Elena López Riera : « On n’habite pas de façon individuelle les histoires du monde »

Auréolée du César du meilleur court métrage documentaire pour Les fiancées du Sud, par écrans interposés, Elena López Riera revient sur sa filmographie attentive aux portraits de femmes et à loralité des récits. Elle nous parle de ses inspirations, ses envies, le féminisme et l’intime. Après trois courts-métrages, et un long-métrage de fiction, El Agua, elle revient au court-métrage avec un documentaire qui donne un espace de parole à des femmes matures sur l’amour, le mariage, le désir, couplé à une attention particulière vis-à-vis des gestes et rituels des archives de mariage. Avec une voix tendrement rauque, un bel accent qui n’éclipse pas sa parfaite maîtrise de la langue française, elle se livre tout sourire au jeu de l’entretien, dévoilant avec générosité ses obsessions d’artiste.

Format Court : Vous avez fait une thèse sur le cinéma argentin, vous avez enseigné la littérature comparée. Comment en êtes-vous arrivée au cinéma ? Qu’est-ce que le milieu universitaire a pu permettre dans votre parcours créatif, quelles en sont les traces dans votre cinéma ?

Elena López Riera : Je ne sais pas précisément quelles sont les traces, puisque pour moi, la pratique et la théorie vont toujours ensemble. Je ne peux pas faire du cinéma sans y penser, je ne peux pas penser le cinéma sans le faire. Finalement, c’est construire des discours, interroger le langage. Pour moi, vraiment, il n’y a pas beaucoup de différences entre la théorie et la pratique. J’imagine que ça m’a beaucoup servi aussi pour étudier le cinéma d’autres personnes et pour réfléchir sur les choix qu’on fait, surtout, je pense, au montage.

Faire du cinéma en Espagne aujourd’hui, qu’est-ce que cela implique comme enjeux ? Qu’est-ce qui a déterminé le choix de la co-production avec la France et la Suisse pour ce court-métrage ?

ELR : J’ai vécu longtemps entre Paris et Genève. C’est toujours le cas d’ailleurs. Pour moi, c’est complètement organique de travailler avec les trois pays qui m’ont accueillie, la Suisse pour faire mes études de doctorat et la France parce que j’ai beaucoup habité à Paris, j’adore Paris et que j’ai quand même baigné dans le cinéma français. C’est une partie de ma culture et de mon éducation sentimentale. Aussi parce que j’ai trouvé les bonnes personnes qui m’accompagnent et avec lesquelles j’ai grandi. Je ne conçois pas de continuer à faire des films sans mes partenaires, Alina Films du côté suisse et les Films du Worso du côté français. Pour moi, la co-production, ça a plus de sens que d’avoir de l’argent ici ou là, c’est vraiment une question personnelle.

Après trois courts-métrages, Pueblo, Las vísceras et Los que desean, vous réalisez un long-métrage, El Agua, sélectionné à la Quinzaine des cinéastes du Festival de Cannes en 2022. Avec les Fiancées du Sud, vous revenez au court-métrage. Pourquoi ? Qu’est-ce que ce format signifie pour vous ?

ELR : C’est une question qui revient souvent. J’ai envie de répondre, pourquoi pas. Le cinéma, c’est le cinéma, peu importe si ça dure dix minutes, cinq ou trois heures. Je ne me pose jamais des questions comme ça, spécialement pour ce film-là, qui est conçu d’une façon aussi viscérale, nécessaire et urgente. C’est un moment de ma vie où j’avais besoin de me confronter à ce sujet-là, à ces questions-là. Et du coup, je n’ai vraiment pas beaucoup pensé à la production, déjà. Même à la réalisation. Enfin, vraiment, c’était un film qui a été fait dans l’urgence de le faire. Ça dure le temps qu’on a estimé que ça devait durer avec mes monteuses. J’ai mis le même cœur, le même effort. C’est vraiment une question qui n’aurait jamais dû se poser dans le cinéma, puisque les premiers films sont des courts-métrages. Pour moi, c’est juste l’industrie qui dit qu’il y a des durées qui sont aptes pour sortir en salle et d’autres durées qui ne le sont pas. Pour ce film, j’ai eu la grande joie de pouvoir le sortir en salle commerciale en Espagne, en Colombie, bientôt peut-être en Suisse et au Mexique, et le public répond. Je pense que le public est plus audacieux et plus intelligent qu’on ne le pense. C’est du cinéma, point barre. Enfin, voilà, pour moi, la question ne se pose pas là. C’est vraiment une énorme fierté de pouvoir dire aujourd’hui qu’on l’a sorti au cinéma en salle, que les gens y vont. Le public change aussi. On vit dans ce monde où on est entouré de plusieurs formes de dispositifs, de durées, etc. Je pense que c’est plus les exploitants et les distributeurs qui se posent la question que le public. La preuve, c’est ce film.

Témoignages face caméra autour de récits, utilisation d’images d’archives, importance des personnages de femmes : il y a d’El Agua votre premier long métrage de fiction aux Fiancées du Sud des choses qui se sont transmises au niveau de la forme, comme du ton résolument féminin donné au film. Comment votre premier long métrage de fiction a pu nourrir ce court métrage ?

ELR : Ce sont des sujets que j’ai toujours plus ou moins abordés. Ça m’intéresse beaucoup d’interroger comment dans les espaces publics on a été quelque sorte forcés à performer une certaine masculinité, une certaine féminité. Heureusement c’est en train de changer mais je pense qu’il y a quand même une mise en scène de genres. Pour ce film, il y a une nouvelle dimension qui s’est ajoutée après El Agua, c’est l’oralité et la défense d’une parole qui ne se croit pas nécessaire. C’est ça qui m’inquiète beaucoup. Pour El Agua, on a fait beaucoup de castings pour ces femmes qui parlent face caméra et pour 99% de ces femmes la réponse était : “ Je ne peux pas faire le film parce que je ne sais pas parler.” Ça m’a choquée, ça m’a vraiment bouleversée, brisée en mille morceaux parce que je me suis dit : “Quel genre de société on est pour faire croire à des personnes qui sont factuellement en train de parler qu’elles pensent qu’elles ne savent pas le faire.” Je parle beaucoup de langage quand je parle de préparation de films parce que c’est dans cette phrase prononcée d’une façon peut-être anodine, légère, qu’ il y a pour moi une problématique qui est extrêmement délicate et qui me préoccupe beaucoup. C’est pour ça que j’ai voulu faire un film un peu old school. Les témoignages face caméra dans le domaine du documentaire c’est quelque chose qui est banni, moi je n’ai pas trouvé d’autres idées de mise en scène plus justes. Je n’ai pas trouvé de meilleure solution que juste filmer la parole, en toute simplicité, dans sa brutalité. Ça a été très important de revenir à une source d’un cinéma que j’admire et je ne suis évidemment pas la première à l’avoir filmé comme ça mais j’ai l’impression que de nos jours ça se fait peu.

Dans ce court-métrage, le cinéma devient une mosaïque, constituée de divers fragments, de témoignages de femmes. De ces récits individuels, vous souhaitiez tisser un souffle féminin universel ?

ELR : Oui, d’un côté oui. Pour nous dans le travail de montage qui était extrêmement important, on a beaucoup interrogé ces archives domestiques, familiales et elles nous ont parlé. On avait des a priori, des hypothèses. Très souvent l’image du mariage est réduite à l’image de la fiancée, c’est comme un symptôme de toute la problématique qui vient derrière. Dans toutes ces photos de fiancées issues de classes sociales complètement différentes, de géographies différentes, l’expression se ressemble. C’est là, dans la gestualité de tous les rituels de mariage, où on a réalisé avec mes monteuses qu’évidemment, c’est très frappant et concret : chaque histoire intime répond à un geste structurel. Mais suivant tout ce qui est lié à l’intimité, au sexe, à l’amour, aux affects, ça répond à des questions qui sont structurelles. On n’habite pas de façon individuelle les histoires du monde, et notamment dans des contextes comme l’intime, qui forcément convoquent d’autres personnes. Heureusement de nos jours, grâce à la théorie queer, et à toute la lutte contemporaine sur les droits de divergences sexuelles, c’est beaucoup abordé. Mais moi justement, je voulais aussi montrer en quelque sorte que la critique sur l’histoire de l’hétérosexualité féminine pourrait être aussi une forme de dissidence. C’est grâce aussi à ce film qu’on a fait la réflexion de comment, comme individu, on se met en scène dans une structure qui est plus grande que nous.

C’est le mariage et ses injonctions qui sont au cœur de votre film. Vous le filmez comme un rituel, une mise en scène de l’amour. Qu’est-ce qui a motivé cette idée de documentaire ?

ELR : jà parce que ça fait partie de mon éducation religieuse, culturelle, et que je n’aurais pas pu faire ce film il y a cinq ans, même si ça a toujours fait partie de mes obsessions. C’est au moment où j’ai eu 42 ans et que j’ai eu une énorme rupture amoureuse, que je me suis sentie seule, et le cœur brisé. J’ai réalisé que j’ai prononcé à voix haute cette affirmation qu’il y a dans le film : avec moi, c’est toute l’histoire qui remonte à la nuit de temps, celle des mères et des filles qui finit. C’est une affirmation anodine qui m’intéresse et m’interroge. Pour moi c’était fort, j’aime bien travailler de l’intime, avec ce qui m’arrive. Je ne pense pas que ça soit isolé, que ça ne corresponde pas à des structures plus grandes. Si je me sens seule, si j’ai peur, si je me sens coupable, c’est parce que dans mon éducation il y avait tout ça qui m’avait été transmis et que j’ai trahi en quelque sorte. Même si j’ai voulu trahir cet héritage, ce poids du mariage, c’est à partir de cette blessure que je parle. Le mariage concrètement, c’est un rituel, une tradition qui essaie de faire les choses les plus brutales au monde : mettre en scène l’acte le plus intime de l’être humain. C’est déjà impossible de décrire l’amour et chaque personne le vit d’une façon, on croit à chaque fois quand on tombe amoureuse que c’est pour la première fois que jamais personne n’a aimé comme nous. On ne peut pas le comparer, c’est ça qui me fascine. Il y a toujours un côté profondément intime et public en même temps. Dans les rituels de mariage, on essaie de mettre en scène quelque chose qui devrait appartenir au terrain du secret ou du mystère. Toute la communauté s’empare de ces rituels, on demande la virginité, la beauté, plein de choses. Si on y pense froidement, c’est juste la célébration de l’union des deux personnes. Comme Chantal Akerman, il faut que je pose toujours mon regard sur les choses qu’on regarde tous les jours, parce qu’à force de les regarder on n’y voit plus rien. Ça vaut le coup de revenir à ce qu’on voit tous les jours pour nous rendre compte combien les symboles du mariage sont lourds.

Dans El Agua, vous parliez d’une adolescente et ici vous choisissez de donner la parole à des femmes matures, les grandes absentes du cinéma, auxquelles vous permettez d’investir des sujets qu’on leur refuse souvent. Ce choix est-il lié à la quête de l’héritage que vous poursuivez dans ce documentaire ?

ELR : Je pense que l’art doit répondre à des questions qui ne sont pas théoriques, mais aussi à des impulsions personnelles. J’avais envie d’entendre ces femmes parce que je n’avais pas l’impression de les entendre. J’ai perdu ma grand-mère, je me disais : “Je n’ai plus accès à ces voix”. Ce ne sont pas des voix qui n’existaient pas, non, ces femmes ont des voix. Le problème c’est qu’elles n’ont pas l’espace. Moi, j’avais besoin de ces femmes. J’en ai toujours besoin.

Qu’est-ce qui vous a amenée à adopter cette forme hybride qui lie le geste à la parole entre les extraits d’archives et les témoignages face caméra ?

ELR : C’était aussi une question de montage, la construction de ces discours. Je travaille toujours en collectif, je n’aime pas travailler seule. Je trouve que c’est dans la discussion et dans la mise en commun, le partage, qu’on arrive à faire quelque chose d’intéressant au niveau artistique comme politique. Et c’est avec mes monteuses, qui sont des femmes de mon âge aussi, confrontées peut-être aux mêmes questions que moi, qu’on se disait qu’il manquait peut-être une mention plus intime. Il manquait ma voix, je leur devais quelque chose à ces femmes. Je me suis ouverte, je me suis éventrée, et j’ai raconté une intimité. Je ne savais pas non plus que ça allait avoir le parcours que ça a eu. Je pense que c’est à la hauteur de la générosité que ces femmes ont eue avec moi. Ma façon de m’exprimer c’était aussi d’écrire cette voix-off et cette réflexion par rapport à toutes les paroles qui m’ont été offertes.

Vous parliez tout à l’heure de Chantal Akerman, quelles influences artistiques ont inspiré votre film, dans ses choix esthétiques, son ton ?

ELR : Toujours un peu les mêmes, parce que je suis très obsessionnelle. Il y a Chantal Akerman et la poésie. Je suis plus près de la littérature que du cinéma, c’est quelque chose qui me nourrit. Ça m’attriste beaucoup de voir qu’il n’y a pas autant de transmission d’une discipline à l’autre, comme je l’aimerais. Je pense que ça nous apprend beaucoup, ou nous désapprend, sur la façon dont on construit les narrations dans le cinéma contemporain. Je pense qu’il y a d’autres formes qui acceptent la répétition, la non-construction linéaire, la métaphore, l’imagination, des choses que la poésie m’apporte. Marguerite Duras a été très importante pour moi, surtout dans son film Les mains négatives, un de mes films préférés. Il y a aussi La maison est noire de Forough Farrokhzad qui est une poète, une cinéaste iranienne qui me parle beaucoup, qui m’a beaucoup touchée. Et les influences de la vie : ces femmes, mon village, mon éducation à moitié illettrée, des gens qui m’entourent et qui s’exprimaient autrement que par l’intellect. Mon travail et ce film en particulier sont le résultat de toutes ces influences qui, apparemment, sont loin les unes des autres.

Les mariées qui habitent votre film sont filmées comme des fantômes, des spectres. Le mariage, serait-ce un cimetière ?

ELR : Pour moi, les fantômes sont encore une obsession dans mon travail, dans ma vie. Ce n’est pas forcément lié au surnaturel, ni aux morts. Les fantômes, ce sont des projections, d’un passé, d’un avenir. Ce sont des choses immatérielles auxquelles on doit se confronter, des idées, des voix, des personnes. Un ex-amour, c’est un fantôme, la projection d’un nouvel amour, c’est un fantôme aussi. Pour moi, ça a plus à voir avec la matérialité, avec la possibilité de définir.

La chanson qui vient clore votre film parle de “ Vierge des Douleurs”, est-ce un terme que vous attacheriez à ces fiancées du Sud ?

ELR : C’est une chanson que j’écoutais pendant cette triste période de chagrin d’amour, ça avait un écho pour moi. L’imagerie catholique, la Vierge, c’est un poids très important dans ma culture. Pour moi, la Vierge des douleurs, c’est une image très forte parce que ça correspond aussi à une mère, à quelque chose qui oblige à s’engager, à oublier tous ses désirs. Il n’y a pas plus catholique que la Vierge des douleurs. La culture catholique a été très importante, ça l’est toujours dans mon travail et dans ma vie. Ce qui explique aussi le rapport à la sexualité des femmes et au corps des femmes. C’est plutôt une question, encore une fois, purement émotionnelle, elle est vraiment magnifique cette chanson.

Les moments de témoignages sont des instants où la parole se délivre, devant et derrière la caméra, puisque vous ne supprimez pas les échanges d’un côté à l’autre. Jadis, on parlait en allusions, en non-dits. Le temps d’aujourd’hui vous apparaît-il enfin être celui du dialogue ?

ELR : J’ai fait ce film contre le contemporain. Je ne pense pas que le monde contemporain encourage beaucoup les dialogues. Les vrais dialogues n’existent pas, c’est une utopie. Mais on continue à dialoguer pour essayer de nous comprendre, plutôt que de comprendre l’autre. Je ne pense pas que l’époque contemporaine, les réseaux sociaux et même la discussion encouragent beaucoup les dialogues parce qu’ils demandent du temps, de l’espace, de l’erreur, le droit de se tromper. J’ai monté ce film comme ça avec des longues réponses, je n’ai rien corrigé, je n’ai rien touché à ma voix. Ça m’inquiète beaucoup ce cinéma contemporain d’auteur qui a cette obsession pour une espèce de beauté, d’aseptisation, ça m’angoisse beaucoup, ce n’est pas pour moi. J’assume mes erreurs, je préfère qu’il y ait des bégaiements. J’assume d’avoir l’air idiote parce que pour moi c’est plus important ce que ça raconte dans la conversation.

Votre film a vraiment beaucoup de texture c’est aussi ça qui est très beau dans votre geste, les fragments ou même l’espèce d’impureté des archives. C’est de là que le film tire sa force.

ELR : J’aime bien défendre le droit à l’erreur, à la fragilité, à la vulnérabilité. C’est une force de travail et de la vie à laquelle je ne veux pas renoncer. C’est ce qu’on nous a obligé de faire nous, les femmes tout le long de l’histoire. On n’a pas le droit de se tromper, de parler, on croit qu’on n’a pas le droit à la parole ou que cette parole n’est pas nécessaire, ou con et ça je le refuse.

Virginité, avortement, plaisir, mariage, amour, ces femmes vous parlent à coeur ouvert, pourtant il subsiste des points aveugles, notamment lorsqu’elles évoquent la guerre, ou le consentement. Cette notion clé, au centre des débats sur les violences sexistes et sexuelles, c’est ce qui fait la force du temps d’aujourd’hui pour vous ?

ELR : Je pense que c’est un sujet bien complexe. Je suis contente qu’on en parle. J’ai un peu peur que ça se passe parfois trop vite sur des sujets qui sont extrêmement importants. Et justement, dans les dialogues avec ces femmes, elles me disent “ Oui, mais j’ai aimé”, “Non, il ne m’a pas demandé, peut-être que je croyais que je n’allais pas aimer, et après ça m’a plu”. Tout ce qui a à voir avec la sexualité, avec l’amour, avec les affects, c’est extrêmement nuancé et gris. C’est compliqué de faire une législation autour de ça, de construire une morale autour. On oublie parfois qu’exprimer son désir est complexe. Il y a beaucoup de choses liées, surtout par rapport aux générations. Et moi, je ne me sens pas de juger ces femmes parce qu’elles ne se sont pas demandées ce que c’était que consentir. C’est important, c’est nécessaire, évidemment, et surtout à légiférer, c’est urgent. Ça mérite qu’on fasse les choses bien, qu’on parle de toutes ces nuances, des droits à l’erreur aussi. Je ne pense pas que ce soit la seule bataille du féminisme, en tout cas dans ma vision du féminisme.

Vous avez mis combien de temps pour mettre à l’aise ces personnes-là, pour qu’elles vous parlent de cette façon ?

ELR : Je ne connaissais pas du tout ces femmes. Seulement une qui vient de mon village et qui était dans mon film précédent, El Agua. Mais pour le reste, c’est un one shot. C’est pour ça aussi l’urgence, ne pas chercher la beauté des plans, être seule avec ma caméra et ces femmes. Je ne suis pas une grande chef opératrice. Je sais juste appuyer sur REC. Ça me semblait important que le dispositif de ce film soit comme ça. Il n’y a pas eu de préparation. On leur a juste demandé si elles voulaient participer à un entretien sur l’amour, la sexualité, la virginité, les mariages. Je me suis aussi posé la question avant de les rencontrer, je pensais que ça demanderait une préparation. Ce qui m’intéresse, c’est justement ne pas préparer les réponses. Je ne pense pas que ce soit grâce à mon talent de cinéaste ou d’intervieweuse. Personne ne leur avait posé la question, c’est encore plus grave.

Un César, une Queer Palm au Festival de Cannes, vont certainement faciliter la mise en place de vos prochains projets en mettant un grand coup de projecteur sur votre film. Avez-vous déjà d’autres idées de films, d’œuvres en cours ou des envies ?

ELR : J’essaie doucement de commencer à écrire un nouveau long métrage de fiction. Je suis lente, ça demande du temps. Je ne suis pas pressée. Je ne fais pas de différence entre les films et la vie. Il y avait plein de gens qui me disaient avant de faire ce court métrage, qu’après le succès des films précédents, je devais faire mon deuxième long métrage. Mais j’avais besoin de faire celui-là. Je n’ai pas une feuille de route de ma carrière de cinéaste. Je continue à travailler. Ce n’est pas comme ça que je gagne ma vie. Tant mieux parce que j’aime l’idée d’être toujours une amatrice de cinéma, donc doucement, j’ai commencé à écrire. J’enseigne de temps en temps. J’ai toujours écrit mais je n’ai jamais publié. J’ai trop de respect pour la littérature. C’est peut-être aussi pour ça que j’ai fait des films.

Propos recueillis par Lou Leoty

Article associé : la critique du film

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *