Ce dimanche, s’est achevée la 36ème édition du Festival de Poitiers. En voici le palmarès.
Compétition
Grand Prix du Jury : Las Lágrimas de Pablo Delgado Sánchez – Centro de Capacitación Cinematográfia – Mexique – Fiction – 2012 – 66 min
Prix spécial du Jury, Prix du Jury étudiant : To Guard a Mountain de Izer Aliu – Norwegian Film School – Norvège – Fiction – 2012 – 24 min
Prix de la Mise en scène : Sleeping With The Fishes de Yousif Al-Khalifa – National Film and Television School – Royaume-Uni – Animation – 2013 – 10 min
Prix du Scénario : Bon voyage de Fabio Friedli – Hochschule Luzern Design & Kunst, Stud. Video (HSLU) – Suisse – Animation – 2011 – 6 min
Prix Découverte de la Critique française : Buhar de Abdurrahman Öner – Istanbul Kadir Has University – Turquie – Fiction – 2012 – 12 min
Prix du Public : Welkom de Pablo Munoz Gomez – Institut des Arts de Diffusion – Belgique – Fiction – 2013 – 18 min
Mention spéciale du Jury étudiant : A Fable of a Blood-Drained Girl (Contrafábula de una niña disecada) de Alejandro Iglesias Mendizabal – Centro de Capacitación Cinematográfica – Mexique – Fiction – 2012 – 25 min
Prix transversal sections films d’écoles : Prix Amnesty International France : Water Project : Films réalisés par des israéliens et des palestiniens autour du thème de l’eau.
Côté courts français
Prix du Côté courts français : Souffle court de Johann Dulat – Fiction – 2013 – 25 min ENS Louis Lumière
Prix du Jury Lycéen : La Ville est calme d’Alexandre Labarussiat – Fiction – 2012 – 19 min – Université Paris 8
Avant de tourner cette année « Les Jours d’avant », Prix Format Court au Festival du Film Francophone de Namur (FIFF), Karim Moussaoui a tourné deux courts métrages en 2003 et 2006. Ces films, réalisés sans moyens, ont été les premières expérimentations d’un réalisateur n’ayant pas fait d’école mais ayant concrétisé ses envies de cinéma au moment de l’arrivée du numérique.
Petit déjeuner
Filmé en sépia, le premier court métrage de Karim Moussaoui, « Petit déjeuner » couvre en un instant très court (6 minutes) le petit déjeuner partagé entre un homme et une femme. Sur un air de jazz et le ronronnement d’une 35 mm, le couple s’apprête à partager le premier repas de la journée. La femme prépare le café et les toasts, l’homme s’habille. Sans échanger la moindre parole, ils s’installent à table et mangent, comme si de rien n’était, sauf que la femme observe son conjoint qui, lui, évite à tout prix son regard. Le temps de terminer sa cigarette et de se recoiffer, l’homme enfile son blouson et s’en va pour de bon. La porte claque, la femme s’effondre.
De ce « Petit déjeuner », la tension est bel et bien palpable. Tout passe par les yeux ou la fuite (du regard, de la maison). Les seuls sons proposés sont ceux des tasses et de l’environnement sonore. Comme si les personnages n’avaient plus rien à se dire, comme si il était déjà trop tard. La femme pourrait retenir son compagnon par une parole, un geste, mais ne tente même pas de le faire. Celui-ci est ailleurs, déjà parti, loin de ses habitudes. Ce petit déjeuner, leur dernier moment passé ensemble, est le chapitre final de leur histoire.
Plus proche de l’essai que de la création originale, le premier film de Karim Moussaoui est une adaptation libre d’un poème de Jacques Prévert, Déjeuner du matin. Dans ce texte très touchant, la souffrance côtoie la solitude d’un être abandonné par l’autre. Le film de Moussaoui s’inspire de ces thèmes et réussit à installer une atmosphère en jouant la carte de la simplicité et de l’expérimental.
Ce qu’on doit faire
Autre film auto-produit, « Ce qu’on doit faire » a été réalisé trois ans après « Petit déjeuner ». Il suit la déambulation nocturne de Hakim, un personnage paumé abandonné par sa femme, noyant sa solitude dans l’alcool. Un soir, en rentrant chez lui, il assomme un individu qui lui demande du feu dans la rue. Plus tard, il se met à sa recherche et le retrouve dans une mosquée secrète.
Filmé de nuit, à Alger, Ce qu’on doit faire » est plus long que le précédent (25 minutes). À nouveau, le réalisateur choisit d’adapter un texte préexistant (The Copulating Mermaid of Venice, une nouvelle de Charles Bukowski) et a la bonne idée de situer son histoire en Algérie, son pays d’origine, un lieu qui l’inspire et qu’il connaît bien. Malheureusement, la verve de Bukoswki est absente du film, le scénario est par moments obscur, et le son fait défaut, notamment lorsque les paroles échangées entre Hakim et son ami sont couvertes par le bruit de la télévision allumée. Néanmoins, comme dans le premier film, Moussaoui installe une atmosphère, capte joliment les gros plans et soigne sa bande-son. Des ingrédients qui feront quelques années plus tard le succès mérité des « Jours d’avant ».
Ce jeudi 12 décembre 2013, aura lieu notre dernière séance de courts de l’année. Trois films vous seront proposés, tous en présence de leurs équipes. Parmi eux, figurent deux prix Format Court remis en ce début d’année dans deux festivals belges, l’un à Namur (le FIFF), l’autre à Bruxelles (Filmer à tout prix). Cette soirée sera marquée par la présence de Virginie Legeay, co-scénariste et productrice (« Les Jours d’avant »), Simon Gillard, réalisateur (« Anima »), Nicolas Mesdom et Sébastien Houbani, réalisateur et comédien (« La tête froide »).
► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Programmateur cinéma à l’Institut Français d’Alger, Karim Massaoui est le réalisateur du très beau film, « Les Jours d’avant », sélectionné à Locarno et au Festival du Film Francophone de Namur où il a remporté le Prix du Jury et le Prix Format Court. Fin novembre, il est venu à Paris pour présenter son film au festival Maghreb des Films, à l’Institut du Monde Arabe. Nous en avons profité pour le rencontrer, l’interroger sur l’Algérie, son parcours, ses expériences personnelles et son dernier film. Cet entretien est publié dans le cadre du Prix Format Court et en prévision de la projection des « Jours d’avant » le jeudi 12 décembre au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), présenté par Virginie Legeay, co-scénariste et productrice du film.
Comment se définirait ton lien au court métrage ?
Bizarrement, dans l’absolu, je ne réfléchis pas trop à la durée de ce que je fais. J’ai envie de faire un film, point. Sauf que je suis bien obligé d’y penser lors de l’écriture et la fabrique du film. J’ai toujours eu des envies de longs métrages, mais je passe par le court parce que c’est là qu’on débute. C’est difficile de passer par un long directement, il faut s’exercer, essayer des choses.
Dans les deux précédents films, « Petit déjeuner » et « Ce qu’on doit faire », tu as pu t’exercer ?
Complètement. Pour le premier, je n’avais pas du tout d’expérience. Je l’ai fait en 2003 dans un salon, avec une petite caméra et deux comédiens. Avant de le tourner, pendant des années, je décortiquais les films pour voir la construction des plans, je passais mon temps à tester des appareils photo, des objectifs, j’imaginais que ça pouvait être une séquence ou un plan. Et puis, le numérique est arrivé et j’ai pu accéder pour la première fois de ma vie à une caméra numérique. J’ai eu la possibilité de faire un petit film, des petites prises avec un logiciel de montage basique. D’un coup, le cinéma est devenu concret, alors que pendant des années, il était resté théorique.
« Petit déjeuner »
Comment, sans expérience, as-tu géré le doute, la peur des premiers films ?
Je ne sais pas. Pour le premier court, il n’y avait pas beaucoup d’enjeux. Il faut arriver à un moment à évacuer l’idée d’enjeux, à accepter qu’on puisse rater un film et se préparer à le faire. C’est comme ça qu’on apprend. À l’époque, j’essayais de préparer mes séquences le plus possible, de travailler le scénario. Ce qui est bien, quand tu abordes l’écriture, c’est que tu peux aisément te rendre compte de ce que tu ne maîtrises pas.
Est-ce que tu as cherché à faire financer tes premiers cours ?
Non, pas du tout. Pour le premier, dès qu’on m’a proposé d’adapter un texte de Jacques Prévert, j’ai mis en place une petite équipe et on a tourné en une journée. Ce n’était pas un film fait professionnellement. Pour le deuxième, c’était un peu pareil. J’ai voulu m’approprier une nouvelle de Charles Bukowski en installant mon histoire à Alger. On avait juste un chef opérateur qui faisait l’image, mais au niveau du son, le micro était directement branché sur la caméra.
« Ce qu’on doit faire »
Qu’est-ce qui a alors déterminé le financement des « Jours d’avant » ?
Les envies évoluent et à un moment, tu te rends compte qu’elles ont besoin d’argent (rires) !
Qu’est-ce qui est à l’origine du film ?
Après le deuxième court métrage, j’ai eu envie d’écrire un long, d’aller plus loin. J’ai participé à une résidence d’écriture au Maroc où j’ai rencontré Virginie Legeay avec qui j’ai travaillé sur mon scénario de long.
On nous a demandé d’écrire un scénario pour parler des deux personnages, Djaber et Yamina, de leur vécu, de leur passé. Ca faisait longtemps que je voulais raconter une histoire d’adolescents, c’était l’occasion rêvée. La seule adolescence que je connaisse réellement, c’est celle de l’Algérie des années 90 et la seule expérience que j’avais, c’était la mienne.
Pourquoi partir d’une expérience personnelle ?
Quand on est à la recherche d’une justesse, je ne pense pas qu’on puisse raconter quelque chose qu’on ne connaît pas.
Le cinéma permet aussi d’aller vers le fictif.
Bien sûr. Ce que je raconte ne m’est pas arrivé, mais la période, la manière de parler, les relations entre les individus, tout cela fait partie de mes expériences personnelles et a pu m’aider pour l’écriture.
La période choisie des « Jours d’avant »n’est pas anodine, elle se passe dans les années 90, dans une période trouble. Il me semble que cette période est quasiment un troisième personnage.
Absolument, je suis entièrement d’accord. Je voulais inclure cette période dans cette période parce qu’elle est cruciale dans notre histoire et parce que j’ai l’impression que les choses ont tendance à se répéter. Le terreau de la violence en Algérie est toujours d’actualité.
Pour moi, le fond du problème, c’est comment évoluer dans une société pareille dans laquelle les individus sont coupés de toute expérience, de tout lien à l’autre. Vivre, comme Djaber, dans une cité où tu es loin de tout ne te donne pas la possibilité de réfléchir au piège dans lequel tu te trouves. Entre ce que nous demande la société, la morale et la tradition, on est dans une situation de conflit. L’expérience passe par le remords, la culpabilité. Tout est mis en place pour que même quand tu transgresses la règle, tu éprouves de la culpabilité.
Comment les choses se passent quand tu présentes le film dans ton pays ? Est-ce que les langues se délient ?
Non, le rapport du public avec le cinéma ou la télévision est quelque chose de très bizarre. En Algérie, j’ai l’impression que la fiction ne concerne nullement la réalité des gens. Il y a eu très peu de conversations autour du sujet, mais globalement, j’ai l’impression qu’on y voit plus une histoire d’amour impossible qu’une réflexion sur l’Algérie de l’époque. Le film a eu beaucoup de succès à Alger et à Oran, j’ai l’impression que les gens projettent leurs conflits intérieurs mais ce n’est pas pour autant qu’ils arrivent à en parler. La plupart des gens constate la tragédie de ces jeunes tout en la comprenant. Ils ont peut-être vécu des situations similaires face à cette impossibilité de vivre pleinement quelque chose.
J’ai vu bon nombre de films réalisés en Algérie qui parlent du poids de la tradition, de la religion. C’est rare que je ne sois pas tombé sur des films où le discours prenait le dessus, où d’emblée, on était dans l’affirmation, le slogan.
Comment rendre compte d’un système de pensée caduc au sein d’une société ? Comment raconter quelque chose d’intime que peuvent ressentir un garçon et une fille et qui peut être partagé par beaucoup de gens ? Je n’ai pas besoin de dire au spectateur : “vous voyez bien que ce n’est pas bien de séparer les gens.” Il faut juste leur faire partager ces moments d’intimité et après, chacun remplit les vides que je laisse.
Ce qui me frappe, c’est que Djaber et Yamina sont souvent en coprésence (au lycée, chez l’épicier), mais ils n’arrivent jamais à se parler, à se rencontrer.
Ils ont été conditionnés pour ça. Le plus grand mur est dans les têtes. Il y a une telle barrière qui a été installée en nous, dans nos chairs que c’est difficile de faire le pas. Et si ça se fait, ça se passe dans la douleur et les regrets.
Qu’est-ce que tu as voulu raconter dans « Les Jours d’avant » ?
À travers le scénario, j’ai voulu parler de la frustration des individus, mais aussi de ce qui m’a poussé à grandir un peu. Plus jeune, j’ai toujours cru qu’il suffisait d’être innocent pour éviter le pire. Mais il y a une forme de froideur de la vie. Quand un évènement doit se dérouler, c’est comme une tempête. Quand un tsunami passé, il arrache tout, il se fout de savoir si il y a des gens sympas. C’est une croyance d’enfant sûrement liée au fait que nos parents nous protégeaient tellement en nous disant qu’on finit toujours par s‘en sortir, que les problèmes se règlent, que les gens bien s’en sortent. Les informations venaient toujours de loin, ne semblaient pas nous concerner. Notre écran, c’était nos parents et la télévision.
Tu n’a pas été confronté à cette violence ?
J’avais 18 ans en 1994. Bêtement, je pensais que ce qui se passait était une histoire entre des gens au pouvoir et d’autres qui n’avaient pas pu l’atteindre. Quand les choses se sont gâtées, quand ça s’est rapproché de plus en plus, il n’y avait personne pour me rassurer. Au moment où les choses arrivent devant toi, où tout un commissariat pète, où la fenêtre de ta maison s’ouvre à cause du souffle, où le frère ou la soeur d’un de tes amis se fait égorger, là, tu as vraiment peur. Tu as l’estomac qui se serre et tu te rends compte à quel point il n’y a personne pour venir te sauver.
Souvent, j’entends des gens dire qu’il faut régler cette histoire en nous, mais j’ai l’impression qu’on ne réglera rien. Cette tragédie est arrivée, a tout balayé. Est-ce que je peux expliquer ce qui s’est passé ? Non. Tout le débat sur la façon dont les choses sont arrivées n’a pas été évoqué.
Est-ce que tu aborderas ces questions dans ton long-métrage ?
Un peu, oui. Le long n’est pas le prolongement du court. Dans le long, je parle de l’Algérie après la guerre civile et de personnages qui essayent de vivre dans un pays d’oubli, qui n’a pas appris de ses erreurs, qui veut rejoindre les sociétés de consommation à outrance, mais où finalement, rien n’a été réglé.
Pourquoi fais-tu du cinéma ?
Si je n’avais eu que mon travail, ça aurait été dur d’envisager le quotidien. Le cinéma m’apporte de l’expérience, des ouvertures, il me permet de m’exprimer. Le cinéma, c’est aussi des séquences, des comédiens, de la beauté. En faisant du cinéma, on se rend service, ce n’est pas seulement du militantisme. On veut vivre dans le bonheur que procure le cinéma.
Dans une cité du sud d’Alger, au cœur des années 90, deux jeunes gens, Djaber et Yamina, tentent de traverser l’adolescence malgré une violence qui couve et se resserre autour d’eux. Elle finit par éclater sous leurs pieds et modifier définitivement leurs parcours.
Les garçons et les filles ont à peine l’occasion de se regarder. À la sortie de l’école, les filles se « volatilisent » aux yeux des jeunes hommes. Prix Format Court au Festival du Film Francophone de Namur, « Les Jours d’avant » s’attache successivement aux personnages de Djaber et Yamina, sous forme d’un diptyque, variant les focalisations dans un même déroulement spatiotemporel. Ce schéma parallèle renforce l’impossibilité d’une croisée des chemins. Mais cette solitude endémique est plus profonde : au sein même de la famille, les liens ont disparu. Les voix off des deux personnages se font écho et soulignent l’absence de véritables échanges. À propos de sa sœur, Yamina dira : « Même à elle je ne disais plus rien, nous avions appris à nous taire ».
Yamina et Djaber forment un duo de personnages en miroir. Sur leurs visages se dessine la même impassibilité, seuls leurs yeux traduisent l’ardeur d’un désir et d’une peur, celle de l’autre, celle d’un ailleurs, celle d’une vie qui n’est pour l’instant que suspendue. Le regard de Djaber aspire à autre chose et se perd constamment dans un hors champ (souvent celui d’une fenêtre). Les jeunes gens sont pétrifiés par les interdits parentaux, sociétaux et par le filet des meurtres se tissant progressivement. L’annonce d’une fête et les promesses qu’elle contient les anime pourtant. La vie et les espoirs personnels peuvent encore palpiter sous la torpeur…
Le choix de la saison du tournage s’accorde avec cette ambivalence : l’hiver projette sa lumière froide sur les paysages, les horizons montagneux offrent une échappée belle et viennent contraster avec le ciel bas, avec les chemins détrempés de la cité dans lesquels on s’embourbe, slalomant entre les flaques étales.
« Les Jours d’avant » a pu être comparé dans sa construction et dans le choix de son sujet au film « Elephant » de Gus Van Sant. Des destins adolescents pris dans leurs préoccupations quotidiennes sont rattrapés par une violence implacable en marche. Les événements revécus différemment selon les points de vue ne font que renforcer l’aspect indétournable du processus. L’emploi de la musique d’opéra (Haendel) rappelle celle de Beethoven employé par le réalisateur américain. La musique donne au film le ton de la tragédie, dont il reprend la structure : unité de temps, lieu et action. Comme dans la tragédie, les hommes sont soumis et impuissants face à la fatalité. Selon les mots de Karim Moussaoui, l’horreur des évènements était « une troisième dimension incontrôlable, qui devait s’imposer à nous ». S’il s’agit de personnages de fiction, la cité de Sidi Moussa et l’époque correspondent à l’adolescence du réalisateur. Et Djaber et Yamina pourraient très bien reprendre les mots de Karim Moussaoui dans leurs monologues intérieurs : « cela ne va pas nous arriver, pas chez nous, pas nous, et puis à chaque fois la violence approchait et on s’interdisait d’être concernés ».
Ce portrait à double facette masculin/féminin d’une résistance intime face au désordre pose cette question sans âge : comment se construire, construire son individualité dans la déréliction d’une société meurtrie ? La beauté de ce film est déjà l’esquisse d’une réponse.
Pour information, « Les Jours d’avant » sera projeté jeudi 12 décembre, dans le cadre des soirées Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en présence de la co-scénariste et productrice du film, Virgine Legeay.
Début octobre, Format Court remettait pour la première fois un prix au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF). Notre jury avait élu comme meilleur film international « Les Jours d’avant » de Karim Moussaoui (Algérie, France) pour la maîtrise de sa mise en scène, sa narration à double regard et sa façon très personnelle de filmer l’adolescence.
Ce moyen-métrage de 47 minutes sera projeté ce jeudi 12 décembre 2013 , lors de la dernière séance Format Court de l’année, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en présence de la co-scénariste et productrice du film, Virgine Legeay. Quelques jours avant la projection, dans le cadre du Prix Format Court, nous publions un focus consacré à Karim Moussaoui. L’occasion d’en savoir plus sur l’auteur, son rapport au cinéma et aux histoires individuelles.
Synopsis : Dans une cité du sud d’Alger, au milieu des années 90. Djaber et Yamina sont voisins mais ne se connaissent pas. Pour l’un comme pour l’autre, il est si difficile de se rencontrer entre filles et garçons qu’ils ont presque cessé d’y rêver. En quelques jours pourtant, ce qui n’était jusque là qu’une violence sourde et lointaine éclate devant eux et modifie à jamais leurs destins.
Auteur d’une poignée de courts-métrages grindhouse à l’humour ravageur et à l’imagerie furieuse, mais aussi du moyen-métrage « Le Réserviste », hommage vibrant aux actioners eighties déviants, Mathieu Berthon a répondu à nos questions lors de son passage à Court Métrange pour présenter le film « Feed To Kill », sélectionné en hors-compétition. Découvrez un réalisateur passionné qui, faute de ne rentrer dans aucune case, s’est créé la sienne et l’investit avec acharnement.
Quel est ton parcours dans le milieu du cinéma ?
Mon premier rapport au cinéma s’est fait quand j’étais tout jeune. J’ai eu la chance d’avoir des parents cinéphiles, donc j’ai vu pas mal de films quand j’étais enfant. J’ai un rapport assez particulier au cinéma d’horreur car j’ai vu « Robocop » à sept ans et demi, mon père ayant eu la bonne idée de louer la cassette sans se soucier de l’interdiction. Ce film m’a bien traumatisé au début, j’en faisais même des cauchemars, à cause de sa grande violence graphique. Pendant longtemps, j’ai fait un rejet de tout ce qui était imagerie d’horreur, parce que cela me ramenait à plein de choses que j’avais vécues pendant cette projection. Finalement cela s’est transformé en quelque chose de positif et « Robocop » est devenu, l’un de mes films préférés.
Plus tard, au collège, dans le cadre d’un exercice d’arts plastiques, on devait faire un détournement de pub sur papier. Étant très mauvais au dessin, j’ai proposé à mon professeur de tourner un film plutôt. Celui-ci était très enthousiaste du résultat, je me suis donc dit qu’il y avait quelque chose à creuser dans ce sens. J’ai récupéré la caméra VHS de mon père et je me suis mis à tourner plein de choses dans tous les sens. A la base, je voulais devenir maquilleur, donc je tournais des courts métrages pour mettre en valeur les maquillages, sans vraiment raconter d’histoires. Plus tard, j’ai décidé de me consacrer plus à la réalisation, mais je garde toujours une sensibilité accrue pour le maquillage.
Ensuite, j’ai passé un BTS de montage, tout en faisant à côté des courts métrages de genre. Mon école n’aidait pas du tout les étudiants à tourner, ils avaient une politique de restriction du matériel, donc je ne filmais qu’avec des moyens réduits que je trouvais à l’extérieur. Cela m’a appris à me débrouiller par moi-même, à bricoler à partir de rien en somme. Je faisais partie d’un petit cercle de gens qui faisaient des courts métrages sur Lyon et j’ai eu la chance pour mon premier vrai court de participer à un concours qui portait sur le thème de la voiture. Nous devions faire un film en une semaine. Le film était tourné dans un garage automobile et reprenait beaucoup de thématiques sur Big Brother. Je voulais parler de la condition d’ouvrier, de l’abrutissement par le travail, alors j’ai demandé à mon grand-père de jouer dedans, car il avait travaillé plus jeune à l’usine. Il avait même perdu des doigts en travaillant, cela m’intéressait énormément d’un point de vue visuel et émotionnel. Ce court métrage qui s’appelle Une Pause a bien tourné en festival et cela m’a ouvert plusieurs portes. J’ai commencé à faire de la décoration sur des films de genre et j’ai pu découvrir ce qu’était un tournage professionnel. Je me suis créé un bon carnet d’adresses et j’ai pu continuer à tourner mes projets, sans réel budget, mais avec beaucoup d’énergie.
Comment présenterais-tu ton travail à des gens qui ne te connaîtraient pas ?
Curieusement, au tout début, j’ai commencé par tourner des courts métrages très dramatiques. À l’époque j’étais dans une période un peu noire et j’avais besoin de traiter de sujets sérieux. Ensuite, je me suis concentré sur des choses plus légères qui se tournaient plus rapidement. J’ai toujours été attiré par un effort artistique conséquent au niveau du rendu visuel d’un film, ce que les Américains appellent la « production value ». J’ai réalisé de nombreux films qui mettent en valeur les maquillages, les décors, les costumes, mais aussi les cascades et les effets pyrotechniques. C’est un peu avec cet état d’esprit que je me suis lancé dans Le Réserviste, je souhaitais travailler avec tous ces décorateurs, maquilleurs, cascadeurs rencontrés au fil des tournages, et écrire une histoire qui pourrait magnifier leur travail. À la base, c’était un petit projet sous forme d’un hommage aux séries B d’action d’autrefois, mais finalement, plus les gens voulaient travailler sur le film, plus le projet grandissait. Je pensais faire un faux trailer au départ et je me suis retrouvé embarqué dans un moyen-métrage de 38 minutes que j’ai entièrement financé de ma poche. Les délais de post-production ont été conséquents car les gens qui travaillaient sur les FX étaient bénévoles et s’en occupaient sur leur temps libre. Comme tous mes films, ce fut un tournage de type guérilla dans lequel tous les gens sont bénévoles et où l’on ne demande pas d’autorisations de tournage, non par choix, mais par nécessité. C’est une sorte de cinéma coup de poing que je continue toujours à faire, car même maintenant j’ai encore des difficultés à m’insérer dans une méthode de tournage plus classique, le sujet même de mes films ne me permettant pas de faire les choses dans les règles. En effet, c’est plutôt difficile d’obtenir une autorisation de tournage quand le dossier que tu envoies concerne une histoire de ninjas !
Peux-tu nous dire un mot sur ton nouveau projet ?
Je suis en train de tourner le quatrième volet d’une franchise créée par le collectif de cinéma montréalais RKSS : Ninja Eliminator. Le concept de cette franchise est de réaliser de fausses bandes annonces de films de ninjas, et pour le numéro 4, je me suis lancé dans un spin-off de la saga, basé en France, avec un ninja français. Le collectif m’avait demandé de réaliser une petite séquence à Paris pour le troisième volet, et comme je me suis pris au jeu de tourner cette petite scène, j’ai eu envie d’aller plus loin et de développer le personnage de flic parisien créé pour cet épisode. J’ai donc demandé à RKSS s’ils étaient d‘accord et puis je me suis lancé dans l’aventure du numéro 4. Pour ce nouvel épisode, le personnage possède toute une panoplie typiquement française, au niveau des costumes et des postiches qu’il porte, mais aussi des accessoires qu’il utilise. Nous avons essayé de filmer dans des lieux qui font « carte postale » (Champs de Mars, Parc Floral, etc.). Nous avons même tourné une scène sur une aile de Concorde stationnant à l’arrêt à Orly, sans autorisation, avec la gendarmerie qui faisait sa ronde et qui se demandait ce que l’on pouvait bien filmer sur cette aile d’avion, habillés en ninjas !
Un mot sur ton court métrage « Feed To Kill », sélectionné en hors-compétition à Court Métrange cette année ?
« Feed To Kill »est une fausse bande annonce que l’on a tournée en 4-5 jours à Lyon, avec un budget avoisinant les 300 euros en tout. Avec ce court, nous voulions tester plusieurs choses à l’image, notamment une séquence d’action avec une torche humaine. C’est une oeuvre extrême, qui renferme son lot de scènes radicales et sanglantes et qui fait appel à un humour bien scatologique, donc il est très difficile de diffuser le film dans des programmations classiques. Il a plus sa place dans des Festivals comme SPASM à Montréal, le Bloody Week-End, Courts Mais Trash et, bien entendu, Court Métrange.
Cette forme du « faux trailer » est quelque chose que tu as beaucoup pratiqué. Pour quelle raison ?
Cela me permet de tourner de nombreuses petites séquences visuellement très intéressantes sans trop me soucier de l’aspect narratif. Je peux rapidement expérimenter différentes ambiances et me concentrer sur les scènes clés du film sans m’encombrer des lourdeurs d’exposition et de développement propres à la narration. Je trouve un plaisir également à tourner dans plusieurs lieux différents et à mettre en scène certaines envies visuelles comme par exemple « la torche humaine ». Ce format me convient parfaitement car nous nous amusons en tournant ces faux trailers et cela rejoint ma vision d’un tournage qui doit rester avant tout quelque chose de familial et convivial et ne pas devenir compliqué ou conflictuel.
Comment te situes-tu au niveau du film de genre en France, et plus spécialement du court métrage ?
J’essaye à travers mes films de faire des choses que l’on n’a pas forcément l’habitude de voir dans le circuit du genre français, des films qui empruntent des éléments autant au cinéma trash qu’à la comédie. Je tente de proposer une alternative en quelque sorte à un cinéma que je trouve beaucoup trop sérieux. Je déplore qu’en France, la comédie horrifique ne trouve pas sa place comme elle a pu le faire à Montréal, avec des collectifs comme RKSS par exemple. De plus, mes films utilisent souvent un humour assez vulgaire, et j’ai parfois l’impression d’être un peu snobé par le circuit du genre qui considère cela comme appartenant à la farce, donc peu digne d’intérêt, ce qui est vraiment dommage.
En France, nous possédons une culture de la comédie très developpée, seulement il y a peu de personnes qui poussent leurs idées vraiment à fond. Beaucoup de films restent politiquement corrects malgré leurs pitchs de départ très prometteurs. J’aimerais évoluer vers un univers moins radical et référentiel, toujours ancré dans la pop culture, mais qui devienne plus accessible, tout en gardant une originalité, une approche différente et qui ne se limite pas à cause de tel ou tel élément qui risque d’heurter le public.
L’appel du muezzin, le béton fracturé, une vue sur le dôme doré de la mosquée Al-Aqsa et nous voici à mi-chemin entre le « Bab-El-Oued » de Merzak Allouache et l’univers des milles et unes nuits.
Présenté aux Rencontres Henri Langlois, « A Letter from Jerusalem » de Mohammed Al Fateh et Abu Snenih est avant tout un documentaire s’appliquant à nous transmettre les sons et les images de la ville. Un événement anodin, digne d’un film de famille, un pique-nique, raconté par une petite fille, sert de fil conducteur à cette immersion au cœur de la vieille ville de Jérusalem.
Le portrait de cette famille est simple et le film nous en fait rencontrer tous ses membres comme autant d’instants volés. On sentirait presque l’odeur des plats partagés ensemble. Et puis, le récit bascule, devient politique tout en restant intime. Des photos arrêtent le mouvement. La contradiction de la proposition de départ, un pique-nique étrangement urbain, éclate pour ne laisser qu’une description de la douleur collective que l’on sentait poindre sans arriver à la comprendre.
Le toit de la maison est le dernier vestige de la demeure familiale, détruite par l’armée israélienne. Sans rancœur et avec beaucoup d’espoir, le film nous donne à partager le rêve de retour de cette famille. Une scène symbolique montre les filles de la famille redessiner le plan imaginaire d’un appartement en devenir. Tout le paradoxe de Jérusalem pour les Palestiniens se trouve dans cette scène : les lieux sont sous nos yeux depuis le début du film, ils sont l’espace filmique lui-même. Mais rien n’est visible. Entre espoir et droit au retour, palestinien cette fois-ci, se forme un lieu imaginaire que seul le cinéma documentaire lorgnant sur le cinéma-vérité pouvait décrire sans hargne ni déni.
Synopsis : Ce film suit le récit d’une lettre, celle d’une jeune fille qui parle de sa famille à Jérusalem. C’est une sortie familiale dans la vieille ville et un pique-nique sur un toit. Un évènement inattendu survient lorsqu’une autre famille démolit sa propre maison après décision de justice.
À la manière de la chanson de Jacques Brel où l’on « vit tous en province quand on vit trop longtemps », Issa Banourah, premier coiffeur de Beit-Sahour, en périphérie de Bethlehem attends ses clients dans son salon. Entre photos souvenirs et carte de la Palestine aux frontières évolutives sur les murs, un vrai portrait d’homme se dessine, muet la plupart du temps et en plans fixes, comme des photos vivantes n’oubliant pas la musique.
À la faveur d’un court voyage de ce vieux coiffeur chez un client, au cadre heurté par une caméra qui suit les cahots de la route, on mesure à quel point le film fait voyager son spectateur. Accompagné de gestes comme mille fois répétés, ce petit trajet, présenté ces jours-ci au festival de Poitiers, reflète l’ampleur du voyage intérieur du personnage en deuil. Son usure joue sur lui comme celle du paysage urbain qu’il traverse, comme un instantané de la Palestine, toujours en construction et déjà ancienne.
La rencontre avec ce pays volatile se fait par l’entremise de ce personnage que l’on apprend à connaître dans son mutisme. La beauté de ses traits creusés renvoie aux meurtrissures de l’histoire palestinienne que la forme documentaire rend actuelle et proche. On devine une grande complicité entre la réalisatrice et ce personnage, mais aussi une confiance réciproque complète, dans une civilisation où l’image vire vite à la trahison.
En sept minutes, Haneen Rishmawi, la réalisatrice de « Town Barber » parvient à capturer le temps qui passe pour mieux saisir le temps passé. Elle le fait avec une belle pudeur et une authentique acuité. Il y a dans son film une poésie de la mise en relation faisant communiquer la musique avec l’image tout autant que les vivants avec les disparus.
Synopsis : Le quotidien d’Issa Banourah, le premier coiffeur de la ville de Beit-Sahour, devenu un vieil homme âgé et solitaire après la perte de sa femme.
Genre : Documentaire
Durée : 7′
Pays : Palestine
Année : 2011
Réalisation : Haneen Rishmawi
Son : Majd Salsa
Montage : Haneen Rishmawi
Production : Dar al-Kalima University College of Arts and Culture
En prévision de ses cinq ans, Format Court bénéficiera d’une carte blanche au festival de Vendôme (6-13 décembre), conçue par Fanny Barrot, Katia Bayer, Aziza Kaddour et Camille Monin. Cette séance spéciale, présentée par Katia Bayer, le vendredi 13 décembre à 16h (Minotaure), réunit sept films singuliers, français et étrangers, animés, expérimentaux et fictionnels, découverts et aimés en festivals, réalisés par des étudiants en cinéma comme par des jeunes professionnels.
Programmation
Incident by a bank de Ruben Östlund, Suède, 2010,expérimental, 12 minutes, Production Plattform Produktion AB, Ours d’or du Meilleur Court Métrage au Festival de Berlin 2010
Le récit détaillé d’un braquage de banque raté. Une seule prise où 96 personnes effectuent une chorégraphie méticuleuse pour la caméra. Le film recréé un événement réel qui se déroula à Stockholm en juin 2006.
L’oeil du paon de Gerlando Infuso, Belgique, 2010, animation, 13′, Ecole ENSAV – La Cambre, Prix du Jury au Festival International du Film Francophone de Namur 2011
Sibylle est une artiste en fin de parcours, en quête du dernier coup de pinceau.
French kiss d’Antonin Peretjatko, France, 2004, fiction, 18′, Chaya Films. Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2005
« Merde alors : écoute, dans la vie la chance ne passe qu’une fois, sauf si t’as de la chance : dans ce cas elle passe deux fois. Mais pour toi elle ne passe qu’une fois. Alors faut causer à Kate l’Américaine, où est-ce qu’elle est ? »
Sonata de Nadia Micault, France, 2013, animation, 11′, Autour de minuit. Sélectionné en hors compétition au Festival d’Annecy 2013
Dans un univers imaginaire et musical, une jeune femme se fuit, se perd et fait l’expérience de ses propres limites. Petit à petit, elle se laisse apprivoiser pour mieux se recomposer.
Les Mots de la carpe de Lucrèce Andreae, France, 2012, animation, 4′, La Poudrière. Sélectionné au Festival d’Angers 2013
Une salle ronde, des tables de deux, des couples en face à face… Au bout de quelques minutes, on tourne, changer de cavalière, c’est la règle du jeu !
Les Brigands d’Antoine Giorgini, France, Belgique, 2013, fiction, 20′, Entre Chien et Loup, Petit Film, Prix Beaumarchais-SACD au Festival Paris Courts Devant 2013
Après avoir commis des vols sur un parking, Jimmy et Limo, deux jeunes voyous, se réfugient dans la forêt pour semer leurs poursuivants.
Depuis 2008, les Rencontres Internationales Henri Langlois consacrent chaque année une soirée à la jeune création africaine. Peu diffusées, ces cinématographies singulières tant dans leur fabrication que dans les messages portés par les jeunes réalisateurs, sont ici mises à l’honneur, l’espace d’une soirée dans le programme « Afrique : droit de suite ».
Cette année, six films et cinq pays (Maroc, Cameroun, Burkina Faso, Madagascar, Sénégal) étaient présentés au festival et cette sélection éclectique n’a pas manqué de faire réagir une salle bien remplie. Car pour les habitués du festival, ce programme fait partie des rendez-vous incontournables de la semaine.
Deux réalisateurs étaient également présents : Hajar Belkasmi pour « Le maillot » et Jean-Baptiste Pajoukounam Ouedraogo pour « Une partie de nous ». Très émue, la réalisatrice du documentaire « Le maillot » a avoué sans détour être surprise de la sélection de son film qui porte en lui l’évidence de l’exercice de fin d’études. En effet, étudiante en montage, elle a réalisé son film dans l’optique d’un diplôme, en réponse à une contrainte : elle devait concevoir un film documentaire. Elle avait au départ imaginé une fiction… et a dû adapter ses envies à l’exercice imposé. Si elle admet facilement que son film est très important personnellement (il parle de sa tante et de sa mère), elle reconnaît aussi l’avoir construit en fonction des attentes de son école.
Pour le réalisateur burkinabè de « Une partie de nous », les choses semblent assez différentes. Ce jeune réalisateur se dit de prime abord timide mais dès lors qu’il prend le micro pour parler de son film, l’homme se transforme, habité par sa passion de cinéma. Primé au dernier Fespaco, meilleure fiction dans la catégorie films d’école, son court métrage mélange croyances traditionnelles et préoccupations écologiques. Il parle d’une enfant qui communique avec les végétaux au point de se fondre littéralement dans l’un d’entre eux pour éviter son déracinement.
Dans le programme, une autre fiction, plus conventionnelle, a également été présentée : « Surplus » du Camerounais Nathan Kaweb, issu du Centre de formation professionnelle de l’audiovisuel. Dans ce court métrage, ce sont les valeurs familiales traditionnelles qui sont bousculées par le mode de vie plus moderne d’un jeune couple.
En terme de sujet, les deux documentaires « Salles de ciné » de Wabinlé Nabie (Burkina Faso) et « Sur la rive » de Mariana Sy (Sénégal) sont des films qui tirent la sonnette d’alarme sur des thèmes aussi éloignés que la situation extrêmement difficile des salles de cinéma à Ouagadougou et la crise que subissent les pêcheurs de la Langue de Barbarie. Ce qui émerge de ces films est sans doute la force de la lutte, la non-résignation des hommes et des femmes qui travaillent pour nourrir leurs corps mais également leurs esprits.
Entre ces trois documentaires et ces deux fictions, s’est glissée une jolie animation malgache : « Ini hono izy ravorona » de Sitraka Randriamahaly. L’histoire de cette jeune mère qui parcourt son pays pour soigner son enfant malade est traitée de façon très poétique, le sujet est soutenu par une animation simple aux couleurs douces où les détails n’ont pas d’importance. Ici, ce sont les décors et l’action qui focalisent l’attention, et on se laisse prendre au jeu. L’essentiel est dit. Ce film a pu être réalisé grâce au fonds malgache Serasary qui soutient les jeunes réalisateurs. Créé en 2011, ce fonds aide chaque année la production d’un documentaire, une animation et une fiction, le film de Sitraka Randraimahaly ayant fait partie de la première promotion.
Un programme qui expose des réalités singulières d’hommes et de femmes d’Afrique et qui oscille entre réflexions personnelles, introspections et questionnements sur le rapport aux autres. Les réalisateurs sont ici bien ancrés dans leur présent mais n’hésitent pas à regarder derrière eux pour comprendre d’où ils viennent et peut-être mieux influer sur ce vers quoi ils tendent pour leur futur et celui de leurs enfants. Un « droit de suite » qui donne ainsi à réfléchir sur les préoccupations quotidiennes qui régissent la vie de ces jeunes artistes africains.
Pour sa 36eme édition, du 29 novembre au 8 décembre, le Festival international des écoles de cinéma, donne, comme tous les ans, la tendance de ce qui se trame en matière d’émergence de talents. On ne saura taire que sont rassemblés ici les plus grands savoir-faire en matière d’apprentissage du cinéma, les prestigieuses écoles internationales étant représentées par leurs non moins brillants élèves. Les sélections y sont foisonnantes d’énergie, d’envies de cinéma, de fragilité aussi parfois.
À Poitiers, les promesses de belles découvertes autour d’univers de jeunes réalisateurs sont tenues entre un focus consacré aux cinématographies israélienne, libanaise et palestinienne, une vaste compétition internationale de 11 programmes de films d’écoles, deux programmes de courts français et bien entendu, des programmes spéciaux avec comme chaque année une séance dédiée aux écoles de cinéma africaines.
Un des effets positifs du passage à la projection numérique est la nécessité de numériser les films anciens qui bénéficient, de ce fait, d’une restauration. Pour accompagner les coûts que ces travaux représentent, le Centre national du cinéma et de l’image animée a mis en place un soutien à la numérisation des oeuvres cinématographiques. C’est parmi ceux qui ont bénéficié de cette aide sélective que nous avons choisi les films de ce programme, une occasion de redécouvrir – ou de découvrir –, dans leur lustre originel, des courts métrages de renom. Entre l’animation de Jean-François Laguionie, l’essai documentaire de Maurice Pialat, les fictions signées Jean-Marc Moutout, Xavier Giannoli et François Ozon, cette sélection confirme une fois de plus la richesse et la variété d’écritures de la forme brève.
Jacques Kermabon
LA TRAVERSÉE DE L’ATLANTIQUE À LA RAME de Jean-François Laguionie, 1978, couleur, 21 mn, projection numérique. Palme d’or du court métrage au Festival de Cannes 1978, César du meilleur court métrage d’animation 1979, Grand Prix du Festival international du film d’animation d’Ottawa 1979
Réalisation et image : Jean-François Laguionie. Scénario : Jean-François Laguionie et Jean-Pierre Gaspari. Montage : Claude Reznik. Musique : Pierre Alrand. Son : Glespari. Production : Médiane Films.
Au début, il ne s’agissait que de traverser l’océan, un exploit comme un autre. Mais il y a des voyages qui durent plus longtemps que prévu…
TOUT DOIT DISPARAÎTRE de Jean-Marc Moutout, 1996, couleur, 14 mn, projection numérique. Grand prix au Festival de Clermont-Ferrand 1997
Réalisation et scénario : Jean-Marc Moutout. Image : Valérie Le Gurun et Alexandre Monnier. Montage : Marie-Hélène Mora. Musique : Alain Besson et Toups Bebey. Décors : Guillemette Gille. Son : Éric Boisteau et Roland Boon. Interprétation : Romain Lagarde, Émile Abossolo Mbo, Bruno Lopez, Claude Brousse et François Gamar. Production : Grec.
À Paris, des hommes attendent un éventuel emploi journalier de déménageurs dans une agence d’intérim. Parmi eux, deux novices, Jean-Pierre et Théo, qui ne se connaissent pas. Ils se retrouvent en banlieue pour effectuer, croient-ils, un déménagement ordinaire.
L’AMOUR EXISTE de Maurice Pialat, 1960, noir et blanc, 20 mn, projection numérique. Lion de Saint-Marc au Festival de Venise 1961
Réalisation : Maurice Pialat. Image : Gilbert Sarthre. Montage : Kenout Peltier. Musique : Georges Delerue. Production : Les Films de la Pléiade.
La banlieue. Son passé, ses habitants, leurs vies. La grisaille. Grisaille de l’aurore et du crépuscule. Regard nostalgique et désespéré, empreint d’amertume, sur un univers clos…
L’INTERVIEW de Xavier Giannoli, 1997, noir et blanc, 18 mn, projection numérique. Palme d’or du court métrage au Festival de Cannes 1998
Réalisation et scénario : Xavier Giannoli. Image : Christophe Beaucarne. Montage : Raphaële Urtin. Musique : Philippe Hersant. Son : Adrien Nataf et François Musy. Interprétation : Mathieu Amalric, Philippe Pollet-Villard et Jean-Marie Winling. Production : Rectangle Productions.
Il y a dix ans, un jeune journaliste décroche un entretien avec l’un des derniers mythes hollywoodiens.
UNE ROBE D’ÉTÉ de François Ozon, 1996, couleur, 15 mn, projection numérique. Léopard d’or au Festival international du film de Locarno 1996
Réalisation et scénario : François Ozon. Image : Yorick Le Saux. Montage : Jeanne Moutard. Musique : Sheila. Décors : Sandrine Cayron. Son : Benoît Hillebrant. Interprétation : Frédéric Mangenot, Lucia Sanchez et Sébastien Charles. Production : Fidélité Productions.
C’est l’été. Sébastien aime Sheila. Lucia aime les garçons. Et Frédéric, lui, veut simplement se faire bronzer…
Infos pratiques
Mardi 10 décembre, séance à 20h30
MK2 Quai de Seine
14 Quai de la Seine
75019 Paris
M° Jaurès ou Stalingrad
Tarif : 7,90 € (cartes illimitées acceptées)
HaikuProd’ est une jeune entreprise rennaise s’adressant aux entreprises, aux associations et aux particuliers créée par Charles Bommert, un ancien étudiant de l’ESRA (Ecole supérieur de réalisation audiovisuelle). Rencontrée à Court Métrange, elle nous a rendu service en personnalisant notre campagne Ulule via une vidéo de présentation de Format Court et en filmant et montant les interviews de Tchéky Karyo et Christophe Taudière (France 2). Nous la remercions aujourd’hui en diffusant exceptionnellement sa bande démo.
Les Rencontres Henri Langlois, alias le Festival International des Ecoles de Cinéma de Poitiers, connaît sa 36ème édition du 29 novembre au 8 décembre. Découvrez les nombreux films en compétition internationale, avant d’en savoir plus dans notre prochain dossier consacré au festival.
Films en compétition
– Bon voyage de Fabio Friedli, Suisse
– L’Étrange petit chat de Ramon Zürcher, Allemagne
– Pieds verts de Elsa Duhamel, France
– Cloro de Laura Plebani, Italie
– Las Lágrimas de Pablo Delgado Sánchez, Mexique
– Sleeping With The Fishes de Yousif Al-Khalifa, Royaume-Uni
– We Were Wolves de Mees Peijnenburg, Pays-Bas
– Panihida de Ana-Felicia Scutelnicu, Allemagne
– Ascona de Bram Algoed, Belgique
– Goût de poulet de Quico Meirelles, Brésil
– Daimi de Marie Grahtø Sørensen, Danemark
– Les Esprits que j’invoque de Lena Knauss, Allemagne
– Not About Us de Michael Frei, Estonie
– La Prima Legge di Newton de Piero Messina, Italie
– Campo de Victor Flores, Chili
– The Sunshine Egg de Michael Haas, Allemagne
– Z1 de Gabriel Gauchet, Royaume-Uni
– The Magnificent Lion Boy de Ana Caro, Royaume-Uni
– Home de Ruslan Magomadov, Russie
– 5 mètres jusqu’à Panama de Martin Fischnaller, Allemagne
– Tristesse animal sauvage de Florian Berutti, Belgique
– Buhar de Abdurrahman Oder, Turquie
– Ginette de Benoît Allard, Marine Laclotte, France
– To Guard a Mountain de Izer Aliu, Norvège
– Montenegro de Luiz Stockler, Royaume-Uni
– Trucs de gosse de Émilie Noblet, France
– Achill de Gudrun Krebitz, Allemagne
– Josephine And The Roach de Jonathan Langager, Etats-Unis
– La Parka de Gabriel Serra, Mexique
– Sœur et frère de Marie Vieillevie, France
– To Whom It May Concern de Aasne Vaa Greibrokk, Norvège
– Amères frites de Floriane Montcriol, Belgique
– Boy de Julia Berreza Madsen, Danemark
– The Eternal Not de Joseph Spray, Royaume-Uni
– A Fable of a Blood-Drained Girl de Alejandro Iglesias Mendizabal, Mexique
– We May Meet, We May Not de Skirmanta Jakaite, Lituanie
– A Little Day de Hee-Jung Yun, Corée du sud
– Home Sweet Home de Pierre Clenet, Alejandro Diaz, Romain Mazenet, Stéphane Paccolat, France
– Chiralia de Santiago Gil, Allemagne
– Babaga de Gan de Lange, Israël
– À la française de Julien Hazebroucq, Emmanuelle Leleu, William Lorton, Morrigane Boyer, Ren Hsien Hsu, France
– Still Got Lives de Jan Gerrit Seyler, Allemagne
– Good Stuff de Neta Braun, Israël
– Trois petits chats de Maïwenn Leborgne, Albane Hertault, Alexia Provoost, Benoit Delaunay, France
– Welkom de Pablo Munoz Gomez, Belgique
Le Festival de Vendôme aura lieu du 6 au 13 décembre 2013. Format Court y remet un nouveau prix parmi les 22 films en compétition mêlant fiction, animation, documentaire. Le Jury Format Court (composé de Fanny Barrot, Nadia Le Bihen-Demmou, Carine Lebrun, Mathieu Lericq et Marc-Antoine Vaugeois) élira le meilleur film de la compétition. Celui-ci bénéficiera d’un focus en ligne et sera projeté dans le cadre des séances Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).
Films en compétition
– 37°4 S de Adriano Valerio
– Arekara de Momoko Seto
– Avant que de tout perdre de Xavier Legrand
– Bandits Manchot de Gianluigi Toccafondo
– Betty’s Blues de Rémi Vandenitte
– Dahus (Gambozinos) de João Nicolau
– Demolition party de Marie Amachoukeli et Claire Burger
– La fugue de Jean-Bernard Marlin
– La grosse bête de Pierre-Luc Granjon
– Le jour a vaincu la nuit de Jean-Gabriel Périot
– Les lézards de Vincent Mariette
– Le tableau de Laurent Achard
– Le terrain de Bijan Anquetil
– Living Still Life de Bertrand Mandico
– Monsieur Lapin de Pascal Cervo
– Oh Willy… de Emma de Swaef et Marc Roels
– Petite blonde d’Emilie Aussel
– Petit matin de Christophe Loizillon
– Pour la France de Shanti Masud
– Silence Radio de Valéry Rosier
– Those for whom it’s always complicated de Husson
– Us d’Ulrich Totier
La 11ème édition du Carrefour de l’animation aura lieu du 5 au 8 décembre au Forum des images. Des avant-premières, le meilleur de la jeune création française et un focus italien côtoieront des invités de marque tels que Priit Pärn (Estonie) et Kôji Yamamura (Japon). Le court métrage y est également bel et bien présent à travers un certain nombre de rendez-vous. Format Court a le plaisir de vous offrir 30 x 2 places pour deux séances exceptionnelles de cette manifestation, le vendredi 6 décembre et le samedi 7 décembre.
Courts-métrages: politique et animation du vendredi 6 décembre à 19h30 : 15 x 2 places à gagner !
Hommage à l’animation Syrienne
Electrostatic de Sawsan Nourallah (Syrie, coul. 2012, 3min.40 ss dialogues)
Canvas on mixed media de Jalal Maghout (Syrie, coul. 2012, 5min.12 ss dialogues)
ABC Doublespeak de Yasmeen Fanari (Syrie, coul. 2012, 3min20 ss dialogues)
Demain L’adieu de Madonna Adib (Syrie, coul. 2012, VF, 2min)
Short Dream de Salam Al-Hassan (Syrie, 2010, 3min.32 ss dialogues)
Bullet de Khaled Abdulwahed (Syrie, coul. 2012, 2min ss dialogues)
Stop Killing Syrian Children de Nart Al Kass (Syrie, coul. 2012, 1min.10 ss dialogues)
Abu Habash de Morhaf Youssef (Syrie, coul. 2012, vosta 2min.51)
Sans foi ni loi de Misbah Mahrous (Belgique-Syrie, coul.2013 3min.10 ss dialogues)
Fouad de Ghassan Halawani, David Habshi et Joan Baz (Syrie-Liban, n&b 2013, 1min.52 ss dialogues)
Tour du monde…
Memento-Mori de Daniela Wayllace Riguera (Bolivie, coul.2012, 10 min. ss dialogues)
Warda réalisation collective (Belgique, coul. VOSTF 2008, 5min.25)
Joda de Théodore Ushev (Canada, coul. 2012, 3min.30)
Because I’m a girl de Raj Yagnik, Mary Matheson, Hamilton Shona (GB, 2012, VF 3 min)
30% Women & Politics in Sierra Leone de Anna Cady et Em Cooper (G-B, coul. 2012, VOSTF 10min.33)
Estelle’s story de Johan Alenius (Danemark, coul. vo anglaise 2013, 3min.15)
Cogitations de Sébastien Godard, François d’Assises Ouedraogo, Arzouma Mahamadou Dieni & Moumouni Jupiter Sodré (Belgique, 2012, VF 9min.26)
Best of du computer animation festival Siggraph 2013 du samedi 7 décembre à 18h30 : 15 x 2 places à gagner !
Le SIGGRAPH est le festival professionnel international le plus important dédié aux images de synthèse, aux effets spéciaux et aux techniques interactives. Au cours de cette séance, l’Electronic Theater du Computer Animation révèle la « crème de la crème » de la production mondiale 2013.
Au programme : À la française / Harald / Lost Senses / Rollin’ Safari…