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Appel à projets / La Scénaristerie

Partenaire du Festival Format Court, La Scénaristerie, association créée en 2015, lance une nouvelle résidence : Le Labo Court-Métrage qui s’intéresse de près à la relation scénariste/réalisateur.rice.

L’appel à projet est destiné aux scénaristes porteur.euse.s de deux projets de courts-métrages qu’il.elle.s ne souhaitent pas réaliser eux.elles-même.

La première semaine de résidence aura lieu du 11 au 15 décembre 2023 à la Maison des Auteurs de la SACD à Paris.

Suite à cette première session, sera lancé, fin janvier 2023, un appel à réalisateur.rice.s cherchant à collaborer avec des scénaristes. Les réalisateur.ices devront être à l’aise avec l’idée de travailler sur un projet qu’il.elle.s n’ont pas initié.

Pour candidater, il vous suffit d’envoyer les pitchs de vos projets jusqu’au 24 septembre minuit à courtmetragelelabo@gmail.com. Les scénaristes sélectionné.e.s seront prévenu.e.s par mail le 8 octobre.

En janvier 2024, à la manière d’un speed dating, 4 binômes de scénaristes/réalisateur.rice.s seront formés, avec chacun un projet sur lequel travailler.

La 2ème semaine de résidence aura lieu en mars 2024 afin d’aboutir à une version dialoguée des courts-métrages.

Enfin, la présentation des projets de et des duos scénaristes/réalisateur.rice.s devant des producteur.rice.s, aura lieu à l’occasion du prochain Festival Format Court en avril 2024 au Studio des Ursulines (Paris, 5).

Plus d’infos : https://www.scenaristerie.com/s-projects-basic

Les courts de Venise, entre animation et questions de société

À Venise, la Biennale bat son plein jusqu’à ce samedi 9 septembre. Au programme de la section cinéma, la compétition, bien sûr, les classiques, aussi, mais surtout ses Orizzonti (« Horizons ») qui présente, à côté de dix-huit longs-métrages, treize courts-métrages.

Place aux questions de société

La sélection 2023 accorde une place importante aux questions de société. Area Boy, par exemple, du réalisateur britannique Iggy London, présente un personnage d’adolescent en proie au doute. Avec sa très belle scène de baptême par submersion complète, ce film aborde les questions de dysphorie de genre et des relations adolescentes, mais aussi la place du religieux. Le poids des injonctions faites aux femmes et des narcotrafiquants dans la Colombie des années 1990 apparaissent pour leur part dans Bogotá Story, du réalisateur colombien Esteban Pedraza.

La situation des immigrés traverse également de nombreux films. A côté de Sentimental Stories, de la réalisatrice roumaine Xandra Popescu, sur les conditions de vie de travailleuses immigrées en Allemagne, A Short Trip, du réalisateur albanais Erenik Beqiri, nous présente un couple albanais dont la femme est prête à contracter un mariage blanc pour pouvoir rester en France. La misère du couple comme des aspirants au mariage, prêts à épouser une inconnue pour quelques euros, est au cœur de l’écriture du film.

Le poids du regard des hommes sur le corps des femmes apparaît en filigrane dans Sea Salt, de Leila Basma, également parcouru par la question migrante : Nayla, une adolescente de dix-sept ans, subit les remarques de son frère, qui trouve son short trop court. A travers cette relation fraternelle difficile, le film nous montre l’attirance paradoxale du lointain sur la jeunesse libanaise. La jeune fille est en effet confrontée à un dilemme : suivre son frère au Canada, où la vie est sans doute moins compliquée qu’au Liban, ou rester à Beyrouth près de ses amis et, surtout, de son amoureux secret, et échapper ainsi à ce frère pour le moins envahissant.

C’est toutefois Cross My Heart and Hope to Die, de la réalisatrice philippine Sam Manacsa, qui retient l’attention parmi tous ces films de société. Sa peinture de la vie humble et répétitive de Mila, une modeste employée de bureau, doit beaucoup à son travail de l’espace et de la profondeur de champ. Les murs et les plafonds étouffants, la création de lieux hermétiquement clos et le travail de la lumière reproduisent une atmosphère asphyxiante qui extrait le court-métrage du seul film à sujet pour l’orienter vers quelque chose de beaucoup plus singulier.

Un coup de projecteur sur l’animation

Film politique et film d’animation tout à la fois, The Meatseller, de la réalisatrice italienne Margherita Giusti, nous fait suivre le parcours vers l’Europe d’une jeune Nigériane, Selinna, qui rêve de devenir bouchère. Un parcours chaotique, difficile et semé d’obstacles, retransmis par la simplicité d’un dessin qui joue de l’opposition du rouge de la viande au noir et blanc des contrées traversées.

Le beau In the Shadow of the Cypress, des réalisateurs iraniens Hossein Molayemi et Shirin Sohani, nous embarque dans un univers moins déterminé, fait de pêche au cachalot, de nostalgie et de mélancolie. Les couleurs pastel du début cèdent la place à des couleurs plus franches, qui parviennent à créer un univers étrange et paradoxal, conjointement inquiétant et rassurant.

Un peu d’humour, peut-être, avec Wanted to wonder, de la réalisatrice néerlandaise Nina Gantz, parodie des shows TV pour enfants. Des marionnettes, filmées en stop-motion, répondent avec un enthousiasme un peu forcé aux questions existentielles de leurs jeunes téléspectateurs (par exemple : « Peux-tu dire à Maman que les rollers ne sont pas dangereux ? »). Surtout, plus que les marionnettes, c’est le show lui-même qui devient le personnage principal du film. Aussi découvrons-nous l’envers du décor, des coulisses sombres et glauques, aux antipodes de la joie factice de l’émission de télé. L’humour du début a cédé sa place à un univers inquiétant, qui transforme la parodie en une satire acerbe de la société.

La sélection de Venise ne brille donc pas par son optimisme, mais est sans doute à l’image du monde contemporain. On y observe une certaine unité de ton et de thèmes, qui parle des angoisses d’une époque où les uns et les autres peinent à trouver leur place.

Julia Wahl

Bogotá Story de Esteban Pedraza

En 1992, la Colombie traverse un moment historique difficile. La guerre contre le trafic de drogue prend des proportions massives et a des conséquences directes sur la vie des citoyens, tant dans les campagnes que dans les grandes villes, comme Bogotá, la capitale. Le gouvernement, des factions et les principaux cartels du monde, dont celui commandé par le légendaire trafiquant de cocaïne Pablo Escobar, s’attaquent en permanence. Seul représentant en compétition de l’Amérique latine parmi les courts-métrages de la Mostra de Venise, Bogotá Story de Esteban Pedraza dresse un portrait de la vie quotidienne d’un pays immergé dans un conflit armé interne à la fin du siècle dernier.

Une radio diffuse discrètement de la musique, le son étant étouffé par le cri puissant d’un bébé, que Pilar (Catalina Rey) semble ne pas entendre, hypnotisée par la lettre qu’elle lit. La jeune maman vient de recevoir une proposition de stage aux Etats-Unis, un conflit d’intérêts qui guide l’histoire du film. Elle va devoir discuter avec son mari des opportunités ou des pertes que ce déménagement peut entraîner pour eux trois.

Le dilemme familial se déroule au milieu d’événements effrayants mais banals dans le pays à l’époque, tels que le rationnement de l’énergie, les coupures de courant soudaines, les bombardements partout en ville. Utilisant l’image au service de l’histoire, Esteban Pedraza contextualise, tout au début de son film, le temps et l’espace de son œuvre à travers le parcours d’un fil électrique qui traverse la maison familiale typiquement latino-américaine de Pilar. L’installation qui relie le garage à la salle à manger est alimentée par l’électricité de la voiture, aidant ainsi la famille en cas de panne.

Deux raisons principales poussent la protagoniste à déménager aux États-Unis : le pays est un endroit où elle peut évoluer professionnellement d’une façon qui ne serait pas possible en Colombie. De plus, il y a le facteur qu’elle partage avec tous ses compatriotes et qui a amené plus d’un million de colombiens à émigrer entre 1985 et 1993 : la peur. Pilar craint de rester dans son pays et de mettre sa vie et celle de sa famille en danger.

La protagoniste de Bogotá Story semble vivre en 1992 avec la mentalité d’une femme de 2023. Regarder cet anachronisme produit un mélange de sentiments chez le spectateur. D’abord, le soulagement d’accompagner une protagoniste non stéréotypée, qui ne se conforme pas à l’idée de se consacrer uniquement au rôle de mère et épouse, mais qui souhaite l’équilibrer avec son indépendance personnelle. Ensuite, il y a l’angoisse de la voir prisonnière de son époque . Dans une société patriarcale, Pilar n’a pas peur d’être la principale pourvoyeuse de son foyer. Malgré son manque évident de talent en affaires, son mari Alejandro (Víctor Tarazona) refuse de quitter le magasin qu’il dirige, une entreprise familiale fondée par son père. Les racines familiales et la tradition sont de la plus haute importance pour lui. Le confort qu’il recherche ne lui est pas fourni par l’argent ou la carrière, mais par la proximité de sa famille dans sa ville natale, en vivant comme il l’a toujours fait. Les rôles de patriarche et de matriarche au sein d’une société traditionnelle semblent inversés dans la maison.

L’identité colombienne a été impactée par les événements historiques que le pays a vécu à la fin du 20ème siècle et au début du 21ème. Ce lien au pays se traduit dans le film à travers de nombreux aspects. Le réalisateur propose au public une visite à Bogotá, aussi visuelle que sonore. Le dispositif de la radio, utilisé à différents moments du récit, contextualise l’histoire, que ce soit par la musique ou les informations sur la guerre. Les images extérieures, des balades en voiture ou panoramiques qui captent la dimension de la capitale, sont vues sous le grain nostalgique du 16mm. Ces plans nous familiarisent avec l’endroit, transmettant un sentiment d’attachement à la ville qui, malgré les adversités, est celle des protagonistes.

Esteban Pedraza part d’une situation personnelle pour créer le scénario de Bogotá Story, qui est raconté par la fille de Pilar, devenue adulte. Avec un regard délicat qui fait plonger le public dans la vie des personnages, le réalisateur expose un panorama de l’histoire colombienne à travers le quotidien des citoyens, décrivant à la fois le confort de la maison et la peur de l’imprévisible. Le scénario est ancré dans un moment historique, mais reste actuel grâce à des protagonistes vraisemblables et complexes.

Bianca Dantas

Consulter la fiche technique du film

B comme Bogotá story

Fiche technique

Synopsis : En 1992, alors que la Colombie est confrontée à une ère de violence liée à la drogue, des bombes, et de pannes de courant quotidiennes, une jeune mère de Bogotá reçoit une opportunité de stage aux États-Unis et doit finalement choisir entre ses rêves et sa famille.

Genre : Fiction

Durée : 15’

Pays : Colombie, États Unis

Année : 2023

Réalisation : Esteban Pedraza

Scénario : Esteban Pedraza

Montage : Esteban Pedraza

Décors : Marcela Gómez Montoya

Image : Ryan Marie Helfant

Son : Alejando Escobar, Andrés Silva

Interprétation : Catalina Rey, Víctor Tarazona

Production : La Productora Cine

Article associé : la critique du film

Raphaël Quenard : « C’est un farfelu de la dernière espèce, l’acteur ! »

Aussi à l’aise dans les films de Quentin Dupieux (Yannick sort ce 2 août) que dans Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand, Sur la branche de Marie Garel-Weiss, Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry, Raphaël Quenard a commencé « tardivement » dans le cinéma à 23 ans après un passage éclair en politique et des débuts avec l’association 1000 Visages. En 2020, Les Mauvais Garçons de Elie Girard, dans lequel il joue, a reçu le César du meilleur court. Un format dans lequel Raphaël Quenard se sent à l’aise. Il vient d’ailleurs de co-réaliser L’acteur ou la surprenante vertu de l’incompréhension avec Hugo David, qui a remporté le Prix France Télévisions du court-métrage aux Champs-Elysées Film Festival 2023.

Le film, co-produit par Insolence Productions, Nouvelle Toile et Lipsum Productions, conçu de façon improvisée sur le tournage de Chien de la casse, s’intéresse à un acteur qui reçoit pour la première fois un rôle important sur un long-métrage. On y retrouve un Raphaël Quenard très en forme, maniant les mots, jouant avec son corps. L’occasion pour nous de rencontrer enfin cet acteur qui nous intrigue depuis un moment. Un acteur lucide, avide de combler ses lacunes en cinéma, reconnaissant pour les rencontres qui l’ont amené sur les plateaux et prêt à venir aussi en aide aux autres en passant par la case production.

© KB

Format Court : On va commencer avec ton expérience sur Les Mauvais Garçons d’Elie Girard. Tu as fait beaucoup de courts-métrages.

Raphaël Quenard : J’ai fait plein de courts bénévoles, auto-produits. Sur Cineaste.org (site d’informations sur le cinéma), je répondais à toutes les offres, comédien, bénévole, tout. J’ai fait beaucoup de courts-métrages pas forcément très aboutis. Parfois, tu tournes et le film n’est jamais monté, ou tu ne le vois jamais, ou tu fais 10 tours de casting alors que ça n’a pas de sens. Après quand on te rappelle après un casting et qu’on te paye pour jouer, c’est carrément extraordinaire !

C’est arrivé quand ça pour toi, dans ton parcours ?

R. Q : C’est arrivé grâce à Emma Benestan (réalisatrice, scénariste, Fragile), elle m’a présenté quelqu’un qui m’a dit : « Raconte-moi une histoire ». Je le fais et il me répond : “Ok, j’ai un rôle pour toi dans une série, 6×52 minutes, sur France 2 : À l’intérieur”. J’ai tourné à Angoulême avec Mylène Demongeot, Béatrice Dalle, Hippolyte Girardot, Noémie Schmidt, Antoine Gouy, Grégoire Leprince-Ringuet… C’était ma première expérience payée. Après, Émilie Noblet, qui était chef op sur L’Amour du risque, m’a permis de faire une autre série, HP, et m’a fait passer plein d’autres castings. Émilie et Emma, elles m’ont trop aidé. Ensuite, l’une des co-autrices de HP, Camille Rosset, a parlé de moi à son copain de l’époque, Elie Girard, qui préparait Les Mauvais Garçons. J’ai rencontré la directrice de casting, Marine Albert, qui après m’a fait faire Mandibules de Quentin Dupieux.

Comme quoi ça tient à pas grand-chose en fait : c’est juste des rencontres. Je ne connais pas beaucoup de gens qui se mettent à répondre à toutes les annonces sur Cineaste.org.

R. Q : Moi après, je suis hyper têtu. La détermination et l’acharnement, c’est un cadeau – je sais pas si c’est du ciel ou de mes parents. Vraiment, je sais que je suis un acharné. Et là, le court-métrage qu’on a fait ensemble L’acteur, on l’a fait seul, on prenait la caméra, Hugo venait dormir dans ma chambre, on tournait des petites conneries. Après j’ai dit : “Vas-y viens, on fait un film”. On a fait un bout à bout, un ours dégueulasse d’une heure et quart. Hugo a dérushé 15 heures d’images pour atterrir aux 25 minutes. Il a fait un travail exceptionnel. Heureusement, on était tous les deux. En plus de ça, je suis trop content parce que c’est une expérience de co-réalisation. J’espère qu’on va faire plein d’autres films ensemble ! On s’engueule et tout hein – bien sûr qu’on s’embrouille ! C’est normal ça, sur un plateau. “Laisse-moi mettre ça, rallonge un peu le plan”. Mais au final, on arrive toujours à déployer les argumentaires qui font qu’on aboutit à quelque chose de convenable pour tous les deux. Plein de gens nous ont aidés. S’ils voient que tu es déterminé, il y en a toujours qui ont du cœur et qui t’aident à la fabrication de ton projet.

Avais-tu déjà eu une expérience de réalisation ?

R. Q : On avait déjà fait un court-métrage collectif au sein de 1000 Visages qui s’appelle Koala en 2017-2018 par là, c’était après L’amour du risque (de Emma Benestan), ma première expérience de jeu quand je suis arrivé à 1000 Visages.

Tu fais encore des courts métrages ?

R. Q : J’ai envie de produire des courts-métrages maintenant. On a monté une boîte de production qui s’appelle Lipsum Productions, c’est vraiment en rapport avec le premier objet cinématographique qui va faire partie du catalogue, à savoir L’acteur (ou la surprenante vertu de l’incompréhension).

C’est le sous-titre ?

R. Q : C’est le titre entier. En gros, le propos de L’acteur c’est de dire : est-ce qu’on a besoin de délivrer un message intelligible pour être compris ? On n’a pas vocation à le faire, tout ça est parodique. Un « lorem ipsum », en informatique, c’est un texte en latin qui veut rien dire. On va faire un autre court-métrage avec un autre ami à moi, avec qui on a déjà fait plein de courts-métrages. Nous, on avait une bande de potes, avec qui on tournait plein de courts-métrages.

Vous aviez un nom ?

R. Q : Non, on n’avait pas de nom, mais par contre, si tu tombes sur nos courts, tu rigoles ! On a fait plein de petits courts-métrages comme ça, tous ensemble. Avec l’un d’entre eux, on va faire quelque chose de bien. On a eu 20.000€ de la ville de Strasbourg. Bac Films nous a accordé leur fonds de soutien. On va essayer de trouver un peu d’argent et de le faire bien. J’ai vraiment envie d’en apprendre davantage sur toute la chaîne de fabrication : comment se construit un film, même être impliqué dans les choix, voir comment ça se passe au montage, avant, à la préparation du film. Tout me passionne dans ce procédé, dans le cinéma.

C’était déjà le cas avant ou pas ?

R. Q : Pas du tout. Moi, j’ai découvert le mot « casting » à 23 ans. Après, j’ai commencé à écrire des courts-métrages quand j’ai découvert le cinéma. J’avais écrit un film pour le Nikon Festival. On l’a tourné. Après, j’ai essayé de faire un autre court-métrage qui n’avait pas marché. Ensuite, on a fait Koala collectivement au sein de 1000 Visages et puis, j’ai écrit un autre court-métrage qui n’a jamais abouti.

Ça ne te désolait pas que les choses ne marchent pas ? Qu’est-ce qui a fait que tu continuais quand même ?

R. Q : Franchement, je ne sais pas et je pense que c’est un bon signe de ne pas savoir. J’ai le sentiment que je n’y suis pas encore arrivé, il faut encore faire des centaines de films. Il y a à faire devant nous, il y a 40 ans de carrière à remplir, d’œuvres les plus qualitatives possibles. Je ne me suis jamais posé la question : « Est-ce que je vais arrêter tout ? » Il y a une petite voix qui me dit : « Il y a un truc à faire ». Une conviction intérieure.

Est-ce que cette conviction est liée au fait que les projets qu’on te soumet sont quand même plus nombreux depuis quelques temps et plus grands ? Quand on voit tes débuts – et c’est le cas pour tout le monde – que ce soient dans des courts et dans des longs, tu joues “le trompettiste”, “le policier”… Tu n’as pas de prénom, pas de personnage.

R. Q : J’avais fait une apparition dans Gagarine (de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh), je suis un trompettiste alors que ça n’avait rien à voir. C’était plutôt le désamianteur que le trompettiste. Le fait de me retrouver dans ce genre de situations, ça ne m’emmerdait pas parce que je me disais :  « C’est pas grave, je suis sur un tournage, j’apprends ! » J’adore, j’ai fait plein de figurations et ça m’a nourri plus qu’un milliard d’autres expériences qui pourraient paraître plus sérieuses. Dans la figuration, tu apprends tellement de trucs, il y a énormément de profils inspirants, il y a trop de choses qui se passent, trop de façons de faire, trop de réalisateurs interlopes qui inspireront peut-être des œuvres plus tard.

J’ai vu que tu étais passé par la politique. Comment ça a pu te nourrir ?

R. Q : Je croyais que c’était du spectacle. J’aimais bien le principe de parler à une audience, j’avais une vision erronée de ce que c’était. Encore maintenant, je porte un regard, je pense un peu trop enfantin sur la politique, et je suis, à l’instar de beaucoup de nos concitoyens, trop vite fasciné par l’éloquence, la verve, le show, la gestuelle d’un gars, les silences, le fait de se manifester au monde, de s’auto-mettre en scène.

Est-ce que tu reconnais une forme de jeu chez les politiciens ?

R. Q : Pour moi, ce sont les plus grands acteurs, parce qu’ils sont les acteurs du réel, et ils arrivent à le porter à un tel niveau ! Je me pose toujours la question – en plus vu le niveau de pouvoir stratosphérique que certains atteignent – comment ils ont fait, par une suite d’expériences, de rencontres, de discussions, pour inspirer autant de respect, de peur, pour s’accaparer d’une certaine façon un pouvoir démentiel, ça je trouve ça fascinant. Parfois, ils en sont arrivés avec des motivations qui sont toutes personnelles, toutes intimes, et juste pour aller, comme tout-à-chacun, trouver un éclat de fierté dans l’œil de leur mère.

Mais ça, je pense que tout le monde le recherche.

R. Q : Bien sûr, bien sûr. On cherche tous la reconnaissance. Que ce soit de nos parents ou des autres.

Qu’est-ce qui s’est passé sur Chien de la casse pour que vous ayez envie avec Hugo de faire L’acteur ?

R. Q : Même au début de Chien de la casse, je ne savais pas qu’on allait faire ce film. C’est le plus beau film qu’on puisse faire parce qu’on ne savait même pas qu’on en tournait un. A la base, Hugo tournait le making-of du film et ça s’est transformé en un court en cours de route.

Ça aurait pu être une forme de journal de bord. Dans quelle mesure, ça t’a fait plaisir de travailler là-dessus ?

R. Q : Moi, j’adore. On en a fait un personnage. C’est un farfelu de la dernière espèce, l’acteur. On avait du mal à tisser une histoire. Comme on ne savait pas l’objectif du personnage, on avait un amas de scènes disparates, sans cohérence. Il a fallu tisser un truc au sein de cet amas hétéroclite.

Pour toi, c’est important de mettre dans la phrase des mots qui font plus que deux syllabes ?!

R. Q : J’espère que ça ne paraît pas trop pédant ou bien cuistre. Franchement, les mots, je te jure, j’aimerais ne pas les utiliser comme un sachant qui veut disperser sa science. Je suis juste un gars qui a un milliard d’interrogations et l’étendue de son ignorance est tellement infinie que j’essaie de combler mes lacunes. La sonorité d’un mot, ça me résonne dans la tête. Il a des petites couleurs avec lui. Lequel tape le plus juste, lequel va avoir un effet comique tandis que le même mot qui est un synonyme parfait ne va rien créer. Par exemple, on peut dire un « énergumène » ou un « hurluberlu ». Si tu dis un « spécimen », ça n’amène rien. Tandis que si tu dis : « qu’est-ce que c’est cet hurluberlu de la dernière espèce ? », je sais pas, il y a un truc qui me paraît plus drôle, plus goûtu.

Qu’est-ce que tu peux faire de ces mots-là à part avoir envie d’écrire des histoires ? Est-ce que tu pourrais partir sur d’autres choses, la poésie, la chanson, par exemple?

R. Q : Bien sûr, bien sûr.

Tu as ton imaginaire et ta curiosité pour les mots, mais en même temps, quand tu te retrouves sur les tournages des autres, tu es un peu cantonné par le texte.

R. Q : Il y a quelque chose d’exceptionnel dans les textes des autres. Par exemple, Quentin Dupieux ou Jeanne Herry sont très attachés à leur texte. Et pour autant, leurs univers sont tellement exceptionnels, leur vision est si affirmée, si précise, si minutieuse, qu’ils savent quelle va être la couleur de leur film. Improviser, ça reviendrait à sortir de leur ton qui est celui qu’ils veulent conférer à leur film. Ca voudrait dire basculer dans un ailleurs qui n’irait pas.

Tu laisses donc tes mots de côté.

R. Q : Sauf si le réalisateur les aime bien. S’il aime bien les propositions, on va essayer de lui en donner.

Dans quelle mesure, toi, tu as envie de faire confiance à des jeunes auteurs qui viennent du court-métrage et qui font leur premier long ?

R. Q : Moi, franchement, si c’est un bon film…! Mon rêve, c’est de faire des classiques. Un classique, un film qui repasse dans 20 ans, un film qui restera dans l’histoire, un intemporel. Si tu crois vraiment en un personnage qui est fort, qui te foudroie, je ne sais quoi, de vérité à son endroit, franchement, moi, j’ai envie de le faire.

C’est quoi un bon classique pour toi ? C’est le film ou le rôle qui t’intéresse ?

R. Q : Parfois l’un et parfois l’autre. Par exemple, dans Boudu sauvé des eaux (de Jean Renoir), ça va être le rôle de Michel Simon, que je trouve exceptionnel, associé à des dialogues de génie. Là, c’est le personnage. Souvent, j’ai l’impression que si le personnage est grandiose, par exemple dans Scarface, que c’est parce qu’il est sous-tendu par un grand film. Et parfois, les personnages, par exemple dans les films de Tarkovsky, même s’ils sont extraordinaires, je suis moins fasciné par eux que par la mise en scène, l’ambiance, l’atmosphère qui est créée. La danse de Satan de Béla Tarr, ça, c’est un film exceptionnel. C’est extraordinaire de voir dans quel mood le réalisateur va réussir à te plonger. C’est magnifique.

Dans quelle mesure tu rattrapes tes lacunes, comme tu dis ?

R. Q : Je vais regarder des films avec avidité. Je vais beaucoup au cinéma. J’ai vu récemment Ne croyez surtout pas que je hurle. Frank Beauvais, le réalisateur, a fait une dépression. Il a vu 400 films en 6 mois. Il a écrit un monologue – mais le film, c’est un délire, c’est une expérience – sur un cocktail d’images des 400 films qu’il avait vus.

Qu’est-ce qui toi t’intéresse en particulier dans la forme du court ?

R. Q : Son côté pardonneur, dans le sens où tu peux laisser libre cours à l’expérience de façon plus clémente que dans le long-métrage. Le long-métrage expérimental, il faut arriver à tenir l’attention du spectateur, ce n’est pas simple.

Récemment, j’ai adoré le court Pacific Club de Valentin Noujaïm, qui mélange plein de trucs (de la danse, du témoignage des images de synthèse, …). Moi, il m’a procuré une émotion notoire.

Est-ce qu’en voyant beaucoup de films et en lisant des scénarios, tu as le sentiment de devenir plus critique ?

R. Q : Ça je pense que ça arrive, à n’importe quel gars – quand bien même il n’aurait pas lu beaucoup de scénarios – il y a un jugement qui s’abat comme un couperet, comme dans la vie, dans une discussion. Par exemple, une fois j’ai refusé un rôle, après quand j’ai vu le résultat, je me suis dit que le cinéaste qui avait fait le film était exceptionnel, qu’il était trop fort. Parfois, tu lis mal, tu lis – je ne sais pas – dans la mauvaise atmosphère, la mauvaise énergie, tu n’es pas dans l’état d’esprit pour recevoir… C’est dur de retranscrire. J’aimerais bien par exemple lire un scénario de Yorgos Lanthimos pour voir si, déjà à ce stade, tu vois la dinguerie que ça va être. Le gars est extraordinaire. Ari Aster aussi ! J’adore des gars comme ça. Ce sont des scénarios réservés à l’élite.

Comment fais-tu avec toute la liberté dont tu as l’air de faire preuve pour fonctionner avec un agent ?

R. Q : Franchement, on s’entend trop bien avec mon agent. On parle, on discute… Moi, je lui dis mon rêve, lui, il le prend en considération. Il a plus d’expérience que moi de ce que réserve le milieu donc il essaie de tracer un petit chemin au sein du Marigot.

Comment le percevais-tu ce milieu, ce fameux milieu avant d’y entrer ?

R. Q : Je peux pas te dire. À la place de regarder les César, je sortais voir les copains, j’allais travailler,… La flânerie. Avant de commencer, franchement, je n’avais pas vu beaucoup de films, mais c’est ce qui cause le complexe que j’ai, que j’essaye de colmater, de gommer. Moi, j’avais vu Le Dîner de cons, et j’étais trop petit, je n’avais même pas compris.

Tu as l’impression quand même que les gens te font ressentir le fait que tu n’as pas vu assez de films, ou c’est juste toi…?

R. Q : Non, c’est plus moi-même. Maintenant, en fait, je me suis vraiment fait piquer par la passion. Je fais même plus genre, même pour discuter avec quelqu’un. Au début, c’est vrai que dans les discussions, quand on t’accable de références, ton ignorance t’apparaît de plus en plus crasse.
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Aurais-tu un conseil pour les jeunes ?

R. Q : Première chose, la détermination. Deuxième chose, l’action ! La fabrication. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est la même chose. Le cinéma, c’est de l’artisanat ! Le réalisateur, il trouve les bons acteurs, place les bons rivets, aux bons endroits et il sort une commode Louis XVI !

Comment est-ce que tu te voyais l’avenir quand tu étais enfant?

R. Q : Quand j’avais trois ans, ma mère m’a demandé ce que je voulais faire plus tard et j’ai répondu : “Président de la République !”

Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Agathe Arnaud

Article associé : la critique du film

Venise 2023, les courts en sélection

13 courts-métrages, figurant dans la section Orizzonti, sont cette année en compétition à Venise. Le festival fête par ailleurs ses 80 ans d’existence. À Format Court, on est curieux de retrouver dans cette sélection de courts les nouveaux travaux d’Erenik Beqiri qui nous avait scotchés avec The Van (en compétition à Cannes 2019) et de Wissam Charaf, dont le très beau deuxième long-métrage Dirty, Difficult, Dangerous est sorti en salles il y a quelques mois.

Courts en compétition à la Biennale 2023

– Aitana de Marina Alberti, Espagne
– Sea Salt de Leila Basma, République tchèque, Liban, Qatar
– A Short Trip de Erenik Beqiri, France
– Et si le soleil plongeait dans l’océan de nues de Wissam Charaf, France, Liban
– Wander to wonder de Nina Gantz, Pays-Bas, Belgique, France, Royaume-Uni
– The meatseller de Margherita Giusti, Italie
– Dive de Aldo Iuliano, Italie
– Area Boy de Iggy London, Royaume-Uni
– Cross my heart and hope to die de Sam Manacsa, Philippines
– Dar saaye sarv de Hossein Molayemi, Shirin Sohani, Iran
– Bogotá story de Esteban Pedraza, Colombie, Etats-Unis
– Sentimental stories de Xandra Popescu, Allemagne
– Duan pian gushi de Lang Wu, Chine

Formats Longs. Du côté des premiers longs-métrages

Certes, le court-métrage est célèbre comme lieu d’initiation et tous·tes les plus grand·es réalisateur·ices ont appris le cinéma avec des films de moins d’une heure. Le format est souvent considéré pour débuter, alors évidemment on y découvre de nouveaux talents. Ce sont avant tout les nouvelles idées qui attirent l’œil et, la plume à la main, déchaînent nos passions de journalistes.

Cette fougue, Format Court l’a aussi pour les premiers longs-métrages où de jeunes auteur.es se lancent dans l’aventure du format maître. Depuis longtemps, on accompagne des cinéastes qui, après leurs courts-métrages, travaillent sur leur premier film long. Les longs-métrages sont imaginés par des gens qui viennent du court et, depuis longtemps, nous observons ce passage du court au long. Evidemment, on veut mettre en avant nos coups de cœur ! Parce qu’à Format Court on s’intéresse aussi au format long et surtout aux premiers longs-métrages, vous trouverez dans ce dossier les critiques des films que nous accompagnons, que ce soit lors de leur sortie en salle ou en DVD.

Agathe Arnaud

« Chien de la casse »

Retrouvez dans ce focus :

Les sorties DVD :

– Le Ravissement d’Iris Kaltenbäck

– War Pony de Gina Gammell et Riley Keough

Chili 76 de Manuela Martelli

El Agua de Elena López Riera

Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand

Close de Lukas Dhont

As Bestas de Rodrigo Sorogoyen

– Le Petit Nicolas d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre

Les Cinq diables de Léa Mysius

– De nos frères blessés de Hélier Cisterne

 Peter Von Kant de François Ozon

– Bad luck banging or loony porn de Radu Jude

 Bruno Reidal de Vincent Le Port

– Un Monde de Laura Wandel

– Plumes d’Omar El Zohairy

– La Troisième Guerre de Giovanni Aloi

– Rien à foutre d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre

– Face à la mer d’Ely Dagher

 Ma Famille afghane de Michaela Pavlátová

– Robuste de Constance Meyer

– Une Femme du monde de Cécile Ducrocq

– Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh

– La Pièce rapportée d’Antonin Peretjatko

Fragile d’Emma Benestan

Tout s’est bien passé de François Ozon

La nuée de Just Philippot

De bas étage de Yassine Qnia

Onoda, 10 000 nuits dans la jungle d’Arthur Harari

– Festen de Thomas Vinterberg 

– Jusqu’à la garde de Xavier Legrand

– Prendre le large de Gaël Morel 

– Diamond Island de Davy Chou

– Vendeur de Sylvain Desclous

– Divines d’Houda Benyamina 

– Keeper de Guillaume Senez

– Sita chante le blues de Nina Paley

Nos interviews : 

Ira Sachs : J’aime l’idée que tout peut changer à n’importe quel moment »

Shlomi Elkabetz : C’est en regardant les courts-métrages des autres que j’ai appris à filmer »

Cristèle Alves Meira : « Quand on filme quelqu’un, il ne s’agit pas simplement de le regarder, il faut l’amener à se laisser regarder »

Alain Guiraudie : « Le cinéma, c’est l’idéal qui se prend le réel dans la gueule »

Guillaume Gouix : « L’essentiel, c’est de rester curieux et créatif »

Romane Gueret, Lise Akota et Marine Alaric autour des Pires

Michel Ocelot : « Je dois encore raconter des histoires brèves, aussi fortes que les longues »

Patricia Mazuy ; « Quand on film quelqu’un, c’est qu’on aime et qu’on a envie de le filmer, quelque soit le rôle »

Emmanuel Mouret : « Faire des films, c’est se confronter à une image de soi et de ses limites »

Sébastien Betbeder et Thomas Sciméca : la foi dans l’esthétique du bricolage

Emmanuelle Bercot et son compositeur Eric Neveux

Eran Kolirin : « Tout est intuition »

Claire Denis : « On ne s’attendait pas que nos films soient montrés à l’époque »

Stacy Martin : « Les erreurs dans le cinéma sont les plus beaux moments »

Swann Arlaud : « Faut y aller, au coeur ! »

Jackie Berroyer continue de demander ce qu’on lui trouve

Naomie Kawase : « Pour arriver à regarder le monde aujourd’hui, il faut pouvoir le regarder complètement, entièrement »

Denis Côté : « Faire un film et être sans filet, c’est terrifiant et excitant à la fois »

Adrien Sitaru : « J’aime beaucoup me rapprocher du réel par le biais de la fiction »

Mathieu Almaric

Adan Jodorowsky

Felix van Groeningen

Jane Campion

Bertrand Bonello 

Nos critiques :

– Disco Boy de Giacomo Abbruzzese

– Grand Paris de Martin Jauvat

Tengo Suenos Electricos de Valentina Maurel

Nayola de José Miguel Ribeiro

 Aftersun de Charlotte Wells

– Amore Mio de Guillaume Gouix

L’étrange histoire du coupeur de bois de Mikko Millylahti

– La Passagère de Héloïse Pelloquet

– Les Années Super 8 d’Annie Ernaux et David Ernaux-Briot

– Les Pires de Lise Akota et Romane Gueret

– Saint Omer d’Alice Diop

– Juste une nuit d’Ali Asgari

 Jacky Caillou de Lucas Delangle

– Le sixième enfant de Léopold Legrand

– La cour des miracles de Carine May et Hakim Zouhani

 Memories de Katsuhiro Ōtomo, Kōji Morimoto et Tensai Okamura

– Magdala de Damien Manivel

– Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux 

– Grand Paris de Martin Jauvat 

– Rodeo de Lola Quivoron

– Alma Viva de Cristèle Alves Meira

Fatima Kaci : « La question des silences m’intéresse »

Après Aleksandra Odic (Allemagne) et Mai Vu (Royaume-Uni), Fatima Kaci (France) est la troisième réalisatrice à être récompensée à Cannes du prix Lights on Women. Ce prix est doté depuis trois ans par L’Oréal et attribué par Kate Winslet à un court-métrage réalisé par une femme en compétition au festival, à l’officielle ou à la Cinef.

Fatima Kaci vient de terminer son cursus en réalisation à la Fémis, avec son film de fin d’études La Voix des autres, sélectionné en mai à la Cinef. Ce moyen-métrage au scénario fort et à la tension palpable, s’intéresse au parcours personnel d’une interprète (jouée par Amira Chebli), au contact de personnes en demande de régularisation. Dans cet échange, la réalisatrice revient sur la frontière entre documentaire et fiction et les notions de place et d’exil.

Format Court : Pourquoi avoir choisi la Fémis ?

Fatima Kaci : Concrètement, la Fémis est gratuite car c’est une école publique. Pour ma part, je n’aurais pas eu les moyens de suivre une école privée. J’ai choisi la Fémis car on m’avait dit que Louis Lumière était plus axé sur la technique, et je ne pense pas que j’y aurais été acceptée. De plus, la Fémis organise un concours qui permet de mettre en avant les points de vue et les histoires de chacun, plutôt que de rechercher des profils techniques. La dimension artistique est donc plus forte dans le concours de la Fémis, tel qu’il est pensé, que dans celui de Louis Lumière, par exemple. Aussi, venant d’un milieu très éloigné de cette idée du « prestige » et de « l’excellence » je tenais à être précisément dans cet endroit là où on ne m’attendait pas.

Quelles études as-tu faites auparavant ?

F. K : J’ai étudié à l’Université Paris 8 où j’ai obtenu une licence en cinéma ainsi qu’un master en valorisation du patrimoine cinématographique. La valorisation des archives implique la restauration des films, la programmation, la mise en valeur du patrimoine et la réception des films. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport entre l’accès à certaines archives oubliées et la diffusion d’un cinéma très marginalisé et indépendant, ainsi que la relation entre le cinéma et la politique. Mon mémoire, dans le cadre de ce master, portait sur le collectif Newsreel, un groupe de cinéastes américains (dont Robert Kramer faisait partie) qui a réalisé de nombreux films pendant la guerre du Vietnam et qui a documenté les luttes des années 70, les luttes de libération des minorités, soutenu les Black Panthers, la décolonisation… Les cinéastes pensaient la diffusion de leurs films dans des réseaux alternatifs, comme forme de « guérilla »…La question du cinéma en tant que médium et outil m’a beaucoup influencée dans mon travail de recherche.

Quel cinéma souhaites-tu défendre ?

F. K : Défendre mon cinéma, je ne sais pas, c’est plutôt défendre mon point de vue, l’endroit depuis lequel je m’exprime. Ce qui m’a intéressé au-delà des thématiques et des questions que je me pose, c’est vraiment la frontière entre le documentaire et la fiction, une certaine manière de fabriquer un film. J’ai fait des films qui tournent autour de la question de la place, de l’exil, du rapport aux institutions… Pendant mes trois premiers films, j’ai compris que je travaillais beaucoup sur ces sujets, car c’était ce qui m’intéressait spontanément. Je ne suis pas figée dans un genre de cinéma en particulier, mais il y a une certaine manière de travailler, ancrée dans le réel qui me stimule particulièrement. J’ai une cinéphilie très large.

Tu as réalisé deux premiers films à la Fémis, Terre d’ombres et Pièces détachées. Comment les as-tu mis en place ?

F. K : Le point de départ de ma réflexion a été l’absence, le manque de traces dans mon histoire personnelle. Un manque d’images, de récits…Mais c’était trop compliqué pour moi de faire un film à la première personne ou de travailler à partir d’archives personnelles car je n’en ai pas. Aussi, j’avais envie de redonner un sens politique à ces logiques d’effacement.

Je tournais en rond et je voulais faire un documentaire à ce sujet. C’est alors que j’ai découvert l’hôpital Avicenne à Bobigny qui a déjà été filmé aujourd’hui (dans La Permanence) par la cinéaste Alice Diop. Un hôpital datant de l’époque coloniale où l’on soignait les « indigènes » car ils n’avaient pas le droit de se soigner dans les hôpitaux publics. C’était par ailleurs à l’époque un lieu de contrôle politique des populations nord-africaines. Mon père dont je n’ai aucune trace était peut-être passé par cet hôpital. J’ai décidé d’y aller, d’abord surprise qu’il y ait un cimetière musulman (et non un carré) dans un pays qui défend une certaine idée de la « laicité » que mon film d’ailleurs déconstruit.

Cependant, quand je suis arrivée sur place, j’ai découvert une zone industrielle, une casse, un chantier. Un profond sentiment de relégation et d’oubli. C’était très étrange au début.

Forcément, je me suis intéressée à l’histoire de ce cimetière, j’ai fait des recherches et j’ai compris que le cimetière musulman était un lieu de mémoire important, construit en 37, durant l’Algérie francaise, la seconde guerre mondiale…Un témoin du rapport de la France à ses colonies. Cette réalisation a suscité en moi un intérêt profond surtout dans le contexte actuel où les discours de peurs se multiplient. La question de l’islam en France est constamment problématisée et c’est extrêmement important de rappeler que le rapport de la France à ce qu’elle nomme « islam » est étroitement liée à l’histoire coloniale. Les « indigènes » étaient appelés aussi les « musulmans ». Finalement, dans ce cimetière, mon film Terre d’ombres n’est en aucun cas un film sur le discours religieux et redonne à cet héritage de l’islam une dimension historique et politique ; j’ai un rapport qui m’est très singulier à la religion. C’est d’abord un film sur le rapport à l’exil et à la perte, à la terre… J’ai d’ailleurs rencontré une jeune femme dans le cimetière, elle m’a inspiré le récit de Pièces détachées.

Je suis convaincue que la question de l’absence et de la disparition des traces revêt une dimension politique indéniable. On y observe des mécanismes d’effacement qui sont étroitement liés à l’histoire coloniale. La réalisation de ce film me permet, à mon tour, de m’inscrire dans une histoire collective. Tout d’un coup il y a une histoire, la possibilité de faire récit depuis ces silences… Ces fragments d’histoires sont là dans ce lieu de mémoire oublié dont les gens prennent soin, malgré tout.

Dans La Voix des autres, ton film de fin d’études, le personnage est très seul.

F. K : La Voix des autres, c’est un peu ça aussi. Ce personnage, c’est une figure d’interprète, une passeuse. Moi, quelque part dans Terres d’ombres, je suis aussi une passeuse. On m’entend cueillir ces récits, il y a quelque chose de la transmission, de la passation et moi, je suis exactement dans cet entre deux-là de l’interprète dans La Voix des Autres.

Je m’inspire de mon environnement proche, de mon entourage, où je constate le rejet de personnes (en demande de papiers) qui ont effectivement passé ces entretiens. Cette procédure-là du récit implique de devoir, à un moment donné, se présenter à l’oral pour défendre un récit écrit et ainsi légitimer ou non la possibilité d’être protégé par l’État, d’obtenir l’asile, d’exister. Ce qui m’intéresse particulièrement dans ce sujet, c’est la relation entre l’existence, la légitimité et en même temps un cadre administratif extrêmement rigide, qui exige de faire rentrer son histoire dans une case. Cette tension est pour moi déjà du cinéma. Le film que je réalise se présente comme une mise en abyme du cinéma où il y a une certaine mise en scène lors de ces entretiens, de la tension, une exigence de conviction de la part des personnes concernées. C’est presque comme un « casting », comme dans un film, cela évoque vraiment le cinéma, toute cette dynamique liée aux enjeux de « représentations ». La construction de la figure « du bon » réfugié.

J’aimerais aborder la question de ton écriture sur le film. Tu as réussi à créer des confrontations en face-à-face. As-tu rencontré des personnes sur le terrain, y compris celles qui n’ont pas de papiers et as-tu assisté à ces moments d’échange ?

F. K : Mon inspiration provient des rencontres que j’ai faites à la fois dans mon entourage et bien sûr, pour construire ce film, j’ai également rencontré de nombreux interprètes professionnels et assisté à des audiences publiques, notamment à la Cour nationale du droit d’asile. C’est ainsi que j’ai construit mes personnages et que j’ai donné forme au film. Pour moi, le défi résidait dans le fait que, bien que ce soit un film basé sur la parole, il ne s’agissait pas d’un documentaire, mais bel et bien d’une fiction. L’objectif était de mettre en scène ces récits dans des espaces clos.

Certains films et réalisateurs m’ont beaucoup marquée. Par exemple, Le procès de Viviane Amsalem de Shlomi Elkabetz est un film incroyable à mes yeux. On est dans une mise en scène de la parole. Ensuite, en France, il y a une autre cinéaste qui est très importante pour moi : Alice Diop. La Permanence est aussi construit autour de ces voix et ces visages dans cet espace clos. J’avais donc en tête tout un imaginaire cinématographique autour de ces aspects : comment mettre en scène la parole et l’écoute ?

Comment perçois-tu la suite ? Tu penses au long, au court ?

F. K : Si je parviens à trouver un producteur ou une productrice qui m’accompagne, oui. Je pense que l’investissement, pour un long métrage ou un court métrage, peut être le même, en termes de temps notamment.

De nos jours, le financement d’un court métrage peut parfois prendre autant de temps que celui d’un long métrage. J’ai l’impression d’avoir acquis certaines expériences de tournage, même si je n’ai pas réalisé de longs métrages. Bien sûr, mes réalisations ont été faites dans le cadre de la Fémis, mais j’ai expérimenté la place et le travail de mise en scène. Je pense que si j’avais la possibilité de passer directement à un long métrage, je le ferai. Si je devais réaliser un court métrage, ce ne serait pas simplement pour en réaliser un, mais plutôt parce qu’il est important pour moi d’explorer quelque chose dans ce format spécifique. Si j’en ressens la nécessité, je le ferais. Mais ce n’est pas automatique pour moi.

Qu’est-ce que tu as le sentiment d’avoir appris à travers La Voix des autres ?

F. K : J’ai beaucoup appris, notamment à diriger à la fois des comédiens professionnels et des comédiens ayant très peu d’expérience. Pour moi, le plus grand défi était là. Ce que j’ai l’impression d’avoir saisi sur ce film, c’est que les gens sont très impliqués émotionnellement par ce que j’essaye de raconter. J’avais peur de leur demander de rejouer un dispositif très violent dans ce qu’ils ont vécus pour en faire une fiction. C’est un rapport très complexe avec les personnes, car il faut pouvoir transmettre l’idée que c’est à la fois eux-mêmes et des personnages, que c’est à la fois leur histoire réelle et de la fiction, et qu’il ne s’agit pas simplement de rejouer pour moi. J’ai beaucoup réécrit à partir de leurs récits, car ce n’est pas exactement leur histoire telle quelle mais je suis effectivement partie du vécu pour ensuite créer une certaine distance. Pour moi, si on fait du documentaire, il faut assumer ce point de vue, mais ce que j’ai fait, ce n’est pas juste du documentaire. Le dispositif est celui d’une fiction.

Pour moi, la fiction, c’est mettre en évidence des éléments qui pourraient être un peu noyés dans le réel. Ordonner, hiérarchiser… La question des silences m’intéresse. Par exemple, lorsque la jeune femme syrienne explique que la guerre, c’est le calme, ce n’est pas du documentaire. L’idée est de mettre en évidence, à travers les dialogues, les regards, les visages, les corps, des éléments qui pourraient passer inaperçus…

Comment as-tu abordé la question du scénario, sachant que ton sujet pouvait être « casse-gueule » ?

F.K. : Avec mon co-scénariste Pablo Léridon, nous avons réalisé plusieurs versions, des allers-retours. Pour ma part, j’avais toute la matière documentaire, puisque j’ai été sur le terrain, j’ai rencontré des personnes. J’ai écrit une première version. Ensuite, il a fallu structurer le récit, trouver la manière d’y introduire de la fiction, de construire la trajectoire de ce personnage. C’était bénéfique d’avoir un retour, de ne pas être seule dans ce processus.

J’ai choisi de prendre une actrice pour jouer le rôle principal de l’interprète. Je lui ai inventé une histoire, un passé. Je voulais raconter l’histoire d’une femme qui est constamment renvoyée à ses propres fantômes lorsqu’elle écoute les récits des autres. L’amener par indices à son histoire, de manière très subtile, c’est un véritable travail d’écriture que le scénariste et moi-même avons vraiment investis. Ce n’était pas simplement donner et révéler tout d’un coup. Ce personnage est mystérieux. Je ne voulais pas tout donner ainsi, tout expliquer. Je trouvais que c’était bien plus puissant de la relier et de comprendre qui elle était à travers les autres, précisément à travers sa manière de recevoir les récits des autres. Pour moi, nous étions au cœur de la problématique de l’interprète, car tous les gens que j’ai rencontrés sur le terrain me disaient que c’est très difficile : “Nous avons tous une histoire, mais lorsqu’on traduit pour les autres, on nous demande d’être objectifs. C’est comme si on devait parler sans porter nous même une histoire, comme si on était des robots.” C’est cette impossible neutralité que l’institution demande, qui est au cœur du problème. C’est une sorte de négociation entre une injonction institutionnelle et l’empathie. Et cela, c’est quelque chose d’assez universel, que tout le monde peut vivre.

Qu’est-ce que représente le prix Lights on Women que t’a attribué Kate Winslet à Cannes ?

F. K : Ça va m’aider très concrètement et Kate Winslet est une actrice incroyable qui a fait quelque chose de la place qu’elle occupe aujourd’hui. Et puis, c’est vraiment plus qu’un simple prix. On donne un coup de main, un coup de pouce à des réalisatrices, et là, en l’occurrence, ce prix représente aussi un soutien financier à l’écriture d’un futur projet. Par ailleurs, il y a aussi un accompagnement, une mise en lumière de mon film. Ce prix attribué par l’Oréal (dont Kate Winslet est Jury) investit dans l’idée d’accompagner l’émergence de certaines femmes réalisatrices et de rééquilibrer un peu l’égalité. Je saisis cette opportunité.

Propos recueillis : Katia Bayer. Retranscription : Agathe Arnaud

Festival de Locarno 2023, les courts sélectionnés

Le Festival de Locarno vivra sa 76ème édition du 2 au 12 août prochain. Côté longs-métrages, on repère dans la section Cineasti del presente le premier film de Hugues Hariche, Rivière, dans le programme Concorzo internationale El auge del humano 3 de Eduardo Williams, Rossosperanza de Annarita Zambrano, Stepne de Maryna Vroda et Sweet Dreams de Ena Sendijarević.  En hors compétition, seront présentés Best Secret Place de Caroline Poggi et Jonathan Vinel tandis que dans le panorama suisse, seront programmés Foudre de Carmen Jacquier et L’Amour du monde de Jenna Hasse. Tous des auteurs passés par Format Court.

Comme à son habitude, côté courts, Locarno se répartit entre films internationaux et nationaux (suisses). Depuis deux ans, la section Corto di autore accueille également des films de réalisateurs établis.

Compétition internationale

Bird Called Memory de Leonardo Martinelli, Brésil, Royaume-Uni
As if Mother Cried That Night de Hoda Taheri, Allemagne
A Study of Empathy de Hilke Rönnfeldt Danemark, Allemagne
A Tortoise’s Year of Fate de Yi Xiong, Chine
The Currency – Sensing 1 Agbogbloshie de Elom 20ce, Musquiqui Chihying, Gregor Kasper, Allemagne, Taiwan, Togo
De Imperio de Alessandro Novelli, Portugal, Espagne
Du bist so wunderbar de Leandro Goddinho, Paulo Menezes, Allemagne, Brésil
Full Night de Manon Coubia, Belgique, France
The Guard de Amirhossein Shojae,i Iran
I look into the mirror and repeat to myself de Giselle Lin, Singapour
Kinderfilm de Total Refusal, Adrian Jonas Haim, Michael Stumpf, Robin Klengel, Autriche
The Lovers de Carolina Sandvik, Suède
Faire un enfant de Eric K. Boulianne, Canada
The Moon Will Contain Us de Kim Torres Costa Rica, Etats-Unis
Pray Caleb de Azumah Nelson, Royaume-Uni
Scorched Earth de Markela Kontaratou Grèce, Royaume-Uni
Slimane de Carlos Pereira, Allemagne
La Vedova Nera de fiume, Julian McKinnon, France
The Waves de Yumi Joung, Corée du Sud
Z.O. de Loris G. Nese, Italie

Compétition nationale

About a Cow de Pavla Baštanová, République tchèque, Suisse
Alexx196 & the pink sand beach de Loïc Hobi Suisse, France
Duck Canard de Elie Chapuis Suisse, Belgique
Ever Since, I Have Been Flying de Aylin Gökmen, Suisse
The Island de Julien Pujol France, Estonie
Jaima de Francesco Pereira, Suisse
Last Night de Lea Bloch, Suisse
NIGHT SHIFT de Kayije Kagame, Hugo Radi, Suisse
Remember, Broken Crayons Colour Too de Urša Kastelic, Shannet Clemmings, Suisse
Searching for the 5th Direction de Matthias Herr Schüpbach, Suisse

Compétition Corti d’autore autore

Been There de Corina Schwingruber Ilić, Suisse
intelligence de Jeanne Frenkel, Cosme Castro, France
I Used to Live There de Ryan McKenna, Canada
Kill ‘Em All Mátalos a todos de Sebastian Molina Ruiz, Mexique
Loving in Between de Jyoti Mistry Autriche, Afrique du Sud
My Mother Is a Saint  de Syllas Tzoumerkas, Grèce
Nocturne for a Forest de Catarina Vasconcelos, Portugal
The Passing de Ivete Lucas, Patrick Bresnan, Etats-Unis
Rainer, a Vicious Dog in a Skull Valley, Bertrand Mandico, France
Valley Pride de Lukas Marxt, Autriche, Allemagne

Clémence Bouchereau : « L’image vient de la matière »

La réalisatrice Clémence Bouchereau vient d’obtenir le Prix André-Martin au Festival d’Annecy pour son film La Saison pourpre, également présenté cette année à la Semaine de la Critique. Dans ce film d’animation de dix minutes, elle nous fait suivre un groupe de petites filles, d’âges différents, livrées à elles-mêmes, qui tentent de survivre dans la mangrove. Elle utilise pour cela une technique rare, l’écran d’épingles, qu’elle a découverte lors d’un stage auprès de la réalisatrice québécoise Michèle Lemieux. Elle revient pour Format Court sur la fabrique de ce film et l’utilisation de cette technique si particulière. Le film sera projeté au Forum des images le 29 juin dans le cadre de la reprise du palmarès du Festival d’Annecy.

Comment s’est passé le Festival d’Annecy ?

Clémence Bouchereau : Très bien ! Le film a reçu le prix André-Martin, donc je suis hyper heureuse.

Que pensez-vous que ça va changer pour vous ?

C. B. : Je ne saurais pas dire. Je ne mesure pas vraiment. Ce que j’espère, c’est que ça va susciter autant l’envie du film que ma capacité à faire financer les prochains.

La Saison pourpre a été un film bien remarqué, puisqu’il a été aussi à la Semaine de la Critique. Il utilise une technique très particulière, l’écran d’épingles. Pourriez-vous nous présenter, de façon précise, cette technique ?

C. B. : J’ai utilisé un écran d’épingles, celui du CNC. Il a été acquis par le CNC grâce à la descendante d’Alexandre Alexeïeff [les inventeurs de l’écran d’épingles sont Alexandre Alexeïeff et Claire Parker, qui l’ont créé pour réaliser leur film Une Nuit sur le Mont Chauve en 1933]. Du coup, il y a un poids patrimonial [il n’existe que deux écrans d’épingles au monde, celui du CNC, surnommé « l’Epinette », et un autre à l’ONF (Office national du film) au Canada].

Au-delà de son histoire, c’est un objet assez imposant, qui nous dépasse et qui est composé de 270 000 épingles qui coulissent dans de petits tubes en plastique, tous posés les uns sur les autres. Tout cela est contenu, pressurisé dans une armature en fer. Il y a un projecteur qui éclaire cet écran. Quand je pousse les épingles, c’est la surface des tubes qui apparaît. Quand je les tire vers moi, il y a des nuances de gris qui vont jusqu’à des noirs purs si je tire au maximum. J’ai tendance, de manière générale, à utiliser des outils assez simples. Là, j’avais juste deux ampoules, une ampoule oblongue et une ampoule flamme, et avec ça, je venais modeler le bas-relief. Je dessinais une image en 2D qui était composée d’ombres portées et que je venais creuser dans l’écran d’épingles en travaillant devant et en ramenant les noirs par l’arrière, en ayant le bras derrière l’écran.

Vous parlez de dessin 2D : cela signifie-t-il que vous aviez un canevas avant de commencer à travailler sur les épingles ?

C. B. : Non, pas du tout. Quand je dis « dessin 2D », c’est juste que c’est un dessin qu’on pourrait voir sur une feuille, sauf que, en réalité, il est fabriqué en relief. Ce qui est sous l’angle photographique pourrait ressembler à une image papier au fusain. L’image vient de la matière. J’ai beau penser une composition, une fois que je suis sur l’écran, c’est là que je cherche les personnages, les décors. Petit à petit, l’image se construit, mais je ne peux pas anticiper le résultat sans être les mains dans la fabrication.

Vos œuvres précédentes (Chloé Van Herzeele, 2019 et Aux Gambettes gourmandes, 2012) travaillaient essentiellement l’animation de sable. Or, dans les épingles comme dans le sable, vous avez des éléments extrêmement fins. Jusqu’à quel point cette finesse de l’outil vous intéresse-t-elle ?

C. B. : Mon dernier film, Chloé Van Herzeele, est une coréalisation avec Anne-Sophie Girault. Avec ce film, j’ai l’impression d’avoir été au maximum de la technique en sable, de ce que je pouvais faire en termes de définition. On est vraiment arrivé à un rendu très fin, parce qu’on passe beaucoup de temps à tasser, à régulariser les mini dunes de sable qui composent le dessin et c’est très volatile : s’il y a un mauvais geste, le dessin s’éclate.

Sur l’écran d’épingles, ce n’est pas du tout la même chose. Il y a un rendu qui semble similaire, il y a tout de suite un modelé, quelque chose de très vaporeux et, en même temps, c’est très résistant. Il faut vraiment un mauvais geste pour que ça laisse une empreinte sur l’outil. Du coup, je peux être dans le geste du dessin, je peux le gratter, dessiner des traits avec une amplitude de gestes, là où le sable, il faut tout de suite retravailler le trait pour que ça puisse arriver à cette finesse-là. La complexité des gestes que j’ai pu avoir sur l’écran d’épingles, je n’aurais pas pu l’avoir en sable. Ce qu’on a réussi à faire sur Chloé, c’est beaucoup plus une finition des décors et des images fixes, mais tout ce qui est de l’ordre du mouvement est moins complexe que ce que j’ai réussi à faire sur l’écran d’épingles.

En même temps, sur Chloé [qui raconte l’histoire d’une exploitante de salle de cinéma qui fait découvrir à un journaliste les pellicules qu’elle conserve dans une cave], il y a un moment où on a le sentiment que les pellicules prennent vie, ce qui est de l’ordre du mouvement. L’impression que ça donne, c’est que c’est le travail sur la ténuité du sable qui donne ce rendu-là.

C. B. : Bien sûr, c’est très fin, mais la pratique en elle-même n’est pas la même. Il y a quelque chose qui m’intéresse dans ce rendu, qui est fascinant.

La technique de l’écran d’épingles vous impose de passer beaucoup de temps dans le noir, enfermée. Est-ce que vous avez le sentiment que ça vous a coupée du monde ou que c’était quelque chose de douloureux ?

C. B. : Oui, il y a eu des moments vraiment difficiles. On peut totalement se laisser happer par son imaginaire. A chaque fois que j’entrais dans l’atelier, j’étais dans l’ambiance de ce film, derrière cette mangrove, ces gamines, cette eau. Il faut pouvoir en sortir et, quand on baigne dans cet environnement-là et qu’il n’y a rien pour vous en extraire, on peut s’y oublier et, petit à petit, on peut presque se désocialiser. On vit dans un rêve qui se poursuit jour après jour. Du coup, j’ai cherché un équilibre tout du long. Il a fallu que je pose un cadre, avec des activités qui faisaient que je devais m’arrêter à tel moment.

Qu’est-ce qui vous a intéressée dans le fait de proposer un film qui se passe dans un univers naturel [la mangrove] alors que les autres [Aux Gambettes gourmandes, Chloé Van Herzeele] se déroulent plutôt dans des univers fabriqués par l’être humain [un restaurant ou la cave d’une salle de cinéma] ?

C. B. : Quand je travaille sur l’écran d’épingles, je suis très près de l’écran, si bien que je suis totalement plongée dans la vision que j’ai de mon image. J’ai tout de suite eu envie de dessiner des corps, de faire bouger des personnages. Quelque part, j’étais immobilisée et j’avais envie de mettre des corps en mouvement. Je pense que l’écran d’épingles a quelque chose d’hyper sensoriel : il y avait cette chaleur, le son aussi des ampoules… J’étais dans une fabrication déjà très sensorielle avant de démarrer.

Il y a aussi eu les confinements : je me souviens que, dans les moments de respiration, j’allais observer l’eau, j’allais au contact des arbres. Il y avait un contraste entre cet enfermement et le besoin de contact au vivant qui, peut-être, s’est répercuté dans la fabrication où j’étais de nouveau enfermée, de nouveau confinée.

La mangrove est-elle un univers naturel que vous connaissez bien ?

C. B. : Je ne le connais pas plus que ça. Enfin, je pense qu’il y a des souvenirs : j’ai fait un bac dans un lycée avec une option écologie et je me souviens que j’avais travaillé sur l’impact des piscicultures sur la mangrove à Madagascar. C’est fort possible qu’il y ait des réminiscences de ça, mais ça n’a pas été conscient. Je crois que je cherchais vraiment à construire un environnement naturel qui ne soit pas attendu, qui ne soit pas convenu : dessiner une mangrove, mais surtout pas faire un environnement coloré au niveau sonore, avec des oiseaux… Que ce soit très rude. Déjà, là, il y a un contraste. Et j’avais envie de suggérer des arbres nus, de ne pas montrer de feuilles, mais je sentais que je n’avais pas envie de dessiner les branches, donc les racines m’intéressaient. Ensuite, il faut une certaine dextérité pour pouvoir évoluer dans cet environnement, donc ça avait tout de suite mis en jeu la souplesse des fillettes et leur habileté dans un environnement qui n’est pas forcément accueillant.

Pourquoi cet univers de petites filles qui vivent entre elles ?

C. B. : C’est venu de façon assez inconsciente. Je n’ai pas pensé les thématiques que j’allais vouloir aborder. C’est dans le premier mois de résidence avec l’écran d’épingles que j’ai eu envie de dessiner des enfants, des décors de la nature. J’ai sorti différentes images : une oie qui est transpercée, ces petites amazones [les petites filles du film], un corps sur des nénuphars qui était quasiment mort, immobile… Et c’est à la fin de ce mois de mise en perspective que je me suis dit : « Là, il y a une histoire. Tu vas parler de l’adolescence, de l’histoire d’un passage ». On vit dans un monde très violent, on se protège comme on peut et, là, c’est une part de moi qui a rejailli. Il y a une part d’enfance ressentie qui n’est pas de l’ordre du souvenir, mais qui a rejailli. Je me reconnais dans ce groupe de petites filles : elles sont côte à côte, pas forcément solidaires. Leur environnement n’est pas menaçant, la seule menace vient d’elles-mêmes. En même temps, il y a de la sororité. Elles sont toutes d’un âge différent, c’est un portrait composite.

Comment avez-vous travaillé la bande-son ?

C. B. : Ça, c’était un travail passionnant. Ça a été fait avec Pierre Sauze [avec qui elle avait déjà travaillé sur Chloé Van Herzeele] ; il était aux commandes, moi j’étais sur le siège passager. On a vraiment pensé [la bande-son] très tôt, très en amont, au bout de six mois de fabrication. On a été prendre dans une ferme des sons d’oies. Là, j’ai eu cette sensation de ce qu’est un cri d’oie, ce qui est quand même quelque chose, ce n’est pas un canard, ça teinte tout de suite ce que va être le film. En même temps, il m’a envoyé des sons d’éléments naturels pour que je m’imprègne de l’ambiance. Par la suite, on a été faire des prises. Quand le film a été suffisamment avancé, six mois avant la fin, on a été dans un lac en Ardèche et, là, j’ai fait tous les mouvements dans l’eau pour qu’on puisse avoir une ouverture en extérieur.

Après, la post-prod s’est faite à Strasbourg. Là, il y a eu dix jours où j’accompagnais Pierre sur les bruitages. Il m’a dirigée, il m’expliquait son processus de travail. On est venu structurer tout ça main dans la main et ça a été passionnant pour moi. Je me suis rendu compte que j’avais pensé très fort l’écriture sonore en amont et, là, on a perçu tous les deux à quel point le son faisait vivre le film, parce qu’il y a énormément de hors-champs qu’on n’avait pas décelés avant de se lancer dans le montage.

Vous avez des idées de votre prochain film ?

C. B. : Je crois que, après ces deux films [Chloé Van Herzeele et La Saison pourpre], j’aurai probablement envie de quelque chose de plus lâché, de plus simple… On verra !

Vous avez une petite idée ?

C. B. : Non, mais j’ai plutôt envie d’aller vers de la couleur. Le noir et blanc, avec ce rendu très similaire, je crois que c’est bon pour moi. Je pense que je vais avoir beaucoup de temps d’expérimentation. C’est très peu défini, mais je sens que j’ai besoin d’explorer de nouveaux médiums.

Propos recueillis par Julia Wahl

Article associé : la critique du film

Concours : 10 places à gagner pour découvrir le palmarès d’Annecy

Pour accompagner la reprise du Festival d’Annecy, nous vous proposons de remporter 5×2 places pour les deux séances des courts primés lors de la dernière édition, projetés ces mercredi 28 et jeudi 29 juin 2023 à 18h30 au Forum des images, à Paris. Ces projections d’1h30 seront présentées par Yves Nougarède, chargé des films et de la programmation au festival.

Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Programmation

Mercredi 28 juin, 18h30 : Annecy 2023 : Courts-métrages primés 1. Durée : 1h27. 5×2 places à gagner !

« La notte »

27 de Flóra Anna Buda, Cristal du court métrage – Prix de la meilleure musique originale dans la catégorie courts métrages. France-Hongrie 2023, couleur, 10min.38, vosta (Boddah, Gábor Osváth, Miyu Productions)

Alice a 27 ans aujourd’hui. Même si elle étouffe un peu, elle vit toujours chez ses parents et a tendance à vivre dans ses rêves pour échapper à son morne quotidien.

Articles associés : la critique du film, l’interview de la réalisatrice

Drijf de Levi Stoops, Prix du jury court métrage. Belgique 2023, couleur, 15 min., vosta (Lunanime BVBA, Jeroen Derycke, Miyu Distribution)

À la dérive en pleine mer, deux personnes mènent une bataille sanglante pour leur survie et celle de leur relation.

Havnesjefen (Harbourmaster) de Mia L. Henriksen, Konrad Hjemli. Prix du jury pour un film de fin d’études. Norvège 2022, couleur, 7min.17, vosta (Volda University College)

Le «Harbourmaster» raconte l’histoire vraie de son cygne titulaire, et comment il passa du statut d’icône chérie d’une petite ville au rang de criminel recherché.

November Ultra « Come Into My Arms » de Tamerlan Bekmurzayev. Cristal pour un film de commande. France 2022, couleur, 2min.18, vo anglaise (Remembers, Félix de Givry, Ugo Bienvenu)

Une enfant joue son propre rôle en miniature dans une maquette où tout est plus beau…

Is Heaven Blue? #2 de Menno De Nooijer, Paul De Nooijer. Prix du film «Off-Limits». Norvège/Pays-Bas 2023, couleur, 16min.55, sans dialogue (Trollfilm AS, Mária Môtovská)

Ce qui était jeune devient vieux, ce qui était sain est malade. L’incertitude s’insinue. Ce qui avait commencé fort, termine dans la mélancolie. À cet égard, c’est un adieu.

La notte de Martina Generali, Simone Pratola, Francesca Sofia Rosso. Cristal du film de fin d’études. Italie 2023, couleur, 6min.30, sans dialogue (CSC – Centro Sperimentale di Cinematografia – Scuola Nazionale di Cinema, Chiara Magri)

Basé sur le concert La notte par Antonio Vivaldi. Carnaval de Venise : Pulcinella essaie de se glisser dans une soirée VIP, sans trop y arriver. Son rêve de richesse et de célébrité se transforme bientôt en cauchemar.

Island (Ile) de Michael Faust. Prix de la Ville d’Annecy. Israël 2022, couleur, 7min.40, sans dialogue (Studio Potemkin, Michael Faust)

Sur la durée de plusieurs millénaires, l’histoire d’une petite île isolée portant une leçon révélatrice sur la nature humaine.

Our uniform (Notre uniforme) de Yegane Moghaddam. Prix «Jean-Luc Xiberras de la première œuvre» Iran 2023, couleur, 7min.25, vosta

Une jeune Iranienne déploie ses souvenirs d’école sur les plis et tissus de son ancien uniforme. Elle admet qu’elle n’est rien d’autre qu’une «femelle» et explore les racines de cette idée dans ses années d’écolière.

Maurice’s Bar de Tom Prezman, Tzor Edery. Prix Festivals Connexion. France-Israël, 2023, couleur, 14min.59, vf (Sacrebleu Productions)

En 1942 dans un train vers nulle part, une ancienne drag-queen se remémore une nuit de son passé dans l’un des premiers bars queer de Paris. Les échos des ragots des clients racontent ce bar légendaire et son mystérieux propriétaire juif algérien.

Jeudi 29 juin, 18h30 : Annecy 2023 : Courts-métrages primés 2. Durée : 1h28. 5×2 places à gagner !

« Nun or Never »

La Colline aux cailloux de Marjolaine Perreten. Cristal pour une production TV. Belgique-France-Suisse 2023, couleur, vf, 29min. (Les Films du Nord, Arnaud Demuynck – Nadasdy Film SARL)

Une petite famille de musaraignes vit au bord d’un ruisseau. Mais un jour, de fortes pluies balaient le village. Par chance, la famille échappe au pire, mais leur maison est détruite.

Pete de Bret Parker. Prix du jury junior CANAL+ pour un court métrage. Etats-Unis 2022, couleur, vostf, 7min (Artfarm Productions, Pete (Katrina) Barma, Jake Kaplan)

Tiré d’une histoire vraie sur l’identité de genre, Little League Baseball, les personnes qui inspirent le changement en s’efforçant d’être elles-mêmes et les superhéros qui permettent à ce changement de se produire.

Mano de Toke Ringmann Madsen. Prix Lotte Reiniger. Danemark 2023, couleur, vosta, 6min.58 (The Animation Workshop – Via University College)

Pris au piège d’une situation de négligence parentale, un fils aîné protecteur s’occupe de son jeune frère, mais confronté à cette mère défaillante, il est amené à prendre une décision irréfléchie.

La Saison pourpre de Clémence Bouchereau. Prix André-Martin pour un court métrage français. France 2023, couleur, sans dialogue, 9min.07 (Bandini Films – Miyu Distribution)

Aux abords d’une mangrove, un groupe de filles vit au rythme du climat et des oies sauvages alentours. Elles s’observent vivre et grandir à des âges différents. Le temps passe, des tensions naissent et des rivalités s’installent.

Article associé : la critique du film

Entre deux soeurs de Clémence Ceard, Anne-Sophie Gousset. Prix Jeune public. France 2022, couleur, sans dialogue, 7min.15 (Folimage – Les Armateurs)

Entre deux sœurs, il y a de la complicité et des rires. Entre deux sœurs, il y a l’amour comme moteur. Entre ces deux sœurs-là, il y a un petit quelque chose en plus, et c’est très bien comme ça.

Nun or Never de Heta Jäälinoja. Prix du public – Prix France TV pour un court métrage. Finlande 2023, couleur, sans dialogue, 10min.46 (Miyu Distribution)

Une nonne déterre un homme du sol et perd prise sur sa vie quotidienne. Les secrets et l’harmonie peuvent-ils coexister ?

Eeva de Morten Tšinakov, Lucija Mrzljak. Prix Alexeïeff – Parker. Estonie-Croatie 2022, couleur, 15min.58, vosta Adriatic Animation – Miyu Distribution)

Il pleut à verse à l’enterrement. Il y a beaucoup de larmes, trop de vin, plusieurs pics-verts et quelques rêves pour combler les vides.

The Beatles « I’m Only Sleeping » de Em Cooper. Prix du jury pour un film de commande. R-U 2022, couleur, sans dialogue, 3min.02 (Universal Music Operations LTD)

Entièrement peint à la main image par image à l’huile, le clip vidéo d’Em Cooper pour les Beatles explore l’espace entre le rêve et l’éveil.

Ira Sachs : « J’aime l’idée que tout peut changer à n’importe quel moment »

Invité au Champs-Élysées Film Festival à présenter son dernier film Passages (sortie, ce 28 juin) – dans lequel jouent Franz Rogowski, Adèle Exarchopoulos et Ben Whishaw- ainsi qu’une sélection de ses films courts et longs, le cinéaste américain Ira Sachs revient sur son travail avec les acteurs, son initiation à la cinéphile à Paris, son intérêt pour l’identité et l’indépendance du court-métrage.

© Capucine Henry

Format Court : Qu’est-ce qui vous a incité à travailler dans le cinéma ?

Ira Sachs : J’ai choisi le cinéma. J’étudiais la mise en scène à l’école et j’ai déménagé à Paris pour un semestre, je voulais vivre ici. Je me suis mis en retrait pendant un moment. Je ne parlais pas un mot de français, je n’avais pas d’amis, je vivais dans le 16ème arrondissement avec un père et son fils qui, je pense, n’ont jamais vu mon travail. J’étais plutôt seul pour la première fois dans ma vie. J’ai fini par aller au cinéma 2 à 3 fois par jour. J’ai vu 197 films pendant 3 mois ! C’est ainsi que je me suis senti en vie : en allant au cinéma.

Du coup, vos premiers pas dans le cinéma ont eu lieu en France ?

I.S. : Je parlerais plutôt de mon éducation. Je ne suis pas allé dans une école de cinéma, j’ai été autodidacte en regardant des films et en y réfléchissant. C’est en tant que spectateur que j’ai commencé à faire des films, des courts-métrages. Je pense aussi que les romans ont joué un rôle important pour moi.

Quel a été le point de départ de Passages ? Pourquoi avez-vous choisi de tourner en France ?

I.S. : Je voulais faire un film intimiste à propos des relations et de la vie. Je voulais faire un film actuel, sexy, dramatique. C’est comme ça que ça a commencé. J’ai tourné à Paris car je m’y sens à l’aise. Je sentais que mes personnages et mes acteurs pouvaient y évoluer d’une façon assez facile. J’y ai vécu des relations, des ruptures, j’y ai pleuré, j’y ai eu des relations sexuelles, tout ça m’a incité à raconter cette histoire ici.

Pourquoi ce titre ?

I.S. : C’est un film qui touche à la transition, au mouvement, au changement. Le passage est une expression de cinéma : un intérêt pour ce qu’il y a avant et après. C’est une extension de ce qui est immédiat. J’aime l’idée que tout peut changer à n’importe quel moment.

Comment vous sentez-vous sur un plateau ?

I.S. : Je me sens comme un analyste. Je suis là, je crée la situation, la pièce, j’installe des gens qui vont être habités par leurs personnages, avec moi. J’aime aussi que les acteurs ressentent une forme de liberté. Il faut qu’il y ait assez de contrôle pour qu’ils se sentent libres. C’est très érotique (rires) !

Pourquoi avez-vous choisi de tourner avec Franz Rogowski et Adèle Exarchopoulos en particulier ?

I.S. : J’ai écrit pour Franz Rogowski en particulier. Je l’avais vu dans Happy End de Michael Haneke. J’ai ressenti un gros coup de coeur pour lui. Puis, j’ai vu Adèle Exarchopoulos dans Sybil de Justine Triet et j’ai été scotché par sa performance et sa présence à l’écran. Avec Ben (Whishaw), ils étaient tous bien plus intéressants que j’aurais imaginé (rires) ! On a eu des moments géniaux. Il y avait une sorte de camaraderie, une confiance, une joie et une facilité de contact entre nous qui étaient vraiment formidables. Comme c’est un film avec des moments durs, le plaisir de faire le film devient vrai à travers les images. Loulou de Pialat et L’innocent de Visconti ont été des inspirations importantes, de même que Jules et Jim de Truffaut.

En tant qu’homme gay approchant la soixantaine, l’identité a été très importante dans ma jeunesse. J’ai écrit Passages en pensant être assez alternatif mais l’identité n’est pas centrale pour cette histoire, au vu de ces acteurs et de la génération dont ils sont issus. L’évolution a été amenée par eux. Je montre un court ici, au festival, Lady. Il a été fait en 93, il parle aussi de la question de l’identité que se posent les jeunes gens.

Pourquoi dans vos films, vos personnages travaillent-ils dans le cinéma ?

I.S. : Je pense que c’est plus facile pour moi. J’essaye d’écrire sur ce que je connais, sur la création.

Est-ce une façon de vous identifier aux personnages ?

I.S. : Non, c’est pour des raisons cinématographiques. J’ai filmé une fois un écrivain, un romancier, dans mon film, Love is strange (2014). En général, je pense que le cinéma peut être filmé. C’est un milieu dans lequel on peut évoluer, qu’on peut voir à l’écran. J’essaye aussi de réfléchir à des situations dans lesquelles les personnages peuvent ne pas jouer mais vivre : un professeur, un réalisateur, … C’est plus facile à filmer qu’un scientifique. En tout cas pour moi (rires) !

Comment avez-vous démarré avec le court ?

I.S : J’ai démarré avec les histoires que je voulais raconter et qui étaient telles qu’elles étaient. C’était drôle. Je travaille actuellement sur un court. Ce qui est intéressant, c’est que c’est à la fois un défi et un avantage qu’un court n’ait pas de valeur économique. Tu dois trouver d’autres raisons pour justifier des investissements économiques. La forme résiste vraiment à la structure de distribution, ce que je trouve intéressant et motivant. C’est une autre forme d’indépendance. J’ai fait ce court Last Address (2010) qui dure 9 minutes. Ça a été une renaissance pour moi car je n’arrivais pas à avoir d’argent pour des longs-métrages et j’avais une idée pour faire un film sur un groupe d’artistes new-yorkais des années 80, morts du sida. J’ai filmé les maisons dans laquelle ils ont vécu jusqu’à la fin de leur vie. C’était un projet conceptuel, je l’ai fait pour 2000 $, et j’ai senti que je maîtrisais à nouveau ma propre production. Je n’ai plus vraiment ressenti ça après, ça a été un tournant à Hollywood, loin de l’industrie des films indépendants qui ne m’accueillait pas à ce moment. En France, il y a encore un système vivable, sur la durée, qui permet aux films de se faire alors qu’aux Etats-Unis, c’est plus dur.

Pensez-vous que les courts vous offrent quelque chose de plus que les longs ?

I.S. : Non, je pense que c’est juste une forme. J’ai une idée pour un film et ça va se transformer en court par exemple. Je suis passionné par les longs mais j’ai l’impression qu’avec les courts, personne ne peut rien me dire. Je décide de ce que je veux faire et je le fais. Et ça me rend très libre.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes cinéastes ?

I.S. : Faites des choses qui sont suffisamment proches de vous, auxquelles vous avez un accès que personne n’a. C’est le privilège de votre voix et de votre expérience. Autorisez-vous à penser que votre vie a de la valeur et que vous n’avez pas à trouver cette valeur ailleurs.

Considérez-vous vos films comme politiques ?

I.S. : Plus jeune, je me considérais comme activiste. Mon inspiration est plutôt venue de films où les corps étaient moins cachés et honteux. Les films n’avaient pas à être globaux. Il y avait de l’individualité. Je pense que mes films sont politiques dans la mesure où ils sont engagés dans la vie, la culture, la représentation. Ceux qui relèvent le défi de rendre la culture queer travaillent vraiment. Les réalisateurs queer et gay, ne sont pas nombreux à faire une longue carrière. Mon travail et ma vie sont emmêlés, il y a des batailles pour lesquelles il faut se battre.

Propos recueillis par Rose Delafosse. Retranscription : Katia Bayer

Côté Court au cœur de l’intime

La 32e édition du festival Côté Court vient de s’achever. Retour sur une programmation qui accorde une belle place à l’intime. Le Ciné 104, à Pantin, s’est une nouvelle fois paré des couleurs du court. Au menu, comme tous les ans, plusieurs sélections : compétition fiction, Compétition Essai/Art vidéo, Prospective et Panorama. Sans oublier des échanges, des cartes blanches ou des rencontres entre jeunes réalisateur∙rices et producteur∙rices.

Une compétition fiction entre deuil et amour

L’ensemble des films sélectionnés en compétition fiction se singularise cette année par la place accordée à la vie quotidienne. La question du deuil apparaît ainsi dans Les Reines du mambo, de Hélène et Marie Rosselet-Ruiz, qui interprètent elles-mêmes les principaux personnages, Poitiers, de Jérôme Reybaud, et La Chaleur, de Maïa Kerkour, où une famille se retrouve pour veiller le corps de la mère récemment décédée, menacé de putréfaction par la chaleur de l’été.

L’amour et ses déboires ne sont pas en reste, avec Voilà combien de jours, de Hédi Ladjimi, qui nous fait suivre l’inquiétude d’une femme dont l’amoureux a dû rentrer en Tunisie faute de papiers, ou Amour océan, de Héléna Klotz, qui aborde avec douceur la question des amours homosexuelles. Une place à la folie, également, avec Maison blanche, de Camille Dumortier, qui nous fait suivre un jeune homme borderline à travers les yeux de sa petite sœur et a valu à sa réalisatrice le Prix Bande à part du festival.

Le commerce occupe aussi une place non négligeable dans ces déclinaisons du monde contemporain, avec Swan dans le centre, d’Iris Chassaigne, qui nous fait suivre l’errance d’une jeune sondeuse dans un centre commercial, et Grand Littoral, d’Augustin Bonnet. Si le premier a permis à son actrice principale de recevoir le Prix d’interprétation, le second a eu droit au Grand Prix André S. Labarthe. Les petits commerces de l’été apparaissent pour leur part dans Paysage aux torchons, qui a valu à ses réalisateur∙rices Valentine Guégan et Hugo Lemaire le Prix spécial du Jury, et le e-marketing dans Heureux qui comme Ulysse, grâce auquel la réalisatrice Coline Vernon a reçu le Prix de la Jeunesse.

Notons enfin le très mélancolique Sans regret, de Carmen Leroi, adapté de la nouvelle éponyme de Lisa Tuttle. Une poétesse reconnue revient à Caen pour donner un cours sur l’écriture poétique. Elle y retrouve son ancien amant (Emmanuel Mouret), désormais professeur d’université, et surtout est hébergée dans la maison où ils vécurent leur amour. Une maison dont elle ne tarde pas à découvrir qu’elle est hantée par tous les possibles auxquels elle a renoncé. L’immixtion du fantastique donne à ce marivaudage une épaisseur qui l’extrait de l’anecdotique.

Humour et décalage

C’est toutefois l’humour, souvent décalé, qui donne du relief à ces petites histoires : dans D’autres chats à fouetter, la documentariste Ovidie nous raconte les mésaventures d’une professeure coincée hors de chez elle après que sa porte a claqué alors qu’elle se livrait à des pratiques gentiment sadomasochistes sur un amant de passage. Vêtue d’une tenue de latex noire, elle erre dans sa ville à la recherche d’un double de ses clés et croise malencontreusement des élèves, persuadés qu’elle s’est déguisée pour la fête du lycée… L’interprétation de Sophie-Marie Larrouy participe de l’humour de ce court-métrage fidèle à la patte de sa réalisatrice.

Humour également dans Rapide, de Paul Rigoux, qui oppose deux conceptions de la vie, celle de Jean (Edouard Sulpice), jeune homme angoissé et hypocondriaque, et celle de son colocataire Alex (Abraham Wapler), un fou de la vitesse qui théorise avec force concepts philosophiques le fait d’agir sans réfléchir. Cette opposition crée un univers absurde où le comique tient en grande partie à l’écriture de ces deux personnages, volontairement caricaturale. L’originalité du film a convaincu les juré∙es : ce court-métrage a en effet raflé les Prix du Premier film et du Label Jeune création.

Le travail sur le décalage et l’absurde apparaît également dans Dilemne, dilemme, de Jacky Goldberg, qui met en scène un dîner entre un homme et une femme dont une application de rencontres pour complotistes vient de déterminer qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Mais au royaume des conspirationnistes, la paranoïa n’est jamais loin, et chacun∙e tente de convaincre l’autre de la réalité de sa perception du monde. À la névrose assumée de Fox, incarné par Vincent Macaigne, répond avec aplomb Dana, jouée par Julia Faure. Dès lors, tout autour d’eux devient suspect, du serveur au vendeur de fleurs pakistanais. La musique de Chassol et Jean-François Prigent, qui accompagne le film, s’est vue attribuer le Prix SACEM de la Meilleure création musicale.

Décalage aussi dans Grands enfants, de Serge Bozon, qui inverse les rôles entre adolescent∙es et adultes à la manière du Bugsy Malone d’Alan Parker : alors que des interprètes adolescent∙es s’interrogent sur l’avenir de leurs enfants, Brigitte Fossey et Bernard Ménez se plaignent de leurs parents. Enfin, Marinaleda, de Louis Séguin, se présente comme une parodie de films de vampires qui dissertent sur l’individualisme du monde contemporain. Une proposition qui a su séduire le public, qui lui a attribué son Prix, ainsi que le jury, lequel a décerné le Prix d’interprétation aux acteurs et actrices Pauline Belle, Luc Chessel et François Rivière. Enfin, l’absurde apparaît comme le ressort principal de Safety Matches, produit par Emmanuel Chaumet, qui voit Agathe Bonitzer enquêter sur des disparitions de portes. Cet univers un rien paranormal a valu à la réalisatrice Pauline Bailay le Prix de la Presse.

Hommages et cartes blanches

Le festival Côté Court, c’est aussi des artistes invité∙es, des focus et des cartes blanches. L’après-midi du dimanche 11 permettait ainsi de se plonger dans le monde nostalgique de Mikhaël Hers à travers la projection de trois courts-métrages, Charell (2006), Primrose Hill (2007) et Montparnasse (2009).

Enfin, le Liban était à l’honneur, avec notamment une très belle soirée le 16 juin. Une « performance cinématographique et musicale » voyait les musiciens Charbel Haber et Fadi Tabbal accompagner en live les films J’ai regardé si fixement la beauté (2017) de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige et Le Liban au printemps (2006) de Nadim Tabet. Ces deux films expérimentaux brillent par leur simplicité et l’absence de commentaires. La première partie de J’ai regardé si fixement la beauté touche particulièrement par sa volonté de montrer sans fioritures la raréfaction de l’électricité dans le Liban contemporain. Nous suivons ainsi les quelques lumières des habitations et les lampes de poche des visiteurs et visiteuses de musées, qui bravent l’obscurité pour continuer à contempler les œuvres du passé.

L’édition 2023 du Festival Côté court s’est donc distinguée par la place accordée à l’humour et au décalage, qui mettent en relief l’incongruité du monde contemporain. Peut-être peut-on toutefois regretter le traitement, parfois anecdotique, d’éléments de la vie quotidienne qui empêche certains films de sortir du lot. Les courts-métrages marquants sont en effet ceux qui sortent de l’autofiction pour nous mener vers un monde absurde ou imaginaire.

Julia Wahl

Flóra Anna Buda, Palme d’or du court-métrage 2023

Palme d’or du court-métrage au mois de mai, le film 27 vient de remporter ce weekend le Cristal du court-métrage et le prix de la meilleure musique originale à Annecy. Ce premier film professionnel s’intéresse à la sexualité, aux couleurs, aux incertitudes liées au passage à l’âge adulte. Sa jeune réalisatrice d’origine hongroise, Flóra Anna Buda, s’est installée à Paris. Elle travaille déjà sur son prochain projet en noir et blanc et commence à réfléchir à son premier long-métrage.

Dans cette conversation ayant eu lieu au lendemain de la remise des prix cannois, elle évoque son parcours, ses recherches visuelles, scénaristiques et musicales. Mais aussi la situation économique de son pays, impactant les jeunes, notamment les artistes et l’esprit enfantin que tout artiste devrait garder en tête face à ses projets.

© KB

Format Court : Tu as décidé d’être réalisatrice très tôt, à l’âge de 9 ans. As-tu changé d’avis à certains moments ou ce choix a-t-il toujours été arrêté ?

Flóra Anna Buda : J’ai grandi dans un environnement familial très artistique. J’allais très souvent au cinéma et j’ai été très marquée par certains cinéastes. C’est la raison pour laquelle à cette période, j’ai décidé de faire des films moi aussi. Bien sûr, j’ai changé d’avis plusieurs fois en grandissant mais j’ai fini, presque inconsciemment, par revenir à l’idée originale. Cela m’arrive aussi souvent de revenir à l’idée originale quand j’écris un film. En général, ma première idée est la meilleure.

Tes films sont très différents. Dans ton film d’école, Entropia, il y a très peu de mots prononcés alors que 27 est très bavard. A quoi ressemblent tes scénarios ?

F.A.B : Je dois avouer que mes scénarios ne ressemblent pas à des scénarios professionnels car je mets beaucoup de couleur et d’idées un peu partout sur les côtés (rires) ! J’apprends toujours la bonne manière d’écrire à vrai dire.

Pourquoi as-tu choisi l’Université d’art appliqué Moholy-Nagy de Budapest alors que c’est une école d’art et non une école spécialisée en cinéma ?

F.A.B : C’est une école d’art et de design, mais elle est réputée comme la meilleure école d’art à Budapest. Au départ, j’étais très impressionnée à l’idée d’y aller car l’école est très professionnelle. Il faut passer devant un grand jury pour présenter son travail. Quand j’ai passé le concours, tout s’est bien passé. Il y a 5 années à suivre et la dernière année, nous recevons des fonds pour financer nos travaux de fin d’études. Avant cela, nous devons remettre un petit travail chaque semestre pour rendre compte de nos capacités, c’est un bon moyen de s’entraîner.

Comment est-ce que la mode et le design t’ont-ils aidée dans ton approche du dessin ? Portes-tu une attention particulière aux vêtements des personnages, par exemple ?

F.A.B : Oui, c’est vrai que je fais particulièrement attention à cela. Par exemple, quand je travailléaisdans la mode, j’ai pensé aux cours que j’avais eus sur les tissus. Cela demande beaucoup d’attention car il faut penser à la façon dont le tissu tombe, aux mouvements et aux plis, … C’est la même chose en stop motion, il faut faire beaucoup attention aux détails, notamment aux costumes. Ce qui est interessant avec l’animation, c’est que l’on doit s’occuper de tout à la fois : les lumières, les sons, les décors .. Ma curiosité est pour le coup entièrement satisfaite !

Pour quelle raison as-tu commencé à traiter de la sexualité dans ton film de fin d’études, Entropia ?

F.A.B : C’est un film chaotique avec une histoire complexe car ma vie était plus chaotique aussi à ce moment-là, je pense (rires) ! J’aime toujours le revoir, je crois qu’il dit beaucoup de choses sur moi. Je voulais parler de la sexualité dans la vingtaine et de ce que la restriction de celle-ci peut produire comme effets.

Tes films font penser à des clips à certains moments, ils sont très musicaux, dynamiques et colorés. Comment utilises-tu la couleur pour nourrir tes histoires ?

F.A.B : Dans 27, j’utilise un panel de couleurs très large, avec des tons prononcés pour donner cette énergie punk qu’a le film. Cela me fait penser au prochain projet que je prépare qui est en noir et blanc. Peut-être qu’avec 27, j’ai fait une overdose de couleurs (rires) alors maintenant, je veux passer au noir et blanc. J’évite de me répéter, j’aime voir l’évolution des choses et ma propre évolution dans ce que je fais.

La musique ne fait pas tout dans l’écriture mais c’est vrai que si je trouve les bons musiciens et la bonne musique, cela me donnera des directives sur ce que je veux faire de l’histoire. C’est vrai que certains de mes films ressemblent à des clips mais je ne pense pas que j’aurais l’occasion de dire tout ce que j’ai à dire par le biais d’un clip. Je ne pense pas que cela soit mon format de prédilection mais je suis ouverte à la pratique et à l’exploration, j’aime les expositions, les performances, les installations .. Alors, qui sait ?

Comment s’est passé pour toi le passage de la Hongrie à la France ?

F.A.B : Avant cela, j’étais au Danemark dans une résidence appelée « Open workshop » où je faisais de l’animation, j’y suis restée entre 2020 et 2021. Ensuite, je suis allée à Paris de manière très intuitive. Je n’avais pas reçu de fonds pour mon projet Entropia de la part de l’école, on m’a dit qu’il n’y avait pas de budget pour mon projet bien que je ne demandais pas grand chose. Je ne sais pas si c’est le thème qui a déplu mais j’ai mon idée sur la question. Au même moment, j’ai travaillé comme stagiaire sur un projet d’animation qui s’appelle Symbiosis, je faisais les décors de fond et je travaillais en même temps sur Entropia pendant mon temps libre.

Justement comment as-tu vécu le fait de travailler sur le projet d’une autre personne ?

F.A.B : Nadja Andrasev, la réalisatrice de Symbiosis, est super. Elle aime apporter un peu d’elle dans ses projets et encourage ceux qui travaillent dessus à faire de même. Elle fait partie d’un groupe de réalisateurs hongrois très talentueux qui malheureusement ne reçoivent pas les aides financières qu’ils mériteraient d’avoir. Beaucoup de jeunes étudiants n’ont pas les fonds pour développer leurs projets. Les conditions en Hongrie se sont beaucoup dégradées ces dernières années. Le salaire minimum est de 500€ mais, avec l’inflation, les prix sont similaires à ceux de Paris. Les conditions de vie sont critiques, ce qui se passe dans mes films est conforme à cette réalité. Il faut que la situation change car sinon les jeunes finiront par partir. Moi-même j’ai dû prendre la décision de partir, pas seulement de chez mes parents mais d’aller jusqu’à Paris ! Mais partir a été essentiel pour que je puisse pratiquer mon art comme je l’entends.

Pour 27, comment as-tu trouvé le bon équilibre entre la musique et les dialogues ?

F.A.B : J’aime vraiment beaucoup travailler avec la musique. Enfant, j’ai étudié la musique, je jouais de la flûte à bec. Pour 27, je savais exactement ce que je voulais. J’ai fait une liste de tous les éléments que je souhaitais incorporer dans le champ audio. Les couleurs et la musique sont vraiment des choses qui viennent naturellement pour moi, cela parle à l’enfant qui est en moi.

C’est important pour toi de garder un regard d’enfant ?

F.A.B : Oui, je crois que les enfants sont très perspicaces. Ils comprennent tout. Les enfants savent comment créer, et c’est un état d’esprit que les artistes doivent conserver, je pense. La grande question est de savoir comment ne pas perdre cette capacité à créer à partir de rien, sans complexes.

Qu’as-tu trouvé d’essentiel dans le monde de l’animation ?

F.A.B : Je crois qu’il est plus simple d’y transmettre les émotions et comme je suis assez timide, il est plus confortable pour moi de communiquer par le biais du dessin, du son et de tout le reste.

Combien de temps as-tu mis à finir ton film ? Et comment est-ce que la Palme d’or va t’aider à l’avenir ?

F.A.B : Le film a mis 3 ans à se faire. J’ai toujours voulu faire un long-métrage et je pense que la Palme me donnera la confiance pour le réaliser. D’ailleurs, à Cannes, ça a été merveilleux pour moi de monter sur scène et de parler devant la salle car parmi le public, il y avait mes héros d’enfance (Wim Wenders, Aki Kaurismäki) qui m’ont grandement inspirée. Cependant, même si je veux faire un long métrage, j’aime beaucoup la forme courte. Elle m’oblige à concevoir mon message dans un temps réduit. Beaucoup de gens disent que le court est simplement une étape vers la forme longue mais personnellement, je considère la forme courte comme très intime et sensible.

Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Anouk Ait Ouadda

Article associé : la critique du film

2 comme 27

Fiche technique

Synopsis : Alice a 27 ans et vit chez ses parents, elle n’a ni vie privée ni relation amoureuse. De retour à vélo de sa soirée d’anniversaire, elle a un accident. En sortant du coma, elle réalise qu’il est temps pour elle de partir.

Réalisation : Flóra Anna Buda

Genre : animation

Durée : 10′

Pays : France, Hongrie

Année : 2023

Scénario : Flóra Anna Buda

Animation : Natália Andrade, Melinda Kádár, Zoltán Koska, Gábor Mariai, Luca Tóth, Borbála Zétényi, Flóra Anna Buda

Interprétation : Natasa Stork, Ádám Fekete, Franciska Farkas, Simon Szabó, Éva Enyedi, Márk Kaszás

Montage : Albane du Plessix

Son : Péter Benjámin Lukács

Musique : Committee – Mári Mákó et Rozi Mákó

Production : Miyu Productions, Boddah

Articles associés : la critique du film, l’interview de la réalisatrice

27 de Flóra Anna Buda

Palme d’or 2023 du court-métrage à Cannes, 27 de la réalisatrice hongroise Flóra Anna Buda nous donne à voir la solitude et l’égarement d’une jeune femme à notre époque. En passant par des gestes doux et fluides et des transformations psychédéliques, ce court-métrage d’animation, Cristal du court-métrage et prix de la meilleure musique originale à Annecy, nous fait voyager dans un quotidien mélancolique où rêves et réalité s’entrechoquent.

Alice a 27 ans et vit encore chez ses parents. Il ne se passe rien dans sa vie, elle est ‘‘une ratée’’ comme se plait à lui répéter son frère, et semble s’ennuyer. Le monde est au plus mal, la radio tourne en boucle des nouvelles pessimistes quant à l’avenir des jeunes en Hongrie, et rien n’est mis en place pour les aider. Ce décor annonce dès lors la couleur du film, les jeunes peinent à s’en sortir dans ce monde et ils ne sont pas heureux.

L’isolement et la solitude d’Alice sont illustrés par sa vie sexuelle, inexistante. Alice avoue avoir l’impression de porter constamment une ceinture de chasteté, objet contraignant mais également protecteur. Elle se masturbe cependant volontiers, ne reniant ainsi pas totalement la sexualité mais plus spécifiquement celle avec les autres. Ainsi, en refusant cette course à la sexualité, elle se permet de sortir du système où le nombre et la performance priment. Elle sort de ce qui est devenu un ‘ »marché » et s’émancipe en faisant des rêves érotiques où ses fantasmes les plus secrets sont réalisés, notamment un plan à trois avec des policiers.

La réalisatrice Flóra Anna Buda avait déjà abordé le thème de la sexualité féminine dans Entropia, son film de fin d’études réalisé en 2019, où trois femmes vivant dans des mondes parallèles se retrouvaient soudainement face à face dans une sorte d’apocalypse. À cet instant de chaos, alors que le monde autour d’elles semble disparaitre, ces femmes exploraient leur sexualité. Le désir féminin devint ainsi le seul moyen d’échapper (ou de survivre ?) au cataclysme.

27 se déroule le soir de son anniversaire, et tout va mal pour Alice. Le temps d’une nuit, Flóra Anna Buda nous montre les angoisses d’un âge décisif où se trouve notre personnage, à la fois adolescente révoltée par le monde et jeune adulte préoccupée par ses responsabilités.

Avec un ami, elle prend de la drogue, ils créent un espace à eux, hors des angoisses de la vie quotidienne. Ils dansent, leurs corps bougent selon un rythme incessant. Alice, presque en transe, repense alors à sa sexualité. Ce moment hors du temps est coupé par un retour à la réalité. Dans un moment étrangement poétique, elle se retrouve face à des enseignes lumineuses de la ville. Des mots tels ‘‘maison’’, ‘’vente’’ ou ‘’loyer’’ sont affichés, mais également ‘‘cosmos’’. Dans ce moment très beau, Alice semble réaliser ce qui l’attend très prochainement. L’angoisse du futur, des responsabilités, qui mènent inévitablement à des questions existentielles. Son visage se métamorphose en diverses couleurs et formes. On y voit des angoisses, des peurs, des idées. Ces amas de couleurs mouvants prennent finalement la forme d’une vulve colorée dont Alice sort. Elle s’échappe du marché de la sexualité, et refuse ce système capitaliste dans lequel elle ne se retrouve pas. Alice tombe du haut de cette vulve et, de façon brutale, retourne dans le monde.

Ce film d’animation permet des divagations entre rêve et réalités par un entremêlement surréaliste des mouvements et des couleurs. Les angoisses et les désirs y sont décrits avec poésie. Dans cette société dont il faut suivre le rythme effréné, les larmes d’Alice coulent à flot, elle a tout juste 27 ans.

Rose Delafosse

Consulter la fiche technique du film

Article associé : l’interview de la réalisatrice

Inscrire son court aux César 2024

Vous désirez inscrire votre court-métrage aux prochains César ?

Pour info/rappel, pour être éligible pour les César 2024, les courts métrages doivent avoir été préalablement inscrits via le formulaire en ligne avant le 15 juillet 2023.

Rappel des règles d’éligibilité :

Pour les César 2024, les courts métrages doivent remplir les conditions suivantes :

– avoir une durée strictement inférieure à 60 minutes
– avoir obtenu un visa d’exploitation du CNC entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023
– avoir une part de production française supérieure ou égale à 30% de la production totale du film
– être inscrits sur le site internet de l’Académie des César via le formulaire en ligne entre le 15 janvier et le 15 juillet 2023

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le mode d’emploi courts métrages.

Toute demande de dérogation doit avoir été transmise avant le 15 juillet 2023 à kenza.manach@academie-cinema.org

Concours. Des courts de la Quinzaine des Cinéastes à voir au Forum des images !

Ces jours-ci, le Forum des images accueille à Paris la reprise de la Quinzaine des Cinéastes, et ce jusqu’au dimanche 18 juin. Nous vous proposons de remporter 5×2 places pour les 3 séances de courts programmées dans ce cycle. Intéressé(e)s ? Contactez-nous en nous précisant quelle(s) projection(s) vous intéresse(nt) !

Programme 1, dimanche 11 juin, 17h30. Durée de la séance : 1h07

Oyu de Atsushi Hirai. France, fiction, 2023, 21′. Avec Okihido Yoshizawa, Hisako Mizuki

C’est le dernier jour de l’année et la nuit tombe sur la petite ville de Toyama, au Japon. Un homme, venu récupérer un objet oublié aux bains publics, a encore un vieux ticket valide et se laisse tenter. Dans les vapeurs de l’eau chaude, des gestes et des conversations alentours, une toilette banale devient peu à peu un seuil existentiel.

L’Anniversaire d’Enrico de Francesco Sossai. France, Allemagne, fiction, 2023, 17′. Avec Nicola Cannarella, Matthias Tormen

En décembre 1999, un père italien conduit son garçon à l’anniversaire d’un camarade, dans une ferme excentrée. L’enfant est angoissé par l’annonce du bug de l’an 2000. Mais c’est plutôt le goûter qui déraille, quand s’entrevoient d’inquiétants arrière-plans familiaux. Un souvenir d’enfance filmé comme un giallo.

Talking to the River de Yue Pan. Royame-Uni, fiction, 2023, 29′. Avec Juntao Tou, Kaixin Ma

Un petit garçon chinois est placé chez ses grands-parents, dans un village reculé, aux abords d’une rivière, où il joue et rêve la plupart du temps. Apprenant que sa mère absente attend un deuxième enfant, il connaît des crises de somnambulisme. Endossé par un jeune acteur magnétique, un rite de passage qui invoque à la fois l’eau et le feu.

Programme 2 : samedi 17 juin, 17h30. Durée de la séance 1h32

J’ai vu le visage du Diable de Julia Kowalski. France, fiction, 2023, 36′. Avec Maria Wróbel, Wojciech Skibiński. 

Dans une bourgade du nord de la Pologne, de nos jours, Majka, 18 ans, est convaincue d’être possédée. Elle décide de s’en reporter aux compétences d’un prêtre du coin pour conjurer le démon, ce qui ne l’empêche pas de commenter en rigolant L’Exorciste de William Friedkin avec sa meilleure copine. Les séances n’en seront pas moins sidérantes.

Margarethe 89 de Lucas Malbrun. France, animation, 2023, 18′. Avec Anna Hedderich, Franz Liebig

Ligne claire, textures des crayons feutres : comme dans un cahier, ce film d’animation évoque les derniers jours de la RDA, en 1989. Margarethe est alors internée pour être membre de la communauté punk de Leipzig, dont les concerts ont lieu dans une église. Parfaite conjonction entre la netteté du trait et l’ambiguïté historique du moment.

The Red Sea Makes Me Wanna Cry de Faris Alrjoob. Allemagne, fiction, 2023, 21′. Avec Clara Schwinning, Ahmed Shihab-Eldin. 

Une Allemande se rend dans la ville, au bord de la mer Rouge, où son compagnon arabe vient de trouver la mort. Par-delà le récit de deuil, l’invention, par un jeune cinéaste jordanien, d’un port spectral qui peut avoir des accents durassiens : à la fois la mort d’un homme et d’une cité. L’odyssée se résorbe dans un bar d’hôtel, et une chanson de variété orientale.

Mast-del de Maryam Tafakory. Iran, fiction, 2023, 17′

Une nuit d’amour entre deux femmes. L’une raconte à l’autre le fou souvenir d’un rendez-vous avec un homme à Téhéran, qui devient un cauchemar sous l’action de la police des mœurs. Son récit s’inscrit à l’écran, au-dessus de surimpressions entre étreintes et éclats de films iraniens postérieurs à la révolution islamique.

Programme 3 : dimanche 18 juin 17h30. Durée de la séance 1h25

La maison brûle, autant se réchauffer de Mouloud Aït Liotna. France, fiction, 2023, 43′. Avec Mehdi Ramdani, Mohamed Lefkir

Yanis, un jeune Kabyle, part demain pour Paris. Il rallie la petite ville locale pour régler ses dernières affaires. Il y apprend la mort d’un ami d’enfance, en rencontre un autre à l’enterrement. Une mésaventure au café transforme cette dernière journée au bled en galère et en road-movie, d’abord désespéré, puis pensif et mélancolique, dans une Algérie terreuse et détrempée..

Lemon Tree de Rachel Walden. Etats-Unis, fiction, 2023, 18′. Avec Charlie Robinson, Gordon Rocks

C’est Halloween : un père américain emmène son fils à une fête foraine. Pour l’impressionner, il vole le lapin d’un magicien, et c’est parti pour une virée automobile, dans un rythme effréné et syncopé. Au fil des étapes, le grand enfant se shoote, tandis que le fils, petit adulte silencieux, doit assurer. La magie a ses contreparties.

Dans la tête un orage de Clément Pérot. France, documentaire, 2023, 24′. Avec Kyllianna Beugniet, Milan Goudal, Cybellia Tassart

Un après-midi de fin d’été dans une cité de la banlieue de Calais, tout au nord de la France. Des enfants et adolescents tuent le temps en bas des tours. Les visages sont souvent silencieux, déjà parfois marqués ou soucieux. Autour d’eux, de grands pans de ciels et d’herbes folles.

Concours. Reprise des courts de la Semaine de la Critique à la Cinémathèque

Comme tous les ans, la Cinémathèque accueille la sélection (courts et longs-métrages) de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes. Pour accompagner cette reprise et vous permettre de voir les courts de la Semaine, nous vous offrons 3×2 places pour les 2 séances de courts-métrages prévues les samedi 10 juin et lundi 12 juin. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Samedi 10 juin 2023, 15h : Salle Georges Franju

Walking With Her Into the Night de Hui Shu. Chine / 2023 / 30 min / DCP / VOSTF. Avec Qingsong Tang, Jingru Zheng.

Tard dans la nuit, quelque part dans la ville, un homme et une femme se rencontrent dans la rue. Ils discutent, et cela semble être le début d’une relation intime, mais tous deux sont conscients qu’il s’agit plutôt d’un dernier voyage.

Via Dolorosa de Rachel Gutgarts. France / 2023 / 11 min / DCP / VOSTF

Entre toxicomanie, premières découvertes de la sexualité et état de guerre permanent, la cinéaste cherche sa jeunesse perdue en errant dans les rues de Jérusalem.

Corps scintillants de Inês Teixeira. Portugal / 2023 / 23 min / DCP. Avec Maria Abreu, Gaspar Menezes.

Cet après-midi-là, l’invitation pour passer un week-end à Leiria, chez son copain Jorge, fait que Mariana commence à le voir d’une autre façon. Sans être sûre des intentions de son ami, Mariana accepte l’inattendue et déroutante proposition.

Arkhé de Armando Navarro. Mexique / 2023 / 5 min / DCP / VOSTF

« Archéologie » et « archive », deux mots avec la même racine grecque, « Arkhé ». Un concept pour parler de l’origine cachée. On fouille les ruines, comme on fouille les archives cinématographiques. Voici des prises de vues inédites du séisme qui a détruit Mexico en 1985. Ce film, c’est l’aventure d’un archiviste qui voulait les voir et qui a fini par se perdre dans les images de béton brisé.

Boléro de Nans Laborde-Jourdàa. France / 2023 / 17 min / DCP. Avec François Chaignaud, Muriel Laborde-Jourdàa, Mellie Laborde-Jourdàa.

Fran est de passage dans sa ville natale pour se reposer et rendre visite à sa mère. Suivant le rythme saccadé du Boléro, ce parcours sur les chemins du souvenir et du désir va le mener, ainsi que tout le village, à une apothéose joyeusement chaotique.

Lundi 12 juin 2023, 16h : Salle Georges Franju

The Real Truth About the Fight (Prava istina priče o šori) de Andrea Slaviček. Croatie-Espagne / 2023 / 14 min / DCP / VOSTF. Avec Vida Tunguz, Ana Ugrina.

Entre ses soucis de collégienne, des filles pas sympas, des paroles de chansons accrocheuses et une mystérieuse voiture bleue, Lena perd parfois un peu le fil et sort du cadre pour nous raconter ce qui s’est réellement passé lors de La Grande Rupture. Mais que peut-elle bien cacher ?

Contadores de Irati Gorostidi Agirretxe. Espagne / 2023 / 19 min / DCP / VOSTF. Avec Santiago Fernández de Mosteyrín, Jaume Ferrete.

Lors des négociations dans l’industrie métallurgique en 1978, un groupe d’activistes libertariens défendent leur vision radicale en opposition à leurs camarades d’usine, et deviennent les témoins désenchantés de l’atomisation du mouvement ouvrier.

La Saison pourpre de Clémence Bouchereau. France / 2023 / 10 min / DCP

Aux abords d’une mangrove, un groupe de filles vit au rythme du climat et des oies sauvages alentour. Elles s’observent vivre et grandir à des âges différents. Le temps passe, des tensions naissent et des rivalités s’installent.

Le Crocodile (Krokodyl) de Dawid Bodzak. Pologne / 2023 / 19 min / DCP / VOSTF. Avec Julia Szczepańska, Natan Berkowicz.

Un film « néo-giallo » sur le besoin d’assouvir ses désirs cachés, qui vient faire exploser le monde des personnages de l’intérieur.

Paradis (I Promise You Paradise) de Morad Mostafa. Égypte-France-Qatar / 2023 / 25 min / DCP / VOSTF. Avec Kenyi Marcellno, Kenzy Mohamed.

Après un violent accident, Eissa, jeune migrant de 17 ans venu d’Afrique, se bat contre la montre en Égypte pour sauver ses proches, peu important le prix à payer.