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After Short Documentaire, lundi 2.12, 19h à l’ESRA

Après deux After Short consacré aux courts de fiction et d’animation présélectionnés aux prochains César (en présence de nombreuses équipes), retrouvez-nous le lundi 2 décembre prochain dès 19h à l’ESRA pour notre 3ème After Short de l’année centré sur les courts documentaires en lice aux César, auquel participeront 9 équipes de films et 15 professionnels.

Ce nouveau cycle d’After Short, organisé par le magazine Format Court, en collaboration avec l’ESRA et le soutien de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, a lieu à l’ESRA Campus Beaugrenelle (Amphithéâtre Jean Renoir, 37 Quai de Grenelle, 75015 Paris). Pas moins de 4 rencontres, autour des équipes des courts-métrages en lice aux César 2025, sont proposées entre novembre et décembre dans l’amphithéâtre de l’école accueillant plus de 250 places. Elles sont accessibles aux étudiants comme au grand public.

Vous voulez en apprendre davantage sur les parcours d’auteurs et producteur.trice.s qui bâtissent le cinéma d’aujourd’hui et de demain, découvrir leurs films, échanger avec elles et eux sur leurs œuvres, leurs choix artistiques, leurs expériences et le déroulement de leur travail, comprendre le fonctionnement de l’Académie des César et poursuivre ces discussions autour d’un verre ?

Un After Short, comment ça se passe ? 

En amont : les photos et bios des intervenants ainsi que les liens de visionnage des courts sont mis à la disposition des personnes ayant réservé leur place. Le jour J, le public a ainsi la possibilité de participer activement à la discussion qui s’engage avec les équipes de films.

Lors de l’évènement : les équipes (réalisateurs.trices et/ou producteurs.trices, anciens lauréats des César, membres de comités de sélection de l’Académie) se succèdent sur scène pour une intervention et un échange avec le public d’une dizaine de minutes chacune. Deux animateurs sont là pour introduire leur travail et vous donner la parole.

Info, rappel : il n’y a pas de projection de films au cours de la soirée. 

Après la rencontre : un cocktail est organisé à l’ESRA. C’est entre autres l’occasion de poursuivre les discussions de façon plus informelle avec les équipes présentes.

Intéressé(e)s par l’After Short ? Téléchargez prochainement la présentation (PDF) de nos invités ainsi que leurs bios et les synopsis de leurs films, représentés lors de notre soirée animation de l’année, le lundi 2 décembre 2024 à 19h à l’ESRA. 9 films sur 12 seront présentés lors de ce nouvel échange accueillant 14 pros. Si vous souhaitez assister à l’événement et visionner les films qui seront évoqués, reportez-vous aux infos pratiques mentionnées ci-dessous.

Nos invités :

Gala Hernández López, réalisatrice de La Mécanique des fluides, César du meilleur court-métrage documentaire 2024.

Jacky Evrard, membre du comité et directeur artistique du festival Côté Court

Annabelle Amoros, réalisatrice, et Clarisse Tupin, productrice (Paraiso Production) de Tornades.

Stéphane Rizzi, réalisateur, et Stanley Woodward, producteur (Les Films de la nuit) de Retour à Mamanville.

Nicolas Bailleul, réalisateur, et Manon Messiant, productrice (Iliade films) de Retour à Mamanville.

Paul Heintz, réalisateur de Nafura.

Marcello Cavagna, producteur (G.R.E.C) de Petit Spartacus, réalisé par Sara Ganem.

Inès Sieulle, réalisatrice de The Oasis I deserve.

Lucas Roxo, co-réalisateur, et Nicolas Brevière, producteur (Local Films) de Aucun homme n’est né pour être piétiné.

Nader S. Ayache, réalisateur de La Renaissance.

Marcel Mrejen, réalisateur de Memories of an unborn sun.

En pratique

* After Short Documentaire. Lundi 2 décembre 2024, à 19h, à l’ESRA. En présence de 9 équipes ! PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places encore disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, les réservations gratuites se font à l’adresse communication@esra.edu

* Notez d’ores et déjà la date de notre 4ème et dernier After Short consacré aux courts de fiction, prévu le lundi 9 décembre prochain, à 19h, toujours à l’ESRA. En présence de nouvelles équipes ! PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places encore disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, les réservations gratuites se font à l’adresse communication@esra.edu

Ana Čigon : « J’adore utiliser la satire, l’ironie et l’humour »

Réalisatrice, vidéaste et peintre, Ana Čigon est une artiste slovène polyvalente, abordant majoritairement des sujets et problèmes de société dans son œuvre. On l’interroge aujourd’hui sur son court-métrage d’animation Catsland présenté dans la section Panorama du festival Cinémed en octobre 2024 à Montpellier. Catsland est une satire illustrant la manière dont l’Union Européenne traite ses réfugiés en mettant en scène des chats. On se questionne ici sur la manière dont la satire est utilisée dans l’animation pour dénoncer des lois et systèmes politiques.

Format Court : Qu’est-ce qui vous a donné le désir de vous lancer dans le cinéma, en particulier celui d’animation ?

Ana Čigon : J’ai étudié la peinture, puis l’art de la vidéo et l’art interactif. Si vous mixez la vidéo et la peinture, ça devient en quelque sorte de l’animation (rires) ! J’aime l’animation parce qu’on peut présenter des travaux plus conceptuels. Quand on n’a pas de photos à présenter, on peut dessiner. Je pense que c’est ce qui m’a amenée dans le monde de l’animation.

Quel a été votre processus de création pour Catsland ? Quelles techniques d’animation et de dessin avez-vous utilisées ?

A.C : Ces chats sont la continuation d’une autre animation que j’ai faite, utilisée dans mon film précédent, Rebellious Essence (2017). C’était un style similaire, il avait eu du succès dans les festivals de cinéma queer, car la thématique correspondait, et il comportait aussi des chats. Il s’agissait d’un style plus simple mais qui m’a amenée à l’idée de cette animation-ci, Catsland. Il s’agit d’une animation digitale cut-out (animation numérique de papiers découpés). Quand je réfléchis à la manière dont les personnages et le story-board vont ressembler, je dessine beaucoup sur papier, à partir de là, je crée numériquement le story-board et les dessins. Pour ce type d’animation (digital cut-out), il faut faire beaucoup de petites pièces qui sont ensuite déplacées et peuvent être distordues. Nous avions une équipe très cool, surtout composée de femmes, dont cinq qui travaillaient à l’animation. De la même manière, pour l’apparence des personnages, je vérifiais l’apparence des politiciens dont je m’inspirais pour l’animation.

Vous étiez inspirée par des politiciens européens ?

A.C : Oui !

S’agissait-il de politiciens slovènes ou aussi d’autres pays ?

A.C : Il y a un Français (rires) !

Ah, vous vous êtes inspirée d’Emmanuel Macron ?

A.C : Oui, il y a un chat qui est inspiré d’Emmanuel Macron, si vous arrivez à le trouver (rires) !

Il s’agit du chat principal au pelage bleu ?

A.C : Non, ce chat est inspiré de notre ancien ministre. Dans le film, il y a différents espaces, et plus vous allez vers le sud, plus c’est pauvre. Dans l’espace le plus riche, chez le chat rouge, tous les chats aisés et politiciens se retrouvent dans cette villa, et l’un d’eux est Emmanuel Macron ! Tous les chats ne représentent pas forcément des politiciens, j’en avais trois en tête : Miro Cerar, l’ancien Premier ministre slovène, Angela Merkel, puis Emmanuel Macron. Mais sinon, c’est davantage symbolique que concret, au sud, j’imagine un mélange entre une frontière macédoine ou grecque.

Pourquoi avez-vous choisi de représenter des chats en particulier ? Étiez-vous inspirée par des satires ou dystopies représentant aussi des animaux tels que Les animaux de la ferme de George Orwell par exemple ?

A.C : C’est difficile de localiser d’où vient l’inspiration. Bien sûr, j’adore les chats, mais aussi en choisissant de les représenter, je crée de la distance avec les spectateurs : c’est sympa d’avoir cette distance parce qu’on ne se sent pas tout de suite mal dès le début du film, on se dit : « Ah c’est une histoire drôle sur les chats, ça ne me concerne pas ». On baisse alors sa garde et on regarde jusqu’à la fin. L’univers de Catsland représente aussi l’Union européenne dans mon esprit. Comment les personnages pourraient communiquer avec toutes ces différentes langues, incluant celles des réfugiés ? C’est donc pratique d’avoir ces chats qui miaulent uniquement pour ne plus avoir ce problème de barrière de langue. On doit deviner et imaginer ce qu’ils disent quand ils miaulent. On est nous-mêmes renvoyés à cette position où on doit s’efforcer de comprendre ce que l’autre nous dit. Cela me semblait être la meilleure idée.

Les chats sont également des animaux très territoriaux marquant et délimitant leur territoire, ce qui constitue aussi le sujet du film.

A.C : Oui, j’aimais beaucoup l’idée des chats qui marquent leurs territoires dans l’animation, puisqu’ils le font dans la vraie vie. Je ne savais pas comment le représenter au début : « Est-ce qu’ils urinent simplement ? » Non. J’ai donc eu cette idée de pancartes représentant les parties intimes des félins qu’ils font apparaître en urinant : cela représente aussi en quelque sorte la bêtise et l’absurdité de tous ces pays obsédés par leurs territoires ! On est trop strict sur cela.

Pourquoi avoir fait le choix du chat bleu en personnage principal qui initie l’expulsion des réfugiés ?

A.C : Selon moi, il n’y a pas vraiment de personnages principaux. Je voulais vraiment parler des Européens, et de la manière dont on agit afin de prendre conscience de l’héritage qu’on laisse derrière nous. Ce chat bleu est celui qui est dans le territoire du milieu. Il ne s’agit pas du territoire le plus riche, ce n’est pas le pire non plus. Il s’agit de la position de la Slovénie. Les réfugiés veulent plutôt traverser notre territoire, pour aller en Allemagne, France, Angleterre, etc…Très peu veulent rester en Slovénie. Cependant, les médias en Slovénie laissent entendre que tous ces réfugiés qui traversent le pays veulent y rester. Mais ce n’est pas vrai. C’est aussi la position avec laquelle j’étais le plus familière pour faire une déclaration sur ce que nous sommes en train de faire. Nous ne pensons pas aux humains. Comment être humain, comment intégrer les réfugiés ? Le problème, c’est qu’on réfléchit à comment créer des barrières et les envoyer au loin. C’est pourquoi j’ai choisi de commencer l’histoire à partir de ce chat bleu. Je voulais aussi faire un point sur ces différents statuts au sein de l’Union européenne, car beaucoup de réfugiés sont bloqués en Grèce ou en Italie : dans ces pays du sud à cause du Règlement Dublin où l’on doit rester dans le premier pays par lequel on arrive. On délègue donc beaucoup de pression à ces pays. Je ne sais pas si ça répond à votre question !

Si ! Et vous anticipez même la prochaine qui porte sur votre avis sur la situation politique en Slovénie à propos des lois pour les réfugiés.

A.C : Je peux aussi vous dire qu’en Slovénie, on attend juste de voir comment agissent les pays comme la France ou l’Allemagne, et on suit. Je ne suis pas du tout impressionnée par cela, on n’a pas d’idées originales : « Voyons ce qu’ils font et on fera la même chose ». Je pense que c’est dommage, car on pourrait trouver différentes initiatives, mais pour l’instant, il s’agit surtout de suivre.

Vous utilisez des ressorts comiques comme ces pancartes, un alphabet félin, des miaulements qui peuvent faire sourire. Vous aviez déjà cette veine comique dans l’un de vos précédents court-métrages Rebellious essence. C’est important pour vous d’utiliser l’humour comme un moyen de dénoncer des problèmes de société ?

A.C : J’adore utiliser la satire, l’ironie et l’humour, car je pense que cela a pour effet de rendre du pouvoir à celui qui n’en a initialement pas. Quand vous riez, vous oubliez en quelque sorte l’oppression et à quel point vous vous sentez mal, vous prenez le pouvoir de celui dont vous vous moquez. Je pense que c’est l’effet de la satire. Si j’arrive à faire de la satire, j’en suis très contente et je veux en faire plus. Je pense que cela a vraiment le pouvoir de redonner de la confiance aux gens. Enfin, j’espère ! En 2020-2022, nous avions ce gouvernement de droite très oppressant en Slovénie. Dès que nous parvenions à manifester avec de l’humour, c’était très bien pour tout le monde, car nous laissions retomber la pression et le stress.

Vous militiez également avec votre art ?

A.C : Je rejoignais les manifestations où il y avait d’ailleurs beaucoup d’artistes impliqué.es, qui ont fait beaucoup de blagues. Par exemple, le gouvernement disait qu’on ne pouvait pas du tout se rejoindre pour manifester, et la première idée qui émergea, partagée sur Facebook, a été de placer des pieds dessinés sur le sol pour montrer qu’on était là. Un mouvement qui a duré longtemps a également été de manifester en vélo : on ne pouvait pas marcher, on y allait donc en vélo ! On pédalait autour du Parlement et cette manifestation avait lieu à nouveau chaque semaine. J’aimais aller là-bas, cela faisait du bien au moral. Une autre fois, les militants ont décidé de marcher à reculons dans une grande rue qui avait rendu célèbre le Premier ministre de droite afin d’illustrer qu’on voulait remonter le temps et modifier les évènements pour qu’il ne soit plus Premier Ministre ! Ces éléments humoristiques ont un réel pouvoir.

Pensez-vous refaire des courts-métrages d’animation à l’avenir, avec peut-être un style artistique similaire ? Avez-vous déjà des projets en tête ?

A.C : Oui, je veux vraiment faire un film avec des chats, je devrais en faire un troisième car j’en ai déjà fait deux maintenant (rires) ! Mais je n’ai pas encore d’idées pour cela. Actuellement, je travaille sur trois différents projets qui sont tous en cours de développement. L’un est un documentaire animé qui traite du travail contemporain et des “bullshit jobs” définis par l’anthropologue David Graeber. Un autre projet est une très courte série en trois parties sur une critique féministe de littérature slovène. Le troisième sujet est politique, mais il est encore trop tôt pour en parler ! On verra lequel des trois projets avancera le plus vite ! Pour les chats, j’ai le plan de faire une troisième animation, mais je ne sais pas encore sur quel sujet. Cela pourrait porter sur le travail !

Ça tournera toujours autour des sujets de société.

A.C : Oui, ces sujets m’intéressent vraiment. J’aime vraiment l’idée que l’art soit connecté à la société. Je pense qu’on est trop enfoncé dans cette entité économique où chacun pense pour soi. Je veux casser cette idée et penser, en tant qu’artiste, à agir pour la société, et pas pour moi. Je me sens plus à l’aise de traiter ces sujets-là plutôt que des sujets plus intimes.

Propos recueillis par Laure Dion

Article associé : le reportage sur le festival Cinémed

Pendant ce temps sur Terre de Jérémy Clapin

Elsa (Megan Northam, nommée aux Révélations des César 2025) a 23 ans. Elle vient de perdre son frère Franck, astronaute porté disparu lors d’une mission spatiale. Perdre, ce n’est pas exactement le terme, car une entité venue des abysses de l’univers va lui proposer de le lui rendre. Néanmoins, tout se paye, pour les humains comme pour leurs voisins interstellaires.

Pendant ce temps sur Terre est le premier long-métrage en prise de vues réelles de Jérémy Clapin, réalisateur du film d’animation J’ai perdu mon corps (2019), lauréat du Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes et nominé aux Oscars outre-Atlantique. Avec ce film, Jérémy Clapin signe un hommage réussi à sa passion du cosmos, et partage avec nous une vision sincère et gracieuse de la vie et des relations humaines (mais pas que) sous toutes leurs formes. Sélectionné à la Berlinale dans la section Panorama, le film est produit par Marc du Pontavice, qui avait déjà accompagné Jérémy Clapin sur J’ai perdu mon corps. Le film, distribué par Diaphana, sera disponible en DVD et Blu-Ray le 15 novembre 2024.

Le film s’ouvre sur une conversation entre Elsa et son frère, une communication au son grésillant qui a eu lieu avant le départ de l’astronaute. Ils y parlent de l’avenir. L’avenir, c’est un thème central de Pendant ce temps sur Terre, habilement porté par un personnage principal réservé et au destin incertain. Elsa n’a aucun projet, aucune perspective depuis que son frère a disparu. On comprend, grâce à des séquences animées d’une beauté onirique nous offrant une fenêtre sur l’imaginaire d’Elsa, que la jeune femme dépendait beaucoup du soutien de son frère. Celui-ci, où qu’il soit, pense qu’elle étudie toujours aux Beaux-Arts, alors qu’elle occupe en réalité un poste d’aide-soignante dans la maison de retraite gérée par leur mère.

Megan Northam, interprète d’Elsa, incarne avec brio ce personnage replié sur lui-même, bloqué par les circonstances, à la recherche d’une issue au deuil de son frère. Cette issue se présente sous la forme d’une voix (Dimitri Doré) d’abord évasive, venue de nulle part. Elle résonne dans son esprit, claire et pourtant lointaine. Lorsque Elsa réussit à établir la communication avec l’entité mystérieuse, celle-ci lui affirme pouvoir lui ramener son frère sain et sauf. Pour le lui prouver, elle permet à la jeune femme de parler à Franck. Une fois certaine que son frère est en vie, un avenir se dessine. Elsa est investie d’une mission par la voix venue d’ailleurs, une mission qui va la mettre en péril et la forcer à affronter un parcours semé d’embûches.

L’entité qui s’adresse à Elsa est une forme de vie extraterrestre, capable de faire aller et venir les êtres humains d’un monde à l’autre. Pour revoir Franck, Elsa doit pactiser avec cet être, et payer le prix qui lui est imposé. Jérémy Clapin nous immerge dans cette aventure existentielle, intimiste, universelle. Il nous demande, en mobilisant un univers de science-fiction sobre et efficace, ce que nous serions prêts à faire pour rétablir ce qui s’est évanoui. Grâce à des dialogues simples et marquants, il arrive à mettre en place des rencontres qui permettent à Elsa d’avancer, toujours, malgré l’adversité. Ces rencontres sont naturelles et permettent un équilibre brillant entre humain et inhumain, entre ici et ailleurs. C’est cette collision qui nous est racontée, à la lumière de l’amour d’une sœur pour son frère qui traverse le cosmos.

Les séquences animées représentant l’imaginaire d’Elsa et son frère sont importantes : elles répondent à des plans qui la montrent en train de dessiner tout au long du film. Elsa est une artiste démotivée, mais une artiste. Elle écrit une B.D, qu’elle espère montrer à son frère à son retour, mais n’arrive pas à visualiser un monde où son frère et elle se retrouveraient. Au fur et à mesure que cette possibilité se précise, son carnet se remplit, au gré des rencontres. Les séquences d’animation survenant à des moments clés du film, impressionnantes de beauté et remplies d’émotions, permettent à Clapin de relever le défi de ce premier film en prise de vue réelle, de genre, et comportant quand même une partie animée.

Grâce à une mise en scène imaginative et élégante et à une écriture naturelle, Jérémy Clapin réussit à nous transporter dans une histoire exaltante à laquelle il est facile de s’identifier. Il arrive à nous faire part des peurs d’Elsa, de ses espoirs aussi. À travers un deuxième long-long-métrage confirmateur, il ouvre une porte sur son univers tout en élargissant notre propre perspective sur le nôtre.

Inclus dans ce DVD, un court-métrage d’animation réalisé par Jérémy Clapin en 2008 et qui témoigne déjà d’un univers esthétique à la fois vaste et maîtrisé. Skhizein raconte l’histoire d’un homme frappé par une météorite, qui se retrouve en décalage avec lui-même. Où qu’il aille, quoi qu’il fasse, il se trouve à 91cm (précisément) de son corps, et doit s’adapter à ce nouveau plan d’existence bancal et même périlleux. Grâce à une animation 3D fluide et à un style de dessin transmettant à merveille les émotions du personnage, on est plongé dans ce quotidien loufoque et émouvant à la fois, où le moindre geste est lourd de sens et de conséquences. Déjà, on distingue une nette passion pour le cosmos, qui se retrouve, comme avec Pendant ce temps sur Terre, inévitablement lié à l’être humain, dans un équilibre fragile mais décidément captivant.

Sirine Lehoux

After Short Animation, jeudi 21.11, 19h à l’ESRA

Après un premier After Short, organisé mardi 12 novembre dernier autour des courts de fiction présélectionnés aux prochains César (en présence de 8 équipes), retrouvez-nous le jeudi 21 novembre prochain dès 19h à l’ESRA pour notre 2ème After Short de l’année centré sur les courts d’animation en lice aux César, auquel participeront 10 équipes de films et 15 professionnels.

Ce nouveau cycle d’After Short, organisé par le magazine Format Court, en collaboration avec l’ESRA et le soutien de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, a lieu à l’ESRA Campus Beaugrenelle (Amphithéâtre Jean Renoir, 37 Quai de Grenelle, 75015 Paris). Pas moins de 4 rencontres, autour des équipes des courts-métrages en lice aux César 2025, sont proposées entre novembre et décembre dans l’amphithéâtre de l’école accueillant plus de 250 places. Elles sont accessibles aux étudiants comme au grand public.

Vous voulez en apprendre davantage sur les parcours d’auteurs et producteur.trice.s qui bâtissent le cinéma d’aujourd’hui et de demain, découvrir leurs films, échanger avec elles et eux sur leurs œuvres, leurs choix artistiques, leurs expériences et le déroulement de leur travail, comprendre le fonctionnement de l’Académie des César et poursuivre ces discussions autour d’un verre ?

Un After Short, comment ça se passe ? 

En amont : les photos et bios des intervenants ainsi que les liens de visionnage des courts sont mis à la disposition des personnes ayant réservé leur place. Le jour J, le public a ainsi la possibilité de participer activement à la discussion qui s’engage avec les équipes de films.

Lors de l’évènement : les équipes (réalisateurs.trices et/ou producteurs.trices, anciens lauréats des César, membres de comités de sélection de l’Académie) se succèdent sur scène pour une intervention et un échange avec le public d’une dizaine de minutes chacune. Deux animateurs sont là pour introduire leur travail et vous donner la parole.

Info, rappel : il n’y a pas de projection de films au cours de la soirée. 

Après la rencontre : un cocktail est organisé à l’ESRA. C’est entre autres l’occasion de poursuivre les discussions de façon plus informelle avec les équipes présentes.

Intéressé(e)s par l’After Short ? Téléchargez la présentation (PDF) de nos invités ainsi que leurs bios et les synopsis de leurs films, représentés lors de notre soirée animation de l’année, le jeudi 21 novembre 2024 à 19h à l’ESRA. 10 films sur 12 seront présentés lors de ce nouvel échange accueillant 14 pros. Si vous souhaitez assister à l’événement et visionner les films qui seront évoqués, reportez-vous aux infos pratiques mentionnées ci-dessous.

Nos invités :

Chiara Malta, membre du comité court-métrage animation et co-réalisatrice de Linda veut du poulet !, César du meilleur film d’animation 2024

Mathilde Bédouet, réalisatrice de Été 96, César du meilleur court-métrage d’animation 2024

Hélène Vayssières, Directrice adjointe de l’unité Cinéma, Responsable des courts métrages et séries courtes humoristiques, membre du comité court-métrage animation

Kenza Manach, responsable du Département courts métrages et du pôle éducation à l’Académie des César.

Lucas Malbrun, réalisateur de Margarethe 89.

Fabienne Wagenaar, réalisatrice de Plus douce est la nuit.

Juliette Marquet et Manon Messiant, productrices (Ikki films et Iliade films) de Beurk !, de Loïc Espuche.

Carole Guignard-Chabouis, chargé de production (Miyu Production) de La Voix des sirènes de Gianluigi Toccafondo et de Misérable miracle de Ryo Orikasa.

Marie Vieillevie, réalisatrice de Kaminhu.

Cynthia Calvi, réalisatrice et Pierre Grillère, consultant scénario de Gigi.

Luigi Loy, chargé de distribution (Sacrebleu Productions) de Papillon de Florence Miailhe et Maurice’s bar de Tzor Edery et Tom Prezman, et Pierre Oberkampf, compositeur de Papillon.

Marc Faye, producteur (Novamina) de Soleil gris de Camille Monnier.

En pratique

* After Short Animation. Jeudi 21 novembre 2024, à 19h, à l’ESRA. En présence de 10 équipes ! PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places encore disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, les réservations gratuites se font à l’adresse communication@esra.edu

* Notez d’ores et déjà la date de notre After Short consacré aux courts-métrages documentaires, le lundi 2 décembre prochain, à 19h, toujours à l’ESRA. En présence de 9 équipes ! PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places encore disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, les réservations gratuites se font à l’adresse communication@esra.edu

2ème After Short Fiction (2/2), 9.12, à 19h à l’ESRA !

24 courts de fiction sont en lice aux César 2025. Après un premier After Short consacré le 12 novembre 2024 aux courts de fiction présélectionnés aux prochains César (en présence de 8 équipes), retrouvez notre nouvel After Short également centré sur la fiction, en présence de 13 autres équipes !

En collaboration avec l’ESRA et le soutien de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, le magazine Format Court vous invite à la reprise de ses After Short, organisés cette année à l’ESRA Campus Beaugrenelle (Amphithéâtre Jean Renoir, 37 Quai de Grenelle, 75015 Paris).

Ce nouveau cycle, organisé entre novembre et décembre, propose pas moins de 4 rencontres autour des équipes des courts-métrages en lice aux César 2025, accessibles aux étudiants comme au grand public.

Vous voulez en apprendre davantage sur les parcours d’auteurs et producteur.trice.s qui bâtissent le cinéma d’aujourd’hui et de demain, découvrir leurs films, échanger avec elles et eux sur leurs œuvres, leurs choix artistiques, leurs expériences et le déroulement de leur travail, comprendre le fonctionnement de l’Académie des César et poursuivre ces discussions autour d’un verre ?

Un After Short, comment ça se passe ? 

En amont : les photos et bios des intervenants ainsi que les liens de visionnage des courts sont mis à la disposition des personnes ayant réservé leur place. Le jour J, le public a ainsi la possibilité de participer activement à la discussion qui s’engage avec les équipes de films.

Lors de l’évènement : les équipes (réalisateurs.trices et/ou producteurs.trices, anciens lauréats des César, membres de comités de sélection de l’Académie) se succèdent sur scène pour une intervention et un échange avec le public d’une dizaine de minutes chacune. Deux animateurs sont là pour introduire leur travail et vous donner la parole.

Info, rappel : il n’y a pas de projection de films au cours de la soirée. 

Après la rencontre : un cocktail est organisé à l’ESRA. C’est entre autres l’occasion de poursuivre les discussions de façon plus informelle avec les équipes présentes.

Intéressé(e)s par l’After Short ? Téléchargez prochainement la présentation (PDF) de nos invités ainsi que leurs bios et les synopsis de leurs films, représentés lors de notre 2ème soirée fiction de l’année, le lundi 9 décembre 2024 à 19h à l’ESRA. 13 films sur 24 seront présentés lors de ce nouvel échange accueillant 22 pros. Si vous souhaitez assister à l’événement et visionner les films qui seront évoqués, reportez-vous aux infos pratiques mentionnées ci-dessous.

Nos invités

– Kenza Manach, responsable du Département courts métrages et du pôle éducation à l’Académie des César

Nathalie Hertzberg, scénariste, réalisatrice, membre du comité artistique

Grégory Audermatte, chargé des achats chez Arte France, membre du comité d’experts

Yohann Kouam, réalisateur d’Après l’aurore.

Avril Besson, réalisatrice, et Robin Robles, producteur (Topshot Films) de Queen size.

Jules Reinartz, producteur (Films Grand Huit) de Ce qui appartient à César.

François Robic, réalisateur et Clémence Crépin Neel, productrice (Moderato) de Rien d’important.

Vibirson Gnanatheepan, réalisateur, Stanislas Wicker, co-producteur ((SIC) Pictures) d’Anushan.

Léa-Jade, réalisatrice, et Moussa Lettifi, producteur (Piano Sano Films) de Na marei.

Nicolas Giuliani, réalisateur, et Gautier Raguenes, producteur (Les Films Hatari) de L’Envoûtement.

Adrien Selbert, réalisateur de Les Marquises.

Souliman Schelfout, réalisateur de Reset.

–  Johanna Canu, chargée de production (Kidam) de L’Anniversaire d’Enrico, réalisé par Francesco Sossai.

Guillermo García López, réalisateur de Malgré la nuit

David Frenkel, producteur (Synecdoche) de Une orange de Jaffa de Mohammed Almughanni

Augustin Bonnet, réalisateur, et Marie Lesay, productrice (Rue de la Sardine) de Grand Littoral

En pratique

* After Short fiction 2/2. Lundi 9 décembre 2024, à 19h, à l’ESRA. En présence de 13 équipes ! PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, les réservations gratuites se font à l’adresse communication@esra.edu

1er After Short, mardi 12/11. Courts de fiction en lice aux César 2025 (1/2)

En collaboration avec l’ESRA et le soutien de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, le magazine Format Court vous invite à la reprise de ses After Short, organisés cette année à l’ESRA Campus Beaugrenelle (Amphithéâtre Jean Renoir, 37 Quai de Grenelle, 75015 Paris).

Ce nouveau cycle, organisé entre novembre et décembre, proposera pas moins de 4 rencontres autour des équipes des courts-métrages en lice aux César 2025, accessibles aux étudiants comme au grand public.

Notre nouveau cycle s’ouvrira et se clôturera avec la mise en avant des courts-métrages de fiction présélectionnés aux César, les mardi 12 novembre (fiction 1/2) et lundi 9 décembre (fiction 2/2). De nombreux·ses professionnel·les (réalisateur·ices, producteur·ices) sont attendu.es à l’occasion de ces 2 événements.

Vous voulez en apprendre davantage sur les parcours d’auteurs et producteur.trice.s qui bâtissent le cinéma d’aujourd’hui et de demain, découvrir leurs films, échanger avec elles et eux sur leurs œuvres, leurs choix artistiques, leurs expériences et le déroulement de leur travail, comprendre le fonctionnement de l’Académie des César et poursuivre ces discussions autour d’un verre ?

Un After Short, comment ça se passe ? 

En amont : les photos et bios des intervenants ainsi que les liens de visionnage des courts sont mis à la disposition des personnes ayant réservé leur place. Le jour J, le public a ainsi la possibilité de participer activement à la discussion qui s’engage avec les équipes de films.

Lors de l’évènement : les équipes (réalisateurs.trices et/ou producteurs.trices, anciens lauréats des César, membres de comités de sélection de l’Académie) se succèdent sur scène pour une intervention et un échange avec le public d’une dizaine de minutes chacune. Deux animateurs sont là pour introduire leur travail et vous donner la parole.

Info, rappel : il n’y a pas de projection de films au cours de la soirée. 

Après la rencontre : un cocktail est organisé à l’ESRA. C’est entre autres l’occasion de poursuivre les discussions de façon plus informelle avec les équipes présentes.

Intéressé(e)s par l’After Short ? Téléchargez la présentation (PDF) de nos invités ainsi que leurs bios et les synopsis de leurs films, représentés lors de notre première soirée de l’année, le mardi 12 novembre 2024 à 19h à l’ESRA. 8 films sur 24 seront présentés lors de ce premier échange accueillant 13 pros. Si vous souhaitez assister à l’événement et visionner les films qui seront évoqués, reportez-vous aux infos pratiques mentionnées ci-dessous.

Nos invités

– Kenza Manach, responsable du Département courts métrages et du pôle éducation à l’Académie des César.

Caroline Maleville, membre du comité d’experts et responsable de programmation à la Cinémathèque française.

– Salomé Da Souza, réalisatrice de Boucan.

– David Padilla, réalisateur, et Jonathan Hazan, producteur (Les Films du Cygne) de Cultes.

– Théo Vincent, réalisateur de Mémoires du bois

– Noëlle Levenez, productrice (Les Films Norfolk) de The Man who could not remain silent, réalisé par Nebojša Slijepčević.

– Guil Sela, réalisateur et producteur de Montsouris.

Marie-Lola Terver et Paul Jousselin, co-réalisateurs de Les Mystérieuses Aventures de Claude Conseil

Hakim Atoui, réalisateur de Les Liens du sang

Charlotte Vincent et Katia Khazak, productrices (Aurora Films) de Et si le soleil plongeait dans l’océan des nues de Wissam Charaf

En pratique

* After Short 1 : mardi 12 novembre 2024 – 19h : catégorie fiction 1/2. Accueil : 18h30. En présence de 8 équipes ! PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places disponibles. Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, pensez à réserver votre place gratuite à communication@esra.edu

* Notez d’ores et déjà la date de notre 2ème After Short consacré aux courts de fiction, prévu le lundi 9 décembre prochain, à 19h, toujours à l’ESRA. En présence de 13 nouvelles équipes ! PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, les réservations gratuites se font à l’adresse communication@esra.edu

Nouveau Cycle After Short ! A la rencontre des équipes de courts en sélection officielle aux César 2025 !

En collaboration avec l’ESRA et le soutien de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, le magazine Format Court vous invite à la reprise de ses After Short, organisés cette année à l’ESRA Campus Beaugrenelle (Amphithéâtre Jean Renoir, 37 Quai de Grenelle, 75015 Paris).

Ce nouveau cycle, organisé entre novembre et décembre, proposera pas moins de 4 rencontres autour des équipes des courts-métrages en lice aux César 2025, accessibles aux étudiants comme au grand public.

Vous voulez en apprendre davantage sur les parcours d’auteurs et producteur.trice.s qui bâtissent le cinéma d’aujourd’hui et de demain, découvrir leurs films, échanger avec elles et eux sur leurs œuvres, leurs choix artistiques, leurs expériences et le déroulement de leur travail, comprendre le fonctionnement de l’Académie des César et poursuivre ces discussions autour d’un verre ?

Au vu du nombre important d’équipes de courts de fiction (24) en lice aux prochain César, Format Court consacrera 2 soirées au genre. Ce nouveau cycle d’After Short s’ouvrira et se clôturera en effet avec la fiction, les mardi 12 novembre (fiction 1/2) et lundi 9 décembre (fiction 2/2), en présence de nombreux·ses professionnel·les (réalisateur·ices, producteur·ices, membres de comités).

2 autres After Short complèteront ce cycle. Le jeudi 21 novembre sera dédié aux courts d’animation nommés tandis que le lundi 2 décembre aura pour focus le cinéma documentaire.

Un After Short, comment ça se passe ?

En amont : les photos et bios des intervenants ainsi que les liens de visionnage des courts sont mis à la disposition des personnes ayant réservé leur place. Le jour J, le public a ainsi la possibilité de participer activement à la discussion qui s’engage avec les équipes de films.

Lors de l’évènement : les équipes (réalisateurs.trices et/ou producteurs.trices, anciens lauréats des César, membres de comités de sélection de l’Académie) se succèdent sur scène pour une intervention et un échange avec le public d’une dizaine de minutes chacune. Deux animateurs sont là pour introduire leur travail et vous donner la parole.

Info, rappel : il n’y aura pas de projection de films au cours de la soirée.

Après la rencontre : un cocktail est organisé à l’ESRA. C’est entre autres l’occasion de poursuivre les discussions de façon plus informelle avec les équipes présentes.

Calendrier

– After Short 1 : mardi 12 novembre 2024 – 19h : catégorie fiction 1/2. PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, pensez à réserver votre place gratuite à communication@esra.edu

– After Short 2 : jeudi 21 novembre 2024 – 19h : catégorie animation. PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, pensez à réserver votre place gratuite à communication@esra.edu

– After Short 3 : lundi 2 décembre 2024 – 19h : catégorie documentaire. PAF : 5€. Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, pensez à réserver votre place gratuite à communication@esra.edu

– After Short 4 : lundi 9 décembre prochain – 19h : catégorie fiction 2/2. PAF : 5€.  Billetterie en ligne, dans la limite des 50 places disponibles). Pour les (ex-)étudiants de l’ESRA, pensez à réserver votre place gratuite à communication@esra.edu

En pratique

Amphithéâtre Jean Renoir. ESRA Campus Beaugrenelle, 37 Quai de Grenelle, 75015 Paris.

Tarif étudiants ESRA : gratuit (réservations : communication@esra.edu).
Tarif grand public : 5€ (uniquement en ligne, dans la limite des 50 places disponibles par soirée)

Grégoire Leprince-Ringuet : « Aujourd’hui, je pense autant en tant qu’acteur qu’en tant que poète »

Les Entrelacs, c’est à la fois le premier recueil de poèmes de Grégoire Leprince-Ringuet (Ed. La Rumeur libre) mais aussi le spectacle qui en découle, interprété par l’acteur, réalisateur et metteur en scène mais aussi la comédienne et réalisatrice Pauline Caupenne, accompagnés du pianiste Jean-Philippe Heurteaut. Présenté à la Maison de la Poésie à Paris il y a quelques mois, le spectacle a été donné en octobre dernier au Musée Paul Valéry de Sète, à l’occasion des Journées annuelles Paul Valéry. À cette occasion, Grégoire Leprince-Ringuet est revenu sur sa découverte du poète Valéry, le passage à la réalisation avec son premier long-métrage La forêt de Quinconces (2016) et ce qu’ont représenté dans son parcours des films comme L’Accordeur de Olivier Treiner, César du court en 2012, mais aussi Les Chansons d’amour de Christophe Honoré (2007). Ce long entretien aborde également l’incertitude, le temps, la discrétion et la technique. Tour de piste.

Format Court : Tu as déjà participé aux journées Paul Valéry. Ton recueil est inspiré de Valéry, mais en même temps il est très libre en terme d’écriture. Certains poèmes font 5 pages, d’autres 1 page. Tu ne parles pas de renaissance, mais de deuxième naissance, d’abord avec le chant que tu as pratiqué avant le cinéma, ensuite avec la poésie. Comme si le processus recommençait.

Grégoire Leprince-Ringuet : Oui, c’est vrai. C’est très libre. C’est vraiment la sensation que j’ai eue dans ma vie. J’ai eu le sentiment d’être né une deuxième fois quand j’ai découvert l’œuvre de Paul Valéry, spécifiquement. C’est quelque chose auquel je ne m’attendais pas du tout. C’est ce qui arrive, comme souvent pour les grandes découvertes, les grands chocs esthétiques, en littérature, mais aussi au cinéma ou en musique. On a déjà vu des choses qui nous ont plu, qui nous ont séduites, qu’on aime voir, mais un choc si fort, on ne s’y attend pas. C’est l’effet que m’a fait Paul Valéry. Ça nous change tellement qu’on a comme une deuxième vie. On n’est plus du tout la même personne. Quand j’ai découvert Paul Valéry, il y a tout un pan de la poésie, mais aussi de la pensée et de la conception du monde qui s’est ouvert à moi. J’ai été bouleversé par la découverte de son œuvre et plus particulièrement de ses poèmes.

C’est marrant parce que juste derrière toi, il y a des petites phrases-clés. L’une d’elles dit ceci : « Un chef est un homme qui a besoin des autres ».

G. L-R. : Je lis deux lignes de Valéry et à chaque fois, ça me suffit pour la journée en termes d’intelligence. Ces petits morceaux de prose sur ces petits aphorismes, ces réflexions, c’est tellement juste, bien pensé, bien vu, bien écrit. Il y en a plein, il y en a des milliers, des petites phrases comme ça. « Un écrivain est un homme qui cherche ses mots », c’est parfait, c’est exactement ça. C’est très très intelligent de le voir comme ça.

Ce n’est pas quelqu’un qui parle vite et bien, c’est quelqu’un qui sait que les mots ont tous une valeur différente et donc il les cherche. Ce n’est pas aussi naturel que pour les autres. « Un chef est un homme qui a besoin des autres », cette phrase est parfaite. C’est évidemment ça, on n’est pas chef tout seul. Avant Valéry, je ne pensais pas que c’était possible d’être aussi intelligent.

Ton spectacle se donne au Musée Paul Valéry, sa tombe n’est pas loin. Tu es dans une forme de fidélité…

G. L-R. : Tout à fait, ça compte, la présence réelle. Il y a d’ailleurs un poème dans mon livre qui s’appelle « Tombeau de Paul Valéry » et qui parle de ça. Il parle du fait d’être là, vraiment, à proximité de la tombe de Valéry et qui parle du trouble qu’il y a entre le fait que, par exemple, les gens illustres soient morts mais qu’ils ne soient pas morts pour nous. Valéry, pour moi, n’était vraiment pas mort du tout et c’est très troublant de penser qu’il est mort il y a maintenant déjà assez longtemps. Il y a des gens dont l’œuvre continue à exister longtemps après leur mort et qui sont plus vivants que jamais. Et ça, c’est une sorte de miracle de l’art.

Dans ta bio, maintenant, tu dis que tu n’es pas seulement acteur et réalisateur mais que tu es metteur en scène et poète. En tant que comédien, ce n’est pas évident de se dire poète. Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de l’ordre du romantisme dans l’image du poète ?

G. L-R. : C’est un nom un peu ridicule aujourd’hui. C’est un nom qui est un peu connoté pour être maudit ou péjoratif parce que ça ne fait pas sérieux. Ça fait quelqu’un qui glane, qui perd son temps, qui se promène dans les champs avec une vision très champêtre et, disons cliché de ce que peut être un poète.

Il se trouve que, dans la réalité, en tout cas, pour moi, tel que je pratique la poésie, ça demande surtout énormément de travail. J’écris en vers réguliers et rythmés, comme on le faisait beaucoup à l’époque, ça s’est beaucoup perdu. Disons que la poésie, c’est le fer de lance et la technologie de pointe de la littérature. C’est peut-être là où c’est le plus technique. Le métier de poète, il ne faut pas le prendre au sérieux, mais on le fait quand même très sérieusement. Ca demande de la technique et pas tellement du romantisme. Ce ne sont pas tellement les sentiments qui dictent les poèmes que la forme et la rigueur de la pensée.

Tu as écrit ton long-métrage il y a un moment, en 2016. Tu n’as pas réalisé de court-métrage, si ?

G. L-R. : Si, j’en ai fait un, mais on ne peut pas le trouver !

« La forêt de Quinconces » de Grégoire Leprince-Ringuet

Le premier long, on le sait, c’est un passage difficile et un format fragile. Comment as-tu perçu cet exercice ?

G. L-R. : Le scénario de mon film, La forêt de Quinconces, était au départ construit à partir de petits poèmes. Au départ, j’avais écrit des poèmes, une dizaine, pour la plupart assez maladroits, et en les mettant dans un certain ordre, ça faisait une ébauche de narration. C’était de la poésie qui abordait plutôt les thèmes amoureux à l’époque. C’était l’histoire d’un garçon qui rencontrait une fille qui lui jetait un sort. Le film est un conte sentimental, avec un aspect un peu fantastique. J’avais été assez influencé par la littérature fantastique à ce moment-là, par les contes de Grimm, mais aussi par ceux d’Hoffmann, et du coup, le film lui-même avait pour fondement une écriture poétique.

Il y a des dialogues en vers réguliers et rimés, en alexandrins, dans le film. C’était sa forme originelle. Originellement, il était fait pour être écrit comme ça, et puis il y avait une volonté de lyrisme aussi dans les sentiments que les vers prenaient en charge. Après, évidemment, comme tu l’as dit, il faut faire tenir une histoire debout, et ça, c’est beaucoup de travail très technique. Il a fallu, en écrivant le scénario, effectivement renoncer, ou en tout cas améliorer ou corriger certaines formes lyriques, pour qu’elles rentrent dans un cadre dramatique, dans le cadre d’une histoire, et que le spectateur puisse suivre l’histoire et s’attacher aux personnages.

Le projet aurait pu en rester à l’écrit. C’était important pour toi de le mettre en images ?

G. L-R. : Oui, c’est vrai, mais en même temps, j’avais très envie à l’époque de faire un film, de réaliser parce que j’avais été acteur pendant des années, que ça me trottait en tête. Le rapport aux images en poésie et dans le cinéma n’est pas du tout le même. Quand on fait des images poétiques, on essaie d’évoquer quelque chose pour l’imagination de quelqu’un, donc on essaie d’être le plus exhaustif possible. Quand on fait des images au cinéma, en tout cas comme je l’ai fait dans La forêt de Quinconces, c’est pour filmer des acteurs, donc pour leur donner la parole. J’aime beaucoup le cinéma éloquent, c’est-à-dire le cinéma où les acteurs ont beaucoup de mots ou de phrases à dire. J’aime voir les gens parler, comme chez Desplechin, ce serait ma référence la plus pertinente. J’aime quand il y a des scènes où les gens parlent, j’aime quand il y en a plus que pas assez. Woody Allen fait des films où ça parle beaucoup. Moi, j’ai un plaisir de spectateur face à ça, quand les dialogues sont savoureux. Dans cette tradition-là, je voulais aussi écrire du texte pour donner de la matière à jouer beaucoup aux acteurs, de la matière verbale. C’est comme ça qu’est né ce projet-là.

Ta compagne Pauline Caupenne a créé Les Visites imaginaires. Tu y collabores. De quoi s’agit-il ?

G. L-R. : L’idée, c’est d’amener le spectacle vivant au musée. Au lieu de proposer des visites guidées, traditionnelles, au lieu de fournir une information sur une œuvre, de bourrer la tête des gens avec des dates, des vies d’artistes, plutôt que de leur donner ce genre d’informations, on leur procure des émotions.

Nous, on va devant les œuvres, en jouant des poèmes, des petits morceaux de pièces de théâtre, en lisant des lettres qu’aurait écrites le peintre en question, … C’est imaginaire. On convoque une émotion littéraire, devant un tableau, ce qui fait qu’on a une autre porte d’accès à ce tableau, et un autre accès à ses propres émotions en voyant le tableau. C’était vraiment l’idée d’une visite imaginaire qui est celle de Pauline Caupenne.

Comment perçois-tu la lecture de poèmes dans un musée ? Ce n’est pas de la lecture de scénario autour d’une table, ce n’est pas une lecture individuelle chez toi, il y a un un public mais ce n’est pas non plus comme au théâtre.

G. L-R. : En fait, la forme qu’on joue est un peu hybride. Ça a vocation à se rapprocher assez du théâtre, sauf qu’il n’y a pas de situation, ce n’est pas vraiment une pièce. Il n’y a pas de rideau, on ne joue pas des personnages, ou alors on joue le même personnage, c’est-à-dire celui du poète, celui qui parle et qui s’imagine être telle et telle chose.

Mais effectivement, c’est plus de l’incarnation de poèmes que du théâtre. Le fait de le faire ici au Musée Paul Valéry, c’est une chance pour nous parce qu’effectivement, Paul Valéry est ma première inspiration, c’est une vraie image. Après, il n’y a pas dans le spectacle de véritable interaction entre les œuvres du musée où nous sommes et la forme qu’on propose. C’est comme si c’était dans un théâtre, sauf qu’on a la chance de le faire dans un musée. Ça n’a pas été conçu pour dialoguer avec les œuvres comme le sont les désirs d’imaginaire.

Comédien-poète, je ne connais pas trop. Comédien-réalisateur, c’est plus fréquent. Je sens qu’il y a une génération à laquelle tu appartiens qui ose, qui se lance. Du coup, ça m’intéresse, que tu ailles vers quelque chose de différent, que tu fasses des choix de projets et que tu utilises ainsi le temps où tu ne tournes pas.

G. L-R. : C’est très vrai, la vie d’acteur, surtout au cinéma, est faite de beaucoup d’incertitudes et de moments d’attente. La poésie, c’est presque le meilleur moyen d’attendre, parce que c’est un art qui est très long à pratiquer, qui se pratique avec beaucoup de lenteur. Moi, je mets 6 mois à écrire un poème. J’en écris plusieurs, en même temps. C’est très long à fabriquer un poème. Pour le dire vulgairement, c’est un passe-temps très efficace.

Aujourd’hui, je pense autant en tant qu’acteur qu’en tant que poète. En tout cas, en termes d’heures passées, je suis beaucoup plus poète qu’acteur. Je passe beaucoup plus de temps à écrire de la poésie qu’à jouer.

J’aime beaucoup jouer. Je suis très heureux sur les films. Mais ce n’est presque pas le même métier. Après, l’un influence un petit peu l’autre. Quand j’écris de la poésie, je pense qu’elle sera dite, qu’elle sera portée par la voix, et notamment par celle des acteurs, donc, ça compte pour moi. Mais ça compte peu par rapport à ce que c’est que d’écrire. Je suis beaucoup plus influencé par Paul Valéry que par le fait d’être acteur quand j’écris de la poésie. Et quand je joue, je ne suis plus poète du tout.

Je joue, je suis souvent au service de quelqu’un qui raconte une histoire. Et là, je suis un instrument entre ses mains. Ce qui est très agréable, c’est d’être un bon instrument, de sentir qu’on ne trahit pas la volonté du metteur en scène. Et au contraire, qu’on s’adapte le mieux possible à son geste. Ça, c’est un métier agréable. Mais c’est presque, à ce moment-là, deux métiers très séparés, auteur et acteur.

« Les Chansons d’amour » de Christophe Honoré

Face à des extraits de tes films, je me suis rappelée de ta partie chantée dans Les Chansons d’amour. La tonalité reste alors que le film date. Tu as commencé par le chant. C’est une autre façon aussi d’appréhender les mots. Comment cette partie musicale, chantée, t’a-t-elle accompagné aussi dans ton travail de comédien et peut-être aussi de réalisateur ?

G. L-R. : Tu as évoqué Les Chansons d’amour qui est, pour moi, peut-être le plus beau film auquel j’ai participé. J’en garde un souvenir extrêmement heureux, déjà parce que le film est génial. C’est une très grande chance, quand on est acteur, de participer à une expérience aussi complète. Tu parlais des chocs au tout début. Les Chansons d’amour, ça a été aussi un très grand choc dans ma vie d’homme et d’artiste, parce que le film est parfait, en fait.

C’est très, très rare de voir des films parfaits, de participer à des films parfaits. Il n’y a pas de défauts dans le film. Il y a eu des très, très, très beaux moments. La musique, évidemment, y est pour beaucoup.

Alex Beaupain, qui a écrit la musique, a réalisé un vrai petit chef-d’œuvre, en fait, parce que les musiques des Chansons d’amour sont suffisamment poétiques pour évoquer des moments de la vie très précis. Et, au contraire, pas tellement spectaculaires, comme peuvent l’être les comédies musicales, qui offrent tout de suite un décor très artificiel pour donner un plaisir au spectateur qui serait un plaisir de cabaret, un plaisir de spectacle, avec beaucoup de danseurs, etc. Des musiques très clinquantes, tu vois. Au contraire, il a réussi à faire des musiques où deux personnes seulement se parlent au bord d’un lit, d’amour, de la mort de quelqu’un, ou de choses beaucoup plus réalistes, beaucoup plus quotidiennes. Il a réussi à faire de la musique, du lyrisme avec ça, et on est ému. Le film est très inventif, et moi, je ne tarirai jamais assez d’éloges sur lui.

Dans mon parcours, ça m’a poursuivi évidemment, et il y a un rapport très direct, évidemment, entre le fait d’écrire de la poésie, notamment en vers réguliers, avec les rimes, qui est l’écriture la plus musicale de la langue. Les rimes elles-mêmes structurent et donnent une certaine musique, une musique même très audible, très forte, que chacun reconnaît. Même les gens qui ne connaissent pas la poésie entendent ces rimes.

Tu disais tout à l’heure que quand tu écris, ça prend du temps, mais que tu envisages les vers lus. Est-ce que tu pourrais envisager les mots chantés ?

G. L-R. : Bonne question ! Il y a dans le spectacle qu’on joue une chanson. Après dans ce recueil-là, les poèmes sont un peu trop denses en signification pour être chantés. J’ai essayé, pour tout te dire, et ça ne marche pas parce que les chansons doivent avoir une simplicité de sens qui est en rapport avec la musique directement. Si on dit trop de choses dans les mots, la musique devient parasite et empêche, en fait, le lyrisme. Ce qui nous plaît dans les chansons, c’est que c’est des paroles simples qu’on retrouve sur une musique parfois complexe ou très riche. Là, les paroles sont trop compliquées, ce ne serait pas possible de les chanter. J’ai écrit à côté des chansons que je n’ai pas encore chantées.

Il faut y aller petit à petit. On est en France et les gens adorent les étiquettes. Chaque chose en son temps !

G. L-R. : Oui, malheureusement, c’est vrai. Moi, j’aime beaucoup chanter. J’aimerais beaucoup faire un album. C’est aussi beaucoup de travail. Et là, j’essaie de faire un deuxième film.

« L’Accordeur » de Olivier Treiner

Tu as joué dans L’Accordeur de Olivier Treiner. Le film avait eu un César en 2012. Est-ce un film qui t’a accompagné ?

G. L-R. : Oui, forcément. C’est un film qui a eu un succès mondial. L’Accordeur a fait tous les festivals de cinéma du monde entier. Il a été acheté par des chaînes de télévision à l’autre bout de la planète. Dans l’histoire du court-métrage, ça arrive deux ou trois fois par carrière, au maximum. Il a eu le César du meilleur court-métrage. Il a peut-être eu 200 prix. C’est énorme. Ça a marché partout.

Moi, j’étais très content au départ parce que c’était mon premier rôle de vraie composition. Il fallait être crédible dans le fait de faire l’aveugle, de faire semblant de ne pas voir. C’était un peu technique.

C’était une expérience de tournage où j’avais une responsabilité peut-être supplémentaire parce qu’il y avait ce défi de créer le personnage très vite, qu’il fallait qu’on y croit et qu’il soit sympathique dès le départ.

C’est un film qui est très bien réalisé. Il n’a pas beaucoup de défauts. L’histoire est parfaitement bien maîtrisée pour arriver jusqu’au paroxysme. Techniquement, la structure est très bien faite. Quand on participe à des films qui sont proches de la perfection, c’est toujours stimulant. On se dit que ce n’est pas si loin, qu’on peut y arriver.

Après, j’ai proposé à Olivier de faire un long de cette histoire-là. On en a reparlé. Il est parti sur autre chose. Ça s’est un peu arrêté. Il a réécrit un autre scénario, et moi, j’ai commencé à développer mon film.

Après, c’est bien aussi parfois que les films restent dans leur format d’origine. Les longs ne doivent pas tous être des courts adaptés.

G. L-R. : Non, bien sûr. Il y a tous les exemples. Parfois, il y a des longs tirés de courts-métrages qui sont moins bien faits. Et l’inverse.

Qu’est-ce qui fait pour toi un bon texte et un bon lecteur ?

G. L-R. : C’est passionnant. Moi, ce que je recherche quand je lis, c’est du plaisir. Je suis très pragmatique. Pour qu’il y ait du plaisir, il faut qu’il y ait un peu de profondeur. Si c’est mièvre, plein de bons sentiments, que le ciel est bleu, que les pâquerettes poussent, si n’y a pas de profondeur d’idées, de contradictions, ça ne me procure pas de joie de l’esprit.

C’est comme dans une peinture, quand il y a du contraste, de la profondeur, de la complexité, une question qu’on n’arrive pas à résoudre. Il faut quelque chose qui me rend plus intelligent, qui me donne l’impression d’éprouver des choses plus fortes. Ça peut passer par plein de choses différentes. Il y a des milliers de bons textes.

J’aime Paul Valéry. Je suis aussi un lecteur très fervent de Proust. Qu’est-ce qui fait un bon lecteur ? J’essaie toujours, en tant que lecteur, d’être le plus neutre possible au moment où je découvre un texte, le plus disponible. Il faut être concentré aussi. Je dirais quelqu’un de disponible et qui ne s’arrête pas à un premier obstacle. J’aime les textes un peu difficiles à comprendre, mais qui ont un sens. Si c’est difficile à comprendre, et qu’à la fin de la page, on n’a rien eu à manger, et que l’auteur nous laisse dans le flou de la clarté, ça ne me va pas. En plus, je n’ai plus de plaisir. En revanche, si il y a une petite énigme, mais qu’il faut s’accrocher et se concentrer pour la décrypter, et qu’à la fin, j’ai vu que j’avais bon, là, il y a un vrai plaisir d’esprit. Le bon lecteur, c’est aussi celui qui n’arrête pas tout de suite. Typiquement, avec Proust, les paragraphes sont longs, parfois la phrase est difficile, il faut s’accrocher un peu. Le bon lecteur, c’est aussi ça, celui qui s’accroche.

« Voleurs de chevaux » de Micha Wald

Tu es familier des films de Robert Guédiguian. Tu as aussi tourné avec Wes Anderson, Martin Provost, Éric Toledano, Olivier Nakache, Guillaume Nicloux, Amos Gitaï, Micha Wald, … Tu es la fois discret et présent. Qu’est-ce qui fait que tu y vas et que tu fais confiance à des réalisateurs ?

G. L-R. : Ça peut être plein de choses différentes. Ça dépend même des époques. Il y a eu des époques où on me proposait beaucoup de rôles un peu pareils. J’étais beaucoup plus jeune. On m’a fait beaucoup jouer des fils de bonne famille, des amoureux transis, des bons petits gars, etc. J’étais heureux qu’on me propose autre chose du coup, je suis plus allé vers ce genre de rôles, même si ce n’était pas forcément un choix de cœur au départ, pour éviter de faire ce que j’avais déjà fait. J’ai été très heureux de commencer à jouer des méchants, par exemple. Ça, ça peut être une première raison. La deuxième raison, c’est surtout le hasard. Les projets, parfois, arrivent au compte-gouttes, parfois il y en a trop. Il faut choisir, l’un et pas l’autre. On voudrait les faire tous. Parfois, il n’y en a pas, et on a quand même besoin de travailler pour avoir de l’argent, on prend ce qu’il y a, on ne choisit pas du tout. C’est très varié et cette discrétion dont tu parles, elle se fait parfois malgré tout ça. Parfois, elle est assumée, parfois pas. C’est au cas par cas.

Même au départ, même économiquement, il y a des films très pauvres, où il n’y a pas d’argent du tout et qu’on fait vraiment par conviction. Les Chansons d’amour, c’était typiquement un film fauché. Il n’y avait pas un centime au début. Tout le monde était très mal payé, après, on a eu un peu d’argent. Personne n’y croyait, ne voulait miser un centime dessus. Ils se sont tous mordus les doigts après, les producteurs qui avaient dit non. Le film a fait tout le tour de Paris.

Tu n’as jamais envisagé de devenir producteur ?

G. L-R. : Ah, c’est tout un métier. Bien sûr, accompagner des jeunes auteurs, ça fait rêver tout le monde parce que d’un coup, on a un peu plus de pouvoir pour essayer de faire vivre les projets. Moi qui suis réalisateur, qui essaye de faire un deuxième film parce que les producteurs me disent non, bien sûr que j’y ai pensé.

« Gloria Mundi » de Robert Guédiguian

Tu es intervenant à la Fémis et au Conservatoire. Qu’est-ce que tu y donnes comme cours et qu’essayes-tu de transmettre à la relève ?

G. L-R. : À la Fémis, je donne des cours de direction d’acteur, souvent avec des acteurs qui viennent d’écoles de théâtre, du Conservatoire national supérieur d’art dramatique ou d’autres écoles comme l’ENSAD. J’essaye d’apprendre aux gens de la Fémis à se familiariser avec les acteurs, souvent, ils ne leur sont pas du tout familiers car ils manquent de culture, notamment théâtrale. Mon métier, c’est d’essayer de leur dire : « Voilà ce que c’est un acteur. Ce n’est pas une bête sacrée, vous pouvez toucher, vous pouvez appuyer sur le bouton, il peut jouer plus vite, moins vite ». Je leur apprends des techniques pour diriger des acteurs et comprendre des scènes. Au Conservatoire, ce que je fais, c’est un cours très spécifique sur les vers, les alexandrins. Comme c’est vraiment ma spécialité, j’ai une technique très spéciale, très personnelle que j’enseigne aux élèves.

Dans quelle mesure le théâtre peut-il aider un jeune réalisateur ou un jeune comédien ?

G. L-R. : Le théâtre, c’est là où c’est technique Alors, évidemment, c’est organique, on sent les choses mais on apprend à faire, à fabriquer. Être acteur, c’est savoir faire semblant. Il faut savoir fabriquer une émotion, une colère, une tristesse, une réplique, n’importe quoi. C’est comme faire une baguette de pain. Il n’y a pas le kit. Il faut apprendre à mettre la pâte, etc. C’est un métier très pratique. Il y a beaucoup de réalisateurs qui pensent qu’on peut prendre des gens dans la rue et les filmer parce qu’ils ont une présence. Évidemment, les gens ont une présence parfois dingue et on a envie de les filmer. Mais dès qu’il s’agit de jouer, de fabriquer quelque chose, c’est souvent limité ou alors il faut les prendre exactement pour leur emploi. Mais si on veut commencer à fabriquer des histoires et à faire des fictions, il faut avoir la technique de direction d’acteur et ça, c’est une technique de théâtre.

Propos recueillis par Katia Bayer

The Watchman de Ali Cherri

Le sergent Bulut, dont on ne connaît pas le prénom, surveille à longueur de journées et de nuits, les frontières qui bordent le village chypriote Lourujina, placé sous contrôle de la République autoproclamée turque. Perché dans sa tour de guet, celui qu’on observe observer est gagné peu à peu par la paranoïa de ce climat militaire omniprésent. Lauréat du Grand Prix du court-métrage à Cinémed 2024, The Watchman réalisé par Ali Cherri, illustre avec brio les différentes conséquences qu’une zone géographique touchée par les conflits militaires peut entraîner sur ses habitants.

Dès les premiers plans du court-métrage, les reliefs montagneux chypriotes sont inscrits dans les yeux rougis du jeune sergent. Les gouttes de sueurs perlent sur sa nuque après sa nuit de garde dans cet environnement aride et chaud. Il accuse le coup de cette surveillance exténuante qui le prive de sommeil. Les longs plans fixes silencieux témoignent également de la solitude du personnage. Cette solitude mêlée à de la nervosité atteint son apogée lorsqu’un oiseau décède dans la tour du sergent. On peut déceler une similitude entre le sergent perché dans sa tour en bois, et l’oiseau, un animal qui a pour habitude de se tenir en hauteur pour surveiller les alentours. Un gros plan centré sur le visage du sergent laisse d’ailleurs entrevoir les plumes de l’oiseau mort au premier-plan.

Cette omniprésence de la mort liée à la militarisation de la région touche également les villageois de Lourujina. Le protagoniste est invité à prendre le café chez une dame âgée qui se plaint de l’écho vide de sa maison dont les murs sont décorés par des portraits de sa famille absente. Elle s’inquiète pour ses enfants partis pour l’armée, qui pourraient trouver le même destin funeste que certains précemment tombés au combat. C’est peut-être ce climat et cette attente incessante qui amène le sergent à imaginer et anticiper l’arrivée de soldats ennemis.

Dans plan large somptueux (ou cauchemardesque ?), le sergent Bulut, de nuit, braque sa lanterne sur une rangée de soldats dont les mouvements synchronisés fascinants s’approche lentement de lui et de nous, spectateurs. On comprend que ces soldats terrifiants mais subjuguants sont probablement des fantômes de militaires morts au combat.

Cette rangée de soldats défunts peut rappeler cette célèbre scène tirée de l’un des huit courts-métrages qui composent le film Rêves (1989) réalisé par Akira Kurosawa, où un ancien commandant japonais se retrouve également face à un régiment de soldats-fantômes. On peut dresser un parallèle intéressant entre les deux courts-métrages. Les visages des soldats dans The Watchman semblent être en cire, dépourvus de yeux, arborant un teint blanc, fantomatique qui ne relève pas du vivant. Ils ne parlent pas et s’expriment à travers des bruitages que seul le sergent peut comprendre, comme si son destin était déjà lié à ces pantins. Cette scène relève de la peur, peut-être celle de devenir un mort parmi tant d’autres dans le chaos de la guerre.

Dans le film japonais, l’ancien commandant est confronté à une rangée de soldats défunts qui constituaient son régiment à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. C’est ici, la culpabilité du commandant, qui se fait ressentir. Les soldats attendent ses ordres, et le vieil homme doit leur rappeler qu’ils sont morts et que lui seul, a survécu. Ils communiquent en japonais et le commandant se rappelle les noms des soldats. Ils ont donc un visage et un nom, contrairement aux militaires du court-métrage d’Ali Cherri.

Le jeune sergent a encore la vie devant lui, tandis que le passé militaire du commandant japonais est derrière lui. La forme de ces deux rêves est similaire, mais les émotions qui en transparaissent s’opposent.

La conclusion dans The Watchman ouvre plusieurs perspectives et interprétations possibles. On ne sait pas quelle voie prendra le jeune sergent, s’il sera attiré par ces étranges soldats qui veulent l’emmener avec lui, s’il s’éloignera de ce monde militaire ou s’il peut même faire un choix. Toutefois, Ali Cherri parvient parfaitement à nous immerger dans la psychologie et les émotions troubles du protagoniste impacté par les instabilités de cette région rongée par les conflits militaires. Très marquant, The Watchman mérite amplement son Grand Prix du court-métrage à Cinémed.

Laure Dion

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W comme The Watchman

Fiche technique

Synopsis : Sergent Bulut, un jeune soldat chypriote turc effectue son service militaire à Lourujina, village sous le contrôle de la République autoproclamée turque. Chargé de surveiller la frontière depuis une tour de guet, il commence à voir des choses étranges se produire…

Genre : Fiction

Durée : 26’

Pays : Italie, France

Année : 2024

Réalisation : Ali Cherri

Scénario : Ali Cherri

Image : Bassem Fayed

Montage : Denis Bedlow

Musique : Cynthia Zaven

Son : Stavros Terlikkas, Simon Apostolou

Interprétation : Halil Ersev Gökçek

Production : Fondazione In Between Art Film, KinoElektron

Article associé : la critique du film

Les belles cicatrices de Raphaël Jouzeau, Prix Émile-Reynaud 2024

Α l’occasion de la 23e édition de la Fête du cinéma d’animation coordonnée par l’AFCA (Association Française du Cinéma d’Animation), s’est tenue lundi passé au cinéma Le Méliès (Montreuil), la cérémonie de remise de Prix Emile-Reynaud 2024.

Parmi les 7 films en lice, Les belles cicatrices de Raphaël Jouzeau a obtenu le Prix Émile-Reynaud 2024 attribué par les adhérent·es de l’AFCA.

Depuis 1977, le Prix Émile-Reynaud est attribué à un court métrage français de l’année. C’est à la fois un hommage à ce pionnier de l’animation et une reconnaissance de filiation entre son travail et celui des créateurs contemporains.

Les belles cicatrices a fait l’objet d’une critique sur Format Court à l’occasion du dernier Festival de Cannes où le film figurait en compétition officielle. Il est visible en ligne, grâce à Court-Circuit (Arte).

Synopsis : Gaspard aime toujours Leïla. Un mois après s’être quittés, ils se retrouvent dans un bar bondé. Alors que le rendez-vous tourne mal, Gaspard se réfugie sous la nappe, loin des regards et plus près des souvenirs.

Le Festival Cinébanlieue s’ouvre aujourd’hui !

Coup de projecteur ! La 19ème édition du Festival Cinébanlieue s’ouvre aujourd’hui, le 6 novembre 2024, et prend place entre l’UGC Ciné Cité Paris 19 et Commune Image à Saint-Ouen.

Ce rendez-vous du cinéma français démarre en force avec la projection de Marmaille, le film de Grégory Lucilly. L’histoire suit un adolescent réunionnais de 15 ans, rêvant de breakdance et de métropole, qui voit sa vie bouleversée lorsqu’il est mis à la rue avec sa sœur et doit retrouver ses repères chez leur père.

Dans la sélection de longs, on trouve aussi le premier long Little Jaffna de Lawrence Valin, qui fait suite à son court du même nom (Grand Prix Cinébanlieue en 2017) et nous plongera au coeur de la communauté tamoule à Paris, ou encore Julie se tait de Leonardo Van Dijl (Semaine de la Critique, Festival de Cannes 2024), où Julie, jeune prodige du tennis dans un club prestigieux, voit son rêve compromis par la suspension de son entraîneur mais choisit de taire sa version des faits lors de l’enquête.

Cette année, le festival se place sous le signe de « Mouvement(s) », un thème en lien avec la Grande Cause Nationale du Sport, explorant ainsi le sport comme vecteur de changement social et personnel. La programmation met en lumière une sélection riche et diversifiée de longs et courts-métrages qui, chacun à leur manière, incarnent cette idée de mouvement, qu’il soit physique, social ou culturel.

Pour récompenser les œuvres les plus marquantes, un jury a été réuni, avec à sa tête le rappeur, acteur et producteur Sofiane Zermani. Il sera accompagné de Florence Loiret Caille, qui a été la marraine du Festival Format Court 2024, Salomé Da Souza,  qui a reçu le Grand Prix Format Court 2024, Lyna Mahyem et Christophe Taudière.

Amel Argoud

Semaine méditerranéenne à Cinemed

Le week-end passé, s’est clôturée la 46e édition du festival Cinemed. Du 18 au 26 octobre 2024, des court-métrages audacieux ont été diffusés en compétition, dans la section Panorama ainsi que dans le focus dédié au jeune cinéma marocain. Format Court revient sur trois coups de cœur.

Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ? de Faouzi Bensaïdi (France/Maroc)

Dans son court-métrage sélectionné en compétition, Faouzi Bensaïdi fait le portrait d’un cheval acteur dont la condition et la santé importe peu à l’équipe de tournage qui n’a qu’un seul but : clore ce film au plus vite. Seules les performances du cheval comptent, à qui on ordonne, malgré la chaleur insoutenable du désert marocain, de galoper sans cesse devant la caméra. Sans surprise, le cheval finit par s’écrouler…

Sans artifice, sans musique, sans effet et avec seulement peu de montage, le réalisateur parvient à nous toucher et à nous transmettre de l’empathie envers le cheval. Ce dernier, véritable personnage principal du film, se trouve toujours au centre de l’écran. La caméra suit ses gestes et on ne lâche jamais du regard ses grands yeux expressifs.

Les humains, quant à eux, qu’il s’agisse des membres de l’équipe ou bien du vétérinaire venu doper le cheval, ne sont jamais cadrés entièrement. Lorsqu’ils sont au premier-plan de l’image, seuls leurs corps sont visibles, tandis que leurs têtes sont hors-champs, ou bien ils sont filmés de dos. Le médecin qui prépare l’énième piqûre du cheval, n’a que ses mains criminelles cadrées en gros plan, laissant paraître le cheval visible entièrement en arrière-plan. Les humains sont ainsi ironiquement déshumanisés. Ils n’ont pas vraiment de visages ni de corps et leurs dialogues sont uniquement portés sur des questions d’argent et de limite de temps au profit de la vie du cheval, reflétant ainsi leur monstruosité. Le cadre aride du désert renvoie à l’environnement hostile et inhospitalier dans lequel est exploité l’animal. Seuls les deux jeunes hommes chargés du cheval durant le tournage, et qui lui viendront en aide lorsqu’il sera considéré obsolète auront leurs visages cadrés au côté de l’animal au sein d’un très beau plan.

Dans Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?, c’est la subjectivité du cheval qui prime et qui, dans son parcours, révèle la cruauté et la cupidité des hommes. Sans être totalement manichéen, le réalisateur nuance son point de vue en filmant l’espoir et l’humanité qu’incarnent les deux hommes qui viennent en aide au cheval. Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ? dévoile la manière dont on peut être obnubilé par des questions en réalité secondaires, jusqu’à en oublier notre humanité.

Catslands de Ana Čigon (Slovénie/Croatie)

Il ne faut pas se méprendre devant l’univers coloré, à première vue mignon, peuplé de chats qui communiquent en miaulant dans le court-métrage d’animation slovène Catsland réalisé par Ana Čigon, présenté dans la section Panorama de Cinemed. Le film se dresse en réalité en satire de l’Union européenne et de la manière dont elle traite les réfugiés.

L’animation s’ouvre sur un chat bleu taillant soigneusement sa haie et contemplant son jardin avec satisfaction. L’animal est néanmoins envieux du territoire de son voisin, spacieux, royal avec ses fontaines et statues félines monumentales. Dans cet univers, les chats sont soucieux de leurs propriétés et ne supportent d’ailleurs pas que des chats étrangers puissent fouler le jardin de l’autre. Lorsque des petits chats traversent les différents espaces des chats de Catsland, sans autorisation, le félin bleu est invité, avec d’autres chats au look élégant et chic, chez son voisin richissime pour décider du sort de ces étrangers.

Il n’est pas nécessaire de parler le langage « miaou » pour comprendre le contenu des conversations des chats aisés, représentant nos leaders politiques. Après s’être querellé pour savoir qui gardera les chatons sur son territoire, il est finalement question d’expulser totalement ces étrangers de Catsland. Cette situation résonne avec la politique de certains dirigeants en Europe, particulièrement aujourd’hui avec la montée des partis d’extrême-droite, où les réfugiés ne sont pas considérés comme des êtres humains (ou félins dans le contexte de Catsland) mais comme des fardeaux qui perturbent forcément l’équilibre apparent et dont il faut se débarrasser.

À travers la représentation des chats, le dessin très coloré et les touches comiques et absurdes, la réalisatrice Ana Cigon dresse un monde distant qui ne semble d’abord pas s’apparenter au nôtre. On sourit d’abord devant la manière dont ces chats personnifiés boivent leurs verres de lait dans des verres à cocktails et lisent leurs journaux rédigés en hiéroglyphes félins.

Lorsque l’on s’aperçoit, tout de même très vite, que la réalisatrice nous tend un miroir de la situation en Europe, la vérité est d’autant plus percutante. Le personnage principal, incarnant l’Européen de la classe moyenne aisée, obsédé par sa propriété, nous renvoie à notre propre statut d’Européen et nous pousse à questionner nos prpres privilèges.

Face à une Union européenne qui veut durcir la lutte contre l’immigration, face à la montée de l’extrême-droite dans toute l’Europe, il est nécessaire d’avoir accès à des œuvres originales et audacieuses capables de dénoncer des mesures antisociales. Dans Catsland, la caricature permet d’illustrer très clairement le contraste et l’injustice qui règnent entre les différentes classes sociales.

Ayam de Sofia El Khari (Royaume-Uni/Maroc)

Dans son court-métrage d’animation Ayam présenté dans le focus dédié au jeune cinéma marocain de Cinemed, l’artiste plasticienne et réalisatrice Sofia El Khyari met en scène trois générations de femmes préparant la cérémonie de l’Aïd al-Adha.

Lorsque la grand-mère découvre avec enthousiasme de beaux verres « Made in Morocco » dans sa cuisine, elle décide de servir le thé dans ces récipients pour la cérémonie. La forme se mêle alors avec le fond, le thé se meut en lettre de l’alphabet arabe pour former le titre du film « Ayam » signifiant « jours » en français, mais également « moment ». L’encre noire se dissout pour former les trois femmes principales.

Le titre « Ayam » renvoie donc au moment actuel précieux que partagent ces trois femmes mais également aux anciens jours dont elles se remémorent. La mère raconte la manière dont sa propre mère a dû elle-même subvenir à son éducation à travers les cahiers d’école de son frère. Les deux femmes évoquent l’éducation de leurs propres enfants qu’elles ont dû élever seules, avec un mari absent.

Le court-métrage rend hommage à ces femmes à travers leur courage, mais aussi à travers l’amour qu’elles ont transmis à leur fille et petite-fille. La voix-off de la narratrice évoque l’héritage précieux qu’elle a reçu, du rire, de la force et de l’amour.

Cet amour, on le ressent grâce aux plans sur les mains de la grand-mère, aux câlins chaleureux, et à la complicité qui lient les trois femmes. À travers une quasi-absence de cut et une animation très fluide, les liens familiaux et culturels circulent pour ne former qu’un.

Ayam est un très beau témoignage qui s’inscrit dans la lignée des films de Cinemed qui, au même titre que Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?, et Catslands, nous offrent des regards et des histoires sur différentes cultures issues du pourtour méditerranéen, à travers lesquelles il est possible de s’identifier. Des films qui nous émeuvent, nous font vibrer et continuent à nous faire ouvrir davantage les yeux sur ce monde qui entoure la mer méditerranéenne.

Laure Dion

European Film Awards 2024, les 5 courts-métrages nominés

Vous le savez peut-être. La European Film Academy (EFA) remet chaque année ses prix aux meilleurs films européens. Bonne info : le court-métrage fait partie des films primés. Pour établir une liste de courts-métrages, la European Film Academy collabore avec un certain nombre de festivals européens. Lors de chacun d’entre eux, un jury indépendant sélectionne un film qui est nominé dans la catégorie « courts métrages » des European Film Awards. Sur la liste complète des 28 candidats, les festivals participants viennent de nommer 5 films pour les European Film Awards, à retrouver ci-dessous. Les membres de la European Film Academy voteront pour décerner leurs gagnants qui seront annoncés le 7 décembre prochain à Lucerne.

Depuis cette année, l’Académie a conclu un partenariat avec la plateforme Vimeo. La catégorie des courts s’appelle désormais « European Short Film – Prix Vimeo » et le site web de l’Académie accueillera désormais de nombreux vidéos labellisées « Staff Picks » de Vimeo.

Les films nominés sont :

2720 réalisé par Basil da Cunha (Portugal, Suisse)

Boucan réalisé par Salomé Da Souza (France) qui a obtenu le Grand Prix du Festival Format Court 2024

La Fille qui explose réalisé par Caroline Poggi et Jonathan Vinel (France)

L’homme qui ne se taisait pas réalisé par Nebojša Slijepčević (Croatie, France, Bulgarie, Slovénie), Palme d’or du court-métrage 2024

Wander to Wonder de Nina Gantz (Pays-Bas, France, Belgique, Royaume-Uni)

Erwan Kepoa Falé : « Jouer des choses qui pouvaient se rapprocher de moi, a été parfois thérapeutique »

Erwan Kepoa Falé a joué dans Dustin de Naïla Guiguet, Prix Alice Guy au Festival Format Court en 2021, Révélé au grand public par son rôle d’ami protecteur dans Le Lycéen de Christophe Honoré, il était à l’affiche cet été de Eat the Night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel. Ce mois-ci, il était membre du jury de la compétition internationale longs métrages au FIFIB 2024. Le temps d’un entretien, nous sommes revenu.e.s sur le parcours de cet acteur prometteur, dont les rôles de personnalités en marge d’une société normée sont une nouvelle bouffée d’air frais dans le cinéma français.

© Jonathan Daniel Pryce

Format Court : Comment as-tu découvert le jeu ?

Erwan Kepoa Falé : C’est un peu arrivé comme ça. Ça m’est arrivé au début de la vingtaine. Je n’ai pas vraiment découvert le jeu en fait, on m’a surtout demandé de m’impliquer dans certains projets. Si on doit parler de découverte du jeu, je ne sais pas, j’en ai fait voir des vertes et des pas mûres à mes parents, j’ai joué un peu toute mon enfance pour pouvoir arriver à mes fins, du coup, le jeu je l’ai découvert comme ça (rires) !

Tu avais commencé par des courts-métrages ?

EKF : Le premier court métrage que j’ai fait, c’était pour une fille qui s’appelle Manon Vila (Akaboum, 2019) qui était en résidence d’écriture au début du FIFIB. C’était un film sur mon groupe d’amis à Cergy. Elle avait rencontré l’un de mes amis qui faisait de la musique et elle avait envie de le filmer et puis un peu de documenter nos vies à tous avec nos différents rêves, à chacun.

Il y avait donc dans ce film une approche documentaire ? 


EKF : Du documentaire légèrement fictionnalisé, un peu comme un teen movie.

Et comment as-tu vécu l’expérience de passer du court au long ?

EKF : Ça ne coulait pas de source parce que les courts que j’ai faits, c’était des demandes d’amis d’amis ou de gens de mon cercle d’amis. Quand je suis passé au long, je disais le contraire mais ça s’est quand même fait assez naturellement finalement. On m’a toujours demandé de faire des choses qui étaient, en tout cas identitairement parlant, des choses qui se rapprochaient de moi, de ma vie, donc j’y suis allé assez doucement, il n’y avait rien de trop perturbant.

« Akaboum »

Tu joues régulièrement des rôles de personnes queer, dans des films qui sont aussi queer, en terme d’identité, qu’est-ce que cela représente pour toi ?

EKF : Je n’ai jamais trop bataillé pour m’affirmer ou même été trop engagé dans toutes ces questions-là. Mais, en tout cas, le cinéma, et puis le fait qu’on m’ait demandé de représenter ces identités, ça m’a permis en toute simplicité de m’affirmer et de représenter des minorités, même si je n’aime pas trop ce nom, qui font partie de moi. Ça m’a permis facilement, tranquillement et avec quelque chose que j’aime faire de m’affirmer publiquement.

Il y a peu de films français avec des représentations de personnes queer et racisées. Est-ce que tu penses que c’est en train de changer ?

EKF : Oui, je pense un petit peu, même si en vrai, c’est quand même très lent. Il y a toujours des films ovnis qui apparaissent certaines années mais ça n’a jamais été très pérenne jusque là. C’est sûr que ça change un peu. Déjà moi, on me demande de travailler, je suis rentré dans le « game » comme on dit, donc même si ça avance doucement, oui ça va changer.

« Le Lycéen »

Est-ce que tu trouves que c’est libérateur de jouer ?

EKF : Oui, oui. Justement, parce que jouer des choses qui pouvaient se rapprocher de moi, a été, je pense, parfois thérapeutique. Je ne sais pas si j’avais besoin de me sauver de quoi que ce soit mais en tout cas oui, c’est libérateur grâce au fait juste de matérialiser ou alors de reproduire des choses que j’ai vécues.

Est-ce que tu aimerais passer derrière la caméra ?

EKF : Toutes mes velléités de cinéma, elles ont commencé par vouloir faire des films. Ce que j’ai vite « cuté » parce que voilà… Il faut que j’ai un peu plus confiance en moi. Mais oui, ça serait une belle suite de chemin.

« Dustin »

Tu fais partie du jury longs-métrages pour cette nouvelle édition du FIFIB, comment as-tu abordé cette compétition ?

EKF : C’était une super sélection, j’ai vu des choses qui m’ont touché. Et puis, j’étais avec un jury avec lequel la communication était simple donc j’ai abordé la chose assez simplement. On a aussi été super bien reçu.e.s, et, contrairement à tous les festivals que j’ai pu faire cette année ou cet été, c’est quand même très jeune.

Tu avais des attentes des films ?

EKF : Non, pas du tout. J’ai même été surpris. Ce sont des films produits mais qui sortent un peu des circuits classiques, soit des films indépendants, mais je ne m’attendais pas à ce que ça soit si « indépendant » et à avoir autant de films pertinents. J’ai été agréablement surpris.

« Eat the Night »

Quels sont tes projets à venir ? 


EKF : Je viens de terminer un long dans lequel j’ai un rôle secondaire, d’un réalisateur qui s’appelle Félix de Givry. C’est un film sur le harcèlement et la dépression chez les jeunes. Ce n’est pas un film triste mais c’est un sujet important et c’était beau de faire ça. Après le FIFIB, je m’en vais tourner un court métrage d’un couple de réalisateur.ice.s qui s’appelle Jeanne Frenkel et Cosme Castro. Et j’attends avec impatience de tourner enfin ce film de Jean-Sébastien Chauvin, que je connais depuis des années, et qui va réaliser un superbe film sur un amour perdu un peu fantomatique…

Pour finir, comment te définirais-tu ?

EKF : Je me définirais un peu tête en l’air, passionné, pas assez ambitieux mais ça, ça va avec mon côté tête en l’air. Comment je me définirais ? Les choses positives que je vois chez moi sont : être passionné, et puis les choses négatives : je suis maladroit, très maladroit.

Propos recueillis par Garance Alegria

Alexis Diop : « Les questions de l’empreinte et de la trace me fascinent »

Producteur, réalisateur et scénariste, Alexis Diop vient de présenter au FIFIB Adieu Emile, un court-métrage de fiction relatant la douloureuse rupture entre Emile et Tim sur les réseaux sociaux, ce dernier faisant aussi face au deuil de son propre père. Oscillant entre drame personnel et voyeurisme numérique, Adieu Emile est la suite libre de son précédent court-métrage de fiction Avant Tim, dans lequel le même personnage de Tim découvrait les archives VHS de ses parents avant sa naissance. Le film avait obtenu le Grand Prix Contrebande au FIFIB 2020. Retour sur ces deux films explorant les notions d’amour, de perte et de deuil au temps des empreintes filmiques troubles et des algorithmes.

© Nicolas Hrycaj

Format Court : Par les interfaces numériques frontales, Adieu Emile se présente comme une enquête virtuelle obsessionnelle, Tim vivant en parallèle la perte de son père. Comment t’est venue l’idée de traiter la rupture dans ce format ?

Alexis Diop : Ce qui m’intéressait, c’était de comprendre comment une rupture amoureuse pouvait réactiver le deuil d’un proche, en l’occurrence d’un père. Adieu Emile est autobiographique, comme l’était Avant Tim, centré autour de l’année 2018, durant laquelle j’ai perdu mon père en avril. Quelques mois plus tard, j’ai fait la rencontre d’un garçon avec qui j’ai eu une relation de six mois. La rupture a été dévastatrice pour moi : en regardant les choses rétrospectivement, je pense que la séparation a réactivé une douleur liée à la perte de mon père. Je me suis jeté à corps perdu dans cette histoire d’amour pour combler un vide. Une partie de notre relation était à distance, donc se passait sur les réseaux sociaux.

Adieu Emile est un projet très intime, et personnel. Après avoir raconté l’histoire d’amour des parents de Tim dans Avant Tim par les cassettes VHS, je voulais réfléchir à la façon dont les réseaux sociaux reconfigurent les relations interpersonnelles et amoureuses, et amplifient certains défauts comme la paranoïa, la jalousie et la comparaison. Dans Avant Tim, les VHS permettaient des effets d’accéléré et de retour en arrière, devenus dans Adieu Emile des swipes, des screenshots, des likes et des notifications. J’ai essayé d’intégrer les codes du digital pour raconter ce que j’appelle un “thriller émotionnel”, où les interfaces numériques sont comme une nuée venant assaillir le personnage principal, par exemple avec l’écran se resserrant progressivement en 9:16.

« Adieu Emile »

Dans ton précédent court-métrage Avant Tim, tu joues sur le format du documentaire : on a l’impression de regarder des rushs de VHS véritables, les acteurs jouent dans de très longues séquences, brouillant les frontières de la fiction et de l’archive.

A.D. : Avant Tim a été tourné sur un an ; nous avons commencé par filmer le monologue du père de Tim face caméra, puis ont suivi des allers-retours entre le tournage et l’écriture. Cela m’a permis de réajuster les personnages aux comédiens, d’une manière complètement différente que sur Adieu Emile qui était beaucoup plus scripté. Je m’intéresse aux notions de vrai et de faux, et aux reconstitutions de fausses archives de la façon la plus réaliste possible. Nous vivons dans une époque où il n’y a plus beaucoup de place pour l’ambiguïté et le trouble, et la fabrication d’images dont le statut interroge, perturbe le spectateur me tient à cœur car elles le mettent de fait dans une position active vis-à-vis du film.

Comment as-tu procédé au casting ? Connaissais-tu déjà les acteurs ?

A.D. : Non. J’avais repéré Arthur Beaudoire [Emile dans Adieu Emile] sur Instagram et l’ai rencontré quelques semaines après. Le choix fut assez évident, tandis que le choix de Tim [Benjamin Sulpice] a été plus difficile. Dans un récit autobiographique, il est compliqué de choisir la personne qui va nous incarner, de savoir prendre une certaine distance lorsqu’on le dirige. Le casting de Tim a été beaucoup plus conséquent, en deux tours, avec lecture de lettres, improvisations…

Le personnage de Tim est très touchant dans ses réactions et ses défauts. Comment prendre la distance nécessaire lorsqu’on écrit un personnage inspiré de soi ?

A.D. : Ce n’est pas évident. Il s’agit toujours de projets dans lesquels on s’investit à fond, sans concession. Il faut réussir à capter l’essence de l’intime de l’histoire personnelle, mais s’ensuivent toujours plusieurs couches de réécriture qui mettent à distance cette intimité. La construction dramaturgique à l’étape du scénario, le tournage avec des comédiens et le montage sont autant de décalages qui permettent d’avoir une perspective plus neutre et plus large sur sa propre histoire. C’est le vécu personnel qui touche les gens, certaines émotions traversent toutes les personnes ayant vécu le deuil et la rupture.

« Avant Tim »

Dans tes deux films, on retrouve les mêmes idées de perte, de rupture, de deuil. Ces thèmes seront-ils aussi centraux dans tes prochains films ?

A.D. : Adieu Emile et Avant Tim ont été écrits dans la même lancée, dans la même urgence. Mais il y a effectivement un chapitre qui va se clore avec Adieu Emile. Les questions du deuil, de l’absence et de la perte dans mes prochains films seront peut-être plus en retrait. Dans le projet de long métrage que je développe en ce moment à la Fémis, je me penche sur la manière dont l’emprise amoureuse peut faire vaciller la raison. Les personnages qui perdent pied par amour m’intéressent beaucoup.

L’univers virtuel des interfaces d’Adieu Emile est très riche, avec des faux comptes Instagram, de faux commentaires, de fausses stories, de faux messages. Combien de temps cela t’a-t-il pris de créer tout cet univers factice ?

A.D. : Il faut savoir qu’Adieu Emile est un film à petit budget, bien que produit, au contraire d’Avant Tim, qui était auto-produit. Je savais déjà qu’il allait y avoir un énorme travail de motion design, et qu’il faudrait retravailler les transitions, les heures du téléphone, la charge de batterie… Ce fut un travail monumental. Nous avons créé toutes les galeries photos du téléphone, Instagram et des fiches contacts moi-même. Puis cette base a été retravaillée et retouchée en détails. On a fait des incrustations, j’ai intégré des fonds verts dans la galerie photo pour faire des transitions. Ça a été un travail très long, trois personnes travaillant sur le motion design.

« Adieu Emile »

C’est la seconde fois que tu participes au FIFIB en tant qu’invité, Avant Tim ayant gagné le Grand Prix Contrebande. Que signifie produire de manière indépendante ?

A.D. : La question de l’indépendance est un sujet très vaste. J’ai créé une association de production, Les Films de l’Ermitage, pour avoir une entité juridique qui encadre le film. À l’époque, j’avais personnellement investi la moitié du budget d’Avant Tim, l’autre moitié provenait des subventions du département de l’Eure. J’ai adopté une méthodologie proche de celle du documentaire, avec huit jours de tournage répartis sur un an. Je suis d’ailleurs très reconnaissant de la confiance sans limite que m’ont accordés les deux comédiens des parents de Tim, Maude Sambuis et Benoît Michaud. Néanmoins, cette manière de faire n’a plus été possible lorsque nous sommes entrés dans les circuits traditionnels de production : pour Adieu Emile, il a fallu rationaliser le tournage. On a tourné sur deux sessions en été et en hiver, et les choses étaient plus cadrées. J’ai pu aller au bout de ce que je voulais avec les comédiens, même si on avait moins de marge d’expérimentation.

Tu as un usage très particulier du médium numérique ; tu réutilises les codes de la cassette VHS et des réseaux sociaux de manière singulière et intime, sans les parodier.

A.D. : Cela fait dix ans que je fais des films qui racontent l’histoire d’individus en miroir de celle des technologies. Je tiens beaucoup aux manières de raconter des trajectoires de vie par les technologies contemporaines à une époque. Je pense que chaque technologie témoigne de son temps et d’un regard sur le monde, sur l’intimité. Le rapport que les gens avaient à la VHS dans les années 80/90 est complètement différent de celui qu’on a au smartphone aujourd’hui. Je trouve ces sujets passionnants. Aujourd’hui, on filme tout et n’importe quoi avec le smartphone, grâce à la petite taille des appareils, aux immenses capacités de stockage et aux facilités de l’acte de filmage. Cette légèreté du dispositif du téléphone permet une utilisation illimitée et quasiment libérée de toute charge matérielle.

« Avant Tim »

Avec les réseaux sociaux, il est question d’une image de soi qu’on partage aux autres, ce qui était moins le cas des VHS privées.

A.D. : Oui, il existe un écart monumental entre ce qu’on vit de manière intime et la manière dont on se raconte sur les réseaux sociaux. Cela génère des dynamiques très toxiques de comparaison permanente qui gangrènent nos relations et nous mettent dans des états de dévalorisation de soi et d’anxiété. Je suis moi-même là-dedans, et je voudrais en sortir. Je ne me considère pas technophobe, ni contre les nouvelles technologies, mais il est important de comprendre comment ces dernières affectent nos relations interpersonnelles.

À l’heure des réseaux sociaux, qu’est-ce qu’on laisse vraiment derrière soi ?

A.D. : Les questions de l’empreinte et de la trace me fascinent. Je suis très matérialiste, j’accumule beaucoup d’objets notamment les photos et les VHS, qui ont à mes yeux une charge émotionnelle très forte. Dans Avant Tim, Tim découvre des images de ses parents heureux qu’il ne connaissait pas, et il en est bouleversé. Dans Adieu Emile, Tim se replonge de manière obsessionnelle dans les traces d’une relation qui n’existe plus. Aujourd’hui, tout ce qu’on poste sur Internet y demeurera potentiellement ad vitam eternam, et il est très difficile de savoir le destin qu’auront ces traces dans le futur. Il y a une mémoire collective qui s’est créé en ligne comme un monstre à dix têtes, qui préoccupe certains de mes proches mais qui ne m’effraie pas vraiment : j’ai décidé de lâcher prise. […]

Propos recueillis par Mona Affholder

François Robic : « J’ai l’impression qu’il ne faut pas avoir peur d’aller vers l’autre quand on fait des films »

Des Hommes désintéressés présenté cette année en compétition Contrebande, au FIFIB, est le premier long-métrage de François Robic. Son précédent court-métrage, Rien d’important, est en lice pour les César 2025. Il y filmait sa sœur dans le récit d’une journée buissonnière à la campagne. Accompagnée de sa cousine, elle fuyait son emploi d’éboueuse du dimanche pour déambuler dans son village natal. Rien d’important est un doux conte sur les espérances d’une jeunesse hagarde, bercé par une certaine nostalgie et porté par des questions introspectives sur l’avenir. Dans son nouveau film, Des Hommes désintéressés, François Robic revient sur la disparition de Julie Michel, survenu il a plus de 10 ans dans les Pyrénées ariégeoises. Avec tendresse et soucis du détail, il nous montre le quotidien de ses proches en quête de réponse pour qui l’affaire doit continuer. Entre routine et investigation, le film s’inscrit à l’opposée des représentations médiatiques usuelles des faits divers. François Robic dresse ici le portrait très personnel de ceux qui sont toujours là, qui attendent et qui espèrent.

Format Court : D’où est venue l’envie de parler de ce fait divers ?

François Robic : La genèse du film s’inscrit dans un moment un peu particulier qui est celui d’une thèse de recherche création que je fais à la Fémis, consacrée au rapport entre fait divers et territoire dans le cinéma documentaire – c’est un peu aussi la genèse du film qui m’a fait problématiser mon sujet de cette manière, les deux se sont faits à peu près en même temps – mais en tout cas, le cadre de production du film est à la base celui d’un film de thèse. Je m’intéresse à la question du fait divers depuis longtemps, en tant que spectateur mais aussi en tant que cinéaste, puisque j’écris un long métrage depuis plusieurs années sur une disparition dans les Pyrénées. Pour Des Hommes désintéressés, j’ai enquêté sur les disparitions autour de chez moi, pour voir laquelle je pourrais éventuellement traiter dans un film qui serait un documentaire, dans ma zone de travail qui est toujours celle où j’ai fait tous mes films : mon village et les alentours.

J’ai aussi vu un épisode d’une émission de fait divers à la télé sur cette affaire qui était traitée de manière très télévisuelle dans des codes qu’on connait, qui sont les codes des faits divers à la télévision. Dedans, il y avait la mère de Julie Michel (la disparue du film) qui témoignait, Betty Lefebvre, que je trouvais très touchante, et les enquêteurs bénévoles qui eux aussi prenaient la parole. Il y avait juste écrit « enquêteurs bénévoles » sur ma télé, et en fait, je me suis demandé qui ils étaient, pourquoi ils faisaient ça? C’est peut-être ça qui m’intéressait finalement, qui a agité l’envie du film.

Le fait que cela soit mon film de thèse, je pense, m’a aussi désinhibé parce que je ne sais pas si j’aurais osé, si je me serais senti légitime de faire un film sur ce sujet-là, de contacter des gens que je ne connaissais pas du tout, qui avaient vécu une chose si difficile. Là, je ne sais pas, ça m’a décoincé. Aujourd’hui, je suis content parce que j’ai l’impression qu’il ne faut pas avoir peur d’aller vers l’autre quand on fait des films même si ce sont des gens qui sont loin de nous, qui ont des problématiques qui ne sont pas les nôtres. Je pense que tant qu’on est sincère et qu’on est clair dans ses intentions il n’y a pas de problème.

Comment s’est passée la rencontre avec ces personnes ?

F.R : J’ai commencé par contacter Betty (la mère de Julie qui est la disparue du film) et je suis allé lui expliquer mon projet. Je ne voulais pas seulement qu’elle soit d’accord (si elle n’était pas d’accord, je ne faisais pas le film, c’était clair et net), je voulais vraiment qu’elle ait compris mon approche qui était de raconter une disparition et un fait divers d’un point de vue vraiment personnel et au plus proche de gens qui sont concernés, mais qui, en même temps, ne sont ni des avocats ni des policiers. Je ne voulais pas raconter ça depuis le prisme institutionnel parce qu’en fait, c’est presque tout le temps le cas dans la fiction mais dans le documentaire peut-être encore plus. C’est donc parti d’elle et après, j’ai rencontré notamment David qui est enquêteur bénévole depuis 6, 7 ans. Évidemment, la figure de l’enquêteur bénévole est quelque chose qui m’a beaucoup intéressé parce que je trouvais ça très mystérieux et j’avais envie de comprendre pourquoi il faisait ça.

« Des Hommes désintéressés « 

Ce film fait preuve d’une grande empathie envers ses personnages, ce qui contraste avec, comme tu le disais, ce que l’on voit d’habitude des faits divers à la télévision, une forme de voyeurisme en plus de quelque chose de très formaté. Comment as-tu abordé cette mise en scène et comment es-tu arrivé à créer cette proximité avec les personnages ?

F.R : Je pense que dans le documentaire il y a toujours du voyeurisme. Je pense aussi que la frontière entre voyeurisme, curiosité, intérêt et empathie, tout ça est poreux. Je crois qu’à un moment donné, quand on s’intéresse vraiment aux choses, ce n’est plus du voyeurisme. Les émissions dont on parle abordent ces sujets-là et ces histoires-là de manière peut-être plus succincte et l’idée n’est pas d’aller vraiment rencontrer les gens, de comprendre ce qu’ils ressentent, c’est de raconter des faits d’une manière qui est souvent très fictionnelle. Ce n’est pas forcément une critique, je suis évidemment grand consommateur de ce genre de contenu, si je suis amené à faire un film pareil, ce n’est pas un hasard non plus, même si je le fais différemment je pense.

Betty essaie aujourd’hui de trouver des réponses et les médias sont un peu son seul moyen d’action. Je savais qu’elle avait déjà participé à des émissions et je trouvais que c’était intéressant aussi de montrer quelqu’un qui, à cause de son histoire qui devient fait divers, est mis face au système médiatique qu’on connait du récit de ces faits-là, et ça, c’est très présent dans le film parce qu’on la voit se faire filmer par des journalistes, participer à une émission. Sinon, pour la question de la proximité, je pense que la grande différence, c’est la question du temps. J’ai filmé tout seul, avec un ingénieur du son qui m’a rejoint sur la moitié du tournage. J’ai passé plusieurs mois avec les personnes que je filme, j’ai filmé énormément de choses qui ne sont pas dans le film. Mon angle, c’était vraiment de raconter l’histoire de cette disparition mais toujours d’un point de vue personnel.

On parlait de l’aspect visuel, je trouve qu’il y a une certaine continuité à l’image avec un de tes précédents courts métrages qui est Rien d’important

F.R : C’est la même caméra et les mêmes optiques (rires) !

« Rien d’important »

Comment as-tu travaillé cette image ?

F.R : En fait, Rien d’important est un film que j’avais fait dans une économie très légère où j’avais travaillé pour le coup avec une cheffe opératrice qui s’appelle Pauline Doméjean, donc ce n’est pas moi qui filmait, mais on avait réfléchi ensemble à un dispositif très léger qui était celui d’un appareil photo avec des optiques argentiques dessus, pour avoir à la fois quelque chose de discret, malléable, qu’elle pouvait utiliser toute seule, mais en même temps qui avait un grain, une texture des objectifs qui nous intéressaient. On avait pensé ensemble cette configuration-là que je trouvais assez bonne. J’aimais bien l’image du film et on avait filmé en quatre tiers parce que Rien d’important, c’est un film qui, pour moi, est un film de gros plans et de plans larges et je trouve que le quatre tiers est vraiment le format de ces deux valeurs de plans. Là, quand je suis parti en tournage, un peu en catastrophe, tout seul, j’ai un peu repris la même configuration parce que je la connaissais, j’étais à l’aise avec et aussi, je pense que ça permettait à la fois une mise en scène du paysage de montagne, qui se filme bien en quatre tiers parce que c’est un format pratiquement aussi haut que large, donc c’est le bon format pour les paysages qui sont les miens, et puis ça invite à se rapprocher très près des personnes que l’on filme. Donc, cet aller-retour est intéressant et il me semblait bien correspondre au film que je voulais faire qui raconte cette affaire de disparition, ce lieu hyper particulier que je connais bien, et tout ça, dans une logique de grande proximité et de configuration caméra qui est malléable et qui correspondait à un tournage tel que celui que j’ai fait.

Quel était le rapport entre le fait de faire un film, donc l’objet filmique, et ce que ces personnes ont perçu de ce processus ?

F.R : Je leur avais vraiment expliqué avant la façon dont je voulais faire les chose. Mais, forcément, ce ne sont pas des cinéastes donc, ils avaient évidemment compris ce que je leur racontais, mais tout ça était un peu abstrait avant qu’ils voient le film. À la fin du montage, donc avant de finir la post-production et que les choses se verrouillent avec l’étalonnage, le montage son et le mixage, je suis allé leur montrer le film. Il n’y a pas eu d’écart entre ce que je leur avais expliqué, ce qu’ils attendaient et ce qu’ils ont vu. Je pense qu’ils ont vraiment senti que l’intérêt de ce film n’était pas uniquement de raconter cette histoire et de la médiatiser mais aussi, de la montrer d’un point de vue différent, qui est le cœur de ma réflexion de mise en scène. J’avais peur au début de filmer des gens qui connaissaient l’exercice audiovisuel du côté média et pas du côté cinéma, parce que je me disais qu’il y allait avoir des choses à déconstruire chez eux, sur la façon qu’ils avaient de me raconter l’histoire. Je ne voulais pas qu’ils me racontent les choses sous la forme d’entretiens face caméra. Je me suis dit qu’il y allait avoir des choses à déconstruire et, au final, pas tellement. Le fait qu’il y ait aussi eu au cours du tournage des émissions, m’a permis de montrer comment elles sont faites, j’espère pas trop de manière manichéenne non plus. Les journalistes qui viennent les interroger sont là pour faire du contenu, qui certes est très cliché à certains égards, pas toujours très fin et c’est du divertissement à partir d’histoires qui sont tragiques, mais pour des personnes comme Betty ou David, ce sont des choses qui leur servent aussi. Donc, c’est compliqué d’avoir cette subtilité dans la façon dont je les montre, aussi parce que c’est très violent de voir des journalistes qui travaillent avec des gens qui ont vécu des choses aussi dures. J’ai donc essayé de les montrer dans la violence de cet exercice médiatique, sans dénigrer non plus complètement cette chose.

« Des hommes désinteressés »

Parallèlement à cet exercice technique, à cette déconstruction, est-ce que ces personnes avaient aussi, même inconsciemment, des attentes avec ton film pour remettre en lumière l’affaire ?

F.R : J’avais très peur de faire le film et j’ai rencontré un documentariste qui s’appelle Didier Cros pour lui poser des questions, parce que je sais que c’est quelqu’un qui fait souvent des films sur des gens qui ne lui sont pas forcément très proches, parfois sur des sujets difficiles. J’avais vu un film qu’il a fait qui s’appelle La Disgrâce sur des personnes qui ont été lourdement défigurées. J’étais allé le rencontrer pour lui demander un petit peu comment il procédait, parce que moi j’avais juste fait un documentaire sur ma soeur donc c’était hyper particulier, c’était un exercice très différent, en tout cas dans l’approche des gens. Il m’avait dit : « Il faut comprendre pourquoi les gens veulent faire le film, quelle est leur raison, parce qu’ils en ont forcément une s’ils acceptent de faire ça. Il faut la connaître, l’accepter, mais il faut aussi leur expliquer pourquoi toi tu fais le film et ne pas leur mentir sur quoi que ce soit ». Au début, ils [Betty et David] n’avaient pas compris que c’était plutôt du cinéma que du journalisme. Ils m’ont dit « oui c’est bien parce que ça va permettre de médiatiser et nous on veut toujours médiatiser notre combat ». Je leur ai dit que je ne pouvais pas garantir que le film soit beaucoup vu. Je ne pense pas qu’il passera à la télévision, je ne peux pas garantir aussi qu’il sortira au cinéma, je n’en sais rien. J’espère qu’il sera vu par un public de cinéphiles dans des festivals de cinéma documentaire ou de cinéma plus généraliste. « Si vous acceptez de faire le film, vous acceptez aussi de le faire en sachant ça », je leur ai dit dès la première fois que je les ai rencontrés. C’était très clair dès le début et je pense que c’était quelque chose que je leur devais éthiquement.

Que peux-tu dire de l’exercice de passer du court au long ? Même si tu écris depuis un moment un long métrage…

F.R : C’était un tournage par session, ce n’était pas en continu donc je tournais une semaine, j’arrêtais une semaine, je repartais trois jours… C’est un film pour lequel j’ai pas mal sillonné la France : je suis allé en Bretagne, à Auxerre, en Ariège, en Espagne. Le montage du film a duré très longtemps. La monteuse était évidemment ma première collaboratrice dans l’écriture du film. On a dérushé après chaque session de tournage et on a écrit un espèce de scénario documentaire au fil du tournage. Je dois dire que le montage d’un film long, d’un film qui dure 1h, est une autre échelle dramaturgique que j’ai découverte en faisant le film et que j’ai trouvée différente en terme d’intensité et d’ampleur de narration de ce que j’avais pu connaître en court métrage.

« Des hommes désintéressés »

Il y a des chapitres dans ton film, on sent qu’il y a une trame narrative, comment cette écriture « fictionnelle » s’est constituée parallèlement à filmer le réel ?

F.R : En fait, l’enjeu de montage de Des Hommes désintéressés était d’arriver à traiter à la fois le récit du fait divers, qui est cette disparition, et en même temps, le portrait des personnes qui sont filmées, d’articuler l’émotion, le récit intime avec le récit de l’ordre de l’enquête. Ça, c’était vraiment la réflexion au montage, c’est un peu ce qui nous a guidés je crois. L’idée de chapitrer le film est venue en montage parce que c’était une manière de l’ordonner et aussi d’affirmer ma position de cinéaste et de narrateur de manière plus assumée et presque plus autoritaire. Le fait de chapitrer le film, c’est là pour nous dire : il y a un cinéaste documentaire qui a réordonné cette histoire et qui nous la raconte, ce n’est pas caché, et ça, c’était important pour moi.

Et maintenant, quels sont tes projets?

F.R : J’ai terminé l’écriture d’un long métrage de fiction qui s’intitule Le Royaume des aveugles, qui est en cours de production et que j’espère tourner l’année prochaine, au printemps, si tout se passe bien.

Propos recueillis par Garance Alegria

Cinemed 2024

La 46 édition du festival international de cinéma méditerranéen, Cinemed à débuté vendredi soir à Montpellier avec l’avant-première du film Prima la vita de la réalisatrice italienne Fransesca Comencini. Fondé en en 1979 à Montpellier, Cinemed projette des films issus du bassin méditerranéen depuis 46 ans. Le festival met un point d’honneur à représenter des longs et courts-métrages qui révèlent la richesse et la diversité culturelle des différentes régions d’Europe du Sud, d’Afrique du Nord et du Proche-Orient. Au-delà de la beauté des paysages méditerranéens, les cinéastes nous offrent un véritable portrait subtil et complexe du monde méditerranéen, révélant leurs réalités contemporaines.

Dans ce climat de guerre et conflit, il est plus que jamais primordial d’avoir accès à ces regards, à ces dialogues et à ces témoignages. Pour le Président du festival Leoluca Orlando, la Méditerranée “est un petit bout de mer que l’on ne veut plus considérer comme une mer qui divise les peuples entre génocides sur terre et sur mer, mais comme un continent d’eau, un continent liquide qui envoie un message de liberté, d’égalité et de fraternité, un continent riche de cultures et d’histoires qui peut unir les peuples.”

Cette année, le festival met également le Maroc à l’honneur avec une rétrospective sur “l’audace du jeune cinéma marocain”. Des longs et courts métrages mêlant différent genres et registres qui constituent la nouvelle vague marocaine.

Laure Dion

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Nos 3 coups de cœur à Cinemed

Rémi Brachet : « Il faut réfléchir à la manière de casser son regard »

Scénariste et réalisateur, Rémi Brachet vient de présenter Chère Louise, un film sur l’histoire imaginée de son arrière grand-mère tuée par son mari en 1949, sélectionné en compétition officielle courts métrages du 13e FIFIB (Festival International du Film Indépendant de Bordeaux). On y suit Louise en 1968, en vacances dans un camping en Italie avec son fils et ses petits-enfants, et la vie qu’elle aurait eu si elle n’avait pas été assassinée vingt ans plus tôt. Retour sur son travail et son approche, en regard de son film documentaire La Fin des Rois qui se penche sur la condition des habitantes dans la ville Clichy-sous-Bois en 2019.

Format Court : Dans Chère Louise, tu mets en scène le personnage de ton arrière-grand-mère en 1968, en imaginant les vacances qu’elle aurait pu connaître si elle avait vécu. Comment as-tu développé cette idée de scénario ?

Rémi Brachet : C’était d’abord conjoncturel : à la base, je mène cette enquête aux archives lors de mes études à la Fémis en 2014 en parallèle de mes autres activités professionnelles. J’ai d’abord été curieux après être tombé sur un article du journal Le Parisien de 1949 qui relatait le meurtre de mon arrière-grand-mère par son mari. Ma mère l’avait conservé lorsqu’elle a appris ce secret de famille. J’avais 14 ans à l’époque. De là, je commence à trouver plein d’articles de journaux, je vais voir les fiches d’état civil, je commence à trouver des choses sur mon arrière-grand-mère que je ne connaissais pas, comme le fait qu’elle était divorcée par exemple. Certains éléments étaient classés aux archives publiques, et ça ne s’arrêtait pas : plus je cherchais, plus je trouvais. Une fois l’histoire reconstituée, j’en ai parlé à mon grand-père, qui s’est beaucoup confié au fur et à mesure que je lui apprenais des choses. Ce travail s’est fait en pointillé, sans que je l’ai destiné à quoi que ce soit, je ne me disais pas que j’allais en faire un film. En 2020, mon grand-père décède. Je venais de finir mon film La Fin des Rois, puis je me suis rompu le tendon d’Achille, deux fois, le même. La guérison fut très longue, j’ai eu du temps. À l’époque, j’essayais de concevoir un long-métrage/documentaire, mais mon grand-père était mort, je manquais d’image : un truc classique ne marchait pas. Et puis je me suis dit : “Qu’est-ce qui se serait passé si elle avait vécu ? Qu’est-ce qu’un féminicide ?”. Quand les enfants en parlent, ils disent souvent qu’ils sont tristes de ne pas avoir vécu plus de choses avec leur mère. Je savais qu’il y avait quelque chose à faire avec l’uchronie.

Justement, comment écrit-on une uchronie ?

RB : Ce qui était cadrant, c’est qu’il n’y avait pas de changement de réalité. Je voulais imaginer mon arrière-grand-mère à 70 ans en 1968, dans notre réalité. Concernant son histoire, j’avais une sorte de fiche de personnage. Je savais qui elle était, et ce qu’elle ne pouvait pas être. Dans ma tête, c’était une femme qui n’aurait probablement pas beaucoup voyagé dans sa jeunesse, son fils (mon grand-père) serait resté avec sa première femme bourgeoise, qui aurait les moyens d’emmener sa mère en Italie. Et puis, j’ai imaginé quelles seraient ses vacances, ce qu’elle se serait autorisée.

« Chère Louise »

Que signifie produire de manière indépendante ?

RB : Lorsqu’on fait du court-métrage, il faut trouver les ressources pour vivre. Il faut trouver d’autres projets, se mettre sur d’autres activités. Il faut s’accorder du temps, que j’ai eu lors de ma blessure. Puis, j’ai écrit le film quand mon fils est né, ce qui m’a laissé du temps en sortant du congé paternité. Avec Chère Louise, on a suivi les parcours classiques de financement, avec le CNC par exemple. L’indépendance signifie que ton budget est contraint : tous tes choix artistiques doivent être faits pour maximiser l’usage de ton argent. Tourner en Italie était cher, donc on a tourné une partie en France. La voiture d’époque, les costumes, sont rares. Le cadre des vacances dans un camping simplifiait les choses, au contraire d’un tournage à Rome par exemple. C’est pour ça que je trouve la conception d’un film indépendant super intéressante : on projette des choses très intimes, avec des problèmes très pratiques, comme la création de décors, les cachets des acteurs…

En 2019, tu as fait une résidence de 8 mois dans le cadre d’un Contrat Local d’Éducation Artistique (CLEA) des Ateliers Médicis. Tu en as fait un moyen-métrage, La Fin des Rois, qui se penche sur la condition des femmes à Clichy-sous-Bois. Pourquoi as-tu candidaté ?

RB : J’avais déjà fait une résidence avec les Ateliers Médicis, dans une structure basée à Montfermeil et qui vise à rapprocher de structures culturelles les habitants qui en sont éloignés, pour créer un lien entre l’urbanité et la ruralité. La première fois, c’était dans une école au fond de la Moselle. En 2019, j’ai vu un appel d’offres dans le territoire de Clichy-Sous-Bois. J’avais un peu de temps, je me suis dit : “Pourquoi pas ?”. Ce que j’ai adoré dans le processus de réalisation, c’est le fait d’avoir du temps pour rencontrer les gens et passer énormément de temps avec eux sans la caméra. C’était un luxe.

« La Fin des Rois »

Dans La Fin des Rois, tu suis un atelier de théâtre dans un lycée, mais tu filmes des scènes d’une rare intimité, comme de véritables accouchements. Tu vas dans les appartements des gens, tu travailles avec les services municipaux… Il doit y avoir un travail de dialogue énorme.

RB : Oui. Par exemple, les services d’hygiène allaient dans les résidences dans un état de dégradation horrible, si bien qu’on ne les a pas montrés. Comme avec les accouchements, on ne sait pas qui on va rencontrer. À la différence de l’atelier avec les lycéens, on ne peut pas “pré-travailler” avec de vraies personnes. Le lien se fait avec les gens qui t’introduisent dans le lieu. Certaines personnes n’ont pas accepté qu’on filme chez eux, quand d’autres le faisaient en se disant que c’était l’une des missions du service hygiène, voire que ça allait les aider dans leurs démarches. L’enjeu était d’arriver chez les gens, se mettre dans un endroit sans les gêner. Être là était déjà une forme de violence ; ça nous a incité à une forme de pudeur.

Tu as beaucoup collaboré avec Héloïse Pelloquet, notamment sur La Passagère, Côté Cœur, Comme une grande et L’Âge des sirènes, que nous avions couvert à Format Court. Comment est-ce qu’on co-écrit une histoire ?

RB : Héloïse est ma compagne ; même si ça pourrait poser problème, on travaille souvent sur les mêmes projets : en tant que monteuse, elle a monté La Fin des Rois. Elle travaille avec les mêmes techniciens, les mêmes équipes depuis ses débuts. On retrouve les mêmes personnages, dans les mêmes territoires. Avec Imane [Imane Laurence, qui joue régulièrement dans les films d’H.Pelloquet], ça a été un travail de composition pour une actrice de 16/17 ans qui changeait. Dans La Passagère, un des seconds rôles, Jean-Pierre Couton (qui joue Tony), est un vrai sauveteur en mer, qu’on retrouve dans L’Âge des Sirènes. Le rôle a vraiment été écrit pour lui.

Vous partez des personnages, et vous créez des histoires autour.

RB : Je dirais même qu’on part des personnes. Dans La Fin des Rois, on part de vrais gens et on raconte quelque chose d’eux. Je trouve que ça permet d’être plus juste d’un point de vue moral et éthique. Partir de personnes qui existent est un garde-fou narratif et éthique. Cela crée une relation respectueuse entre toi et les gens que tu filmes.

« Comme une grande »

Je me souviens avoir été très touchée de la justesse des personnages des jeunes filles qui grandissent dans les courts que tu as co-écrit avec Heloïse. En tant qu’homme, comment imagine-t-on ces regards ?

RB : Ce sont des questions passionnantes. Déjà, c’est Héloïse qui réalise, qui travaille elle-même avec des équipes masculines. Je pense qu’il faut réfléchir à la manière de casser son regard. Par exemple, c’est très pertinent de penser le male gaze, mais ça reste un concept ; il n’y a pas d’omnipotence du regard du réalisateur ou de la réalisatrice sur un sujet. Le système a permis certains comportements à cause d’une politique des auteurs exacerbée, sans contre-pouvoir, alors qu’il y a de fait des rapports de domination sur les plateaux de tournages. Changer les comportements signifie aussi reconnaître les apports de chacun dans une œuvre collective. Par exemple, travailler avec des cheffes opératrices décentre le regard.

On peut réussir à redéfinir la construction du regard au cinéma en associant mieux les équipes, en arrêtant la toute-puissance de l’auteur lors du tournage, qui impose son désir aux comédiens. Ce n’est jamais que ton regard d’homme en tant qu’individu : la notion de désir n’est pertinente que si elle est pensée collectivement.

Pour Héloïse, c’est le contraire, et cela lui permet d’avoir plusieurs regards sur ce qu’elle fait. Il est important d’avoir le ressenti des gens, notamment des monteuses, sur certains plans, qui peuvent porter une certaine violence de représentation. Comment, en tant qu’homme blanc cis, changer la manière dont on regarde les choses ? Dans La Fin des Rois, je voulais me pencher sur la question du genre en banlieue, mais ce sont les habitantes qui m’ont guidé, et qui m’ont questionné sur la manière de filmer les gens indépendamment de leur genre, de leur origine. Car les films qui me touchent le plus sont ceux où les gens ne sont pas essentialisés. […] Par exemple, je trouve que le regard posé sur Arletty dans Les Enfants du Paradis en fait une figure forte. Mais il ne suffit pas d’être une femme pour penser les personnages féminins : l’enjeu principal est de décortiquer les rapports de domination et de représentation, et de les changer.

Pour décortiquer des rapports de force, il faut d’abord les conscientiser.

RB : Oui, et cela passe par la diversité des équipes. Certes, les choses changent du côté des comédiens, mais les scénaristes ou les chefs-opérateurs sont souvent des hommes blancs. Il s’agit aussi de permettre à des gens de tous horizons de faire davantage de films pour multiplier les regards. Pour moi, ça passe même jusqu’aux stagiaires qu’on choisit sur un plateau, sur la diversité des regards qu’on aura.

« Chère Louise »

Dans Chère Louise, le féminicide est traité comme un tabou absolu. Dans La Fin des Rois, lorsqu’on demande à Ouahiba, lycéenne, pourquoi elle s’est tue après son agression, elle répond que “les gens n’ont pas à savoir”. Comment comprendre le silence de la violence contre les femmes ?

RB : Pour moi, il s’agit d’abord des rapports de force et de domination. Est-ce qu’il y a la place, dans notre société, pour accueillir ces discours ? On le voit dans le procès de Mazan, combien il est difficile d’être crue et entendue. La société n’est pas prête à entendre cela. Cela me touche, car c’est une forme de responsabilité collective qu’on a de réussir à écouter. Je pense que Ouahiba, qui s’est affirmée au montage comme un personnage principal, se sentait assez en confiance pour se confier à nous sur son agression, puis à la caméra, ce qui a aussi été le cas de mon grand-père qui s’est senti assez en confiance pour se confier sur sa propre mère. […] Oui, je suis touché par la violence et le secret, et l’incapacité à les formuler et à les digérer en tant que société.

Propos recueillis par Mona Affholder

Focus sur la Lituanie au FIFIB 2024

Cette année, le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux a mis à l’honneur la Lituanie à travers une programmation de courts-métrages variés. Entre le 8 et le 13 octobre, le programme « Le Vacarme des murmures » a exploré les facettes du cinéma lituanien contemporain entre expérimentation, fiction et documentaire. Focus sur trois coups de cœur.

Techno, Mama, Saulius Baradinskas (2021)

Techno, Mama est une fiction de 18 minutes de Saulius Baradinskas centrée autour de Nikita, passionné de musique techno qui n’a qu’un seul objectif, quitter sa Lituanie natale pour aller à Berlin et fréquenter le mythique club Berghain. Entre-temps, Nikita fait des ménages avec sa mère, qui, en plus de le priver de son argent, l’abuse verbalement et physiquement.

Présenté en avant-première en 2021 à la 78ème édition du Festival de Venise, il s’agit du second court-métrage de Saulius Baradinskas, qui place la relation mère-fils et le mal-être de la jeunesse lituanienne étouffée au cœur de son récit. Les jeux de miroirs et les plans rapprochés participent à cette urgence anxiogène de fuite, où la techno est à la fois drogue et sevrage de la réalité insipide de Nikita. Dans ces espaces visuellement claustrophobes, dont l’exiguïté est accentuée par le format carré 1.33 du film, la techno en tant qu’entité à part entière existe de manière puissante.

Entre les barres d’immeubles impersonnelles et déprimantes et les maisons luxueuses que Nikita et sa mère doivent nettoyer, c’est dans les hangars industriels que Nikita se libère réellement dans la musique, laisse s’exprimer sans aucune contrainte son corps, ses désirs et son esprit. Techno, Mama est un film dense et explosif, empli de violence et agressif, ode à la liberté de la jeunesse lituanienne.

Community Gardens, Vytautas Katkus (2019)

Présenté à la Semaine de la Critique 2019, Community Gardens est l’histoire d’une relation entre un père et son fils lors d’un été dans des jardins partagés, ces endroits investis par les urbains cherchant à se déconnecter quelques jours auxquels le titre fait directement référence.

Sans passé ni futur, les protagonistes n’ont ni prénom ni histoire. La chaleur de la palette chromatique et les paysages champêtres composent une toile bucolique d’un été irréel, dont les bords fluides et mouvants de la caméra feraient presque penser aux décors de Varda dans Le Bonheur. Lorsqu’un feu ravage une des maisons, le fils sera amené à reconsidérer ses proches, indifférents et inutiles devant la tragédie qui se joue devant eux.

Si la légèreté des hommes prêtent à sourire au milieu des flammes, Community Gardens est un portrait subtil de la société patriarcale lituanienne qui peine paradoxalement à faire communauté avec ses fils, ses femmes et ses voisins, et dont la nonchalance désintègre silencieusement les liens familiaux. Un conte d’été acerbe et poétique à regarder.

Feedback, Simona Žemaitytė (2022)

Lituanie soviétique, 1988. Un jeune artiste, Saulius Čemolonskas, décide de fuir l’URSS pour s’installer en Angleterre. Des images d’archives sur plusieurs décennies oscillent entre documentaire et expérimental, où les moments erratiques de sa vie quotidienne sont filmés avec grande tendresse dans Feedback de Simona Žemaitytė.

Sur 19 minutes, la réalisatrice, monteuse et professeure met en scène ces archives crues et intimes d’un avant-gardiste musical qui s’est retrouvé apatride malgré lui, artiste génial de la scène expérimentale underground londonienne et réfugié politique au tournant du XXIe siècle.

Des bruits assourdissants cohabitent avec des mélodies harmonieuses pour tisser un récit décousu, notamment à travers les mots d’une de ses plus proches collaboratrices, Laure Prouvost, qui font irruption au milieu du film. Également présenté à l’édition 2022 du Vilnius Short Film Festival, Feedback est un hommage touchant à un artiste que la Lituanie a malheureusement perdu.

Mona Affholder