la culture ghanéenne. J’ai senti que c’était important pour moi d’apporter de l’empathie dans cette histoire. Il faut pouvoir sentir ce que les enfants sentent. Beaucoup de films sont écrits avec un point de vue objectif parce qu’on veut juste montrer ce qu’il se passe en Afrique et les réalisateurs sont comme retirés de leur écriture. Moi, je voulais être super subjectif dans ce film.
De ton côté, Sébastien, quels conseils as-tu pu donner à Amartei et à Yemoh vu que tu as plus d’expérience comme producteur et distributeur ?
S.H. : Quand nous nous sommes rencontrés, je voulais les connaître. Je ne voulais pas leur donner juste des conseils comme quelqu’un qui arrive de nulle part. Je ne suis pas dans la position de prodiguer des conseils. Quand nous travaillons ensemble, je partage mon expérience et tout le monde prend ce qu’il veut de ça. C’est une question de communication, de compréhension. Je n’ai pas de règles à suivre. On s’est rencontré plusieurs fois sur Zoom, on a pris le temps de discuter pour comprendre ce qu’ils voulaient. La première chose a concerné Vagabonds et le script de Tsutsué. Nous avons discuté de l’écriture, j’ai donné mon opinion, j’ai eu quelques idées, quelques questions, notamment autour du scénario : pourquoi ont-ils voulu raconter cette histoire ?
Puis, quand nous avons commencé la production, je voulais qu’on soit capable de trouver des financements en France. Maintenant, nous pouvons nous conseiller tous les trois ensemble, mais la discussion a surtout tourné autour du partage, de la façon d’améliorer notre travail.
Y. I : Sébastien nous a conseillés de différentes façons mais il n’a jamais été autoritaire. Il donne des conseils et n’est jamais vexé si on ne les respecte pas. Il veut comprendre d’où vient le travail, il ne juge pas et ne veut pas imposer ses standards. Quand il a appris que je ne suis pas allé dans une école de cinéma, il m’a avoué que lui non plus.
Avec lui, tout le monde a le droit à une opinion. Si ce que tu penses est mieux que ce qu’il a écrit, il le changera sans hésitation.
Quant au réalisateur, le film lui appartient. En tant que co-producteur, je dois trouver ma place dans la collaboration. C’est pourquoi Amartei et Sébastien sont les meilleures personnes avec qui j’ai travaillées.
Tsutsué est le tout premier film ghanéen en compétition au Festival de Cannes. Comment s’est passé le retour au pays après sa sélection ?
A. A : Quand je suis revenu de Cannes, c’est comme si rien n’avait changé. Personne n’a voulu collaborer avec nous, la presse n’a pas vraiment parlé de nous. Au Ghana, chacun fait ses propres choses dans son coin, ; il n’y a pas tellement d’argent à se prêter, donc notre industrie ne peut pas vraiment grandir. Sur le tournage, on me parlait toujours de « mon » film et ça me brisait le cœur parce que c’est « notre » film, c’est un film collectif. Au Ghana, n’importe qui qui met de l’argent pour payer les gens devient celui qui possède le film. C’est la mentalité. Alors, aller à Cannes n’a pas changé grand chose. On était très excité mais le retour était un peu déprimant parce que c’était notre aventure et les autres ne se sentaient pas concernés. Au festival, on s’est senti respecté comme des artistes ; alors qu’au Ghana, c’était l’opposé. On faisait notre truc de notre côté et personne de l’équipe ne nous a félicités. C’est quelque chose que nous aimerions changer et on sait que ça commencera avec nous.
Comment est perçu le cinéma dans ton pays ?
A. A : C’est difficile. Par exemple, aux Etats-Unis, le cinéma est un fait culturel. Les films sont la forme de divertissement la moins chère, comme en France. C’est moins cher que d’aller en boîte, à un concert, etc. Pour un « date », tu peux aller au cinéma au lieu du restaurant ! C’est un lieu où tu peux aller pour t’échapper, vivre un moment cathartique. Le cinéma est un art pour la masse. Il y a différentes salles de cinéma et il y en a beaucoup : elles montrent des films étrangers, français ou indépendants et pas seulement des blockbusters. Tu peux aller au cinéma plusieurs fois par semaine et il y a toujours une salle pas loin de chez toi…
Au Ghana, il y a seulement trois cinémas dans tout le pays et les prix des tickets sont chers, donc c’est une culture pour l’élite, la classe moyenne supérieure, et non pas pour le grand public. Une place de cinéma vaut une semaine de bonne nourriture. À cause de ça, il n’y a pas vraiment de culture du cinéma mais plutôt une culture Netflix.
S. H : C’est ce qui m’a fait vraiment réaliser qu’on avait de la chance en France. J’étais déjà au courant que ce qu’on en France est exceptionnel : être capable de partager des films, de les voir, de les produire, etc. C’était la première chose dont nous avons discutée d’ailleurs ! J’ai vu qu’Amartei et Yemoh avaient un désir très fort de faire des films, de raconter des histoires. Tsutsué et Vagabonds ne pourraient pas être des films français ; même avec le même scénario, ils ne pourraient pas exister en France. Ce n’est pas la même énergie, histoire, culture. D’une certaine façon, c’est un point de vue extérieur ; Amartei et Yenoh sont obligés d’avoir un objectif international, ils ne peuvent pas réaliser un film qui est seulement dédié au Ghana. Ils ne peuvent pas produire juste pour ce pays. Le film doit pouvoir être international, doit pouvoir être raconté à tout le monde, être prêt pour d’autres pays.
Tsutsué est diffusé dans différents pays. Comment est-ce de partager le film ici, dans un festival du monde arabe ?
A. A : La beauté des festivals, que ce soit Cannes ou le Red Sea, c’est que les gens sont bienveillants. Ils t’accueillent avec ta culture différente. Ça nous donne aussi la possibilité de nous éduquer sur d’autres cultures, particulièrement pour moi qui vient des Etats-Unis. Tous les poncifs que j’avais sur les pays arabes s’avèrent faux et je le découvre ici. Si on ne montre que les aspects négatifs d’une culture, alors on verra celle-ci seulement d’une mauvaise façon et ce sera le cas pour tous les endroits du monde. Ce que j’aime tant à propos du cinéma, c’est que les films sont comme des fenêtres dans la vie des gens. Voir différentes façons de vivre, de s’exprimer, c’est important parce que tu apprends beaucoup.
Tu as reçu un prix important pour ton projet de premier long-métrage, ici au marché (souk). Comment le vis-tu ?
A.A : Au Ghana, être réalisateur n’est pas une profession respectée. Ça ne semble pas sérieux. Quand j’étais enfant, c’était difficile de convaincre mon père qui était un ingénieur que je voulais faire du cinéma. Il a fini par comprendre que son fils est réalisateur en voyant les effets d’un film. Tu deviens un ambassadeur de ton film, tu voyages avec lui et tu le représentes. Le long-métrage nous donne de l’aide pour cette mission, celle de raconter des histoires.
S. H : Si nous arrêtions notre collaboration avec Tsutsué, ce serait trop frustrant. J’ai vu ce dont tu es capable et le court-métrage est juste une partie de ce que nous pouvons raconter ensemble. Faire un long maintenant nous permet de vivre un projet plus accompli, c’est l’étape supérieure.
Y. I : Le long va changer beaucoup de choses. Je le vois comme une percée, dans la façon dont le monde ghanéen perçoit les réalisateurs, pour avoir une plus large diffusion internationale ainsi qu’une plus large reconnaissance. Nous sommes en train d’essayer de prouver de quoi nous sommes capables. Maintenant, avec le long, nous sommes plus confiants en nous. Armar a plus d’expérience. Le long est le futur [the feature is the future !].
A. A : Plus nous traînons ensemble, plus nous nous racontons nos histoires d’enfance, plus ça nous donne des idées. Notre connexion fonctionne bien parce que nous sommes humbles et nous ne cherchons pas à collectionner des médailles mais à vivre cette aventure, parce qu’on s’apprécie beaucoup ! C’est pour ça qu’on fait des films, c’est pour vouloir partager des histoires auxquelles on tient parce qu’on tient les uns aux autres. Le film est une aventure qui nous permet de vivre notre amitié. J’aimerais que ça dure toujours…
Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Agathe Arnaud
En janvier, Format Court fêtera ses 14 ans (bouchon !). Après avoir publié hier notre propre Top 5 des meilleurs courts-métrages de l’année, voici les résultats de votre propre Top, suite à notre appel publié récemment sur notre site internet. Voici les 5 films qui ont remporté le plus de suffrages.
1. La Ventrière de Anne-Sophie Bailly – France
2. Trois Grains de gros sel de Ingrid Chikhaoui – France
3. Le Ciel s’est déchiré de Germain Le Carpentier – France
Depuis 13 ans déjà, les membres de Format Court se prêtent à l’exercice du Top 5 des meilleurs courts-métrages vus pendant l’année écoulée. Rituel oblige, voici les films qui ont le plus marqué notre équipe cette année, par ordre de préférence ! Découvrez également le Top 5 des internautes !
Mona Affholder
1. Cui cui cui de Cécile Mille – France
2. Marianne de Julien Gaspar-Oliveri – France
3. Dead flash de Bertrand Mandicot – France
4. La vie sexuelle de mamie, Urška Djukić et Émilie Pigeard – Slovénie, France
5. La Nuit des glands vivants] de Ilja Rautsi – Finlande, Danemark
Amel Argoud
1. Ice Merchants de João Gonzalez – Portugal, Royaume-Uni, France
2. Cui cui cui de Cécile Mille – France
3. A dog under a bridge de Rehoo Tang – Chine
4. Lupus de Zoé Brichau – Belgique
5. Beautiful stranger de Benjamin Belloir – France, Belgique
Agathe Arnaud
1. La mécanique des fluides, Gala Hernandez Lopez – France
2. Maria Schneider, 1983, Elisabeth Subrin – France
3. Sami la fugue, Vincent Tricon – France
4. My own landscapes de Antoine Chapon – France
5. Moune Ô de Maxime Jean-Baptiste – Belgique, France, Guyane
Katia Bayer
1. Scale de Joseph Pierce – France, Royaume-Uni, République tchèque, Belgique
2. Warsha de Dania Bdeir – France, Liban
3. The Red Suitcase de Cyrus Neshvad – Luxembourg
4. Slow light de Katarzyna Kijek et Przemyslaw Adamski, Pologne, Portugal
5. Staging Death de Jan Soldat – Autriche
Damien Carlet
1. Raie manta de Anton Bialas – France
2. Almost a kiss de Camille Degeye – France
3. Brave de Wilmarc Val – France
4. Dorlis de Enricka Mh – France
5. I Santi de Giacomo Abbruzzese – France, Italie
Laure Dion
1. Will you look at me de Shuli Huang – Chine
2. Ice Merchants de João Gonzalez – Portugal, Royaume-Uni, France
3. Growing de Agatha Wieczorek – Pologne
4. A dog under a bridge de Rehoo Tang – Chine
5. Balaclava de Youri Orekhoff – Belgique
Pierre Guidez
1. Silesilence de Jacques Perconte – France
2. Aralkum de Daniel Asadi Faezi, Mila Zhluktenko – Kazakhstan
3. Train again de Peter Tscherkassky – Autriche
4. Chant pour la ville enfouie de Nicolas Klotz, Elizabeth Perceval – France
5. La Mécanique des fluides de Gala Hernández López – France
Polina Khachaturova
1. Europe by Bidon de Thomas Trichet, Samuel Albaric – France
2. Trois Grains de Gros Sel de Ingrid Chikhaoui – France
3. Sur la tombe de mon père de Jawahine Zentar – France, Maroc
4. L’Attente de Alice Douard – France
5. Bolide de Juliette Gilot – France
Augustin Passard
1. Ka Me Kalu de Flonja Kodheli (Belgique)
2. Masques de Olivier Smolders (Belgique)
3. Hors jeu de Sophie Martin (France)
4. Duos de Marion Defer (France)
5. Branka de Ákos K. Kovács (Hongrie)
Gaspard Richard-Wright
1. Lino d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux (France)
2. Masques d’Olivier Smolders (Belgique)
3. Sèt Lam de Vincent Fontano (France)
4. Voyage à Santarém de Laure Desmazière (France)
5. Écorchée de Joachim Hérissé (France)
Eliott Witterkerth
1. Des jeunes filles enterrent leur vie de Maïté Sonnet – France
2. Madrugada de Leonor Noivo – Portugal
3. Sami la fugue de Vincent Tricon – France
4. A86 Nord, sortie 10 de Nicolas Boone – France
5. L’Huile et le fer de Pierre Schlesser – Suisse
Dans Les Faux Monnayeurs (1925), André Gide écrivait qu’“on ne découvre pas de terre nouvelle sans consentir à perdre de vue, d’abord et longtemps, tout rivage”. Cette métaphore résume magnifiquement le thème du nouveau film de la réalisatrice, scénariste et chef monteuse Héloïse Pelloquet, La Passagère, en salles ce mercredi 28 décembre. Format Court, vous conseille d’embarquer sur le navire de la réalisatrice au premier long-métrage distribué par Bac Films.
Plongeant le spectateur dans le quotidien de pêcheurs sur une île de la Côte Atlantique, le film dépeint le destin de Chiara (interprétée par Cécile de France), qui travaille avec son mari (Grégoire Monsaingeon) sur un navire de pêche. Cela fait maintenant 20 ans qu’elle a appris le métier de son compagnon, qu’elle a tout donné pour lui. 20 ans, c’est aussi l’âge de Maxence (Félix Lefebvre), le nouvel apprenti que le couple va prendre en charge. Néanmoins, son arrivée va perturber les certitudes de Chiara d’une manière inattendue…
En effet, si le film commence par une approche naturaliste documentant le quotidien éprouvant des pêcheurs de l’île par des scènes impressionnantes du déchaînement de la pluie, du vent, et des vagues violentes s’écrasant sur le bateau (ici, le couple s’établit alors comme une manière d’affronter la dureté du métier), elles ne sont rien face à la tempête intérieure qui va se déchaîner entre Chiara et Maxence.
Le rythme de la narration nous embarque complètement ; ce n’est pas dans les grandes tirades que leur idylle est exprimée, mais dans tous ces regards furtifs, hésitant entre la fuite et la fascination. Même dans les moments les plus ordinaires de la vie, au milieu d’autres personnes, Maxence et Chiara n’ont d’yeux que pour l’autre. C’est dans la subtilité, la délicatesse d’instants silencieux que l’intimité se crée, faisant émerger malgré eux une relation interdite.
Héloïse Pelloquet joue sur les contrastes ; les Hommes tentant de dompter une nature incontrôlable ; la relation de pouvoir déséquilibrée entre une femme de 45 ans et un homme de 20 ; Cécile de France désabusée face à Félix Lefebvre qui, fougueux, veut l’impressionner. Visuellement, la symbiose entre les éléments naturels et les individus évoluant avec ces derniers se révèle par un environnement aux couleurs froides et bleutées, mettant d’autant plus en valeur les peaux chaudes des protagonistes qui ne demandent qu’à être rapprochées l’une de l’autre.
Pourtant, la potentielle tromperie est envisagée avec une grande mélancolie. Le mari de Chiara est aimant mais absent, mais c’est à travers lui, son mode de vie, ses relations, que toute la vie de Chiara s’est construite. Tout au long du film, on se questionne ; doit-on toujours faire le choix d’avancer, de tout plaquer ? La transgression du couple impliquant l’éclatement d’une vie, le choix du bonheur vaut-il alors le malheur des autres ? La Passagère n’est pas un film seulement sur la folie temporaire d’une quadragénaire ; il questionne avec justesse la complexité de la vie monotone, et du surgissement de l’Autre qui ébranle tout sur son passage. Sur les suspensions poétiques montrant le mouvement régulier des vagues de l’Atlantique, on plonge par analogie dans l’intériorité de Chiara. On saluera l’interprétation fine et tendre de Cécile de France en femme tentant de rester fidèle à elle-même quand les doutes la submergent.
Héloïse Pelloquet développe ainsi son univers auquel nous avions été introduits dans ses courts-métrages Comme une grande (2014), son film de fin d’études produit par la Fémis récompensé du Prix Format Court à Brive 2015, L’Âge des sirènes (2016), où elle filmait déjà des adolescents à l’âge ingrat, et Côté Cœur (2018). Dans les trois courts-métrages, figurent l’actrice phénoménale Imane Laurence, qu’on retrouve dans La Passagère. Entre le quotidien d’une jeune collégienne dans Comme une grande et le quotidien d’un jeune adolescent apprenant le métier de pêcheur avant le début du lycée dans L’Âge des sirènes, la réalisatrice filme la vie maritime ordinaire de jeunes gens sur lesquels elle pose des regards à la fois emplis de tendresse et d’une grande maturité.
Côté Cœur se démarque avec force, où l’on suit les émois amoureux de Maryline, qui se découvre aux côtés de Ludovic, un homme qu’elle a sauvé de la noyade. La bande-son ainsi que les variations chromatiques créent un rythme hypnotique, où l’environnement (passant de la mer, à la boîte de nuit, aux marais) semble interagir avec l’adolescente. Imane Laurence y est excellente et maîtrise avec justesse des émotions débordantes de Maryline. La réalisatrice utilise les codes du fantastique pour développer son personnage, qui semble faire écho à celui de Cécile de France dans La Passagère par ses réactions imprévisibles, à la fois passionnelles et maîtrisées.
Dans ses courts et long métrages, tous tournés entièrement sur l’île de Noirmoutier et soutenus par Mélissa Malinbaum, productrice chez Why Not Productions, des scènes s’opèrent en écho, les jeux de séduction se ressemblent. Pelloquet creuse ainsi le thème des sentiments indicibles dans des relations inaccessibles, vouées à se faner dans le temps. Ses personnages font face au déchaînement des éléments naturels, et à la naissance de sensations incontrôlées.
Saluons également son traitement du son et de la musique ; là où les mots sont vains, la musique et le chant, rares mais puissants, sont utilisés par les protagonistes pour communiquer subtilement entre eux. La Passagère révèle son intelligence d’écriture par le refus du jugement posé sur ces protagonistes, laissant à notre charge, nous spectateurs, la considération des comportements de chacun, si tenté qu’ils puissent les contrôler. Chiara navigue, voire vacille entre deux hommes opposés ; reprendre le contrôle de sa vie, oui, mais à quel prix ?
Il y a quelques jours, l’Académie des Oscars a annoncé les films shortlistés dans 10 catégories dont celles liées aux courts-métrages. À ce stade, 45 films sont en lice pour l’Oscar du meilleur court 2023, que ce soit en fiction, en animation et en documentaire. Les nominations seront annoncées d’ici un mois (le 24 janvier) tandis que la cérémonie des Oscars aura lieu le 12 mars.
Certains de ces films sont visibles en ligne (grâce à Court-Circuit, le projet Op-Docs du New York Times et les comptes Vimeo/You Tube des réalisateurs). On vous invite à les voir et à les partager 😉
Fiction
All in Favor (Votamos) de Santiago Requejo (Espagne)
Almost Home de Nils Keller (Allemagne)
An Irish Goodbye de Tom Berkeley et Ross White (Irlande)
Ivalu de Anders Walter (Danemark)
Le Pupille de Alice Rohrwacher (Italie, États-Unis)
The Lone Wolf (O Lobo Solitário) de Filipe Melo (Portugal)
Nakam de Andreas Kessler (Allemagne)
Night Ride (Nattrikken) de Eirik Tveiten (Norvège)
Plastic Killer de Jose Pozo (Espagne, Andorre)
The Red Suitcase de Cyrus Neshvad (Luxembourg)
The Right Words (Haut les cœurs) de Adrian Moyse Dullin (France)
Très bien reçu dans le circuit festivalier, Warsha, le premier film professionnel de la réalisatrice libanaise Dania Bdeir, passée par les Etats-Unis et vivant aujourd’hui à Dubaï, interroge la notion de choix et de liberté. L’histoire, c’est celle d’un homme cherchant à s’élever dans les airs au moyens d’une grue pour être lui-même (on ne vous en dit pas plus, le film est visible en ligne grâce à Court-Circuit).
En lice aux César 2023, Warsha a remporté le prix du Jury à Sundance, le Grand Prix à Brest et celui à Tous Courts à Aix. À l’occasion de la sélection du film à Djeddah, en Arabie saoudite, pendant le Red Sea International Film Festival, on a rencontré la réalisatrice pour l’interroger sur ce Liban qu’elle affectionne et qui lui pose problème en même temps, sur les films arabes et sur sa collaboration avec la France.
Format Court : Tu es née à Beyrouth. Qu’est-ce qui t’a orienté vers le cinéma ?
Dania Bdeir : Quand j’étais très jeune, je voulais être actrice. Je regardais beaucoup la télévision, je faisais du théâtre et je passais mon temps à jouer les rôles que je voyais à la télé. J’aimais beaucoup cette idée de reproduire, de raconter des histoires en jouant. Pour mes 16 ans, mon père m’a offert comme cadeau d’anniversaire une caméra vidéo, très chère. Ma mère lui a demandé : « Pourquoi tu achètes quelque chose d’aussi cher ? ». Il lui a répondu que j’avais quelque chose de spécial, que j’allais aimer ce cadeau. J’ai commencé à tout filmer autour de moi, puis j’ai fait des montages. J’ai appris toute seule. J’ai commencé à aimer être derrière la caméra et pas devant. J’ai su que je voulais devenir réalisatrice à mes 17 ans. Il y a quelques bonnes universités de cinéma au Liban, comme la Lebanese American University (LAU), mais je n’avais pas tellement envie d’y aller. En parallèle, je n’étais pas très encouragée par les gens autour du moi qui disaient que le cinéma, ce n’était pas un travail pour gagner de l’argent.
L’American University of Beyrouth (AUB) est la meilleure université au Liban. Ils n’ont pas de section cinéma mais du graphic design. Ça, c’était considéré comme un vrai métier. J’ai suivi ce cursus. Je ne le regrette pas parce que c’était une bonne formation qui m’a appris beaucoup : la communication visuelle, la critique, la couleur, la composition, etc. Le design graphique est très général, on fait des logos, des magazines, des sites internet, des typographies, … . J’aime bien le programme de l’AUB, qui est très ancré dans l’environnement. On nous dit d’aller dans les rues de Beyrouth, de trouver un magasin qui a besoin d’un nouveau logo, de parler avec les gens et de leur faire le travail. Je n’étais pas douée du tout mais pendant ces années, j’ai voyagé partout dans le pays, dans les montagnes, les vallées, les quartiers. J’ai parlé avec beaucoup de gens. Ce qui m’intéressait, c’était de rassembler les histoires. Mes travaux étaient un peu médiocres en tant que rendus, mais j’avais de la matière humaine. J’aimais trouver les spécificités, les complexités de chaque personne. Pour quelqu’un qui a passé son enfance et son adolescence devant la télévision, je recueillais des choses chez les gens que je ne voyais pas représentées à l’écran. Le cinéma, c’est du drame, et il y en a beaucoup au Liban. Des bons personnages sont faits de complexités, de contradictions. Et dans ce pays, il y en a beaucoup ! De cette manière, j’ai constitué plein de matériels.
Qu’est-ce qui t’a donné envie d’aller étudier aux Etats-Unis ?
D.B. : Quand j’étais en dernière année, je suis allée visiter ma sœur à New York. Là-bas, j’ai pris rendez-vous pour visiter la NYU et la Columbia parce que je savais qu’elles faisaient partie des meilleures universités de cinéma dans le monde. Quand j’ai vu le genre de cours, de projets, j’ai compris que c’était là que je devais être. J’ai fini mes études à Beyrouth. Deux mois plus tard, j’étais à New York et je commençais une formation en cinéma. Être à l’étranger, ça te permet de raconter ton histoire de manière un peu universelle, surtout quand tu ne rencontres des gens du monde entier. Ça t’aide à apprendre à écrire en dehors de ton pays, sans l’oublier. C’est utile de pouvoir communiquer, de trouver des choses universelles, d’apprendre à raconter une histoire efficacement, de toucher les gens.
À la NYU, on nous a offert beaucoup de moyens pour réaliser. On nous a donné accès à du matériel gratuit, à des acteurs. Le problème, c’est je n’arrivais pas à écrire à New York. Mes histoires se passaient encore à Beyrouth. La première année, j’ai écrit l’histoire d’un Libanais à New York. Les cinq années passées là-bas ont été difficiles mais très formatrices. Tu pars de chez toi, loin, dans un endroit complètement anonyme. Tu te construis avec le regard des autres, sur base de ce qu’ils connaissent ou non de ta culture. Tu partages ta culture, tu échanges, tu mélanges. Mon film de fin d’études, En blanc, était l’histoire d’une libanaise qui revient chez elle pour les funérailles de son père et qui veut changer les rituels. On lui reproche d’être américaine, ce qui m’arrivait souvent.
Au Red Sea Film Festival, il y a des films locaux, régionaux et internationaux. Tu as été amenée à faire pas mal de festivals. Comment vois-tu ce festival, la présence de ton film et de manière générale, les festivals arabes ?
D.B. :Warsha est un film arabe, fait par une personne arabe, pour un public arabe et pour le monde. C’est très important pour moi qu’on ne me voit pas comme quelqu’un qui fait des films juste pour les Occidentaux. L’objectif, c’est d’être authentique, honnête, de raconter quelque chose qui n’est pas obligé de représenter tout le monde et de plaire à tout le monde. Pour ce film, c’était difficile parce que tous les festivals arabes importants ont lieu en fin d’année et mon film est sorti en janvier. J’ai dû m’asseoir dessus et je ne pouvais pas le partager jusqu’à maintenant avec le monde arabe. Je voulais le Red Sea parce que je voulais toucher le public d’ici. L’Arabie saoudite est un pays très conservateur, qui n’avait pas de possibilité de cinéma jusqu’à tout récemment, il y a cinq ans. Il n’y avait pas de musique, les femmes ne pouvaient pas conduire, il y avait beaucoup d’interdictions et c’est un pays qui a la plus grande population jeune du monde. 60-70% des gens ont moins de trente ans et ils ont soif de culture, d’histoires. Je voulais vraiment commencer ici le trajet arabe de ce film. C’est un pays qui change, qui évolue, qui grandit. Il change vite mais pas du jour au lendemain.
Le gouvernement américain défend beaucoup de choses que je n’aime pas. On n’entend jamais qu’il faut boycotter les Etats-Unis. Je suis énervée d’entendre des médias occidentaux parler de boycott de la Coupe du monde du Quatar, du festival en Arabie Saoudite… On condamne un peuple qui essaie de changer, de grandir, d’évoluer en disant à ses habitants qu’ils vont rester dans cette image qu’on a d’eux pour toujours.
Il y a une évolution et pas une révolution de la société saoudienne. On projette encore des choses sur les films arabes…
D.B. : Mon film est sur la liberté. N’importe qui avec un sentiment claustrophobe, sentant être observé, qui ne peut pas être libre, peut se sentir connecté au film. Il y a plein de gens dans le monde arabe, partout, qui ont ce même désir, cette même liberté. On peut se reconnaître et s’identifier à mon personnage. L’autre jour, c’était la première du film dans le monde arabe et un homme saoudien m’a arrêtée, en habits traditionnels avec une femme voilée, pour me dire combien, tous les deux, ils ont aimé le film, combien ils ont ce sentiment de liberté, de désir. Moi aussi, je découvre ce monde et ce peuple, même en tant qu’arabe, parce qu’il a été fermé pour plein de gens. Je suis en train de rencontrer de nombreuses réalisatrices saoudiennes qui ont beaucoup de projets. On doit se donner cette possibilité avec des films comme Warsha qui ouvrent au dialogue, qui créent des ponts. L’ouverture, c’est mieux que la fermeture. Tout doit commencer quelque part.
Pourquoi ce titre ?
D.B. : Je ne suis pas très bonne en titre. « Warsha », ça veut dire chantier, site de construction, en arabe. Ça peut peut-être aussi dire qu’on est tout le temps en construction.
Warsha est ton premier film professionnel, réalisé en dehors de l’Université. Comment as-tu été amenée à raconter cette histoire ?
D.B. : Mon film de diplôme, En blanc, a fait sa première à Clermont-Ferrand en 2017. J’avais déjà en tête Warsha, et j’ai reçu un mail du festival disant qu’ils allaient organiser une rencontre auteurs-producteurs. J’ai pris ça comme une deadline pour écrire un scénario. Beaucoup de producteurs français ont été intéressés par le pitch. Quand je suis allée à Clermont, j’ai eu plusieurs rendez-vous. J’ai rencontré Coralie Dias (Inter Spinas Films) là-bas et on a commencé à travailler ensemble. On a développé le scénario, elle m’a beaucoup aidée. On a déposé le projet pour une aide au financement. Petit à petit, le scénario s’est développé et on a reçu des aides : la Région Grand Est, un préachat de Arte… On a rencontré différents problèmes et en 2021, on a enfin pu tourner.
Avec les fonds régionaux, j’ai eu l’opportunité de travailler avec des gens que je n’aurais jamais rencontrés. À la région Sud, on a travaillé dans un studio de production virtuelle, La Planète Rouge. C’est une toute nouvelle technologie, avec un mur de Led, de presque 360 degrés, où on envoyait des images du Liban qu’on avait prises avec un drône. On a apporté une cabine physique. Même l’acteur, quand il regardait autour de lui, il voyait le Liban à hauteur de grue. C’était magique de travailler là. On n’a pas cette technologie au Liban, c’était une très belle expérience. Je sentais qu’on était au Liban : on voyait la mer Méditerranée, la mosquée. L’acteur a pu jouer en voyant quelque chose de vrai. Avec mon chef opérateur, on a pu avoir des idées créatives sur le plateau, changer des choses. C’était très libre. J’ai aussi travaillé à Strasbourg, avec des ingénieurs du son géniaux d’Innervision. Ils venaient surtout du monde de l’animation et on a travaillé ensemble à construire le monde sonore. J’ai beaucoup aimé le partage, la collaboration culturelle qu’on a pu faire avec la France.
As-tu montré ton film au Liban ?
D.B. : Au Liban, il n’y a eu qu’une projection privée. Beaucoup de Libanais ont vu Warsha dans d’autres pays. Je suis curieuse de voir l’impact du film dans mon pays mais je ne crois pas qu’il soit controversé. On m’a posé la question : comment ça se fait que le personnage prie et qu’il danse en même temps ? Il danse, il chante, il rêve d’être vu et de performer devant le monde. Le thème du film porte d’ailleurs plus sur les normes du genre plus que sur la sexualité. Le genre a été inventé par les humains. Qui a dit que la danse, le maquillage, c’était pour les femmes, ? Dans l’histoire arabe, on a tout le temps eu du maquillage ou de la danse pour les hommes. Il faut faire bouger les règles.
As-tu des prochains projets ?
D.B. : Je travaille sur mon premier long-métrage, il se déroule à Beyrouth. Le titre pour le moment, c’est Pigeon War. Le film parle aussi du thème du genre, du patriarcat et même de la hauteur ! C’est l’histoire d’une fille à l’université à Beyrouth qui découvre le monde très masculin des guerres de pigeons. C’est un loisir de classes ouvrières d’avoir des troupeaux de pigeons sur son toit. Les gens habillent les pigeons comme une équipe de sport avec des bracelets colorés. Chaque jour, les pigeonniers lâchent leur troupeau dans le ciel et ils sont entraînés à voler ensemble pour que les troupeaux se mélangent et reviennent plus ou moins sur les toits. C’est un monde très masculin et en même temps très maternel : ils s’occupent d’élever ces pigeons depuis qu’ils sont bébés, ils les nourrissent. Mon personnage découvre ce monde et elle veut conquérir elle-même le ciel. Elle va travailler avec un garçon qui vient d’un monde très différent. Au début, ils se détestent mais sur les toits de Beyrouth, ils construisent une amitié. Elle a des traits de caractère masculins, alors que lui, il est plus traditionnellement féminin.
Pour moi, tout ce qui peut être beau et qui va naître entre eux se fait en laissant la ville en bas, loin d’eux. La façon dont le patriarcat nuit aux femmes et aux hommes, le fait de ne pas avoir des rêves, des désirs, ce sont des thèmes qui m’intéressent. Je suis actuellement en développement, on a écrit la première version du scénario, on va écrire la deuxième version.
C’est quoi l’intérêt de filmer Beyrouth encore et encore ?
D.B. : Jusqu’à maintenant, les histoires que j’ai en tête se passent à Beyrouth. Je me considère comme libanaise, j’y ai grandi toute ma vie. C’est un pays qui ne laisse pas indifférent. C’est un endroit qui donne beaucoup de peine comme beaucoup de plaisir. Tu as envie de le quitter tellement il y a des choses que tu détestes et en même temps, il ne quitte pas ton esprit. C’est l’une des raisons pour lesquelles mes histoires se passent là-bas. Je suis à la recherche des choses que j’aime et que je déteste à la fois.
Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Agathe Arnaud
Comme chaque année, notre équipe prépare son Top 5 annuel des meilleurs courts-métrages, exercice réalisé depuis 12 ans déjà. Depuis 7 ans, vous avez également la possibilité de voter pour vos 5 courts-métrages préférés de l’année par mail.
L’an passé, 4 films avaient recueilli le plus de suffrages : L’homme silencieux de Nyima Cartier (France), T’es morte Hélène de Michiel Blanchart (Belgique, France), L’inspection de Caroline Brami et Frédéric Bas (France) et Le Monde en soi de Sandrine Stoïanov et Jean-Charles Finck (France).
Faites-nous part jusqu’au mardi 27.12 inclus de vos 5 courts-métrages favoris remarqués cette année, tous pays et genre confondus, par ordre de préférence, en n’oubliant pas de mentionner leurs réalisateurs et pays d’appartenance.
Nous ne manquerons pas de publier les résultats de vos votes sur Format Court !
Ce mercredi 14.12, sort en salles Les Années Super 8 grâce au distributeur New Story. Présenté en avant-première lors de la 11e édition du Champs-Elysées Film Festival, le premier long-métrage de la femme de lettres française Annie Ernaux résume une décennie de sa vie à partir des pellicules enregistrées par son ex-mari, Philippe Ernaux-Briot. Le film est également signé par leur fils David Ernaux-Briot, et a fait partie de la sélection 2022 de la Quinzaine des Réalisateurs.
En 1971, la caméra super 8 est un appareil prisé, facilement transportable, qui fait l’objet de l’excitation dans la famille Ernaux. Les premières images retranscrivent cette joie du film amateur, destinées à enregistrer des souvenirs et non à créer un véritable film. Pourtant, accoutumée à une écriture autobiographique, Annie Ernaux se permet ici de créer un roman à partir d’images, en posant sa voix derrière les pellicules muettes de la caméra pour nous raconter ses impressions.
Le film de 62 minutes s’arrête sur des paysages, des visages familiers, avec une voix douce et calme, qui peut ennuyer… voire endormir. Mais ce n’est pas gênant, car chaque image dévoile une autre histoire, une autre péripétie de la réalisatrice.
Celle-ci ne fait pas que raconter des souvenirs, elle les transpose dans le contexte politique des années 70. Son voyage familial au Chili n’est pas anodin, tant à ce qu’elle décrit que à ce qui est montré : la vision idéaliste d’une gauche dans tout un pays, renversé rapidement par l’extrême-droite. Plus tard, on voit son périple en Albanie, qui met en parallèle des images paisibles de plages et de gens qui s’amusent et un récit empreint de solitude, l’envie de finir son roman, et surtout, du contrôle et de la surveillance exercée par la politique communiste du pays.
Elle explique clairement sa position politique de l’époque, bercée de ses contradictions : une gauche bourgeoise, une vie paisible, qui se confronte l’espace d’un instant à une figure dissidente, celle de sa belle-sœur, une femme qui s’est coupée du monde avec sa compagne et incarne en elle-même un idéal politique anticapitaliste. Cette visite, avec son mari derrière la caméra, ainsi qu’Annie Ernaux et ses deux enfants, réussit encore une fois à transmettre l’idée d’une histoire à part gardée dans le souvenir par un bout de pellicule.
Le discours du long-métrage est hétérogène, parfois intellectualisé, parfois purement esthétique (la beauté des villages en Ardèche), et ferait presque office d’un diaporama de photos de vacances s’il n’y avait pas la voix de la réalisatrice. Comme dans une autobiographie, Annie Ernaux expose un regard subjectif sur le passé, et rend compte des évolutions d’un pays comme le Chili, d’un paysage qui se transforme (celui de Cergy-Pontoise), mais aussi des évolutions dans sa vie personnelle, concernant ses écrits, son couple, sa mère…
Au fil du temps, de ses déménagements (entre Annecy et Cergy-Pontoise), de ses voyages, les images d’Annie Ernaux et de ses deux fils sont plus rares, sans doute du à l’éloignement du couple et à son déchirement, expliqué pudiquement par la réalisatrice. Philippe Ernaux-Briot confiera ses pellicules lors de la séparation, et c’est d’ailleurs cette dualité, ce partage entre les deux êtres, le regard nostalgique de Philippe à travers sa caméra super 8, le récit poétique d’Annie qui font de ce long-métrage une pièce à part, une œuvre tout à fait personnelle – à découvrir en salle en décembre 2022.
En novembre dernier, a eu lieu la 37ème édition du festival du court-métrage de Brest. Originellement créé en 1987 par Olivier Bourbeillon et soutenu par l’association Côte Ouest, ce festival permet aux professionnels, aux scolaires et au grand public de découvrir des courts-métrages français et européens, avec une mention spéciale pour la région Bretagne.
Cette année, les habitués et les nouveaux venus se sont retrouvés dans une ambiance conviviale (et sacrément festive) pour partager et faire découvrir des courts débutants ou confirmés. Le festival a aussi été l’occasion de rattraper des manquements dûs au confinement de 2020, en décernant notamment les prix en mains propres à certains qui n’avaient pu être présents cette année-là.
Dans ce focus sur le Festival de Brest, figureront des critiques et des films en ligne à voir sans conditions pour célébrer la forme courte.
Warsha de Dania Bdeir
Warsha, troisième court-métrage de Dania Bdeir, a remporté le Grand Prix du Festival de Brest. Le film avait déjà remporté le prix du meilleur court-métrage au Festival de Sundance, ce qui lui ouvrait les portes des Oscars. Un aboutissement qui vient consacrer un travail de longue haleine puisque le projet avait été lancé en 2017 pour être achevé finalement en 2021.
La réalisatrice libanaise, puise dans la richesse culturelle de son pays pour nourrir son histoire comme elle l’avait déjà fait pour ses deux précédents projets Kaléidoscope et InWhite. Elle raconte avoir imaginé l’intrigue après avoir vu, depuis son balcon, un homme faire sa prière sur le sommet d’une des nombreuses grues qui surplombent Beyrouth. Elle dit dans une interview pour L’Orient-Le Jour : « C’est ce moment magnifique, qui a fait une sorte de déclic dans ma tête. D’ailleurs tous mes films sont nés d’un moment magique. J’ai alors pensé que toutes ces grues et ces machines qui nous entourent à Beyrouth dissimulent des hommes et leurs histoires. De leur cabine exiguë, ils peuvent observer le monde sans qu’on ne les voit. Et cette idée qui m’a traversé l’esprit est devenue obsessionnelle ».
Avec cette poésie, Dania Bdeir raconte l’histoire de Mohammad, un migrant syrien, qui travaille sur un chantier de construction à Beyrouth. Il tire profit de la monotonie et de la violence de son travail de conducteur de grue, pour s’adonner à un passe-temps interdit. Cette solitude lui donne l’occasion de se soustraire au regard d’autrui. Au-dessus d’une société marquée par la religion et la masculinité intransigeante, chaque jour, entre deux prières suspendues au-dessus du sol, Mohammad danse au son de sa radio en face d’un public imaginaire. Entre la diva queer et l’enchanteresse orientale (à la manière de Sherihan, une chanteuse égyptienne des années 80-90), c’est un pied de nez qu’il fait à la société « d’en bas ». Mohammed prend de la hauteur, sur les hommes, sur la condition humaine et sur les principes inhérents à leurs sociétés qui n’ont de sens que parmi eux.
La vie de Mohammad est marquée par le gris et le labeur sans échappatoire. C’est sur une toile de fond qui n’est pas sans rappeler le terne 1984 de George Orwell qu’il trouve la liberté et la couleur : le rouge. Dans un spectacle grandiose marqué par l’élégance, Mohammad est suspendu au dessus de la ville accroché à des chaînes, dans un costume rouge sang. Il devient un coeur qui palpite dans le vide de Beyrouth, symbole de la passion humaine pour l’art, l’amour et la vie. Un cœur qui fait irruption et qui prend toute la place et dont nos yeux ne peuvent plus se détacher. Et le message que porte l’histoire nous arrive de lui-même avec beaucoup de lucidité, malgré le peu de dialogues pour expliciter la situation.
Cette pauvreté de dialogues compte beaucoup pour la beauté de l’histoire, elle évoque la pudeur orientale, où les sentiments sont peu exprimés par les mots. Dania Bdeir met à profit tous les ressorts du cinéma qui parle en images pour illustrer cela et montrer que la vie, même contenue sous une chape de plomb, trouve toujours à ressurgir, plus extravagante et plus libre encore.
Caillou de Mathilde Poymiro
Caillou, le dernier court de Mathilde Poymiro s’est vu décerner le Grand Prix France 2 au Festival de Brest. Le film est porté par le jeune acteur Lucien Arnaud qui incarne Elias Petit, un jeune garçon de 17 ans qui vient de perdre son père brutalement. Alors que chacun attend de lui une réaction appropriée au deuil, Elias continue sa vie comme si de rien n’était. Il se plonge dans les livres, il remplit ses nuits de lectures faute de sommeil, fait des exposés en classe devant ses camarades de manière très enjouée et se rend à des fêtes le soir. Il rencontre une jeune fille aux airs décalés qui lui plait tout de suite. Elias a une vie d’adolescent tout à fait normale, en somme.
Cependant, il y a comme un cri en sourdine qui résonne en arrière-plan tout le long du film. Elias, qui ne se défait jamais de son bonnet rouge, est marqué par une stabilité à l’équilibre très mince, il s’enferme dans une routine presque maladive. En témoigne son bonnet qu’il porte tout le temps sur lui, comme un porte-bonheur. Pour preuve, lorsqu’il le perd, son calme indolent le quitte aussitôt. S’ensuit une scène de panique dans les rues, où le jeune garçon demande au hasard à des passants des renseignements sur son bonnet égaré. L’enchaînement des plans et les tremblements de caméra nous communiquent le manque de contrôle du personnage qui abandonne son air composé et se trouve complètement perdu.
La performance des acteurs est remarquable, notamment celle de Lucien Arnaud (Elias Petit) et Delphine Gleize (Alice Petit, sa mère). Les deux acteurs sont incroyablement justes et réussissent à transmettre beaucoup d’émotions d’une manière très simple et épurée. Leur manque de communication par les mots, dans une période où ceux-ci ne suffisent plus à exprimer les sentiments, est compensé par beaucoup de présence et une attention à l’autre qui se ressent. Ce qui touche particulièrement, c’est de voir une mère qui essaye de rattraper son fils, enfermé dans le mutisme, et qui s’efforce de le ramener à elle par la communication.
Avec le sourire figé qu’Elias arbore de façade, le jeu des apparences continue lorsqu’il s’intéresse à une jeune fille haute en couleur, aussi mutique que lui et qui elle aussi fait semblant. On la voit découper des yeux dans les journaux pour se les poser sur les paupières afin de dormir durant la classe en toute tranquillité. Les deux jeunes gens se rencontrent à une fête alors qu’ils rangent ensemble des cailloux, loin du bruit de la soirée. On aime trouver dans ce qui semble une rencontre amoureuse comme on en voit beaucoup au cinéma, un conte qui relate la réunion de deux jeunes « un peu à coté » ; une fille excentrique et un garçon qui fait semblant d’aller bien.
Titou de Max Lesage
C’est avec son deuxième court-métrage Titou que le jeune Max Lesage remporte le Château d’or du Festival de Brest dans la catégorie Compétition Bretagne. Après son court métrage Ailleurs (2017), le jeune réalisateur présente un film électrique, burlesque et délicat à la fois, en signant une deuxième collaboration avec son frère Oscar Lesage qu’il met en scène cette fois sous les traits d’un jeune rappeur.
Titouan (Maxime Crescini) est un jeune homme qui voit le monde en images. Il arpente les parcs en prenant des photos d’inconnus qu’il compte leur vendre ensuite, mais dont personne ne veut. Fasciné par le tournage d’un clip de rap qu’il voit dans la rue, il décide de réaliser le clip d’un ami à lui (Oscar Lesage) et l’embarque en Bretagne dans la maison de sa grand-mère récemment décédée. Ils sont accueillis par l’aide-soignante de la vieille dame qui squatte la maison à présent inoccupée. Entre l’intrusion féminine qui se met en travers des grands projets du duo et les galères de réalisation, le tournage ne se passe pas comme prévu.
À la croisée des mondes, le film emprunte autant à l’esthétique campagnarde de Rohmer qu’à l’esprit pop électrique de l’univers du rap. La colorimétrie des images est très chaude et assure à elle seule la promesse d’un film d’été. Tout est jouissif dans ce court. Le plan est souvent long et laisse les personnages évoluer dedans et déployer le comique de situation. La mise en scène travaillée introduit du burlesque dans des actions assez simples en somme. On retrouve l’outrance de la comédie britannique, vu sous un oeil qui révèle la comédie dans ses plus petits ressors. Le ton léger n’empêche pas pour autant le drame et l’approche de certains sujets profonds : les difficultés d’un jeune artiste qui essaye de créer, le questionnement du talent, la possibilité d’un quelconque écho de son travail.
Le film alterne les passages où la musique envahit l’espace et vient nous envelopper, et des moments de décalages burlesques, comme lorsque les garçons écoutent la musique avec des casques audio et se dandinent au son d’un rythme que le spectateur n’entend pas.
Au milieu de ces considérations artistiques, il y a des gens qui se croisent, qui se heurtent les uns aux autres et qui se loupent parfois. L’apparition de la jeune aide-soignante est à la fois une rencontre heureuse pour le rappeur qui se lie amoureusement avec elle, et un obstacle pour Titou qui la voit comme une intruse dans sa maison et dans son monde créatif en général. D’un autre côté, Titou est toujours à la périphérie des autres qu’il n’arrive pas à rencontrer et à faire entrer dans son monde.
Le personnage est comme prisonnier de son monde créatif fourmillant d’idées et d’envies qui l’empêchent d’aller à la rencontre de l’autre. Son hermétisme fait sa fragilité et explique comment quelques éléments perturbateurs dans son tournage peuvent le conduire à l’explosion. Il apparaît comme la figure caricaturale du jeune artiste (et double du réalisateur ?) qui doit prouver son talent afin de se faire une place et qui lutte pour avoir les moyens de créer et de s’exprimer pleinement.
Sardine de Johanna Caraire
Le grand prix de la jeunesse dans la catégorie française a été décerné à Brest à Sardine, le premier court-métrage de Johanna Caraire fondatrice et organisatrice du FIFIB (Festival du Film Indépendant de Bordeaux). Son court-métrage de 30 minutes est l’aboutissement d’un projet de 4 ans qui débute lorsqu’elle filme ses amies et qu’elle recueille leurs confidences sur leurs problèmes personnels. La réalisatrice ne voulant pas dévoiler ces paroles, qu’elle juge trop intimes, elle passera donc par la fiction pour parler de choses qui touchent ses amies, elle-même, et beaucoup d’autres femmes en somme.
L’histoire de noue autour de la fête de la Sardine qui a lieu tous les ans sur l’ile de Lanzarote. Malgré le nom cocasse, la célébration est importante pour la population locale, et réunit des milliers de personnes à chaque fois. En lien avec la nature, cette fête païenne est un gage de renouveau, elle est l’occasion de célébrer la vie, et pour certaines de la convoquer. C’est ce que fait Eve qui se rend sur l’île en hommage à sa grand-mère avec qui elle aurait dû faire ce voyage avant que celle-ci ne décède. Elle cherche désespérément à tomber enceinte et espère que ce voyage l’aidera. Ses amies la rejoignent par surprise, transformant le voyage initiatique en réunion sororale qui passe par le rire et les rituels sacrés.
Le film débute avec une voix off aux tonalités graves. On rentre dans l’histoire comme dans un conte, une mythologie ancienne qui relie toutes les générations entre elles. On assiste à de très belles scènes de communion entre ces femmes d’une trentaine d’années. Elles s’enlacent, se disputent, confient leur doutes et leurs peurs. On y parle d’inceste, de règles, de fausse couches… d’ »histoires de femmes » en somme. Des sujets que la réalisatrice souhaite porter à l’écran pour parler de son expérience personnelle, notamment aux générations futures. À Brest, elle a raconté être particulièrement touchée du Prix de la jeunesse qui lui a été décerné par un public entièrement féminin. Elle a aussi exprimé dans son discours de remerciements son envie de parler à tout le monde, et de tendre à la généralisation. En témoigne le prénom de son personnage principal : Eve, la première femme dans la tradition judéo-chrétienne, une figure qui porte le message universaliste de la réalisatrice.
Sardine, premier court-métrage de la réalisatrice, est un film assez interessant mais qui passe un peu à coté de son enjeu féministe. La réalisatrice a été inspirée, pour l’histoire, par ses propres considérations sur les règles et la grossesse suite à des complications personnelles qu’elle a vécue. Pourtant la violence qui est évoquée, par le parallèle avec l’éruption volcanique notamment, est restreinte à des sujets déjà considérés comme violents : les règles, la fausse couche, l’infertilité. Il aurait peut être été intéressant d’aborder la violence dont on parle moins, comme la violence psychologique de l’accouchement.
Cela n’empêche pas le film d’être intéressant dans son sujet et agréable dans sa forme (avec un bon jeu des couleurs notamment), et de nous engager à saluer ce premier travail fait dans des conditions peu optimales (Covid). Il n’en demeure pas moins que dans la chaleur de l’été, le voyage initiatique qui se fait sur cette île-caillou, très brute, nous plonge dans une experience onirique qui ne manque pas d’intérêt.
Donovan s’évade de Lucie Plumet
Notre coup de cœur de ce festival est Donovan s’évade, le nouveau court de Lucie Plumet, venue le présenter à Brest trois ans après y avoir été primée pour La jeune fille et ses tocs. La réalisatrice, diplômée de l’INSAS et de la Fémis, présente un troisième court -métrage qui rend compte de son ambition d’aller vers la forme longue. En effet, on sent une certaine lenteur dans la narration, la réalisatrice prend le parti d’étirer le temps de son court métrage (qui est d’une trentaine de minutes) pour développer l’histoire.
L’histoire est celle de Damian (interprété par Yoann Zimmer), un ancien policier reconverti en garde du corps. Il est engagé pour protéger la femme d’un ministre qui séjourne dans sa maison de vacances avec des amis. Comme le titre l’indique, Damian cherche à s’évader : de son ancien travail, de sa classe sociale et plus simplement de l’urbanité grisonnante de la banlieue parisienne. Le cadre de l’histoire prend racine dans la tradition du film de vacances, les personnages sont d’un milieu bourgeois, ils « se la coulent douce » dans l’indolence de l’été, et le monde autour ne semble plus exister.
Lucie Plumet reprend le principe de « la bulle » des vacances, hors du temps et hors du monde, dans laquelle le personnage se réfugie jusqu’à ce que son passé le rattrape sous la forme d’une émeute qui fait irruption dans le lieu de son refuge.
Les mouvements de caméra qui sont fluides nous laissent suivre la déambulation des personnages dans l’espace, cela nous plonge dans un monde en trois dimensions très réaliste dans lequel on regarde s’agiter les personnages comme dans un aquarium. La « bulle » est alors clairement un idéal de vie bourgeois, sans préoccupations matérielles, qui prend forme dans un lieu géographique : la maison de campagne.
On remarque que la variation des plans permet un traitement différent des personnages. Par exemple, le groupe d’amis entièrement caractérisé par leur vie bourgeoise est toujours filmé à une certaine distance, comme un monde qu’on observe et que l’on atteint jamais vraiment. Tandis que Damian est le plus souvent filmé en plan rapproché, un moyen de nous faire entrer dans son intériorité. Les yeux de Damian deviennent les nôtres et nous nous retrouvons à vouloir entrer dans cette bulle où les soucis sont effacés, où l’amitié commence avec un simple verre de champagne, où l’on peut se réinventer et raconter un passé lourd qui n’existe pas pour entrer dans le jeu des apparences.
La dimension sociale et politique du film est intéressante. L’histoire fait référence à la lutte sociale, au cloisonnement des classes, aux violences policières et à la responsabilité du groupe qui détient un pouvoir (politique, économique, ou armé). Damian n’est pas de la classe supérieure qui a le pouvoir économique et politique, mais n’est pas non plus du côté du peuple désarmé qui se révolte et auquel il s’oppose. Quand une manifestation populaire fait irruption dans le jardin de la maison de campagne, il se situe au milieu des deux camps. Si Damian ne parvient pas à s’évader de sa condition, c’est bien car il en est fatalement coincé entre un milieu qu’il voudrait atteindre et un autre dont il voudrait s’échapper mais auquel il appartient fatalement. Le tragique de cette histoire réside dans le risque que prend le personnage, celui de n’avoir sa place nulle part à force d’être dans l’entre-deux.
Le double DVD des Films du Jeudi, édité par Doriane Films, est sorti récemment. Il propose à travers de multiples courts-métrages un véritable voyage dans les années 60. Format Court vous propose d’en remporter 3 exemplaires, via notre notre nouveau jeu-concours.
La bande des Jeunes Turcs, pour reprendre l’expression donnée aux critiques des Cahiers du cinéma, est ici représentée grâce à des courts-métrages multiples et divers. On y note la prédominance d’une obsession : filmer l’époque contemporaine, à savoir les années 60.
Cette obsession apparaît tant dans les courts-métrages de fiction que dans les courts-métrages documentaires. Ainsi en est-il du film de Resnais Le chant du styrène, qui va de pair avec Les Surmenés de Jacques Douniol-Valcroze ou de À la mémoire du rock de François Reichenbach. Il s’agit dans ces trois films d’interroger la modernité, l’importance qu’elle accorde à la technique et ses conséquences sur la jeunesse.
« À la mémoire du rock »
Les films de Jean Rouch se distinguent des autres par la précision de son œil de cinéaste documentariste quand il filme La goumbé des jeunes noceurs ou Les Veuves de 15 ans. Si le premier fait une large place à l’œil d’un cinéaste ethnographe qui cherche à rendre compte d’une réalité africaine peu connue en Europe, le second s’intéresse aux jeunes filles de la deuxième moitié du vingtième siècle, de leur légèreté apparente et de leurs désillusions.
La désillusion apparaît également dans l’ambigu Janine de Maurice Pialat. Ce court-métrage de fiction, en présentant un homme dont le divorce est à l’origine d’une misogynie viscérale, retrace les difficultés, pour les hommes d’aujourd’hui, de vivre avec des femmes libres et indépendantes.
D’autres courts-métrages de fiction présentent des jeunes femmes recherchant la liberté avec avidité. C’est le cas de Tous les garçons s’appellent Patrick de Godard, auquel répond Charlotte et son Jules, qui apparaît comme la suite du premier de ces deux courts. L’avatar botanique de Mademoiselle Flora, de Jeanne Barbillon, est absolument à découvrir, puisqu’il nous fait vivre avec la magnifique Bernadette Lafont l’ennui que ressent une jeune femme dans une vie étriquée et son besoin irrépressible de liberté.
Mais la modernité dont il est question ici n’est pas la seule modernité amoureuse : il s’agit également d’une modernité politique, qui apparaît notamment dans La Sixième face du Pentagone, co-réalisé par Chris Marker et François Reichenbach en 1968. Ce film nous invite à découvrir les manifestations d’opposants à la guerre du Vietnam.
Quelques films toutefois semblent vouloir inscrire cette même modernité dans un temps plus long. C’est le cas du Petit café de François Reichenbach (1963), qui filme le quotidien d’un café du Nord de la France suspendu hors du temps. À côté de son Chant du styrène, Alain Resnais a réalisé en 1956 Toute la mémoire du monde, qui délaisse l’industrie du premier de ces deux courts-métrages pour une institution pour le moins vénérable : la Bibliothèque nationale de France. Il nous y décrit longuement sa naissance, mais aussi son évolution permanente et la façon dont elle enregistre tout ce qui est publié sur le territoire. Une balade auprès des témoins de la mémoire historique apparaît également dans le Ô saison ô château d’Agnès Varda, réalisé en 1958, qui nous fait revivre les vestiges des siècles passés.
Ce lien entre la mémoire et le contemporain est également présent dans les deux courts-métrages documentaires d’Alain Resnais réalisés à la suite, en 1948 et en 1949, Van Gogh et Guernica. Dans ces deux films relativement précoces au vu de ce que sera la Nouvelle Vague, il annonce véritablement le genre du documentaire contemporain.
« Van Gogh »
Le petit coffret constitué de deux DVD est enrichi d’un livret présentant le personnage de Pierre Braunberger, qui produisit l’ensemble des courts-métrages réunis ici. L’ensemble rend hommage à ce producteur visionnaire, qui sut voir en de jeunes gens a priori banals de futurs grands réalisateurs.
À Format Court, on avait eu un gros faible il y a 6 ans pour Chasse royale, le premier court-métrage de Lise Akoka et Romane Gueret qui avait fait ses débuts à la Quinzaine des Réalisateurs (et qui y avait même remporté le prix Illy du court). Dans la foulée de Cannes, nous avions diffusé le film en salles et interviewé les deux réalisatrices. Quelques temps plus tard, les deux jeunes femmes signaient – toujours à deux – une « websérie de fiction qui respire le réel, » Tu préfères, diffusé sur Arte. Et puis, elles ont imaginé Les Pires, Grand Prix à Un certain regard (Cannes, 2022) et Valois de Diamant à Angoulême. Le film sort en salles ce mercredi 7 décembre 2022 chez Pyramides.
Produit par Marine Alaric et Frédéric Jouve, des Films Velvet, il cultive quelques points avec le court-métrage (visible en ligne) : le goût pour le casting sauvage, les allers-retours entre vie réelle et fantasmes propres au cinéma, l’énergie du plateau et les comédiens non professionnels (citons juste Mallory Wanecque qui joue le personnage de Lily et dont c’est la première fois au cinéma, retenue dans la liste des Révélations des César 2023). À l’occasion de la sortie du film, on a réuni Romane Gueret, Lise Akoka et leur productrice, Marine Alaric, pour parler de films, de méthodologie, de confiance, de sauts dans le vide et de résistance.
Format Court : Dans l’interview faite il y a six ans sur Format Court au moment du début de carrière de votre court-métrage, Chasse Royale, vous disiez : « C’est un premier film et on a peur de rien ». Comment vous resituez-vous par rapport à cette époque ? Vous n’aviez pas d’aides, vous n’aviez pas eu le CNC, pas de régions pour ce film.
Romane Gueret : J’y repense souvent (et je relis souvent notre entretien). C’est vrai qu’on avait pas peur : on était tête baissée dans notre projet et on se disait que rien ne nous arrêterait. Il y avait une envie d’y aller assez forte et j’ai l’impression qu’on a fait Les Pires de la même façon. Ça n’a pas trop changé mis à part le fait qu’on a eu des aides, que c’est un long-métrage, que tu ne peux pas faire ce film à dix mais effectivement, il y avait toujours cette envie de faire du casting sauvage, d’aller à la rencontre de jeunes et d’être bouleversées par cette rencontre. Il y avait toujours cette envie de questionner nos méthodes qui, sur Chasse Royale, étaient nos méthodes de directrices de casting associées cette fois à la mise en scène. Il y a donc un effet de prolongement cohérent sur ce projet tout en devenant plus expérimentées.
Lise Akoka : En tout cas, on crée toujours dans la même urgence avec des épisodes assez mouvementés.
Quand on est dans le court-métrage, on réfléchit par rapport aux délais, aux aides, aux commissions : est-ce qu’on attend ou est-ce qu’on y va ? Vous, vous y êtes allées. Là, sur le long, c’était autre chose, il y avait d’autres paramètres à prendre en compte…
L.A : Je ne pensais pas tant à l’écriture mais surtout à l’après : le casting, la préparation du tournage. Ce n’était pas la même urgence mais plutôt le même état de vulnérabilité. L’urgence, que ce soit pour Chasse Royale comme pour Les Pires, le temps dont on disposait, était réduit par rapport à l’ambition qu’on avait. C’était la course tout le temps, on avait l’impression de ne jamais pouvoir reprendre notre souffle. C’était très éprouvant pour nous, mais je pense que cela participe à l’énergie et à la vitalité qu’il y a dans le film. Après, cet état de vulnérabilité, il est dû au fait qu’on est toujours habité par le doute, par la peur…
R.G : On se met aussi dans des situations pas évidentes : travailler avec des enfants, avec ce casting qu’on a choisi parce qu’on l’aime mais qui nous met dans des difficultés. On est sans cesse en train de se dire qu’on ne va pas s’en sortir mais c’est aussi parce qu’on l’a choisi.
L.A : Donc, on ne lâche pas ! C’est assez ambivalent finalement. On acquiert de l’expérience et il y a des choses que l’on apprend et que l’on ne reproduit pas ou alors que l’on fait différemment. On devient fortes de chaque expérience qui s’additionne et en même temps c’est comme si à chaque fois, c’était un saut dans le vide qui allait nous fragiliser.
Marine, toi qui les as accompagnées depuis Chasse Royale avec Les Films Velvet, comment est-ce que tu as abordé ces difficultés ? C’était un premier film produit pour toi également.
Marine Alaric : Le film est la continuité de notre collaboration. Après, on ne l’a pas fabriqué de la même façon que le court, et on n’aurait pas pu, on a fait le court à 10, avec très très peu de moyens (rires) ! On a eu certes beaucoup de challenges sur Les Pires, on avait beaucoup d’enfants non professionnels, une scène de pigeons, de concert, le Covid etc, mais c’est le jeu (et probablement comme sur tout film, surtout un premier film d’auteur). Et puis je l’ai produit au sein de Velvet avec Frédéric Jouve et on a quand même eu la chance aussi d’avoir le soutien de beaucoup de partenaires financiers.
D’où vient ce titre : « À pisser contre le vent du Nord » (titre du film dans lequel jouent les personnages dans Les Pires – NDLR) ?
L.A : D’une expression ch’ti : « A pisser contre le vent du nord ou à discuter contre tes chefs, tu auras toujours tort ! ». En fait, on avait envie d’appeler notre film comme ça et on s’est fait refouler sec par les producteurs et tout le monde autour (rires) !On avait envie que le film de Gabriel (personnage du réalisateur dans Les Pires, joué par Johan Heldenbergh – NDLR) et le nôtre aient le même titre parce que c’était un moyen de s’inclure dans la critique et cela voulait surtout dire que l’on ne pointait pas du doigt un cinéma dont on prétendait ne faire absolument pas partie. Ca nous faisait rire de le garder dans le film en clin d’œil aux titres un peu ampoulés et à rallonge qu’on retrouve souvent dans le cinéma intellectuel français. Et le proverbe en lui-même avait du sens pour nous dans ce qu’il racontait des gens du Nord, cette idée de force, de résistance.
Qu’est-ce qui a motivé l’envie (déjà présente dans Chasse Royale) de faire un film qui parle de cinéma ?
R.G : On aime d’abord et avant tout parler de choses qu’on connaît. En devenant réalisatrices avec Chasse Royale, on a été confrontées à beaucoup plus de questions ; tandis que par le passé, nos rôles se cantonnaient à ceux de directrice de casting et de technicienne du cinéma. C’était une façon de raconter quelque chose qui nous appartient aujourd’hui et cette rencontre avec les enfants a été si forte qu’on n’avait pas fini de la raconter avec Chasse Royale.
L.A : C’est un film qui est, d’une certaine façon, non seulement une déclaration d’amour au cinéma mais aussi au jeu d’acteur. On pose à la fois un regard critique sur ces méthodes : entraîner dans le tournage d’un film un enfant qui n’a jamais fait de cinéma et les conséquences que cela aura sur sa vie. Plus que de cinéma, il parle du jeu d’acteur dans le sens où il traite ce que c’est de devenir un artiste et à quel point les artistes sont partout. Même chez un enfant issu d’un milieu populaire, il y a cette chose assez mystérieuse où certains se révèlent. Ils trouvent, par la voie du jeu, une forme de catharsis, une possibilité d’ouvrir des portes émotionnelles qui sont longtemps restées fermées. Je crois qu’on avait surtout envie de parler de ça : qu’est-ce que le métier d’acteur et quels leviers sont en jeu pour le devenir ?
Pour toi, Marine, est-ce que cela te semblait pertinent et nécessaire de produire un film qui traite du jeu d’acteur ?
M.A : J’espère que c’est pertinent ! Croire en le film que tu produis c’est indispensable. Après, au-delà du jeu d’acteur, le film parle pour moi de quelque chose de plus large, d’une rencontre, du parcours de ces gamins, de ce que peut-être le cinéma etc. Je trouvais cela très important, et c’est aussi la force du travail du Lise et Romane, de partir de quelque chose de très concret, de vécu, de récits de vie. Cette véracité, elle garantit quelque chose de tellement sincère dans le film.
L.A : Mais c’est vrai qu’au départ, c’était une crainte que vous aviez (Marine Alaric et Frédéric Jouve – NDLR). Vous nous disiez : « Un premier film sur le cinéma, sur la fabrication d’un film, c’est casse-gueule. Est-ce que vous avez l’expérience suffisante et est-ce que vous êtes assez légitimes pour parler de ça ? »
R.G : On avait peur en effet que cela traduise un manque d’humilité ou un sentiment d’entre-soi. La question étant : est-ce que c’est vraiment intéressant de parler d’un tournage ? C’était aussi à nous, dans notre écriture, de leur montrer un dépassement du cadre du tournage. On se met à toucher à quelque chose d’universel. On finit par croiser des fils narratifs qui parlent d’autres choses et qui sont des sujets qui atteignent tout le monde : la famille, l’amitié, l’amour…
L.A : C’était aussi le challenge de l’écriture : rester sur un fil qui ne serait pas manichéen et qui en aucun cas ne basculerait dans le jugement. C’est là qu’on peut raconter quelque chose de plus large.
Entre Chasse Royale et Les Pires, vous avez réalisé une web-série : Tu préfères. Est-ce que vous avez le sentiment d’avoir appris quelque chose en passant par ce format-là entre temps ?
L.A : Tout à fait, chaque projet a nourri l’autre. Depuis Chasse Royale, nous sommes dans un processus de recherche sur la direction d’acteur avec des enfants ou des ados qui n’ont jamais joué. On a affiné notre méthode de travail qui va de l’écriture jusqu’au résultat final, tout en développant aussi nos singularités là-dedans. Notamment, commencer l’écriture en rencontrant plein d’enfants ou alors écrire pour des enfants qu’on connaissait déjà. C’était justement la rencontre avec ces enfants-là qui nous a donné la force de faire cette série dans l’écriture et la façon dont on se nourrit du réel, dont on échange avec eux et dont ils prennent part indirectement à l’écriture. Ca se ressent aussi dans la manière dont on fabrique nos scénarios, Tu préfères n’était pas un scénario précis et dialogué de bout en bout. C’était à la fois beaucoup plus long et plus brouillon qu’un scénario. Il y avait des scènes qu’on essayait de déployer à travers plusieurs situations qui avaient été faites en improvisation avec les comédiens.
R.G : C’était aussi très cadré, on avait peu de temps. C’était un projet à tiroirs, on avait une séquence de base et dans les dialogues, on avait plein de possibilités. Il y a de l’improvisation sur ce projet mais pas tant, il fallait que ça corresponde à un endroit, qu’il y ait un lien au montage.
L.A : Toute la relation avec notre équipe s’est affinée aussi, entre les gens avec qui on a continué de travailler et ceux qu’on a intégrés par la suite. Tu apprends à parler le même langage, à développer une grammaire commune.
R.G : Pour nous deux également. J’ai l’impression que c’est là que nous avons développé ensemble une vraie méthodologie. C’est une machine qu’on a huilée où maintenant un geste et un mot suffisent et nous permettent de gagner du temps.
Avec Marine, est-ce que vous travailliez déjà sur le long-métrage à ce moment-là ?
M.A : Oui, car l’idée des Pires est née juste après Chasse Royale, en 2016. Mais il fallait en tisser la trame, écrire le scénario, en trouver ses personnages etc. Lise et Romane nourrissent de plus leur écriture de rencontres, de période d’immersion, etc. Bref, il faut parfois que cette matière repose, il y a des moments de réflexion, mais également des moments d’attente entre les financements, les dépôts d’aides et cela offre des fenêtres pour créer et ne pas s’épuiser et continuer à garder un esprit de créativité. Lise et Romane ont nourri leur écriture et leur relation au plateau de leurs tournages durant ces années-là.
R.G : L’écriture, je l’ai vraiment vécue comme quelque chose de difficile, de douloureux, de réflexif. J’ai senti à un moment que j’avais envie de tourner, quoi ! Cela nous a fait beaucoup de bien de remettre un pied sur le plateau avec Lise lors de Tu Préfères.
On a beaucoup parlé des comédiens non professionnels mais il y aussi des acteurs professionnels (Johan Heldenbergh, François Creton) dans Les Pires. Est-ce que cela a été un nouveau défi pour vous de vous confronter à des comédiens confirmés ?
R.G : Pour le rôle de Gabriel, il y a eu une espèce d’évidence avec Johan parce qu’il a tout de suite capté que les rôles principaux, ce seraient les enfants et c’est ce qu’il a adoré dans le scénario. Il a apporté quelque chose de très doux et bienveillant, il s’intéressait à eux et tout semblait très simple.
L.A : Je suis d’accord, il y a des choses qui étaient simples dans la mesure où c’étaient des adultes qui étaient au rendez-vous et qui connaissaient leur texte mais je trouve aussi que chez des comédiens professionnels, il peut y avoir une résistance, comme un manque de malléabilité, pas contre nous, ni contre le film mais c’est parfois la façon d’être perméable à une indication. Il y a une conscience de ce qu’ils font et de ce qu’ils renvoient. Il y a une malléabilité plus forte chez un enfant qui n’a jamais joué.
On avait évoqué la photographe Nan Goldin dans notre précédente interview. Avec les années, quelles seraient les influences ou plutôt quelles seraient les sources d’inspirations dans lesquelles vous puisez pour à la fois créer votre scénario, nourrir votre cinéma et faire un film ensemble ?
R.G : Lorsqu’on s’attaque à un sujet, on se documente, on regarde des films et il y en a qui nous marquent plus que d’autre. The Florida Project (long-métrage de Sean Baker – NDLR) par exemple est un film qui m’a beaucoup marqué. On a eu un coup de foudre aussi pour une photographe, Alessandra Sanguinetti, qui travaille aussi avec des enfants et suscite beaucoup de questionnements chez nous notamment sur l’esthétisation de la misère»).
L.A : Beaucoup de films ou de photographes nous ont influencés mais j’ai l’impression que par rapport à beaucoup d’autres cinéastes, on n’est pas très cinéphiles. Si on aime un cinéaste, on n’a vu que deux ou trois films de lui et pas nécessairement toute sa filmographie. Ce qui fait qu’on se retrouve avec des lacunes sur le cinéma d’époque mais je pense que, d’une certaine façon, il y a un endroit où c’est aussi une richesse. Ainsi, on n’est pas paralysées par des références permanentes qui nous mettent en position de reproduire des choses qu’on a déjà vues. Je pense donc qu’on reproduit quantité de choses qu’on a vu dans la vie, plutôt que dans des œuvres.
Est-ce que vous gardez un intérêt pour le court-métrage ?
L.A : Oui, bien sûr ! On en voit régulièrement, et un court-métrage peut autant créer chez nous de l’inspiration et nourrir nos recherches qu’un long. Dernièrement, par exemple, on a été bluffées par le Roi David de Lila Pinell.
Marine, tu continues également à en produire ?
M.A : Oui, l’idée est de continuer à produire du court ponctuellement, en parallèle du long, mais du court comme une rencontre avec des réalisateur·rices pour ensuite passer au long ensemble. Le court devient alors comme une première rencontre, comme avec Lise et Romane.
Format Court a rencontré pendant le Red Sea International Film Festival, dont la deuxième édition a lieu en ce moment à Djeddah en Arabie Saoudite, la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania. Son dernier film, L’homme qui a vendu sa peau, est le premier film tunisien nominé pour l’Oscar du meilleur film international. En 2017, elle sortait son film La Belle et la meute qui explorait les rapports de violence dans le genre à Tunis. Le film était sélectionné dans la catégorie Un certain regard à Cannes. Présidente du Jury à la Semaine de la Critique 2022, Kaouther Ben Hania continue de réaliser des courts-métrages, entre deux projets de longs-métrages. Au Red Sea, elle est la marraine des Talent Days et membre du jury des longs-métrages en compétition. Elle nous parle de la création dans le monde arable aujourd’hui.
Format Court : Comment percevez-vous les films des jeunes talents arabes représentés au festival ?
Kaouther Ben Hania : Aujourd’hui, ce n’est pas comme au XXème siècle où le cinéma était le roi de l’attention. C’était l’art par excellence, et tout le monde s’y intéressait. Au XXIème siècle, il y a une grande compétition pour capter l’attention des gens. Il y a le cinéma, les télévisions, les plateformes, les réseaux sociaux, YouTube, etc. La sollicitation de l’attention des spectateurs est devenue très difficile. C’est pourquoi les nouveaux talents ont une tache encore plus difficile. Malgré tout, ils doivent raconter de très bonnes histoires pour récupérer ces spectateurs qui s’intéressent à TikTok ou autres. Même la forme, même la manière d’approcher le cinéma et l’écriture, a changé. La tâche est encore plus dure pour les nouveaux talents.
Les jeunes réalisateurs saoudiens ont beaucoup appris via internet, en voyant des courts-métrages, en se servant de YouTube, en imitant, parce qu’il n’y avait pas forcément de formation, de professeurs, de films conseillés. Quels sont les conseils que vous pouvez donner aux réalisateurs qui veulent faire des courts ?
K. B. H : Faites un film ! Aujourd’hui, c’est possible de réaliser un film avec très peu de moyens. Les moyens sont disponibles. Ce métier on ne l’apprend jamais théoriquement. C’est en faisant des erreurs, en restant humble, auto-critique qu’on apprend. Ecouter les critiques, ne pas les jeter, ne pas être dans l’arrogance et le nombrilisme. Et faire. Je pense que la seule manière d’apprendre, c’est de faire, et d’être sur tout le processus, de l’écriture jusqu’au montage.
Qu’avez-vous le sentiment d’avoir appris sur vos derniers films ?
K. B. H : J’apprends tout le temps. Je fais ce métier parce que ça me permet d’apprendre. Chaque film est une nouvelle aventure, un nouveau territoire que j’explore. Je fais des recherches, je compose, je collabore avec des nouvelles personnes. C’est un processus d’apprentissage à vie. Quand j’étais étudiante, j’adorais ça et je me disais que je voulais en faire un métier. Etudier le temps via la réalisation, c’est un métier qui me permet ça.
Comment considérez-vous le court-métrage aujourd’hui ?
K. B. H : J’en fais toujours. Les gens pensent que quand on fait un long-métrage, on arrête mais je continue. J’ai fait un court-métrage en 2019, après mon long La Belle et la meute, qui s’appelle Les Pastèques du Cheikh. J’ai fait un court-métrage, dans un autre cadre « Women in films » pour la marque Miu Miu qui donne chaque année une carte blanche à une réalisatrice pour faire un court-métrage, qui s’appelle I’m the stupid boy. Et j’ai fait un court l’année dernière qui fait partie d’une collection sur Netflix : Love, life and in between. Plusieurs réalisateurs arabes ont réalisé un segment sur la Saint-Valentin dans leurs pays respectifs. Il y a des histoires qui sont courtes et je ne vais pas les rallonger.
Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur la situation des films en Tunisie ?
K. B. H : C’est compliqué, comme avant. Il n’y a pas beaucoup d’argent. La seule chose qui a changé c’est qu’il n’y a plus de censure. Avant, sous la dictature, il y avait une censure. La révolution nous a permis de respirer, de parler de tout ce qu’on veut. Ça, c’est formidable. Mais en termes de soutien, de moyens, ce n’est pas génial. On ne donne pas les moyens aux réalisateurs de raconter les histoires qu’ils veulent faire.
Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Agathe Arnaud
Six ans après Chasse royale, leur premier court-métrage sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs, Lise Akoka et Romane Gueret reviennent à Cannes avec leur premier long-métrage, Les Pires, lauréat du Grand Prix dans la section Un Certain Regard 2022. Le film sort ce mercredi 7 décembre 2022.
On avait beaucoup, beaucoup aimé leur court-métrage, découvert à Cannes 2016. Ce qui nous avait plu ? L’effet du film coup de poing, l’énergie de la réalisation faite à deux, le scénario et les comédiens non professionnels jouant dans le film. Les deux réalisatrices avaient également signé une web-série, Tu préfères, pour Arte, avec en tête encore l’idée de filmer la jeunesse, leurs mots, leurs doutes.
Dans Chasse royale, qui s’était retrouvé en lice aux César, deux jeunes, Angélique et son jeune frère Eddy, étaient confrontés à l’arrivée d’une équipe de cinéma dans leur bahut à Valenciennes. Leurs fantasmes par rapport aux nouveaux venus, leurs relations avec leurs proches et moins proches, curieux et jaloux de leur nouveau statut, leurs gros plans et grandes gueules, leur vie d’après nous avaient marqués et touchés.
Beaucoup d’éléments se retrouvent dans Les Pires co-réalisé à nouveau par Lise Akoka et Romane Guéret et produit également par Les Films Velvet. Une équipe de cinéma se rend à la Cité Picasso à Boulogne-Sur-Mer, dans le nord de la France. Elle fait passer des bouts d’essai à des jeunes : Lily, Ryan, Maylis et Jessy. Chacun a une histoire, un vécu, des cicatrices. Eux, dans le quartier, ce sont les « pires » pour faire des films.
Face à ces 4 jeunes, il y a donc cette équipe de cinéma venue tourner un premier long : « Pisser contre le vent du nord ». Il y a Gabriel, le « Belge », le réalisateur, touchant et impulsif (interprété par Johan Heldenbergh qu’on aimait tellement dans Alabama Monroe et La Merditude des choses de Felix Van Groeningen), une assistante, un preneur de son, un chef op, … Toutes des nouvelles têtes, des nouveaux corps, objets de projections en tout genre.
Sur ce tournage, des amitiés, des flirts, des liens se créent. C’est un peu comme au festival de Cannes : le cinéma, ça fait rêver et jaser. Seulement, la réalité n’est pas toujours facile. Il y a des manipulations, les étiquettes (« quand tu es une pute, tu es une pute »), des jeunes en souffrance (Ryan qui ne pleure jamais, Lily qui a perdu son petit frère Kenzo il y a un an).
Dans Les Pires, on retrouve Angélique Gernez, la comédienne de Chasse royale qui a bien grandi et qui est devenue une femme. Le jeune garçon qui jouait Eddi a été remplacé par un nouveau petit gars : Ryan joué par Timéo Mahaut dont il s’agit aussi d’une première apparition au cinéma. En ouverture, avant le générique, son visage, ses cicatrices, ses « J’aime pas ça, les films » font mouche. Il est l’un des pires, aux côtés des autres jeunes qui vont tout le long du film être dirigés, secoués, manipulés.
Comme dans le court, on aime les scènes de groupe, la jeunesse filmée avec ses repères (Tik Tok, provoc’, débloque), la réalité crue des quartiers plus durs où les stars se font rare, la présence des comédiens non professionnels qui se frottent aux fameux « pros » (Johan Heldenbergh mais aussi François Créton, petit rôle, vu dans Les Héroïques de Maxime Roy), les moments musicaux (on passe de Gims dans le court à Rémy dans le long). Les Pires nous branche pour son goût pour le casting sauvage, ses joutes verbales, son travail autour des émotions (c’est quoi finalement, le coeur qui bat à la chamade ?), la beauté de son image et son plan final centré sur Ryan-Timéo qui personnalise l’affiche du film.
Pour ceux – critiques et spectateurs – qui découvrent pour la première fois le travail des deux réalisatrices, il est évident que ces trouvailles peuvent séduire car finalement, les « pires » sont touchants et peuvent se révéler être « les meilleurs » quand on gratte le vernis des apparences et dépasse les mots crus et les mécanismes de défense.
Les 4 jeunes filmés ont des histoires, des fêlures, des vies difficiles. Le long-métrage permet de prendre le temps – parfois un peu trop – de raconter leurs histoires (de fiction). On retient à la sortie du film le regard de la comédienne jouant Maylis qui scrute et sent les différences et qui refuse cette vie de rêves et de désillusions pour retrouver sa liberté et son destin. En attendant la sortie du long-métrage chez Pyramide et la suite des projets des deux réalisatrices, on vous invite – une fois n’est pas coutume – de voir et revoir leur court qui n’a pas vieilli pour un petit sou et qui a tellement de points communs avec le long.
Après s’être intéressé aux courts de fiction et d’animation en lice aux César 2023, Format Court vous invite à son nouvel After Short dédié au cinéma documentaire, le mercredi 14 décembre prochain à l’ESRA. Cette soirée, débutant à 19h, aura lieu en présence de nombreuses équipes en sélection officielle aux prochains César du court.
Comme d’habitude, ces soirées de Q&A, animées par les membres de Format Court, sont accessibles aux étudiants de l’ESRA comme au grand public. Pour rappel, il n’y aura pas de projection de films au cours de la soirée (mais vous pouvez bénéficier des liens des courts en réservant votre place en amont).
Vous voulez en apprendre davantage sur les parcours d’auteurs et producteur.trice.s qui bâtissent le cinéma d’aujourd’hui et de demain, découvrir leurs films, échanger avec elles et eux sur leurs œuvres, leurs choix artistiques, leurs expériences et le déroulement de leur travail, comprendre le fonctionnement de l’Académie des César et pourquoi pas poursuivre les discussions autour d’un verre ?
RDV le 14 décembre à l’amphithéâtre Jean Renoir : 37 quai de Grenelle 75015 Paris
Tarif étudiants ESRA : gratuit (réservations : communication@esra.edu).
Tarif grand public : 5€ (uniquement via ce lien, dans la limite des 70 places disponibles)
Liste des participants :
– Kenza Manach, responsable du Département courts métrages et du Pôle éducation à l’Académie des César
– Ismaël Joffroy Chantoudis, réalisateur de Maalbeek, César du meilleur court-métrage documentaire 2022
– Adrien Genoudet, réalisateur, et Jordane Oudin, producteur (Hippocampe Productions) de Aucun signal
– Katia Usova, chargée de production (GREC) de Palermo sole nero, réalisé par Joséphine Jouannais
– Jonathan Rubin, producteur (We Film) de Lèv La tèt dann fénwar, réalisé par Érika Étangsalé
– Alice Lenay, réalisatrice, et Lisa Merleau, productrice (LLUM) de Dear hacker
– Antoine Chapon, réalisateur et producteur de My Own Landscapes
– Yohan Guignard, réalisateur, et Maud Deschambres, productrice (L’Endroit) de Random patrol
– Helen Olive, productrice (5à7 Films) de Maria Schneider, 1983, réalisé par Elisabeth Subrin
– Audrey Jean-Baptiste, réalisatrice de Écoutez le battement de nos images, coréalisé avec Maxime Jean-Baptiste