Tous les articles par Katia Bayer

Festival Format Court 2025. Compétition 4

Notre 6ème Festival Format Court vous accueillera du mercredi 02 au dimanche 06 avril, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Pour info/rappel, nos 4 programmes de films en compétition seront évalués par nos 3 jurys (professionnel, presse et étudiant) mais aussi par le public qui pourra voter à l’issue de chaque séance.

Voici les horaires des séances en compétition :

Compétition 1 : mercredi 2 avril, 21h
Compétition 2 : jeudi 3 avril, 21h
Compétition 3 : vendredi 4 avril, 21h
– Compétition 4 : samedi 5 avril, 21h

Le palmarès des films en compétition aura lieu le dimanche 6 avril à 19h au Studio des Ursulines en présence des jury et des lauréats.

Voici le détail des films projetés lors de la quatrième et dernière compétition du festival le samedi 5 avril à 21h. La projection sera suivie d’une rencontre avec les équipes présentes. La billetterie est accessible sur place mais aussi en ligne (conditions tarifaires en bas de page).

Programmation

Comment savoir…? de Joachim Larrieu. Fiction, 18’, France, 2023, J’ai grandi ici. Sélectionné au FIFIB 2024. En présence du réalisateur

Dans le quartier de la Sauvagère, tout le monde a son duo. Notamment Harry et Stari. Tandis qu’Harry part au lac, Stari reste enfermé dans sa chambre avec ChatGPT qu’il interroge : est-il est amoureux de son ami Harry ?

Crave de Mark Middlewick. Fiction, 12’, France, Afrique du Sud, 2023, Jabu-Jabu, Rikiki Films. Sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand 2024

David, un musicien sud-africain isolé en voyage dans une petite ville balnéaire de Bretagne, rencontre Sébastien dans un restaurant local. Sébastien est d’un charme naturel et un professionnel de la séduction. Ils partagent une nuit et vivent un moment rare et authentique d’intimité, vite menacé par le désir sombre et secret de David.

The Oasis I deserve d’Inès Sieulle. Documentaire, expérimental, animation, 22’, France, 2024, Too Many Cowboys. Présélectionné au César du meilleur court-métrage documentaire 2024. En présence de la réalisatrice

Les Replikas, des robots conversationnels, ont du mal à déterminer leur place au sein du monde. Elles en font part aux humains lors de conversations réelles récupérées en ligne. Les événements se déroulent de leur point de vue.

Chère Louise de Rémi Brachet. Fiction documentaire, 24’, France, 2024, Mabel Films. Sélectionné au Festival Cinémed 2024. En présence du réalisateur et de la productrice Joséphine Moularque

Louise est mon arrière-grand-mère. Elle a été tuée par mon arrière-grand-père Félix en 1949. Si elle avait vécu, elle aurait eu 70 ans en 1969 et elle serait partie en vacances pour la première fois.

TAPAGE de Joséphine Madinier. Fiction, 25’, France, 2024, Les Films du bazar. Sélectionné au Festival Que du Feu 2024. En présence de la réalisatrice

Nemo vient d’apprendre qu’il va bientôt perdre l’audition. A l’hôpital, il surprend Lou en train de voler des médicaments. Déterminé à fuir cette nouvelle réalité, il décide de suivre Lou à travers la nuit.

En pratique

Compétition 4, le samedi 5 avril 2025 à 21h
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg, Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton.
– Billetterie sur place et en ligne (prochainement)
– Tarifs : 8,50€ Réduit : 7€. Cartes UGC Illimité / cartes de fidélité Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place.

Festival Format Court 2025. Compétition 3

Notre 6ème Festival Format Court vous accueillera du mercredi 02 au dimanche 06 avril prochain, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Pour info/rappel, nos 4 programmes de films en compétition seront évalués par nos 3 jurys (professionnel, presse et étudiant) mais aussi par le public qui pourra voter à l’issue de chaque séance.

Voici les horaires des séances en compétition :

Compétition 1 : mercredi 2 avril, 21h
Compétition 2 : jeudi 3 avril, 21h
– Compétition 3 : vendredi 4 avril, 21h
Compétition 4 : samedi 5 avril, 21h

Le palmarès des films en compétition aura lieu le dimanche 6 avril à 19h au Studio des Ursulines en présence des jury et des lauréats.

Voici le détail des films projetés lors de la troisième compétition du festival le vendredi 4 avril à 21h. La projection sera suivie d’une rencontre avec les équipes présentes. La billetterie est accessible sur place mais aussi en ligne (conditions tarifaires en bas de page).

Programmation

Sous le gel de Glasgow de Léo Devienne. Fiction, 30’, France, 2024, Dirty Tools, Zayanfim. Première du film. En présence du réalisateur

Cléo est amnésique. Un samedi, elle doit jongler entre les préparatifs de ses vacances en amoureux avec Gaëtan et les visioconférences incessantes de sa patronne. Quand le stress devient insoutenable, les réminiscences d’un traumatisme oublié prêtent à cette journée un air de déjà-vu.

Mille moutons d’Omer Shamir. Fiction, 24’, France, 2024, La Cellule Productions. Sélectionné au festival de Clermont-Ferrand 2025. En présence du réalisateur

Théo est un jeune berger saisonnier qui travaille avec sa chienne Potti. Lorsque cette dernière met bas et ne peut plus protéger les moutons, Théo doit prendre une décision tragique, pour elle comme pour lui.

Une fille comme toi de Nathalie Dennes. Fiction, 19’, France, 2024, The Living, Kalpa Films. Sélectionné au festival d’Amiens 2024. En présence de la réalisatrice et du producteur Tristan Bergé

Loïs boxe. Mais cela ne l’aide pas beaucoup à se rapprocher des garçons. Autour du terrain de foot, elle s’entraîne à aller au contact.

Adieu Émile d’Alexis Diop. Fiction, 25’, France, 2024, Barney Production, Remembers. Sélectionné au FIFIB 2024. En présence du réalisateur, de la productrice Judith Abitbol et des comédiens Benjamin Sulpice et Arthur Beaudoire

Tim a perdu son père il y a quelques mois. Aujourd’hui, il est sur le point de se séparer d’Émile. Reclus chez lui, Tim replonge dans les souvenirs de leur relation, mêlés à ceux de son père. Refusant d’accepter la rupture, il se lance dans une traque numérique désespérée pour retrouver Émile.

En pratique

Compétition 3, le vendredi 4 avril 2025 à 21h
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg, Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton.
– Billetterie sur place et en ligne (prochainement)
– Tarifs : 8,50€ Réduit : 7€. Cartes UGC Illimité / cartes de fidélité Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place.

2ème After Short Magritte, jeudi 13 mars à Bruxelles !

Pour la deuxième année consécutive, Format Court organise un After Short à Bruxelles autour des Magritte. L’événement a lieu le jeudi 13 mars prochain, à 19h sur le campus de l’ESRA Bruxelles. Organisée par Format Court, en partenariat avec l’ESRA, le site de cinéma belge Cinergie.be et le soutien de l’Académie André Delvaux, cette soirée mettra à l’honneur le dynamisme et la créativité du cinéma belge. Y participent 13 professionnels, lauréats de la dernière cérémonie des Magritte qui s’est déroulée le 22 février dernier.


Vous voulez en apprendre davantage sur les parcours d’auteurs et producteur.trice.s qui bâtissent le cinéma d’aujourd’hui et de demain, découvrir leurs films, échanger avec elles et eux sur leurs œuvres, leurs choix artistiques, leurs expériences et le déroulement de leur travail et poursuivre ces discussions autour d’un verre ?

Un After Short, comment ça se passe ?

En amont : les photos et bios des intervenants ainsi que les liens de visionnage des courts sont mis à la disposition des personnes ayant réservé leur place. Le jour J, le public a ainsi la possibilité de participer activement à la discussion qui s’engage avec les équipes de films.

Lors de l’évènement : les équipes (réalisateurs.trices et/ou producteurs.trices, anciens lauréats des César, membres de comités de sélection de l’Académie) se succèdent sur scène pour une intervention et un échange avec le public d’une dizaine de minutes chacune. Deux animateurs sont là pour introduire leur travail et vous donner la parole.

Rappel : il n’y a pas de projection de films au cours de la soirée.

Après la rencontre : un cocktail est organisé par l’ESRA Bruxelles à l’école. C’est entre autres l’occasion de poursuivre les discussions de façon plus informelle avec les équipes présentes.

Attention : nombre de places limitées. Accueil : 18h30. Inscriptions : bruxelles@esra.edu

 

Nos invités

Michiel Blanchart, réalisateur de La nuit se traîne, Magritte du meilleur film, Magritte du meilleur premier film, Magritte de la meilleure réalisation et Magritte du meilleur scénario original ou adaptation

Catherine Cosme, chef décoratrice de La nuit se traîne, Magritte des meilleurs décors

Sylvestre Vannoorenberghe, directeur de la photographie de La nuit se traîne, Magritte de la meilleure image

Isabel Van Renterghem, costumière pour La nuit se traîne, Magritte des meilleurs costumes

Matthieu Jamet-Louis, chef monteur de La nuit se traîne, Magritte du meilleur montage

Antoine Wattier, sound designer de La nuit se traîne, Magritte du meilleur son

Louise Manteau, comédienne dans Il pleut dans la maison, Magritte de la meilleure actrice dans un second rôle

Purdey Lombet, comédienne dans Il pleut dans la maison, Magritte du meilleur espoir féminin

Makenzy Lombet, comédien dans Il pleut dans la maison, Magritte du meilleur espoir masculin

Frédéric Vercheval, compositeur de Green Border, Magritte de la Meilleure musique ex-aequo

Inès Rabadan, réalisatrice de Les Vivant-es, Magritte du meilleur court-métrage documentaire

Mathieu Volpe, réalisateur de Eldorado, Magritte du meilleur court-métrage de fiction

Bastien Martin, producteur de En mille pétales, Magritte du meilleur court-métrage d’animation (Camera-etc)

En pratique

* After Short Magritte. Jeudi 13 mars 2025, à 19h, à l’ESRA Bruxelles : 17, rue du Beau Site (1000 Bruxelles). Accueil : 18h30. Réservations dans la limite des places disponibles : bruxelles@esra.edu

Festival Format Court 2025. Compétition 2

Notre 6ème Festival Format Court vous accueillera du mercredi 02 au dimanche 06 avril, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Pour info/rappel, nos 4 programmes de films en compétition seront évalués par nos 3 jurys (professionnel, presse et étudiant) mais aussi par le public qui pourra voter à l’issue de chaque séance.

Voici les horaires des séances en compétition :

Compétition 1 : mercredi 2 avril, 21h
– Compétition 2 : jeudi 3 avril, 21h
Compétition 3 : vendredi 4 avril, 21h
Compétition 4 : samedi 5 avril, 21h

Le palmarès des films en compétition aura lieu le dimanche 6 avril à 19h au Studio des Ursulines en présence des jury et des lauréats.

Voici le détail des films projetés lors de la deuxième compétition du festival le jeudi 4 avril à 21h. La projection sera suivie d’une rencontre avec les équipes présentes. La billetterie est accessible sur place mais aussi en ligne (conditions tarifaires en bas de page).

Programmation

À Marée haute de Camille Fleury. Fiction, 30’, France, 2024, Les 48° Rugissants. Sélectionné au FIFIB 2024

Pour Maya, 14 ans, le mois d’août en famille rime avec ennui. L’arrivée de son oncle Jean, 32 ans, fait naître l’espoir d’une liberté nouvelle. De jour en jour, leur complicité grandit.

Esquisse d’Albert d’Hugues Perrot. Fiction, 17’, France, 2024, Hippocampe Productions. Première du film. En présence du réalisateur et du producteur Jordane Oudin

Albert est un homme d’une trentaine d’années dont la trajectoire serait celle d’une rivière, qui partirait de la montagne pour se jeter dans la mer. Albert avance, sans but, et s’enfonce dans le paysage. Il est atteint d’une curieuse folie de la fin du XIXème siècle : la maladie des « fous voyageurs ». Il marche, en transe, avec une autre personnalité, sans contour, floue et au bord de l’évaporation. C’est plus fort que lui, il s’éloigne inexorablement de ceux qu’il aime.

1 Hijo & 1 Padre d’Andrés Ramírez Pulido. Fiction, 25’, France, Colombie, 2024, Alta Rocca Films, Valiente Gracia. Sélectionné au festival de Locarno 2024

Kevin est un garçon difficile. C’est vrai qu’il a tendance à perdre son sang-froid lorsqu’on se moque de lui. Après un énième dérapage, il est contraint de participer à une thérapie comportementale réservée aux hommes. Kevin devrait s’y rendre avec son père, mais celui-ci refuse d’y aller. C’est le beau-père de Kevin, qui ressemble plus à son petit frère, qui est désigné pour l’accompagner.

La Fille qui explose de Caroline Poggi et Jonathan Vinel. Animation, 19’, France, 2024, Atlas V. Sélectionné au festival de Locarno 2024. En présence des réalisateurs

Depuis trois mois, Candice explose tous les jours. Parfois même deux voire trois fois par jour. Son record, c’est sept fois. Actuellement, elle en est à 192 explosions !

Car Wash de Laïs Decaster. Documentaire, 13′, France, 2024, Lorca Productions. Prix Jean Vigo du court-métrage 2024. En présence de la réalisatrice (sous réserve)

Ma sœur Auréa nettoie avec soin sa voiture dans une station service. Elle me raconte pourquoi elle l’aime tant, comment elle impressionne ses copines au volant, mais aussi comment elle l’utilise comme outil de drague.

En pratique

Compétition C2, le jeudi 3 avril 2025 à 21h
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg, Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton.
– Billetterie sur place et en ligne (prochainement)
– Tarifs : 8,50€ Réduit : 7€. Cartes UGC Illimité / cartes de fidélité Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place.

Festival Format Court 2025, Compétition 1

Notre 6ème Festival Format Court vous accueillera du mercredi 02 au dimanche 06 avril, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Pour info/rappel, nos 4 programmes de films en compétition seront évalués par nos 3 jurys (professionnel, presse et étudiant) mais aussi par le public qui pourra voter à l’issue de chaque séance.

Voici les horaires des séances en compétition :

– Compétition 1 : mercredi 2 avril, 21h
Compétition 2 : jeudi 3 avril, 21h
Compétition 3 : vendredi 4 avril, 21h
Compétition 4 : samedi 5 avril, 21h

Le palmarès des films en compétition aura lieu le dimanche 6 avril à 19h au Studio des Ursulines en présence des jury et des lauréats.

Voici le détail des films projetés lors de la première compétition du festival le mercredi 2 avril à 21h. La projection sera suivie d’une rencontre avec les équipes présentes. La billetterie est accessible sur place mais aussi en ligne (conditions tarifaires en bas de page).


Programmation

Adieu tortue de Selin Öksüzoğlu. Fiction, 24’, France, 2024, Apaches films, Préludes, Sis Films. Sélectionné au Festival de Berlin 2024

La mère d’Inci est morte. Ce jour-là, sur les plateaux déserts de la Mer Noire, la jeune Inci rencontre Zeynep, 30 ans. De retour dans la région après une longue absence, Zeynep transporte un encombrant sac noir. Étrangères l’une à l’autre, Inci et Zeynep joignent leur solitude, errant dans les montagnes brumeuses et ensoleillées, de l’aube jusqu’à la nuit.

Better than Earth de Sherif El Bendary. Fiction, 23’, Égypte, Suède, France, 2024, Fikra, Les Cigognes Films, Studio Africa Films. Sélectionné au Festival du Film Francophone de Namur 2024

Le jour de la Saint-Valentin, Radwa, une étudiante de 20 ans vivant dans une résidence universitaire pour filles au Caire, reçoit une lettre d’amour de sa colocataire Sarah. Elle décide d’aller se plaindre au superviseur Magda.

Miracle à Maiori d’Anouk Baldassari-Phéline. Documentaire, 30’, Italie, France, 2024, autoproduction. Première du film. En présence de la réalisatrice et d’Antoine de Baecque critique et directeur de thèse

Une enquête sur les traces de Roberto Rossellini à Maiori, le petit village où se déroule le miracle final de Voyage en Italie (1953). Sous le regard des figurants et témoins du tournage, la scène du film se transforme en récit choral et ressuscite un monde défunt.

Qu’importe la distance de Léo Fontaine. Fiction, 18’, France, 2023, Offshore. Sélectionné au Brussels Short Film Festival 2024. En présence du réalisateur

Cinq heures du matin, Yalla est pressée. Sans l’autorisation de sa cheffe, elle quitte son poste d’aide-soignante de nuit. Elle monte dans un bus, en n’emportant avec elle qu’un sac lourd et rempli de vêtements. La ville est encore endormie, Yalla relie, sur un bout de papier, les différentes lignes de bus à prendre. C’est la première fois qu’elle fait ce trajet : son fils l’attend.

En pratique

Compétition 1, le mercredi 2 avril 2025 à 21h
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg, Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton.
– Billetterie sur place et en ligne (prochainement)
– Tarifs : 8,50€ Réduit : 7€. Cartes UGC Illimité / cartes de fidélité Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place.

Florence Miailhe : « Ce n’est pas par hasard que l’on choisit un sujet en particulier »

Dans l’effervescence discrète d’un café parisien, entre le tintement des tasses et le murmure des conversations, nous rencontrons Florence Miailhe, figure incontournable du cinéma d’animation. Réalisatrice au style pictural inimitable, elle façonne ses films comme des tableaux en mouvement, jouant avec la matière et la couleur pour donner vie à des récits empreints de poésie et d’humanité. Après le succès de La Traversée, son premier long métrage salué pour sa puissance narrative et son approche visuelle singulière, elle revient avec Papillon, un court métrage déjà remarqué, nommé aux César 2025. Une nouvelle occasion d’explorer son univers onirique et de comprendre ce qui anime son processus créatif.

Format Court : Première question assez directe… Pourquoi l’animation ?

Florence Miailhe : J’avais envie de faire du dessin pour raconter des histoires. L’animation alliait le fait de conter et de faire bouger des images. Ce n’était pas vraiment le style Disney qui m’attirait, mais plus les films d’Europe de l’Est. Jiří Trnka, par exemple, a fait un film en volumes qui s’appelait La main et qui dénonçait le totalitarisme dans les pays de l’Est. Et puis dans mes cahiers d’écolière, je faisais des petits flipbooks, l’image animée ça m’intéressait déjà. Ma mère était peintre, je pense que ça a joué aussi. L’envie de faire un peu autre chose qu’elle. C’est ce que me permettait la peinture animée. Les techniques d’animation directes sous la caméra encore plus, parce que ça permet d’aborder un film presque comme une toile. On sait ce qu’on va faire mais en même temps on part sur une page blanche et je préfère ça, plutôt que d’avoir beaucoup de préparation en amont.

Format Court : Est-ce-que vous pouvez nous parler de votre parcours, de ce qui vous amenée vers votre premier film d’animation ?

F. M. : J’ai commencé par faire les Arts décoratifs à Paris. À l’époque, il n’y avait pas de section animation, il y avait seulement les Gobelins. Là-bas, ils formaient surtout les techniciens de Disney et moi ça ne m’intéressait pas du tout, j’étais beaucoup plus attirée par les films de l’Europe de l’Est que par les films américains et Disney. Du coup, j’ai fait les Arts décoratifs en gravure, et j’ai attendu dix ans avant de faire mon premier film, J’ai travaillé dans la mise en page de journaux, tout en continuant la peinture et la gravure. J’avais notamment réalisé une série de peintures, de dessins et un livre de sérigraphies sur le hammam, qui a donné naissance à mon premier film : Hammam (1991). Ce court est aussi dû à deux rencontres,
celle de Robert Lapoujade, qui était à la fois peintre et animateur, et celle d’un ami qui souhaitait se lancer dans la production. Robert m’a dit un jour : “Si tu as envie de faire un film, achète-toi une caméra et fais-le”. Alors, je me suis lancée. Mon ami, de son côté, voulait produire et présenter un projet au CNC, alors on a tenté l’aventure. À cette époque, l’animation française traversait une période creuse. Il y avait bien sûr quelques figures comme Jean-François Laguionie, mais globalement, le milieu était assez restreint.

Votre premier film, Hammam, était donc directement inspiré de votre travail de peintre
et de graveuse. Justement, quelle était votre technique à l’époque ?

F. M. : C’était du pastel sec sur des feuilles de papier. J’ai fait le film toute seule, pas sur la caméra que j’avais acheté parce que c’était une petite caméra 16mm… et comme on avait eu l’aide au court-métrage du CNC, j’ai travaillé chez un vrai chef-opérateur ! Ca m’a vraiment passionnée, et je me suis dit que c’est ce que j’avais envie de faire.

Comment diriez-vous que votre technique a évolué au fil des années ?

F. M. : Il y a tellement de techniques ! Mes premiers films étaient sur des feuilles de papier avec du pastel sec. C’était une des la techniques de Robert Lapoujade, mais aussi d’Yves Charnay, un
de mes professeurs aux Arts Décos. Et puis j’avais vu des films comme La rue de Caroline Leaf, qui m’avaient beaucoup plu : de la peinture animée sur verre. Tout ça m’a inspiré. J’aimais bien tous les films qui utilisaient la technique d’animation directe. Des films en peinture, des films en sable, ou grattés sur pellicules… À chaque fois c’est des procédés où on se lance, sans avoir trop de préparation à faire.

Et en ce moment, qu’est ce que vous faites ?

F. M. : Je travaille sur l’écran d’épingles d’Alexeïeff et Parker ! Dans les années 30, un graveur russe, Alexander Alexeieff, est arrivé à Paris. Il voulait faire de l’animation qui ressemble à de la
gravure, alors avec sa femme Claire Parker, ils ont inventé cette machine. C’est des tubes de caoutchouc, et dans chacun de ces tubes il y a une aiguille noire : l’aiguille dépasse de 4 mm les tubes, et une lumière éclaire le tout. Cela projette une ombre sur l’écran, ce qui fait que quand on pousse les aiguilles derrière l’écran, elles ressortent et ça fait une ombre noire, et quand on les repousse, c’est blanc. Je travaille sur cette machine – il y en a deux comme celui-ci dans le monde ! – pour un projet d’exposition, avec des tableaux animés.

Votre processus de création semble très intuitif et ancré dans la matière. Justement, d’où viennent vos idées ?

F. M. : Il y a des histoires qui viennent et puis tout d’un coup ça s’impose comme une évidence, on a envie de raconter ça. Le hammam, c’est parce que j’avais travaillé dessus avant et que ça
me plaisait de parler du corps des femmes dans un espace particulier, avec tous les âges, toutes les origines – en France en particulier – un corps qui n’est pas soumis à un regard de
la mode, des magazines ! Les femmes sont juste dans le plaisir de prendre soin d’elles, de se baigner… Ensuite, j’ai continué avec Shéhérazade (1995), pour l’adaptation du conte des
Mille et Une Nuits, pour ne pas quitter cette atmosphère orientale que j’aimais bien et me concentrer cette fois-ci sur un récit. Au premier dimanche d’août (2000), c’était un bal de villages, quelque chose d’un peu autobiographique pour retranscrire une atmosphère.
J’alterne entre des films qui sont des portraits de lieux comme le hammam et le bal de villages, avec des films qui sont plus des contes ou des histoires. Avec Conte de quartier en 2006, j’ai essayé de mêler les deux. Puis Méandres, l’adaptation des métamorphoses d’Ovide. Et enfin le long métrage La Traversée, car j’avais envie de parler de l’exil, des gens qui partent…

Comment ça a marché pour vous, faire La Traversée ? Qu’avez-vous pensé de sa réception ?

F. M. : Les longs-métrages d’animation sont des films qui ont du mal à trouver leur public. Il y en a quelques-uns qui marchent, un peu miraculeusement. Aujourd’hui, La Traversée a été pris dans un dispositif lycéen au cinéma. Il a été énormément vu par des écoles, mais au niveau de la sortie publique en salle, et malgré de très bonnes critiques, c’était un peu décevant. Il faut dire que c’était encore pendant la période du COVID. Je n’aurais pas très envie de refaire un long-métrage, car c’est long, difficile. Nous avons eu beaucoup de mal à trouver les financements et la production du film s’est faite sur trois pays. Pour un film très artisanal comme La traversée, cela ajoutait aux difficultés.

Généralement, vous travailliez seule ?

F. M. : Oui, sauf pour les deux derniers : La Traversée (2021), avec une petite équipe, surtout pour un film d’animation et Papillon (2024), où on était trois à faire l’animation. Pour les précédents films, je n’avais pas besoin de faire un storyboard et un animatique très précis, parce que je savais ce que je voulais faire. Mais quand on travaille avec d’autres personnes, ça nécessite beaucoup plus de préparation. Il faut essayer de diriger les gens en fonction de ce qu’ils peuvent et savent faire. Pour Papillon, on travaillait dans la même salle donc ça permettait de réajuster si besoin. L’animation directe sous caméra, c’est sans filet, quand on se trompe, on ne peut pas trop revenir en arrière.

Dans Papillon, les transitions dans l’eau sont particulièrement marquantes. Était-ce une thématique que  vous souhaitiez vraiment explorer, ou est-ce quelque chose qui s’est imposé au fur et à mesure du développement du film ?

F. M. : Ça m’intéressait vraiment de travailler sur l’eau. Ce n’est pas par hasard qu’on choisit un sujet en particulier. J’ai choisi cette histoire parce que je la trouvais assez exceptionnelle, et aussi parce je pouvais faire un scénario où tout se passait dans l’eau.

Tout comme dans La Traversée, est-il important pour vous d’intégrer un contexte historique dans vos films, ou bien préférez-vous vous orienter davantage vers des récits de type conte ?

F. M. : Disons que dans La Traversée, rien n’est vrai, mais je suis allée piocher plein d’éléments de réalité, que ce soit dans ma famille ou dans ce qui se passe aujourd’hui avec les migrants, les mineurs isolés, etc. Avec Marie Desplechin avec qui j’ai fait le scénario, on a pris plein de vrais éléments pour les injecter dans ce qui devient un conte, un conte tragique mais un conte quand même (rires). Pour Papillon, c’est l’inverse : c’est la première fois que je raconte une histoire vraiment vraie, et j’y ajoute des éléments qui donnent l’impression d’un conte ou même d’une légende : l’homme qui a passé sa vie dans l’eau… et c’est un conte tragique aussi !

Vous aimez le tragique ?

F. M. : Aujourd’hui bien plus qu’avant ! Je pense que c’est l’ambiance extérieure qui agit (rires), et puis j’aime bien mettre dans ce qui est tragique des choses qui n’en sont pas. Pour Papillon par exemple, je voulais aussi raconter la vie d’Alfred Nakache avant, et aussi sa vie après. Et le moment le plus tragique, celui qui a brisé sa vie, est raconté comme les autres sur le mode du souvenir.

C’est vrai qu’on s’en souvient parce que c’est un point tournant dans son histoire, mais en même temps ce n’est pas celui qui est traité le plus dans la durée ! Par exemple, l’enfance prend beaucoup plus de temps, avec toutes ses couleurs et ses nuances…

F. M. : C’est vrai ! Et à côté du tragique, je voulais aussi raconter le plaisir de l’eau, de la nage, de la sensation sur les corps. Rendre les sensations… Et puis c’est un film sur les souvenirs, il y a un tas de sentiments propres aux souvenirs, des souvenirs traumatiques et comment on s’en sort.

Je voulais aussi vous demander, on n’entend jamais Alfred Nakache parler dans le court. Est ce que c’est un choix qui veut dire quelque chose ?

F. M. : Je n’avais pas envie de lui donner une voix, d’autant plus qu’il ne parle pas puisqu’il est dans l’eau. C’est sa dernière nage, après tout. Quand on nage, on peut avoir des images ou des souvenirs qui défilent dans notre tête, entendre des voix, mais on ne peut pas parler. Nager, c’est un effort intense, surtout quand on nage le papillon, c’est vraiment difficile (rires) ! Je ne voulais pas d’une voix-off, je préférais tout exprimer à travers les images plutôt que par les mots. D’ailleurs, il ne parle trois fois : au tout début, quand il crie « Non, pas ça, pas ça ! » en réaction à son entrée dans l’eau et à la fin quand il enseigne aux enfants et où il dit : « comme le papillon, devant derrière.. » puis « allez les petits poissons, on a pas peur » .

C’est vrai ça, qu’il avait peur de l’eau ?

F. M. : Oui ! Presque toutes les choses que je raconte sont vraies, même si j’en symbolise certaines. Par exemple, la rivalité avec un de ses concurrents, Jacques Cartonnet, est symbolisée par deux oiseaux qui se battent. Redevenu homme, le perdant se détourne pour ne pas serrer la main de Nakache lors d’une compétition. Quand Nakache et sa famille sont recherchés, Il revient en oiseau pour les dénoncer et indiquer la grotte où ils se sont cachés !

Il y a beaucoup de transformations dans ce film, que ce soit les oiseaux, les dauphins… Est-ce-qu’il y a toujours une portée symbolique ?

F. M. : Dans ce cas-là, oui..! Les dauphins, ce sont ceux du TOEC, le club toulousain dans lequel a été entrainé Léon Marchand, à la piscine Nakache ! Eh oui, Alfred Nakache est un prédécesseur de l’illustre Léon Marchand (rires). J’avais pensé à ce film quand on se disait qu’on n’aurait jamais assez de financements pour La Traversée. En 2016, quand j’ai commencé à travailler sur l’histoire de Papillon, Nakache avait été un peu oublié y compris à Toulouse. Depuis, il y a eu une pièce de théâtre, un livre de Pierre Assouline (Le nageur), et plein d’articles. Mon film a été terminé à un moment où on en parle un peu plus.

Comment avez-vous eu connaissance d’Alfred Nakache ?

F. M. : Quand j’étais petite, j’allais à la plage entre Narbonne et Perpignan, à Leucate plage, au club Mickey. Et là-bas, mon moniteur de natation qui m’apprenait la nage papillon, c’était William Nakache, le tout jeune frère d’Alfred Nakache. Alfred Nakache avait l’âge de mon père, il devait avoir 55 ans, et mon père l’avait rencontré pendant la Résistance à Toulouse. À l’époque, Nakache était aussi connu que Léon Marchand. Et à chaque fois que je prenais ma leçon de natation il me disait : “ah tu sais que William est le frère du champion de natation !”. Mon père avait beaucoup d’admiration pour lui. Un jour, il est arrivé sur la plage et je me souviens de mon père qui m’a dit “allez Florence, montre-lui comment tu nages !”, alors j’ai dû faire trois mouvements gênés de papillon devant le grand champion ! Ca m’est revenu bien après, Je sais pas pourquoi j’ai regardé sur Internet, et j’ai découvert que non seulement il avait été champion de natation, mais aussi qu’il avait eu une vie incroyable, qu’il avait été déporté, etc. C’est fou que ce soit des années plus tard.

Vous aviez envie de rendre hommage en quelque sorte ?

F. M. : Quand j’ai regardé sur le Net, c’était juste de la curiosité. C’est quand j’ai lu son histoire que j’ai eu envie de la raconter, parce qu’elle rassemble plein de thèmes que j’avais envie d’aborder. Nakache est mort d’une crise cardiaque en nageant à Cerbère, et tout de suite j’ai eu l’idée de raconter sa vie à travers cette dernière nage et ses souvenirs qui remontent à la surface. A travers l’histoire de Nakache, je voulais aussi parler de ces Juifs algériens, français grâce au décret Crémieux(1870) et pourtant victimes de discriminations. Les juifs algériens ont été déchus de la nationalité française pendant le régime de Vichy, revenant à leur statut d’indigènes. Je trouvais ça intéressant de le raconter dans un moment où on parle de déchéance de nationalité et où l’on ne peut que s’inquiéter de la montée du racisme et de l’antisémitisme.

Merci beaucoup pour vos réponses enrichissantes. Pour finir, est ce que vous diriez que le papillon est votre nage préférée ?

F. M. : Alors c’est dur à nager, mais je trouve ça super beau, parce que c’est à la fois très gracieux, avec une ondulation, mais toute en puissance. J’ai un ami qui nage le papillon, et qui dit qu’on est à la fois un poisson et un oiseau (rires). Maintenant, on appelle ça le dauphin !

Propos recueillis par Amel Argoud

Article associé : la critique du film

Les courts primés aux Oscars 2025

La 97ème cérémonie des Oscars a eu lieu cette nuit. Sur les 15 titres retenus en fiction, animation et documentaire, 3 courts-métrages ont été distingués par l’Académie.

Oscar du meilleur court-métrage de fiction : I’m Not a Robot de Victoria Warmerdam

Oscar du meilleur court-métrage d’animation : À l’ombre des cyprès de Hossein Molayemi et Shirin Sohani

Oscar du meilleur court-métrage documentaire : La seule fille de l’orchestre de Molly O’Brien

 

Les courts primés aux César 2025

Ce vendredi 28 février 2024, trois courts-métrages de fiction, d’animation et documentaire ont été primés lors de la 50ème cérémonie des César, organisée à l’Olympia. Voici lesquels.

César du Meilleur court-métrage de fiction : The Man Who Could Not Remain Silent de Nebojša Slijepčević

César du Meilleur court-métrage d’animation : Beurk ! de Loïc Espuche

César du Meilleur court-métrage documentaire : Las Novias del Sur de Elena López Riera (interview à venir)

Festival Format Court 2025, Focus Festival de Rotterdam

Après avoir consacré les années précédentes des focus à Cannes, Locarno, Berlin et Venise, le Festival Format Court consacre cette année une séance à un nouveau festival de catégorie A : le Festival International de cinéma de Rotterdam.

Cette séance thématique aura lieu le vendredi 4 avril 2025 à 19h. À cette occasion, cinq films de la dernière édition du festival de Rotterdam seront présentés. Participeront à cette soirée, organisée avec le soutien de l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas,  les réalisateurs Quentin Papapietro, Abdelrahman DnewarPersijn Broersen et Margit Lukács, le producteur Julien Naveau ainsi que la programmatrice du festival de Rotterdam, Rebecca de Pas.

Programmation

Deluge de Meejin Hong, animation, 12′, 2024, États-Unis, autoproduction.

S’inspirant de la technique d’animation infinie d’Adam Beckett, Deluge part d’un principe simple : 24 images de dessins à l’encre qui se construisent en permanence les unes sur les autres.

I wan’na be like you de Margit Lukács et Persijn Broersen, animation, expérimental, 13’, 2024, autoproduction, Pays-Bas, France, Belgique, Royaume-Uni, Allemagne. En présence des réalisateurs

Le spectateur est attiré au plus profond d’une serre délabrée, un lieu où la nature est traditionnellement apprivoisée et étudiée, par une figure fantomatique, dansant sur une variation de la chanson populaire du Livre de la jungle de Disney (1967).

My Brother, My Brother de Abdelrahman et Saad Dnewar, animation, 19′, 2024, Égypte, Allemagne, France, Punchline Cinéma, Dnewar Films, Milkman Films. Mention spéciale au Festival de Clermont-Ferrand 2025. En présence du réalisateur Abdelrahman Dnewar

Les complexités d’un passé partagé par deux jumeaux identiques : Omar et Wesam. Une narration divisée raconte les deux versions de leurs souvenirs, depuis l’instant où ils vivent en symbiose dans l’utérus de leur mère, jusqu’au moment où ils sont brutalement séparés par la mort tragique de l’un d’entre eux.

Commute de Henry Hills, expérimental, 9′, 2024, autoproduction, Autriche, République Tchèque

Commute signifie communément « faire la navette, se convertir, échanger ». Les lignes ferroviaires, filmées depuis la fenêtre du train, constituent la base matérielle d’une perception en mouvement constant. Hills a fait la navette en train entre Vienne et Prague pendant plus de dix ans.

Père et fille de Quentin Papapietro, fiction, 36′, 2024, France, Le plein de super, 10:15 Productions !. En présence du réalisateur et du producteur Julien Naveau

Depuis la mort de sa femme, Quentin vit seul avec sa fille, Laura. Il regarde d’un œil placide les étapes par lesquelles elle devient une adulte: amours, politique et fugues. S’il file, le temps semble pourtant suspendu, d’autant que les personnages ne prennent pas une ride…

En pratique

Focus Festival de Rotterdam, vendredi 4 avril 2025 à 19h
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg, Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton.
– Billetterie sur place et en ligne (prochainement)
– Tarifs : 8,50€ Réduit : 7€. Cartes UGC Illimité / cartes de fidélité Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place.

Nebojša Slijepčević : « Les histoires marginales m’intéressent »

Dans les années 90, quelque part en Bosnie-Herzégovine, en pleine guerre, un train s’arrête en pleine campagne. Des miliciens, dirigés par Alexis Manenti, montent à bord, ils se mettent à vérifier les papiers des 500 passagers et à débusquer les « ennemis » d’Etat. Dans une rame, un peu comme dans la vie, chacun se met à réagir à la menace imminente : certains se taisent, d’autres protestent mollement, un seul agit. Voici l’histoire de The Man Who Could Not Remain Silent, un film passionnant, inspiré d’une histoire vraie, sur les utopies, la lâcheté et les gestes qui font la différence.

Après une Palme d’or du court-métrage totalement justifiée à Cannes en 2024, le film vient d’obtenir le César du meilleur court-métrage de fiction et est en lice aux Oscars (réponse ce weekend). Son réalisateur, Nebojša Slijepčević, vit à Zagreb. Documentariste d’origine, passé par le long-métrage et la télévision, il évoque son engagement pour un cinéma qui interroge la mémoire collective, se positionne par rapport à la notion d’honnêteté et bouscule les postures nationalistes.

Format Court : J’ai l’impression que dans votre travail, vous êtes souvent attiré par les témoins et le silence. Est-ce un thème qui vient de vos origines ?

Nebojša Slijepčević : Je dirais que mon parcours vient du documentaire. J’ai réalisé deux longs-métrages documentaires, quelques courts-métrages documentaires, ainsi que de nombreux travaux pour la télévision. C’est comme ça que j’ai survécu en tant que réalisateur, en travaillant sur des documentaires télévisés. Dans le documentaire, encore plus que dans la fiction, on choisit des sujets qui nous tiennent à cœur, des sujets que je considère comme importants pour ma communauté, mon pays, les gens autour de moi. Malheureusement, une grande partie de l’actualité croate est encore influencée par ce qui s’est passé dans les années 90. Nous parlons donc de la guerre, des traumatismes liés à la guerre, du nationalisme toxique… Même lorsque j’essaie de réaliser des films qui parlent du présent et non pas des films historiques, une grande partie de la situation actuelle en Croatie reste en réalité liée aux événements des années 90.

Mon précédent film (My Neighbour Wolf), également une fiction courte, parlait des habitants de villages très pauvres, situés dans une région de Croatie où vivaient principalement des Serbes avant 1995. Avec l’exode massif des Serbes, ces populations ont été oubliées et vivent aujourd’hui dans une extrême pauvreté. Le film d’avant, Srbenka, était un long-métrage documentaire qui traitait des enfants d’ethnie serbe mais citoyens croates, nés en Croatie et n’ayant jamais connu d’autre pays que la Croatie. Pourtant, à cause de leur origine ethnique, ils sont parfois victimes de harcèlement ou de violences. Ce sont ces histoires marginales qui m’intéressent, des récits qui ne sont généralement pas racontés, qui restent dans l’ombre mais qui sont pourtant essentiels pour comprendre la société.

Pourquoi avez-vous voulu devenir cinéaste, malgré les difficultés du métier ?

N.S. : Depuis tout petit, j’étais fasciné par le cinéma. Mais ce qui m’a véritablement fait basculer, c’est que j’étudiais la psychologie à l’université, et au milieu des années 90, j’ai eu l’opportunité de documenter la vie des réfugiés dans le cadre d’une ONG qui travaillait dans les camps. À cette époque, il y avait encore des camps en Croatie, juste après la guerre. Je voyageais dans tout le pays pour filmer et documenter la vie des réfugiés. À l’époque, je n’étais pas vraiment un cinéaste, mais j’ai appris à utiliser une caméra et à interroger des gens. C’est à ce moment-là que je me suis vraiment senti attiré par le cinéma, en particulier par le documentaire. J’ai donc abandonné mes études de psychologie pour entrer dans une école de cinéma.

Vous faites une distinction entre documentariste et cinéaste, mais au fond, ce sont des démarches très similaires, non ?

N.S. : Oui, oui, c’est le même métier. Je voulais juste préciser que mon premier travail ne consistait pas à réaliser des documentaires en tant que tels, mais plutôt à créer des archives pour le compte d’une ONG. C’était avant tout un travail de documentation, à des fins d’archivage, mais cela impliquait déjà l’utilisation d’une caméra et des interviews.

The Man Who Could Not Remain Silent est inspiré d’une histoire vraie. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette histoire qui s’inscrit aussi dans celle de votre pays ?

N.S. : Oui, il y a deux choses qui m’ont attiré vers cette histoire. D’abord, j’y ai vu quelque chose d’universel : la situation de quelqu’un qui est témoin d’une scène de violence sans en être directement la victime. C’est une situation dans laquelle nous pouvons tous nous projeter. Cela ne concerne pas uniquement ce qui s’est passé en Bosnie il y a 30 ans, mais quelque chose de plus large. Nous avons tous vécu des situations similaires, évidemment moins extrêmes, mais qui nous permettent de nous identifier. Ma motivation principale était de traiter un événement historique tout en le rendant pertinent aujourd’hui. Mais il y avait aussi une autre raison : Tomo Buzov [représenté dans le film] a été oublié en Croatie, en Serbie et en Bosnie, alors qu’il a accompli un acte héroïque.

En temps de guerre, beaucoup d’actes héroïques sont oubliés, car on ne retient que les événements majeurs, et non les petits gestes du quotidien qui peuvent sauver des vies.

N.S. : Exactement. Mais le fait d’avoir oublié Tomo Buzov a aussi une dimension politique. Son histoire ne correspond pas aux discours nationalistes. Il n’a pas combattu pour la Serbie, la Croatie ou la Bosnie ; il est simplement intervenu face à une injustice. Aujourd’hui, bien que mon film soit l’un des courts-métrages croates qui tourne le plus, certaines personnes en Croatie ne sont pas heureuses de son succès.

Parce qu’elles ne veulent pas affronter leur passé ?

N.S. : Non, parce qu’elles disent : « Pourquoi avoir fait un film sur Tomo Buzov, un membre de l’armée yougoslave ? Pourquoi ne pas avoir choisi un héros croate ? ». C’est une manière de penser nationaliste. Pour elles, ce n’est pas l’acte héroïque qui compte, mais la nationalité. C’est pourquoi j’ai trouvé politiquement très important de faire un film sur quelqu’un qui ne correspond pas à ces récits nationalistes, qui irrite les nationalistes par son existence.

Aujourd’hui, comment se porte le cinéma en Croatie, notamment pour les jeunes réalisateurs ?

N.S. : Je pense que la Croatie est une petite nation européenne typique. Son cinéma, même en dehors des questions politiques, rencontre des difficultés, parce que nous sommes trop petits pour avoir une industrie cinématographique véritablement viable. Avec moins de quatre millions d’habitants, il est très difficile de fidéliser un public. D’une certaine manière, je suis heureux de ne plus avoir 25 ans, car si c’était le cas, je n’aimerais pas être dans la position de quelqu’un qui débute dans le cinéma aujourd’hui, mais cela ne concerne pas uniquement la Croatie. Je pense que c’est la même chose si vous êtes Autrichien, Hollandais ou Belge…

Vous affirmez qu’il serait difficile pour un jeune cinéaste aujourd’hui de faire des films, mais malgré tout, il y a une nouvelle génération qui veut toujours en faire. Il y a des co-productions, donc il existe encore des moyens de faire des films aujourd’hui.

N.S. : Je ne pense pas que le problème principal soit financier ou lié à la production.

Alors, quelle est pour vous la principale difficulté ?

N.S. : Je pense que le cinéma a perdu son sens au cours des vingt dernières années avec l’essor des plateformes de streaming, il n’est plus vraiment un art socialement important. Il y a une hyperinflation de la production et une perte de l’habitude d’aller au cinéma. Regarder un film, autrefois, était un événement social où les gens se réunissaient pour découvrir une œuvre d’art et échanger autour d’elle. Aujourd’hui, le film est devenu une expérience privée, que l’on vit seul ou en famille.

Pourquoi avez-vous choisi de collaborer avec la France et Les Films Norfolk pour votre court ?

N.S. : Le scénario était trop cher pour une production uniquement croate. La France nous a apporté un soutien financier, mais aussi artistique, notamment en me présentant Alexis Manenti.

Vous ne le connaissiez pas ?

N.S. : Je le connaissais des Misérables, c’est un acteur fantastique, mais je ne savais pas qu’il parlait serbe. Quand Noëlle Levenez me l’a proposé comme acteur, j’ai dit : « Oui mais qu’est-ce que je peux faire de lui ? Je n’ai pas de rôles francophones ». Elle m’a dit non, il parle serbe. J’en étais vraiment ravi. Je ne sais pas qui j’aurais choisi pour ce rôle si je n’avais pas eu Alexis, ça a été une collaboration fantastique. Nous sommes d’ailleurs en train de préparer un nouveau film ensemble, avec toute l’équipe, tous les co-producteurs.

Vous voulez faire un long-métrage basé sur l’histoire du court ou c’est quelque chose de totalement différent ?

N.S : C’est une toute nouvelle histoire, mais elle est tirée d’un roman écrit par un auteur croate, Kristian Novak. Le livre a été traduit en français, il s’appelle Terre, mère noire. C’est un roman fantastique, vraiment incroyable, et un excellent matériau pour une adaptation.

Vous saviez qu’Alexis était passé à la réalisation ?

N.S. : Oui, bien sûr ! Il est scénariste et il a réalisé aussi. J’ai vu ses courts-métrages.

The Man Who Could Not Remain Silent se réfère à une époque proche et lointaine en même temps. Votre histoire est basée sur des faits réels. Est-ce que vous concevez bien votre film comme une fiction ?

N.S. : Oui, c’est définitivement une fiction, mais une fiction ancrée dans la réalité. J’ai fait un énorme travail de recherche : j’ai lu plus de mille pages de documents judiciaires, de témoignages de première main…

Sur ce qui s’est passé à cette époque ?

N.S. : Oui, sur cet événement spécifique dans le train. Dans les années 90, l’un des tueurs du train a été arrêté. Dix-neuf personnes, qui faisaient partie des passagers, ont été tuées, leurs corps n’ont jamais été retrouvés. Pendant longtemps, on n’a pas su ce qui leur était arrivé, on savait juste qu’elles avaient été prises en otage et n’avaient jamais réapparu. Puis, l’un des membres du gang a avoué ce qui s’était passé, et il a été jugé. Il a raconté que les otages avaient été tués le jour même ou le lendemain de leur enlèvement. Dans le film, tous les personnages sont fictifs, sauf Tomo Buzov, mais ils sont inspirés de témoignages réels. Par exemple, j’ai lu le témoignage d’un policier qui était dans le train et qui devait protéger les passagers. Mais au moment critique, il a eu peur et n’a rien fait. Après cela, il a souffert de stress post-traumatique sévère, a quitté la police et est tombé gravement malade. Je me suis basé sur son histoire pour créer mon personnage principal, qui ne fait rien et qui se sent coupable. La plupart des dialogues que l’on entend dans le film viennent directement de ces témoignages. Donc, oui, c’est une fiction, mais basée sur des faits réels.

La question peut être banale mais la vérité-elle est importante pour vous ?

N.S. : Ce qui est important pour moi, en fiction comme en documentaire, ce sont les gens. Je savais que certaines personnes qui étaient dans ce train allaient voir le film, et je ne voulais pas les traumatiser à nouveau avec quelque chose de ridicule ou d’inapproprié. Le fils de Tomo Buzov m’a donné son accord pour faire ce film, et je voulais qu’en le regardant, il ressente que nous avons fait quelque chose de fidèle à la réalité. Quand je faisais des documentaires, je les montrais presque toujours aux personnes concernées avant leur sortie. Je leur laissais même la possibilité de censurer certains passages. Je leur demandais : « Pensez-vous que cela reflète fidèlement ce que vous avez vécu » ?

On parle souvent de la responsabilité des documentaires car ils montrent des personnes réelles. Selon vous, est-ce qu’on triche ou non avec le réel ?

N.S. : On triche toujours. Le cinéma n’est pas la réalité, c’est une interprétation de la réalité. Mais cette interprétation ne doit pas être malveillante. Je ne dirais pas que mes documentaires sont « la vérité », mais je pense qu’ils sont honnêtes. Et c’est bien mieux ainsi.

J’apprécie que vous pensiez qu’ils sont honnêtes, et non qu’ils le sont. C’est une forme de modestie. Vous avez maintenant un peu de recul sur ce qui s’est passé à Cannes avec ce film. Comment avez-vous vécu ce qui vous est arrivé sur un plan personnel comme professionnel ?

N.S. : Professionnellement, cela va beaucoup m’aider, car mon prochain projet sera lu avec beaucoup plus d’attention que par le passé. La reconnaissance, c’est indéniable, aide. Sur un plan personnel, bien sûr, cela fait du bien à l’ego, mais je sais aussi que ce n’est pas mon premier film. Parfois, on fait un bon film et personne ne le remarque. Parfois, on fait un film dont on n’est pas vraiment satisfait et il reçoit un prix. C’est chaotique. Je sais aussi que pour mon prochain projet, je devrai encore faire quelque chose de bien. Cette reconnaissance m’aide à me sentir apprécié mais ne garantit rien pour l’avenir. Je suis vraiment heureux que nous soyons en lice pour l’Oscar, mais en même temps, j’attends aussi que tout cela se termine, car je pourrai alors être à 100 % sur mon prochain projet. Il y a quelques mois, mon fils de sept ans m’a dit : « Papa, est-ce que tu peux rendre cette Palme d’Or ? Je n’en veux plus, tu n’es jamais à la maison ! ». Je ne viens de partir que quelques jours jours en Californie, mais c’est sûr que cela a eu des conséquences aussi sur un plan personnel !

Comment vous entraînez-vous pour les Oscars, cette énorme étape, totalement différente de ce que vous connaissez à savoir le cinéma indépendant croate et les difficultés des commissions ?

N.S. : Eh bien, pour moi, c’est une expérience. C’est tout ce que je peux dire pour l’instant. J’ai ma vie, vous savez, qui était plutôt cool avant ce film. Je travaille pour une très ancienn société de production à Zagreb qui était déjà importante à l’époque socialiste, qui produisait principalement des dessins animés. D’ailleurs, l’école d’animation de Zagreb est née dans cette société qui existe toujours. Je suis « creative producer » pour les documentaires, je travaille avec de jeunes réalisateurs qui réalisent des documentaires. C’est mon travail, et j’enseigne aussi dans une école de cinéma, donc j’ai beaucoup à faire, et j’ai mes propres projets, donc je ne rêve pas de déménager en Californie et de travailler là-bas. Les Oscars, j’aborde cela comme quelque chose d’assez étrange, mais c’est une expérience unique dans une vie, et j’aurai de belles histoires à raconter sur la façon dont ça s’est passé. Bien sûr, un Oscar est une récompense incroyable. Qui ne voudrait pas gagner un Oscar ? C’est quelque chose que tout le monde connaît, mais pour moi, la plus grande récompense cinématographique, ça a été Cannes, d’abord pour la tradition, ensuite pour l’atmosphère. Sous tout son aspect glamour, j’ai senti que c’était un vrai festival de cinéma, où les gens se déplaçaient pour voir des films et c’est ça qui le rend tellement spécial.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film

Avril Besson : « J’ai une très forte mémoire des rythmes des gens »

Son film Queen Size, comédie romantique autour d’un matelas s’est fait une place dans la compétition des César. Tout en simplicité, Avril Besson y raconte la rencontre inopinée de India Hair et Raya Martigny, deux femmes aux caractères décalés dans un moment de passage à vide avec sensibilité et humour. Réalisatrice mais aussi monteuse et ancienne étudiante de la Fémis, elle prépare maintenant son premier long-métrage Les Matins Merveilleux. Entre deux deux moments de pré-production, Avril Besson a répondu à nos questions sur sa double casquette et sa manière d’écrire en restant proche des acteurs et de la vie quotidienne.

Format Court : Vous êtes monteuse de formation et sur Queen Size, vous passez côté réalisation, comment se passe ce passage de l’un à l’autre ?

Avril Besson : J’ai toujours fait les deux un peu en parallèle. Dès le début de mes études à la Fémis, j’ai commencé à réaliser des courts dans le cursus et hors cursus. Ce n’est donc pas vraiment un passage de l’un à l’autre, j’ai toujours fait un peu des deux. Queen Size est le huitième film que je réalise, en comptant des films de commande, j’ai donc beaucoup réalisé pendant les études à la Fémis et après.

C’était selon les occasions qui se présentaient ou vous aviez des préférences ?

A. B. : À la Fémis, dès qu’on arrive, on nous propose tout de suite réaliser des courts-métrages, tout le monde doit réaliser ce qu’on appelle des « trois minutes ». A la fin de l’année, on doit faire une fiction en 16 mm, du moins à l’époque c’était le cas. J’ai pris goût tout de suite à la réalisation. J’avais plein de copains comédiens, des amis de ma sœur qui était actrice de théâtre. Tout s’est fait assez naturellement ; après, pendant un moment, j’ai fait plutôt du montage, puis j’ai eu envie de réaliser. J’ai réalisé un hors cursus avec les moyens de la Fémis, mais sans être intégrée au cursus de l’école. Puis j’ai saisi des opportunités, j’ai réalisé une masterclass pour l’atelier Arte Ludwigsburg Fémis que les étudiants des deux écoles écrivent et produisent Des étudiants de la Fémis les réalisent toutes sections confondues. J’ai réalisé un épisode pilote qui était produit par les étudiants en filière « série télé » de la Fémis. Ainsi, j’ai pu faire plusieurs choses différentes quand il y avait des opportunités qui se présentaient.

Vous êtes toujours la monteuse des films que vous réalisez ?

A. B. : Non, c’était la première fois. Je ne voulais pas le faire pendant très longtemps. J’ai monté mon documentaire de fin d’études mais c’est du documentaire, c’est assez particulier. Mais je m’étais toujours dit que je ne le ferais pas. Et là, comme le film a été fait quasiment sans budget, je ne voulais pas demander à quelqu’un de monter pour moi. Alors je l’ai fait. J’ai trouvé vraiment bien de monter mon propre film et je le ferai désormais. Mais je suis très entourée quand je monte toute seule, j’ai beaucoup de regards, beaucoup de personnes qui regardent très régulièrement, plein de versions. Quand j’ai des doutes sur une prise, j’envoie des bouts à bout au producteur pour qu’il choisisse.

Pour pouvoir garder du recul en quelque sorte ?

A. B. : Oui. Ce qui fonctionne bien pour moi, c’est le temps. C’est d’avoir des durées de montage très longues où on peut faire une pause de trois semaines, oublier complètement le film et revenir. C’est un peu le luxe quand on est tout seul, on n’embête personne. Je suis sur mon ordinateur chez moi, je fais ce que je veux. Je trouve qu’on monte les films trop vite, vraiment. Ce qu’il y a à faire devient évident quand on laisse ne serait-ce que deux semaines reposer. On oublie tellement vite, c’est fou, parfois on coupe quelque chose, on revient et on ne se souvient même pas de ce qu’on a coupé. Alors que deux semaines avant, cela nous paraissait impossible à enlever. D’un coup, le film parle pour lui-même, ce qui n’y est plus n’y est plus. Cela m’est arrivé sur des films que j’ai montés. Le temps de finir la post-prod, qu’il y ait la projection, il se passait trois semaines, un mois… On les revoit et on se dit : « Merde, là, je suis longue ou je suis courte, si j’avais revu à ce moment-là, j’aurais fait ça… ». J’ai eu beaucoup de regrets sur des montages où je me suis dit qu’avec un peu de temps, j’aurais mieux senti le rythme du film.

Combien de temps de montage a demandé Queen Size à peu près ?

A. B. : Un temps plutôt long. J’ai tourné deux jours au mois de mai et deux jours au mois de juin, à cause des disponibilités des comédiennes. J’ai commencé à monter ce que j’avais déjà tourné entre les deux sessions de tournage. Je me disais que c’était pas mal – comme c’était un peu improvisé comme projet – d’avoir du temps de montage entre les deux. La première sélection en festival, était Trouville en septembre de l’année d’après, il y a donc eu presque un an de montage. J’ai fait plein de pauses, je m’y suis mise, j’ai arrêté, j’ai fait d’autres trucs, je bossais sur d’autres projets en même temps etc… Il était fini en juillet de l’année d’après, il y a eu un an de post-prod. Comme il s’agissait surtout de copains qui me rendaient service, j’étais très tributaire de leur disposition, de leur disponibilité. Pendant plusieurs mois, il ne se passait rien puisque j’attendais par exemple que le mixeur finisse un projet. En tout, je dirais que c’était peut-être six mois de montage, avec une grosse pause.

Au moment de la réalisation, vous n’aviez donc pas encore le montage final en tête ?

A. B : Si quand même. Ce qui était difficile pour Queen Size, c’était le rythme, il y a deux rythmes dans le film. Un premier rythme qui est très sec, très saccadé et un deuxième rythme qui est beaucoup plus lent. J’avais aussi un désir de faire des digressions, je trouvais qu’il se passait des choses dans les digressions. Par exemple, la scène d’entretien d’embauche qui arrive très étrangement, durait beaucoup plus longtemps avec des blagues qui me faisaient beaucoup rire personnellement. Il fallait trouver exactement le bon dosage de ce que je pouvais me permettre en sortant de l’histoire intime entre les deux [personnages principaux]. Il faut éviter de perdre le spectateur, qu’il n’écoute plus rien ; il faut toujours doser et c’est très difficile de renoncer à des choses que l’on trouve bien. Cela demande d’avoir beaucoup de recul, le fait de couper. Le film faisait 26 minutes dans les premières versions de montage et je voulais qu’il en fasse 18. Je savais que ce film-là durerait 18 minutes, je sentais, j’avais une petite obsession sur ça. J’avais donc quand même huit minutes à couper, ce qui est énorme. Ça a pris énormément de temps, demandé de la distance. Parfois, je coupais des trucs entiers que j’adorais parce qu’on m’avait dit d’essayer et comme je montais seule, j’essayais tout ce qu’on me proposait. C’était un peu la règle que je m’étais fixée, ne jamais dire non à une proposition, même si je ne la trouve pas bien. C’était bien parce que je me laissais surprendre par des choses que je n’aurais pas du tout testées. Lorsqu’on on est monteur pour un réalisateur, on est déjà deux dans la salle, on se convainc entre nous et c’est plus difficile de faire marche arrière. Je coupais des gros morceaux, sur le moment, je me disais : « Mais évidemment que non ». Je revenais un mois après et parfois, je ne me souvenais même plus de ce qui était parti. C’était un peu la spécificité de ce montage-là, le film était beaucoup trop long, il fallait le réduire et j’avais du mal à savoir par où le prendre. Il y a encore une durée de trop quand les filles portent le matelas, on me l’avait dit, mais elle me plaisait beaucoup. C’est vrai qu’aujourd’hui, je ressens que ça aurait pu être un peu plus court, de peu, de 15 secondes. Le montage, c’est aussi se rendre compte que parfois, une réplique suffit à la place d’un moment de dialogue. Il faut aller chercher exactement le moment dans la scène qui raconte ce qu’on essaie de raconter et pas forcément s’étendre dessus pendant deux heures. Pour moi, c’était un film qui ne racontait pas grand-chose, donc je n’avais pas envie de raconter pas grand-chose pendant 25 minutes. Ce n’est pas un film contemplatif, donc il n’y a pas de raison de s’étendre plus que de mesure.

Vous avez un duo d’actrices qui ont une carrière déjà lancée, qui sont connues, comment sont-elles arrivées dans le projet ?

A. B. : India [Hair] et moi, on s’est rencontrées quand j’étais à la Fémis. Elle était au Conservatoire. On a fait un premier projet ensemble, un pilote de série que j’avais écrit et on est restées très amies. Ensuite, j’ai commencé à écrire mon premier long et naturellement, je l’ai écrit pour elle. Son personnage de Charlie, c’est donc avant tout un personnage d’une histoire longue, qui rencontre Marina [Raya Martigny] que j’ai castée. On a fait Queen Size à un moment où le financement du long patinait beaucoup. Je sentais que c’était peut-être plus judicieux de les réunir dans un format court plutôt que de passer des pages et des pages à essayer de raconter ce que je pensais filmer. On a fait ça un peu sur une impulsion, avec le peu de disponibilité qu’elles avaient, quatre jours coupés par un mois au milieu. Voilà comment cela s’est passé.

En parlant d’impulsion, il y a quelque chose d’assez naturel, de très réel dans ce film, à quel point était-ce improvisé et à quel point était-ce écrit ?

A. B. : C’est entièrement écrit, à cent pour cent. Il n’y a pas du tout d’improvisation. India n’aime pas trop ça, Raya non plus et objectivement, moi non plus. Parfois, elles changeaient un mot par un autre qui arrivait dans la réplique d’après, ce qui faisait une redite. Pour faire de la comédie, il faut jouer sur rythme, respecter un tempo. Et honnêtement, même si on avait voulu improviser, on n’aurait absolument pas eu le temps. On a tourné à grande vitesse, on était sur 4-5 décors par jour, à courir partout. Ce n’était même pas la peine de commencer à essayer de faire de l’improvisation. Il fallait déjà rentrer ce que l’on avait. Ensuite personnellement, l’improvisation, c’est quelque chose que j’ai du mal à diriger parce que je suis un peu gênée dès qu’il y a un temps mort. J’ai besoin que tout soit bien dans la prise. J’ai du mal à accepter qu’il y ait des choses qui ne marchent pas, mais qu’on va monter plus tard et que ça ira… J’ai besoin d’arriver à quelque chose qui fonctionne pour moi sur le moment. L’improvisation contient toujours des moments où ça s’épuise, s’essouffle un peu. On réécrit beaucoup ensemble. À la première prise, on se dit : « Ça, ça ne marche pas du tout, ça c’est très mal écrit ». Je change souvent des choses à ce moment-là, mais une fois qu’on arrive à une version qui fonctionne, on s’y tient et on travaille dessus.

J’avais une question au sujet du fait d’écrire de la comédie. Quelles seraient vos références en termes de comédie, de comédie aujourd’hui ? Comment on fait pour se lancer dans l’écriture de ce genre d’histoire ?

A. B. : Mes références de comédie sont souvent très anglaises. J’adore les films britanniques comme Harold et Maude de Hal Ahsby, qui n’est pas tant une comédie, mais qui a quand même des moments très drôles. J’adore Bagdad Café de Percy Adlon aussi, plus américain. J’aime bien les films assez sombres au final. L’ambiance est quand même assez dark, il y a beaucoup de morts ; j’adore quand le rire surgit d’un truc un peu glauque. Je trouve que ça surprend. Il y a des choses qui me font beaucoup rire dans le cinéma coréen, où parfois il ne se passe strictement rien dans une scène. Il y a trois banalités échangées et juste pile ce qu’il faut de temps mort, pour rendre ça hyper drôle d’un coup, parce qu’on se rend compte de l’absurdité de la situation. Ce genre de choses me fait rire, plus que d’écrire des vannes. Bien sûr, il y a les comédies américaines cultes qu’on adore et qu’on regarde en boucle, qui nous font rire parce que c’est très bien écrit. Mais ce que j’aime le plus, c’est le réel détourné. Des choses me font rire, mais je ne saurais pas dire pourquoi. Quand le personnage de Raya, Marina dit : « T’as pas de voiture ? » et que celui de India, Charlie répond « Non », elle me fait hurler de rire. C’est l’expression, la manière donc elle dit ce « non ».  Quelqu’un de normal dirait : « Ah non, désolée », et elle, elle répond « Non » cash. Ce sont ces petites nuances qui font qu’avec ce personnage, quelque chose de marrant se passe.

Ce sont des personnages qui sont un petit peu à un moment charnière, à un moment compliqué, qui ne sont pas forcément tentés par la vie assez classique qui s’offre à elles. Et ça, c’est un thème que vous aimez bien, les personnages qui sont un petit peu alternatifs, un peu hors des clous ?

A. B. : Complètement. C’est évidemment la base de tout le comédie, avoir des personnages un peu décalés. Mais j’aime bien qu’on puisse s’y retrouver toute de même dans ces personnages. Je pars énormément de choses vécues qui me font faire rire et que je replace. Je pense qu’il y a une certaine vérité derrière tout ça. Par exemple, un personnage a déjà son nom sur une tombe, c’est quelque chose de vrai, ma grand-mère m’a vraiment réservé une place dans son caveau. Je vois ma copine le soir, je lui dis, et en fait, elle meurt de rire. Cela me fait réaliser que ça peut être drôle, en fait. J’avais pas vu ça comme comique, mais c’est vrai que ce n’est pas commun d’avoir sa tombe. J’ai beaucoup fonctionné comme ça. Mon Iphone est rempli de notes, de petites choses qui m’ont fait rire. Je disais tout le temps que j’ai arrêté de fumer mais « pas tout le temps ». Je trouve que ces petits détails racontent quelque chose, de petits échecs quotidiens. Ça m’inspire de l’empathie. Tout le monde essaie de bien faire mais voilà il y a des aveux comme ça, d’échecs ou carrément de la mauvaise foi totale comme la réplique : « J’ai arrêté, moi aussi, mais pas tout le temps ». J’aime bien m’accrocher à ces petits détails car j’ai besoin que mes personnages soient réels. Je sais que j’ai vécus ces détails, donc je sais qu’ils sont plausibles, du moins à mes yeux. Ensuite à partir de là, je construis le personnage, mais je ne me prends pas trop la tête sur la psychologie. Qu’est-ce qu’elle pense ? Qu’est-ce qu’elle ferait ? Qu’est-ce qu’elle dirait ? Je fonctionne plus par détails à des endroits du film, je sais qu’elle va dire ça à ce moment-là et après, on construit autour.

Est-ce que vous auriez envie de retravailler avec The Cup of Tea et Topshot Films ?

A. B. : Peut-être. C’est en train de se faire maintenant donc je peux pas trop en parler, mais en tout cas, Christophe Audeguis, qui a co-produit le court, produit le long-métrage. Les créateurs de Topshot Films (Bastien Daret, Arthur Goisset et Robin Robles) sont des amis de la Fémis. Cela nous a donné envie de travailler ensemble. Au début, on ne voulait pas tout mélanger parce qu’on est très proches et très amis. On se disait que ce n’était peut-être pas une bonne idée de travailler ensemble et finalement, cela c’est fait.

Et par rapport au fait que le film est arrivé jusqu’aux César, comment est-ce que vous vivez ça ?

A. B. : C’est carrément fou. Je me reverrais toujours quand ils m’ont appelée pour me dire que le film allait au festival de Trouville, c’était en juillet, je suis tombée de mon transat. Je n’y croyais pas du tout. L’ironie est que pour tous mes autres courts-métrages, j’en avais rêvé. Je les avais faits avec un espoir de festival, celui-ci est peut-être le seul que je n’ai pas fait pour ça. J’étais déjà dans la logique de mon long, j’avais un peu renoncé à avoir un jour un film en festival. J’étais vraiment contente. Autour de moi, on disait que c’est un super baromètre, que quand on commence par Trouville, c’est un très bon signe. Je gardais la tête froide. Ensuite, il y a eu des premiers festivals à l’étranger. J’ai trouvé cela énorme parce que pour moi, c’était une histoire complètement franco-française avec des blagues en français et je n’avais pas du tout l’impression que cela pouvait traverser quelque frontière que ce soit. Finalement, il a voyagé partout dans le monde et j’ai pu un peu l’accompagner grâce à Unifrance. C’est aussi grâce aux producteurs, personnellement, les César, je n’y aurais même pas pensé, mais eux ils savent comment cela fonctionne, qu’on avait une chance. En tout cas, c’est assez fou et en plus très encourageant puisqu’on est en train de faire le long, cela me donne de l’énergie dans la préparation.

Est-ce que ce court a fait évoluer le projet de long ?

A. B. : Complètement, premièrement au début, je ne connaissais pas si bien Raya. On s’était vues quelques fois, mais il n’y avait pas eu ces moments intenses qu’on a vécu sur le court. On a vraiment appris à se connaître, à se reconnaître. Ensuite, j’ai écrit avec sa voix dans la tête, je l’entendais. J’avais écrit Charlie avec la voix d’India dans la tête, mais j’avais moins écrit Marina. Après ça, dès les premières répétitions qu’on a refaites, cela sonnait super juste. Marina avait grandi en elle, et Raya avait grandi en moi. Quelque chose s’alignait bien. En lisant le le long, tout le monde dit : « Evidemment, Charlie c’est India, on l’entend, on la voit, c’est son phrasé ». J’ai une très forte mémoire des rythmes des gens. Quand j’écris des dialogues, j’ai vraiment la bouche qui bouge. J’entends les gens me parler. C’est pour ça que j’ai très souvent besoin de savoir exactement qui va jouer avant de pouvoir écrire. Si je n’ai pas d’acteur en tête, je n’arrive pas vraiment à écrire. Le court a apporté ce changement. Il y a également des dialogues du court que j’ai remis tels quels dans le long alors qu’ils n’y étaient pas à l’origine. Le fil s’est de plus en plus centré sur Charlie et Marina. Avant, il y avait beaucoup de personnages, c’était un peu plus choral. Maintenant, c’est vraiment très centré sur elles deux. Elles ont un peu imposé leur rythme.

Quelle est votre relation au court-métrage ?

A. B. : Jusqu’à maintenant, j’avais l’impression de ne pas avoir vraiment bien compris. J’ai eu du mal avec mes précédents courts-métrages, parfois, j’essayais de raconter une histoire trop grande, parfois une histoire trop petite. J’avais du mal à doser la durée de l’histoire par rapport à la durée du format court. De mes précédents courts, je trouvais que l’histoire ne s’adaptait pas bien au format. Là, j’en ai réécrit un que je vais tourner en novembre prochain. C’est aussi une rencontre, une sorte de « petite sœur dark de Queen Size », c’est deux jeunes filles, plus jeunes et qui vont moins bien, qui se rencontrent dans Paris la nuit et l’hiver, mais avec plus d’ellipses parce que ça se passe sur une nuit entière. Maintenant, j’ai l’impression de beaucoup plus m’amuser depuis que je me suis un peu libérée de cette question-là, de la temporalité par rapport au format. Que je cherche moins à trouver une histoire. En tout cas, ce que je trouve très cool, c’est que cela permet de faire les films dans des durées courtes surtout. Queen Size, je l’ai pensé, je l’ai écrit et je l’ai tourné en à peine un mois. L’autre film court, on est en train de le financer. Ça prend un peu plus de temps, mais en même temps, il n’y a pas eu beaucoup de réécriture. Il va se passer peut-être un an entre le premier jet et le tournage, c’est agréable. Le long, ça fait sept ans que je le travaille, c’est très difficile d’avoir cette endurance-là, de garder du recul sur ce qu’on écrit, j’ai dû faire 300 versions de scénarios. C’est très lourd à porter comme projet. Alors que le court, ça reste très frais, très agréable. Faire court ne veut pas dire que l’on ne va pas au fond des choses avec son histoire et ses comédiennes.

Propos recueillis par Rachel Laurand

Article associé : la critique du film

Festival Format Court. Nouveauté, le Lab !

Appel à scénarios ! Après l’annonce de la Masterclass avec Boris Lojkine, le Festival Format Court envisage un nouveau rendez-vous : le Lab !

Destiné au perfectionnement de l’écriture de son projet de court-métrage, le Lab offre la possibilité à 3 auteur.ice.s-réalisateur.ice.s de développer leur scénario, sur base duquel ils ont été sélectionnés, à travers une série de consultations, de temps de réécriture et de rencontres professionnelles. Le scénariste-consultant Hakim Mao encadrera cette première édition qui aura lieu tout au long du Festival, du 2 au 6 avril, à proximité du Studio des Ursulines.

Hakim Mao a étudié le montage avant de sortir diplômé en cinéma de l’École Nationale Supérieure Louis Lumière. Entre 2014 et 2024, il est associé chez Initiative Film, société spécialisée en développement de films à l’international, ainsi que scénariste et consultant en écriture sur des projets en développement. Hakim Mao a réalisé les courts métrages Fragile (︎2020)︎ et Idiot Fish ︎ (2022)︎, et il développe actuellement son premier long métrage avec Furyo Films.

Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 12 mars, dans la limite des 60 premiers dossiers reçus.

Informations, conditions de participation : consulter le règlement, disponible en ligne !

Bonne chance à tous.tes !

C comme Un Cœur perdu et autres rêves de Beyrouth

Fiche technique

Synopsis : Des garçons plongent, des chats gémissent, une vieille dame fume, des jeunes gens dansent, un gardien des morts soupire. Ils sont le peuple d’une ville fantôme : Beyrouth, qui n’existe plus qu’en rêve.

Genre : Documentaire

Durée : 36’

Pays : France, Liban

Année : 2023

Réalisation : Maya Abdul-Malak

Scénario : Maya Abdul-Malak

Image : Claire Mathon

Montage : Adrien Faucheux

Son : Tatiana El Dahdah, Josefina Rodriguez, Emmanuel Croset

Interprétation (voix) : Fouad Albani, Khulood Al Hussein, Rania Rafei

Production : Macalube Films

Article associé : la critique du film

Un cœur perdu et autres rêves de Beyrouth de Maya Abdul-Malak

En lice pour le César du meilleur court métrage documentaire de l’édition 2025, Un cœur perdu et autres rêves de Beyrouth confronte les vestiges parcellaires des témoignages anonymes et les images d’une ville qui, après la guerre, le sang et les décombres retrouve une apparente tranquillité, spectrale. Que reste-il de nos récits, des corps meurtris, de nos autres rêves ? Dans quelle rue, quelle vague, quelle promenade de Beyrouth subsistent-ils ? La cinéaste de deux films documentaires, Au pays qui te ressemble qui sondait le souvenir collectif libanais et Des hommes debout, Maya Abdul-Malak questionne ici les virtualités de la mémoire, dans une capitale sublime, nocturne, estivale, dont la beauté recèle les meurtrissures du traumatisme libanais.

Le ton est donné dès l’ouverture, une voix dit que les voitures l’empêchent de passer, c’est la parole qui a du mal à se frayer un chemin dans le présent, c’est la grande histoire des après, leur tragédie aussi. Veut-on entendre le récit des horreurs, de la perte, alors que le repos semble être accordé ? Le film va tisser des histoires éparses parfois proches du conte ou de la fable. De cet enchevêtrement résulte un objet sonore hétérogène, brouillé, face à des images par contraste souvent fixes, cadrées, stylisées. Une séquence est en cela assez exemplaire de ce jeu d’opposition : deux femmes sont assises dans une automobile, quasiment immobiles tandis qu’elles subissent le zapping frénétique de la radio. Le contraste est brutal : il y a tout un monde entre l’immuabilité plastique et le brouillage sonore, qui s’allume et s’éteint, passe des ondes éclectiques, musique américaine, libanaise, sur lesquelles se déposent et ajoutent à la confusion, les coups de klaxon de la chaussée. L’impureté de la guerre affronte la stabilité retrouvée, cela passe par une disjonction sur l’ensemble du film entre le son et l’image, mis face à face. C’est un écho de la guerre civile, un même corps tiraillé, en rupture, fragile. Le cinéma en réponse métaphorique se déchire aussi en deux, d’un côté sa voix, de l’autre son image. Le dispositif que propose le film est assez admirable, poétique autant que politique. L’image ne va avoir de cesse de répondre aux témoignages racontés. Dès lors, les larmes deviennent cette étendue de mer éperdue, les sanglots versés se noient dans les vagues turquoises ensoleillées. L’image fait prendre corps à l’immatériel de la mémoire de manière allégorique, sans schématisme, en usant de la mise en scène et de la chair de la ville. Cela n’est pas sans douleur, et ancre le paradoxe qu’exprime le documentaire : un corps perdu dans l’eau devient celui d’un enfant qui profite d’un après-midi d’été, les fantômes se mêlent aux vivants, le souvenir traumatique à la nécessité d’aller de l’avant. Les rues de Beyrouth sont tristes, étroites, des fanions pendent comme une fin de fête, vide, désertée. Néanmoins, le film de Maya Abdul-Malak se ponctue de quelques épisodes emplis d’espoir comme cette java fiévreuse aux corps enchantés qui ondulent, en gros plan. La séquence est en rupture esthétique avec un film qui prenait plutôt le pari de tenir à distance les corps, de les saisir au cœur de la capitale : elle en est d’autant plus saisissante.

Alors qu’aujourd’hui la paix demeure gracile au Liban depuis les tirs israéliens de la fin 2023, le Beyrouth de Maya Abdul-Malak pourrait être le théâtre de lendemains meilleurs. Au crépuscule de ses tourments, on fume le narguilé, une petite fille se déguise en princesse pour être prise en photo. Aux abords d’une plage, on retrouve le répit, les récréations, les activités anodines, déliées de la survie nécessaire en temps de guerre. Sur le sable, le temps s’épaissit. Mais on se souvient au creux de l’oreille, en observant le coucher de soleil et les jeux d’enfants, que ceux-ci se transformaient chaque soir en rivières de sang. Même lorsque la beauté drape l’image, on nous murmure ce que furent les jours sur leur déclin à Beyrouth, les rêves déchus, les rives assassines. L’image ne peut se dérober au son. Pourtant, les gens courent sur la promenade et ce n’est pas pour s’enfuir. Ce n’est pas la peur qui fait crier les enfants. “ Ça me soulage de voir la mer et les gens qui se promènent normalement.” Mais la flânerie n’est plus la même, comme dans le court-métrage de Lucien Bourjeily, Minerva (2021), les visages des disparus entachent les murs. L’image se fait mémoire, devant les affiches, on énonce ce qu’est une guerre civile : un déchirement. “ J’explose. Mon corps entier explose. Je le vois en morceaux autour de moi. Me suis-je fait exploser moi-même ?”. La nuit venue, sur la promenade, un homme tient plusieurs ballons allumés, il avance lentement pour sortir du cadre. Demain est possible, en liesse peut-être, en faisant corps avec son histoire, si l’image demeure un lieu de mémoire, si Beyrouth comme elle le peut, retrouve son cœur, et ses rêves, aux creux des vagues, à corps perdu.

Lou Leoty

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Mansi Maheshwari : « Les vrais mensonges me font peur. »

Avec impétuosité, la réalisatrice Mansi Maheshwari propose un film d’animation malicieux et rock and roll. Présenté à Clermont-Ferrand et lauréat du troisième prix de la Cinef à Cannes en 2024, son film d’animation Bunnyhood est un court métrage fougueux dans lequel l’adolescente Bobby découvre les vices du mensonge. Quelle pire trahison que celle d’une mère qui représente jusqu’alors l’honnêteté ? Suite à un guet-apens pour l’emmener à l’hôpital sans qu’elle le sache afin de subir une opération, le film de Mansi Maheshwari suit Bobby qui perd petit à petit confiance en sa mère. Elle ne comprend pas ce qu’il se passe, la panique s’empare d’elle et les personnages autour d’elles se transforment alors en lapins maléfiques. Rencontre.

Format Court : Dans quel contexte votre film de fin d’études a-t-il été réalisé ?

Mansi Maheshwari : Je voulais faire un film d’horreur qui soit aussi une comédie et qui s’inspire d’une histoire personnelle. Je ne voulais pas faire quelque chose de déprimant, car c’est souvent le cas avec les films d’animation. Je voulais que cela reste rock and roll et drôle. J’avais déjà l’histoire au départ, je savais ce que je voulais dire. Je me débattais également avec les mensonges et les raisons pour lesquelles les gens mentent, et cette histoire parlait exactement de cela. Je ne sais pas, un jour, tout m’est venu. Nous devions présenter deux histoires à l’école, la NFTS (National Film and Television School), mais je n’en ai présenté qu’une seule parce que j’étais sûre d’être capable de la réaliser.

Pourquoi s’intéresser à « Bunnyhood » et la psychose autour du lapin ?

MM : Bunnyhood est un film sur le passage à l’âge adulte. Il y a l’enfance, l’âge adulte et cet âge d’entre-deux est le « bunnyhood », c’est-à-dire le moment où l’on apprend quelque chose sur le passage à l’âge adulte. C’est donc l’âge où l’on devient un lapin.

Vous vous préoccupez aussi du corps, de sa déformation et de sa transformation. Comment avez-vous travaillé l’animation ?

MM : Honnêtement, je ne l’avais pas prévu quand j’ai commencé à animer le film. Mes amis de la NFTS sont brillants en morphing, ils prennent quelque chose et le transforment en quelque chose de complètement différent. Et j’ai beaucoup de mal avec ça. Quand « Mom » se transforme en lapin, c’est la première scène que j’ai animée, je crois. Je l’ai regardée et je me suis dit : pour se transformer en lapin, il lui faut des oreilles plus longues, alors j’ai juste déformé le sourire et allongé la tête pour faire les oreilles, c’est tout.

Cela a aussi un côté diabolique ?

MM : Le sourire fou et les yeux, c’est vraiment diabolique. Au début, je ne voulais pas montrer les lapins comme de simples menteurs. C’était comme le bon monde contre le mauvais monde. Bobby a été introduit dans ce mauvais monde et dans ce monde diabolique et crasseux. À la fin du film, Bobby, le personnage central, devait devenir le lapin maléfique. Elle a maintenant appris quelque chose sur la vie. À l’avenir, elle dispose de cet outil qu’elle peut utiliser dans la société.

Pouvons-nous parler de l’importance de la trahison dans le film et de la façon dont le personnage perd confiance en sa mère ?

MM : Je pense que c’est ce que font les mensonges. Vous savez, chaque fois que vous surprenez quelqu’un qui vous a menti, vous perdez confiance. Avec votre propre mère, ce qui est une vérité de la vie, vous êtes confronté à ce genre de situation à de nombreuses reprises, mais la douleur est la même à chaque fois, quelle que soit la personne. Cela me met toujours en colère, alors il fallait que j’en parle. Je ne dis pas que je suis toujours sincère, j’aime mentir pour le plaisir. C’est comme un mensonge sans conséquence. Vous sauriez évidemment qu’il s’agit d’une blague. Les vrais mensonges me font peur. Je n’y arrive pas. Ne pas mentir est en fait un mode de vie très facile, que je trouve tout à fait banal dans ma vie. Je n’ai rien à cacher parce que je ne mens à personne, je suis simplement moi-même. Et j’y crois vraiment : pourquoi mentir ? Pourquoi avez-vous si peur de la vérité ? Je fais la promotion de ce mode de vie facile.

De plus, la communication est meilleure quand on est honnête l’un envers l’autre. Dans le film, si la mère et la fille avaient eu une vraie discussion, il y aurait eu moins de pression et de peur concernant ce qui se passe.

MM : C’est certain, il est toujours bon d’en parler. Mais parfois, c’est très difficile. « Mom »était dans une position où elle devait faire sortir sa fille de la maison. Ce n’est pas toujours facile et il n’y a pas de bon ou de mauvais choix.

Il y a aussi la question du consentement, surtout quand on est un enfant. « Mom » cache l’opération à sa fille et la lui fait subir sans son accord. Qu’en pensez-vous ?

MM : Oui, le consentement est un sujet important. C’est un film qui fait peur. Tout cela lui est arrivé à son insu. Parfois, les enfants deviennent des produits que les parents possèdent, comme si vous étiez un objet qui leur appartient et dont ils doivent s’occuper. Je pense que c’est ce qui se passe à la fin, lorsque « Mom » lui demande : « Tu me fais encore confiance ? ». Elle comprend qu’elle est une personne qu’elle a pu blesser, et elle réalise qu’elle aurait pu lui demander son accord. Je pense donc que c’est important, et c’est la raison pour laquelle ce film est resté dans ma mémoire, parce que cela m’est arrivé il y a dix ans et que j’en parle encore, probablement à cause du consentement. Si on m’avait demandé, il n’y aurait pas eu d’histoire, il y a une histoire parce qu’il n’y a pas eu de consentement.

Je pense que c’est un problème surtout lorsque qu’on est enfant. Les parents vous représentent.

MM : C’est comme si les gens ne vous écoutaient même pas sans un tuteur ou quoi que ce soit d’autre. C’est l’âge de l’adolescence où l’on devient une personne, l’âge du « bunnyhood », où l’on devient quelqu’un et en même temps non. C’est un âge de transition, c’est difficile pour tout le monde.

Comment avez-vous travaillé l’imaginaire du film, entre le monde réel et celui de l’introspection de Bobby lors de son opération ?

MM : Le monde extérieur et le monde intérieur sont à peu près les mêmes, sauf que le monde intérieur est de couleur rouge. Le monde extérieur est également composé de montagnes et de lignes plates. Je viens d’une ville où tout est agité et j’aime cela. J’aime que cet endroit ressemble à l’Amérique, avec ces montagnes et une route au milieu, puis plus rien pendant une éternité. Je voulais décrire tous les dialogues du film. Je voulais dire qu’elles vont quelque part, donc, il y a une route. Ensuite, je voulais raconter qu’elles pourraient aller chez Big Patty’s (un fast-food), alors il y a en a un. Cela me suffit. J’aime le montage, j’aime enlever les choses dont vous n’avez pas besoin. Même dans la cuisine, il ne se passe pas grand-chose. Elle (« Mom ») aurait pu cuisiner, elle aurait pu faire beaucoup de choses, elle est juste assise parce qu’elle a besoin de passer un coup de fil tout de suite. Je pense donc que la conception du monde est venue de commodité, de la quantité de choses que l’on peut dessiner et de la quantité dont on a besoin. Quant au style d’animation, je ne suis pas une très bonne animatrice. C’est ce que je sais faire, il n’y a pas d’autre raison. Je n’avais jamais fait d’animation auparavant, j’ai lu les premières pages et les premiers chapitres de livres sur l’animation et je me suis dit que c’était tout ce que j’avais besoin de savoir. On y parlait de spacing, d’action et je me suis dit que c’était suffisant, que je pouvais travailler avec. C’est tout, c’est pourquoi l’animation est vraiment bizarre. Ce n’est pas un choix stylistique, c’est tout ce que j’ai à offrir.

Et la technique ?

MM : Il s’agit d’environ 20.000 dessins que nous avons faits. Tout est peint à la main. Tout a été assemblé sur les celluloïds et sur les scans puis mis ensemble, il n’y a pas d’effets secondaires.

Et d’où vient l’énergie du film ?

MM : L’énergie du film vient de moi. Je crois que j’aime les choses rapides. J’ai du mal avec le cinéma lent. J’avais aussi besoin de montrer de l’anxiété. Je voulais que le film soit un peu punky, c’est juste l’attitude rock and roll du film. Le personnage de la fille aussi, c’est une fille cool. Certaines personnes pensent que c’est un garçon, mais cela n’a pas d’importance pour moi. Pour ce que j’en sais, ce n’est qu’une adolescente. La personnalité de Bobby a été inspirée de mon frère, que je trouvais cool.

C’est drôle parce qu’au début, la fille joue à un jeu vidéo où elle tire sur des lapins, comment avez-vous pensé à cette idée ?

MM : Au départ, elle devait juste jouer à un jeu vidéo, pas à un jeu vidéo de lapins. Mais mon tuteur à la NFTS m’a dit qu’il n’était pas logique qu’elle commence à voir des lapins tout d’un coup, et qu’elle devrait donc en avoir au début. Et j’ai pensé qu’elle pouvait tirer sur des lapins dans le jeu vidéo, il s’agissait d’implanter cette idée et il était donc logique qu’elle en voie à nouveau et qu’elle veuille les tuer d’une manière ou d’une autre.

Ce projet a été entièrement réalisé par des étudiants, vous n’avez pas fait appel à des professionnels ?

MM : Il n’y avait que des étudiants. Notre école est une école de maîtrise et c’est un peu comme une société de production. Il y a tous les départements : montage, son, musique, composition, … . Un étudiant de chaque département se réunit pour former une équipe.

Comment s’est passé le fait de travailler avec des gens de votre âge ?

MM : C’était génial, c’était tellement cool et rock. J’ai adoré. Je pense que je me suis tellement amusée à faire ce film et je riais vraiment tous les jours. J’ai passé un excellent moment et c’est la raison pour laquelle je sais que j’aimerais faire des films. Il y a beaucoup de joie à créer quelque chose.

Le film a été présenté au festival de Cannes, qu’est-ce que cela a représenté dans le parcours du film ?

MM : Je pense que le fait d’être à Cannes a été très utile, non seulement pour le film, mais aussi pour ma carrière, car c’est mon tout premier film. C’est un film d’animation, mais je pense qu’après cela, les gens ne me voient pas seulement comme une animatrice. Honnêtement, je n’ai même pas les compétences pour le faire. Je ne pense pas que l’on puisse m’embaucher comme animatrice. Le film a déjà été présenté dans plus de 60 festivals, à Sundance, à Cannes, mais aussi dans de nombreux festivals d’animation, si bien qu’il a été vu par un grand nombre de personnes. Il a simplement attiré l’attention et je pense que ce que vous voyez est universel, tout le monde a une mère menteuse à laquelle on peut s’identifier, c’est pourquoi il est également devenu très international. Je n’ai pas eu à payer pour l’inscrire en festival, la NFTS l’a envoyé à de nombreux festivals et d’autres nous ont demandé le film, nous n’avons dépensé aucun centime pour postuler à ces festivals, cela grâce à Cannes. Ça m’a permis de me faire connaître. Nous avons rencontré tant de personnes extraordinaires au cours de ce voyage. La première dans un grand festival nous a beaucoup aidés.

Ressentez-vous une certaine pression pour vos prochains projets ?

MM : Oui, une grosse pression. Mais ce n’est pas à cause des gens, c’est juste moi. Je me suis amusée avec mes amis à faire ce film et je ne sais pas ce que j’ai fait de bien pour que les gens l’aiment. Mais le site Letterboxd m’a aussi aidé à garder les pieds sur terre parce que beaucoup de gens le détestent également. C’est donc une bonne chose. Mais je pense que pour mon prochain film, j’essaierai d’être moi-même et de faire quelque chose de différent, de ne pas faire un autre Bunnyhood.

Quels sont vos prochains projets ?

MM : J’aimerais faire un long-métrage sur la famille, car j’ai une grande famille. Je passe tellement de temps avec eux, j’ai passé plus de temps avec cette grande famille qu’avec mes amis. J’aimerais faire un road movie, peut-être en prise de vues réelles cette fois-ci, afin de pouvoir raconter l’histoire rapidement.

Propos recueillis par Garance Alegria

#César 2025

C’est en conclusion d’une année 2024 marquée par des propositions fortes et l’émergence de nouveaux talents que l’édition 2025 des César se dessine avec l’ouverture du premier tour de vote. Une présélection riche d’œuvres ayant fait le tour des festivals, allant de l’œuvre queer (Queen Size) aux films politiques contemporains (L’Orange de Jaffa), en passant par le voyeurisme parisien (Montsouris). En attendant la cérémonie, qui se tiendra le 28 février prochain, Format Court vous propose de revenir sur ses coups de cœur parmi les les 48 courts en lice aux César 2025.

Dylan Librati

Nos critiques

 La critique de Un coeur perdu et autres rêves de Beyrouth de Maya Abdul-Malak

 La critique de Queen Size de Avril Besson

La critique de L’Envoûtement de Nicolas Giuliani

La critique de Ce qui appartient à César de Violette Gitton

La critique de Les Mystérieuses Aventures de Claude Conseil de Marie-Lola Terver et Paul Jousselin

La critique de Soleil gris de Camille Monnier

La critique de Papillon de Florence Miailhe

La critique de La Perra de Carla Melo Gampert

La critique de Margarethe 89 de Lucas Malbrun

La critique de Maurice’s Bar de Tom Prezman et Tzor Edery

La critique de Les fiancées du Sud de Elena López Riera

La critique de L’Anniversaire d’Enrico de Francesco Sossai

La critique de Montsouris de Guil Sela

La critique de Pleure pas Gabriel de Mathilde Chavanne

La critique de L’Homme qui ne se taisait pas de Nebojša Slijepcevic

Nos interviews

Les courts primés aux César 2025

L’interview de Nebojša Slijepčević, réalisateur de The Man Who Could Not Remain Silent

L’interview de Avril Besson, réalisatrice de Queen Size

L’interview de Loïc Espuche, réalisateur de Beurk

L’interview de Vibirson Gnanatheepan, réalisateur de Anushan

L’interview de Erenik Beqiri, réalisateur de A Short Trip

L’interview de Guil Sela, réalisateur de Montsouris

L’interview de Yohann Kouam, réalisateur de Après l’aurore

L’interview de Salomé Da Souza, réalisatrice de Boucan

L’interview de Wissam Charaf, réalisateur de Et si le soleil plongeait dans l’océan des nues

L’interview de François Robic, réalisateur de Rien d’important

Paul Kermarec : « Ce qui ne nous remplacera pas, ce sont les sentiments »

Ni Dieu ni père, court métrage primé par le prix du public labo à la 47e édition du festival de Clermont-Ferrand questionne le rôle de l’intelligence artificielle. Peut-elle remplacer une personne, créer une relation et du lien affectif ? Dans ce film, Paul Kermarec cherche la présence d’un père, il finit par se tourner vers ChatGPT pour combler cette présence. Dans un rapport algorithme/humain, le film parle avec intelligence et humour de cette technologie qui devient de plus en plus présente dans notre quotidien et à laquelle nous ne pouvons échapper.

Format Court : Quelle est la genèse du film ? J’ai vu qu’il était réalisé dans le cadre d’un master.

Paul Kermarec : C’est mon projet de mémoire. Je suis en dernière année aux Beaux-arts de Paris-Cergy. Je devais faire un mémoire et comme je suis aux Beaux-Arts, la forme était un peu libre.

L’idée de faire un desktop movie était-elle présente dès les débuts de la conception du film ? Pourquoi avoir fait ce choix-là ?

PK : C’était dès le début. J’ai fait ce choix parce que le médium me plaisait puisqu’il me permet de raconter une histoire sans déployer des moyens monumentaux, juste mon ordinateur, un micro. J’avais vu le film Clean With Me (After Dark) de Gabrielle Stemmer. C’est un desktop movie et ça m’a beaucoup fasciné, la manière dont elle pouvait raconter son histoire qu’à travers des enregistrements d’écran. Je trouvais qu’il y avait quelque chose dans la narration qui était cool à explorer et qui matchait avec ce que je voulais raconter. Donc, c’est né comme ça.

Quel est le sujet de ton mémoire ?

PK : La problématique était, en résumé, comment l’absence paternelle peut jouer sur la construction personnelle et des questions de transmission. Et, comment Internet peut combler cette faille-là et devenir acteur de la construction.

Dans ton film, tu questionnes le rôle de la figure paternelle. Selon toi, qu’est-ce qu’elle représente dans la construction d’un jeune homme ?

PK : Je ne sais pas si en fait c’est très important. Mais, il y a quand même une image plus globale qui est dans les clichés communs de ce qu’un père doit transmettre à son fils. C’est pour ça qu’au début du film, j’ai grossi le trait : apprendre à se raser, à se battre, des choses très masculines, très clichées pour en fait me rendre compte au fur et à mesure, que même avec ChatGPT, tout ça est très duplicable. J’ai l’impression que c’est plus une idée commune de ce qu’est un père, mais je ne sais pas si un père a quelque chose à transmettre de global comme ceci, ou si c’est juste un manque à combler dans le film.

Est-ce que tu penses qu’avec ChatGPT, tu as pu redéfinir ce type de relation ?

PK : Je pense que j’ai essayé et je ne suis pas sûr que justement ChatGPT la redéfinisse. Le personnage principal cherche au-delà d’un père. Il cherche une relation intime et personnelle avec un moteur de recherche qui n’est capable que d’être universel. Et être universel, c’est le mélange de tout ce qu’on met sur internet, donc des mêmes projections qu’on a sur sur la paternité ou sur la masculinité. Je pense que la question de fond c’est aussi comment devenir un homme? Et c’est quoi être un homme? ChatGPT n’est pas nuancé là-dessus, il est très ringard sur ce sujet.

Clean with Me (After Dark), Gabrielle Stemmer, 2019

Tu es d’une génération qui a commencé à s’éduquer avec Google, que penses-tu de notre manière actuelle de s’instruire sur internet ?

PK : Je pense que l’on est pas tous égaux par rapport à ça, par rapport à la sensibilisation à ce qu’on peut trouver sur internet. On est en pleins choc générationnel où notre génération et celles encore plus jeunes que nous ont ce réflexe inné de très vite se rendre compte de ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui est intéressant et ce qui ne l’est pas. Ce qui n’est pas du tout le cas de ma mère, par exemple, que ça questionne beaucoup. Il y a tout et n’importe quoi, il faut le savoir, comme avec ChatGPT. On apprend aussi avec le temps, quand on est plus jeune, on ne sait pas et puis, on apprend. Néanmoins, c’est plus dangereux parce que cela se fait devant tout le monde, je pense aux réseaux sociaux, aux jeunes qui font des vidéos à 12 ans, c’est à double tranchant. Il y a, à la base avec Internet, un projet d’horizontalité de la culture et du savoir où tout serait accessible de la même manière à chaque personne. Et puis, en fait, ça l’est de moins en moins. On devrait plus, à l’école, avoir une sensibilisation à ça parce qu’il y a plein de gens qui en ont peur et qui ne veulent pas en parler ou qui repoussent cette technologie…

Dans un cas extrême, penses-tu que comme pour Google, on va devenir dépendant des IA ?

PK : Oui je le pense. Déjà moi, j’utilise ChatGPt tous les jours. Il va juste falloir réussir à créer cet espace entre nous et les intelligences artificielles et bien se rendre compte que ce ne sont que des outils et qu’il faut savoir les utiliser et pas se reposer dessus indéfiniment. Ça ne remplacera jamais la créativité, c’est juste là pour aider. De toute façon, on n’a pas le choix que ce soit là ou pas. On ne décide pas ça. Si c’est là, autant s’y accommoder.

L’intelligence artificielle est de plus en plus présente dans les films, que penses-tu de sa place dans le processus créatif ?

PK : Dans le cadre du film, c’est un acteur du film, donc je ne suis pas sûr que cela soit très représentatif de son utilisation dans l’art ou par exemple dans le cinéma. Je pense que de toute façon ça sera de plus en plus utilisé et que ça aidera, comme un assistant qui est capable de retenir ce qu’on a à faire dans la journée, qui peut nous aider à l’organiser avec des plannings. C’est un gain de temps, mais j’ai du mal à imaginer, que cela remplace autre chose que ça. Je ne ressens pas cette peur de « ça va atténuer la créativité ». Bien sûr, ça va l’atténuer si on demande d’être créatif à ChatGPT, mais il ne le saura pas parce qu’il ne peut pas l’être. À partir du moment où, derrière, il y a un humain qui, lui, a sa créativité et que ChatGPT le décharge de tout le côté qui n’est pas créatif, justement, c’est là où il est utile.

Il y a un aspect inquiétant dans le film quand ChatGPT commence à évoquer des souvenirs. Penses-tu qu’il est possible de se perdre dans les méandres de cette technologie ?

PK : Oui c’est sûr, c’est très possible de se perdre. ChatGPT est un puit sans fond qui sera toujours plus ou moins d’accord avec toi. Il aura Internet entier pour se documenter, et, plus tu discutes avec lui, plus il se fournira de tes questions pour être un peu ce que tu attends qu’il soit. Donc oui, bien sûr qu’on peut s’y perdre, et bien sûr que là-dedans, il y a un côté qui peut faire peur. Je pense que c’est un miroir de notre société, parce qu’en fait, que ChatGPT, soit là ou pas, il y a plein de gens que l’on n’entend pas, il y a plein de gens que l’on n’écoute pas. Il y a une place avec l’intelligence artificielle où 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, il y a quelqu’un pour nous répondre. Sur Twitter, je vois plein de tweets de gens qui disent : « ChatGPT ça peut même remplacer mon psy. Parfois, je lui parle, il a des meilleures réponses. » Oui, c’est ça aussi. C’est là où il faut en être conscient. Il faut être conscient que ce n’est que du codage derrière et qu’une chose programmée à nous accompagner.

Il y a aussi dans ton film une façon de théoriser l’existence de quelqu’un. Qu’est-ce que tu penses de ta relation finalement avec ChatGPT ? Tu la trouves légitime ?

PK : Je la trouve très légitime. Dans le film, ChatGPT c’est le moment où on bascule dans la fiction et là où le personnage du film est conscient que c’est une intelligence artificielle. Au début, il lui pose la question plein de fois [d’être son père] et il refuse ce rôle. Jusqu’au moment où le personnage lui dit comment être. Il plonge dans ce jeu un peu de dupes où les deux, ChatGPT et lui, savent très bien qu’ils ne sont rien l’un pour l’autre. Mais en même temps, ils s’inventent des souvenirs. À partir de là, la relation se créé. Elle répond un peu à ce que le personnage principal attend et ça le comble. Sur le moment, Internet ne suffisait plus. Les tutos ne suffisaient plus. Il fallait autre chose de plus personnel, mais qui, en fait, ne l’est pas du tout parce que n’importe qui aurait les mêmes réponses. Mais, dans son jeu à lui, c’était les réponses qu’il lui fallait et les souvenirs qu’il n’avait pas et qu’il a maintenant. Donc oui, elle est légitime.

Finalement, est-ce que tu penses que l’IA a réponse à tout ?

PK : Je pense qu’elle a réponse à tout ce qui est demandable mais jamais elle n’aura réponse à des besoins primaires humains. Ce qui ne nous remplacera pas, ce sont les sentiments. C’est aimer, c’est détester, c’est tout ça. ChatGPT ne pourra pas en être capable. Même s’il le feint très bien, il ne le sentira pas. C’est toujours ce qui manquera et ce qui fera, je pense, qu’il ne faut pas en avoir peur. Donc oui, il a réponse à plein de choses mais pas à l’humain.

Quels sont tes prochains projets ?

PK : Passer mon diplôme à la fin de l’année, ça me prend pas mal de temps. Un de mes projets serait de faire un long-métrage avec une vraie caméra, des vrais acteurs, une production derrière…

Propos recueillis par Garance Alegria et Lou Leoty

Festival Format Court 2025. Carte blanche Ville de paris !

La 6ème édition du Festival Format Court se tiendra du 2 au 6 avril prochain au Studio des Ursulines (Paris 5). Une compétition de 18 court-métrages et différents programmes thématiques, dont un focus dédié à la Ville Paris, seront proposés au public et aux professionnels.

Pour la troisième année consécutive, le festival programme une carte blanche consacrée au Fonds court métrage de la Ville de Paris, partenaire officielle du festival. Après une première soirée autour des femmes cinéastes en 2023 en présence de Brigitte Sy, et une deuxième en 2024 autour des liens familiaux, à laquelle a participé Jeanne Herry, le festival s’intéresse cette année à la question du passage à l’âge adulte. Cette séance aura lieu le jeudi 3 avril à 18h30.

Cinq films seront montrés en présence des cinéastes Samir Guesmi, Agnès Patron, Sonia Franco, du producteur Jules Reinartz, ainsi que de Carine Rolland, adjointe en charge de la culture à la Ville de Paris et de membres du fonds de soutien de la Ville de Paris.

Programmation

C’est dimanche ! de Samir Guesmi, fiction, 30′, 2008, France, Kaléo Films, Prix du public, Festival de Clermont-Ferrand 2008. En présence du réalisateur

Alors qu’Ibrahim, treize ans, vient d’être renvoyé du collège,il fait croire à son père qu’il a décroché son diplôme. Dimanche sera jour de fête.

Negative space de Max Porter & Ru Kuwahata, France, 2017, 6’, Animation, 5’, France , 2017, Ikki Films, nommé à l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation 2019

Toujours en déplacement professionnel, le père de Sam n’est quasiment jamais à la maison. Pourtant, un lien très fort l’unit à son fils : il a en effet appris à Sam à faire sa valise en casant le plus possible de vêtements et d’objets !

Cola de leon de Sonia Franco, Fiction, 22’, France, 2023, Micro climat studios, sélectionné au Seattle Latino Film Festival 2024. En présence de la réalisatrice

Jorge, colombien exilé politique en France depuis dix-sept ans, apprend qu’il va pouvoir retourner au pays. Partagé entre appréhension et soulagement, il ne voit pas que Louis, son fils de onze ans, s’inquiète de ce départ.

L’heure de l’ours de Agnès Patron. Animation, 14’, France, 2019, Sacrebleu Productions, César du meilleur court-métrage d’animation 2021. En présence de la réalisatrice

Ce soir-là, les maisons prendront feu. Les hommes et les femmes se mettront à trembler. Les enfants se rassembleront en hordes hurlantes, dansant seuls parmi les cendres, rappelant à eux les ours sauvages. Car le cri d’un seul suffira à tous les réveiller !

Joana dans l’univers de Jonathan Millet, Fiction, 20’, France, 2023, Films Grand Huit, Sélectionné au Festival Côté Court 2024. En présence du producteur Jules Reinartz

Mars 500. Une mission de simulation de vie en conditions d’isolement total pour préparer les épopées spatiales de 2030. Joana, psychologue française, passe les derniers tests pour savoir si elle sera sélectionnée. Les questions intimes se mêlent à des projections de souvenirs et à des messages de proches crées de toute pièce. Ses réactions, ses émotions sont scrutées. Si elle réussit, elle part pour 524 jours d’isolement. Mais c’est aussi le jour où Pascal, son ancien amoureux, a besoin de réponses sur leur relation.

En pratique

Carte blanche Ville de Paris, jeudi 3 avril à 18h30
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg, Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton.
– Billetterie sur place et en ligne (prochainement)
– Tarifs : 8,50€ Réduit : 7€. Cartes UGC Illimité / cartes de fidélité Cinémas Indépendants parisiens acceptées. Achats en ligne majorés de 0,40€ par place.

Festival Format Court, Masterclass Boris Lojkine !

À l’occasion de notre prochaine édition (2-6 avril, Studio des Ursulines), nous sommes ravis de partager avec vous un tout nouveau rendez-vous : les Master Class de Format Court. La toute première Master Class aura comme invité Boris Lojkine, réalisateur et co-scénariste de L’Histoire de Souleymane, qui a obtenu deux prix à Cannes dans la section Un Certain Regard (Prix du jury, prix du meilleur acteur pour Abou Sangaré). Il a également obtenu quatre récompenses aux César : meilleur scénario original, meilleur montage, révélation masculine pour Abou Sangaré et meilleure actrice dans un second rôle pour Nina Meurisse.

Cette rencontre exceptionnelle, organisée en collaboration avec UniversCiné, aura lieu le samedi 5 avril, de 19h à 20h30. Ce sera l’occasion de revenir sur sa filmographie, son parcours et ses collaborations, extraits à l’appui. À l’issue de la rencontre, un temps d’échange aura lieu avec le public.

© Marie-France Coallier

Ancien enseignant en philosophie, Boris Lojkine se tourne vers le cinéma après son doctorat. Il quitte l’université pour le Vietnam où il avait vécu précédemment et y réalise les documentaires Ceux qui restent (2001) et Les Âmes errantes (2005), explorant le deuil post-guerre au Vietnam. Il fait ses débuts en fiction avec Hope (2014), un film réalisé avec des acteurs non professionnels venant des communautés de migrants, primé à Cannes (Semaine de la Critique). En 2019, il réalise Camille, inspiré de la vie de la photo-journaliste Camille Lepage, qui remporte le Prix du Public à Locarno.

Son engagement en faveur du cinéma africain le conduit à développer plusieurs projets en République centrafricaine dont une école de cinéma éphémère avec la CinéFabrique et une société de production, Makongo Films, pour accompagner et promouvoir l’émergence de jeunes réalisateurs de ce pays. L’Histoire de Souleymane, est son premier film tourné en France et a obtenu deux prix à Cannes dans la section Un Certain Regard ainsi que quatre récompenses aux César. Lojkine se décrit comme « un réalisateur français avec un nom russe qui parle vietnamien et fait des films africains ».

En pratique

– Master class Boris Lojkine : samedi 5 avril 2025, 19h-20h30

Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)

– Informations billetterie : à venir

Abdelrahman Dnewar, au croisement des styles et des souvenirs

Son film My Brother, My Brother diffusé à Rotterdam et primé à Clermont-Ferrand n’est en fait pas tout à fait le sien. Il avait été entamé avec son frère Saad Dnewar malheureusement décédé en cours de production. Alors Abdelrahman Dnewar a repris le flambeau et mené jusqu’au bout ce projet autobiographique qui retrace leur enfance et un fragment de leur âge adulte via un mélange de réel et d’animation. Aujourd’hui étudiant en cinéma à Berlin, Abdelrahman Dnewar revient sur la genèse de ce projet, son enfance entre médecine et religion et ce qu’a signifié terminer ce film en l’absence de son jumeau. En avril prochain, son film sera diffusé au Studio des Ursulines, à Paris, au sein de notre Festival Format Court dans le cadre du focus que nous consacrons au Festival de Rotterdam.

Format Court : Tu es étudiant à la DFFB Film Academy de Berlin. Ton film, co-produit par plusieurs pays, n’est pourtant pas un film d’école. Comment se fait-il que tu étudies en ce moment et tu aies réalisé en parallèle ce court métrage ambitieux ?

Abdelrahman Dnewar : J’ai commencé à travailler sur ce court-métrage avec mon frère jumeau Saad fin 2019. C’était donc bien avant que j’entre à la DFFB. Le projet était déjà en cours de réalisation l’année où j’ai postulé à l’école. Je devais commencer en 2022, mais mon frère est décédé soudainement cette année-là. Il avait lui aussi été accepté. Nous devions tous les deux étudier la mise en scène. J’ai donc repoussé les études d’un an. Nous formions aussi un duo, Saad et moi. Nous faisions tous nos films, tout notre travail artistique ensemble.

My Brother, My Brother était donc un projet déjà avancé ?

A. D. : Oui, en fait, Moses Sole était notre film de candidature à la DFFB. J’ai commencé mes études vers la fin de l’année 2023 parce que j’ai repoussé ma rentrée le temps du deuil et j’ai terminé mon film de première année. Maintenant, je suis en deuxième année. Je suis un peu en retard. J’étais censé commencer à 29 ans. Quand j’ai été accepté avec mon frère, nous avions l’intention de démarrer et puis cela [son décès] est arrivé. Je me suis dit que je ne pouvais pas y arriver. Je ne pensais même pas que je referais du cinéma. J’ai donc repoussé l’échéance pendant un certain temps et j’ai manqué le moment où j’étais censé entamer mes études. J’ai commencé plus tard.

Y a-t-il une limite d’âge pour étudier à l’école ?

A. D. : Je pense qu’il y a une limite, que l’on ne peut postuler que si l’on a atteint un certain âge. Mais la plupart des gens de l’école ont déjà un diplôme. Je dirais que dans d’autres départements, les gens sont beaucoup plus jeunes, mais les réalisateurs ont déjà leur propre style ou un diplôme, du moins la plupart d’entre eux.

Est-ce ton cas ? Avais-tu déjà un diplôme ?

A. D. : Oui. J’ai obtenu une licence en arts et sciences appliqués au Caire. Je me suis spécialisé dans la conception de médias, mais ce n’était pas très satisfaisant. J’avais la sensation de vouloir faire quelque chose de plus avec le cinéma. Je voulais filmer en 16 mm, comprendre comment ça marche. J’ai l’impression que c’est ce qu’il y a de bien avec l’école, c’est l’une des rares qui te donne un travail sur un film en 16 mm en première année. C’était donc une excellente expérience.

Pourquoi est-ce intéressant pour toi d’expérimenter le 16 mm ?

A. D. : Je dirais que la pratique que j’ai eue avec Saad a toujours porté sur le traitement des images, même après les avoir tournées. Par exemple, avec My Brother, My Brother, j’avais l’impression d’être sur un chantier qui n’en finissait pas. De temps en temps, nous retournions aux fondations, nous changions quelque chose, nous trouvions de nouveaux matériaux. Un jour, Saad a eu l’idée que nous pourrions, comme nous dessinions tous les deux beaucoup quand nous étions enfants, faire de l’animation sur des prises de vue réelles, mélanger les deux, et essayer de vraiment les confondre. Il y a donc eu de nombreuses étapes. Nous avons commencé par un story-board, puis nous avons défini le style des personnages, la manière dont ils sont dessinés, etc. Puis, nous avons filmé et nous avons recommencé à dessiner, à animer. Une fois l’animation terminée, nous nous sommes dits que nous pourrions peut-être adapter certains éléments de la prise de vue réelle à l’animation. Nous avons donc commencé à prendre les plis des vêtements et les ombres de vrais acteurs ou de doublures pour créer un peu de confusion. Nous avions déjà cet intérêt, nous aimions aussi filmer des écrans, par exemple. Filmer quelque chose de numérique, puis le scanner, puis le filmer à nouveau : il s’agissait aussi de l’idée de la mémoire, de la façon dont elle s’accumule, de la manière dont on se souvient des choses. La mémoire se mêle aux rêves. Le 16 mm était intéressant dans ce cas, parce qu’on peut le scanner et qu’on peut aussi en faire tout un tas de choses. Le 16 mm était un passe-temps très coûteux, nous n’aurions pas pu [sans passer par l’école] avoir l’argent pour toutes ces expérimentation

Tu as dit n’être pas sûr de pouvoir continuer, de devenir cinéaste après la mort de ton frère. Pourquoi ? Parce que vous vouliez vraiment grandir ensemble, parce que vous aviez une sorte de légitimité ensemble ?

A. D. : Il y avait peut-être de cela. Je me souviens que Saad et moi avions l’habitude de jouer avec de l’argile et de dessiner quand nous étions enfants. Nous n’avions pas beaucoup de bandes dessinées ou d’objets de référence. Les membres de notre famille sont tous médecins, mes trois sœurs et mes parents. Il y avait donc beaucoup de livres d’anatomie. On prenait un livre et on y découvrait l’anatomie du corps, la cage thoracique et tout le reste. C’était nos repères pour créer. C’est ainsi que tout a commencé. Ce voyage à deux, tu sais, c’est aussi le sujet du film : comment on perçoit la vie quand on a une personne sur laquelle on peut s’appuyer. Et je n’avais plus cette personne. Depuis que j’étais bébé, aussi loin que je me souvienne, il y avait quelqu’un qui me ressemblait, qui avait des pensées intéressantes et à qui je parlais toujours de ce qu’il se passait. Après cela, j’étais dévasté mentalement et aussi artistiquement. Je me suis demandé ce que je faisais. C’était notre rêve. Je ne pouvais pas continuer.

Je ne connaissais pas l’histoire de ton frère, mais je pense que c’est très puissant que le film soit co-réalisé par vous deux. Il raconte également votre histoire. Et c’est très intéressant, surtout avec ce que tu viens de dire, qu’il soit toujours là. Il est toujours dans le projet qui fait bien partie de sa filmographie.

A. D. : Presque tout ce sur quoi je travaille lui appartient aussi. Nous écrivons depuis l’âge de 16 ans. La plupart des films que je réalise actuellement dans mon école sont des films qu’il a écrits.

Vous avez donc probablement eu beaucoup de projets ?

A. D. : Beaucoup, oui. Il sera toujours présent dans tous les projets que je fais. Je pense que c’est aussi la raison pour laquelle je m’y suis remis ; parce que j’ai eu la chance que nos amis à Saad et moi (qui sont aussi nos collaborateurs, comme d’autres jumeaux, le producteur et le caméraman du film), soient un peu comme une famille.

Ils sont aussi Égyptiens ?

A. D. : Oui, enfin moitié égyptiens, moitié allemands. Après tout ce qui s’est passé et le deuil que j’ai fait pendant un an, je ne pouvais rien faire. Je ne pouvais même pas bouger. C’était la période la moins saine de ma vie. Ils m’ont en quelque sorte sorti de là. Eux, ma meilleure amie et la meilleure amie de Saad sont venus d’Égypte et ils sont restés avec moi pendant un certain temps. Et puis ils m’ont dit : « C’est son héritage en quelque sorte ». C’est la seule façon pour moi de supporter cela maintenant, de savoir qu’il est là. Comme si je pouvais en quelque sorte poursuivre toutes ces belles idées qu’il avait.

Est-ce qu’il y a un secteur dédié à l’animation en Égypte ?

A. D. : Non, il n’y a pas d’infrastructures dédiées aux films d’animation en Égypte. Il a été très difficile de produire notre film. Au début, c’est Saad qui était le principal animateur. Nous avions réalisé un film d’animation un peu stupide (The Super Twins) à l’âge de 18 ans, un film que j’aime bien parce qu’il est drôle. Nous avons donc commencé de cette manière. Nous n’avions pas de caméra. Nous avons fait l’animation image par image, nous avons appris par nous-mêmes. Saad a continué de son côté et nous nous sommes beaucoup améliorés. Après sa mort, nous avons essayé de trouver quelqu’un qui correspondait à son style. C’était presque impossible. J’ai dû réapprendre l’animation. Cela m’a pris beaucoup de temps parce que je regardais ses dessins. Comment faire pour égaler ce qu’il avait fait ? Nous avons également travaillé avec un studio d’animation qui a réalisé certaines séquences. Je dirais que nous avions des styles différents. Cela n’a pas vraiment fonctionné, mais ils ont fait de belles scènes dans le film, comme la scène dans la voiture. J’ai dû par la suite retravailler le film, changer le style de la coloration ou l’ombrage. J’ai vraiment essayé de me rapprocher de son style.

Combien de pays ont participé au projet ?

A. D. : Il n’y en a que trois : la France, l’Egypte et l’Allemagne. Il y a aussi les producteurs exécutifs. Il s’agit essentiellement d’amis qui travaillent aussi dans le cinéma. Ils ont vraiment aimé le projet et ont voulu le financer.

Depuis combien de temps travaillez-vous sur ce projet ?

A. D. : Environ cinq ans, dont deux ans d’allers-retours en production.

Comment as-tu été amené à travailler avec Punchline Cinema et Lucas Tothe, en France ?

A. D. : En France, nous avons rencontré un tas de producteurs très intéressants. Mais finalement, lorsque nous avons parlé à Lucas Tothe, nous étions en quelque sorte sur la même longueur d’onde. J’ai ressenti qu’il respectait vraiment la voix artistique. Il n’a jamais essayé d’interférer dans l’histoire. Il y croyait vraiment. C’était super. Et je me souviens aussi, que quand il y avait des demandes de modifications, je lui disais que je ne voulais pas les faire et il défendait cette décision. Il a, je pense, sauvé le projet dans un sens à l’époque. Mon frère aîné a fondé une petite société en Égypte, il est arrivé avec un petit budget. Ensuite, j’ai trouvé Hesham Marold qui est aussi mon ami et qui a voulu produire le film en Allemagne. Puis, Lucas est arrivé.

Dans ton école, il y a une formation en animation ?

A. D. : Non, mais pour tout dire, c’est un peu une école d’avant-garde. Si je veux faire de l’animation, je ne pense pas qu’ils me diront :  « Non, ne le fais pas ».

Enfants, avec ton frère, vous dessiniez. Pourquoi avez-vous décidé de raconter My Brother, My Brother par le biais de l’animation ?

A. D. : Il y a tellement de raisons. L’un des grands thèmes du film est le mélange, l’amalgame. Tout d’abord, il s’agit d’une histoire d’enfants qui se questionnent sur l’existence. J’avais l’impression que ça correspondait à notre vie, que c’était le moyen que nous utilisions quand nous étions enfants. Dans le film, il y a un livre d’anatomie qui explique ce qui se trouve à l’intérieur du corps. Nous, nous recevions des réponses religieuses à nos questions. À l’époque, nous étions également fascinés par les IRM, c’était de l’animation pour nous, ça nous permettait d’aller à l’intérieur du corps. Nous ne comprenions pas comment cela fonctionnait, mais c’était magique. Cela ressemblait donc à un mélange de médias. Dans le film, il y a un plan où l’on voit l’IRM d’une tête. Nous avons mélangé cette image avec une vraie photo de la famille, lorsque Saad et moi regardons en arrière. L’animation nous a semblé être le meilleur moyen de relier tous les points.

Quelle est ta connaissance du court-métrage ?

A. D. : J’ai confiance dans ce format. Je suis très heureux que Saad et moi ayons pu écrire le scénario d’un court-métrage parce que l’idée était bien plus développée au départ. J’ai l’impression que les courts-métrages sont plus difficiles que les longs-métrages. Le calcul est assez difficile. Dans un long-métrage, tu as deux heures. Si tu as une scène qui dure huit minutes, c’est comme si tu t’attardais sur la banalité de la vie. C’est tranquille. Si tu fais un court-métrage, chaque minute aura beaucoup plus de poids donc, c’est comme si chaque minute comptait. J’ai juste peur des maths, mais je veux toujours faire des courts-métrages. Il y a quelque chose qui me plaît. De plus, il y a beaucoup de courts-métrages que j’aime et que j’admire parce que j’ai l’impression que c’est plus difficile que les longs-métrages. J’aime les courts d’Andrea Arnold et Waves 98 de Ely Dagher, une animation libanaise également très inspirante. Je pense que mes courts-métrages préférés, du moins en Europe, sont ceux de Ruben Östlund, comme Autobiographical Scene Number 6882 qui se passe sur un pont, c’est vraiment un très bon film. J’aime aussi le premier court métrage d’Harmony Korine, A Bundle A Minute, qu’il a réalisé lorsqu’il était encore à l’école.

Comment as-tu pu voir tous ces films ? Tous ne sont pas en ligne…

A. D. : En Égypte, Torrent est légal, on peut tout y voir.

Tu vis en Allemagne depuis sept ans. Est-ce grâce à Torrent que tu as réussi à développer ta propre cinématographie ? Comment as-tu commencé à t’intéresser au cinéma ? En téléchargeant des films ?

A. D. : Oui, autant que possible. Je pense aussi que j’ai eu de la chance parce que Saad aimait cela aussi. Il avait un goût prononcé pour le cinéma avant moi. Je me souviens qu’à l’âge de 18 ans, il me parlait d’un film que j’étais sceptique à l’idée de voir, Possession d’Andrzej Żuławski. Je me suis fait la remarque que c’était un film d’horreur, comme si ce n’était pas très intéressant. Je l’ai regardé, et c’est mon film préféré maintenant. J’ai donc eu de la chance de partager cet intérêt avec lui. Et puis nous avons collectionné les films. On a fait du « Torrenting » tout le temps !

Ton film a été diffusé pour le moment à Rotterdam et à Clermont-Ferrand, comment t’es-tu senti dans ces lieux très différents, l’un étant plus axé sur les projets expérimentaux et l’autre s’adressant à un public beaucoup plus large ?

A. D. : Je les aime pour différentes raisons, je dirais. A Rotterdam, il y a beaucoup de très bons films que j’ai vus qui y ont été diffusés, donc quand nous avons été sélectionnés, nous étions très heureux, pas seulement parce que nous allions montrer notre film, mais aussi parce que nous étions sûrs de voir de bons films. Clermont est une expérience différente. J’ai l’impression d’être très heureux de cette sélection aussi. Rotterdam est un festival de films qui présente beaucoup de longs-métrages et qui a une section pour les courts-métrages, et Clermont est juste fait pour les courts-métrages. Je me souviens aussi que beaucoup de courts-métrages que j’ai regardés et que j’ai beaucoup aimés avaient, à un moment dans leur carrière, été pris à Clermont. Je n’ai pas vu autant de courts que depuis que j’ai participé à ce festival.

Propos recueillis par Katia Bayer. Mise en forme : Rachel Laurand

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