Erwan Kepoa Falé : « Jouer des choses qui pouvaient se rapprocher de moi, a été parfois thérapeutique »

Erwan Kepoa Falé a joué dans Dustin de Naïla Guiguet, Prix Alice Guy au Festival Format Court en 2021, Révélé au grand public par son rôle d’ami protecteur dans Le Lycéen de Christophe Honoré, il était à l’affiche cet été de Eat the Night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel. Ce mois-ci, il était membre du jury de la compétition internationale longs métrages au FIFIB 2024. Le temps d’un entretien, nous sommes revenu.e.s sur le parcours de cet acteur prometteur, dont les rôles de personnalités en marge d’une société normée sont une nouvelle bouffée d’air frais dans le cinéma français.

© Jonathan Daniel Pryce

Format Court : Comment as-tu découvert le jeu ?

Erwan Kepoa Falé : C’est un peu arrivé comme ça. Ça m’est arrivé au début de la vingtaine. Je n’ai pas vraiment découvert le jeu en fait, on m’a surtout demandé de m’impliquer dans certains projets. Si on doit parler de découverte du jeu, je ne sais pas, j’en ai fait voir des vertes et des pas mûres à mes parents, j’ai joué un peu toute mon enfance pour pouvoir arriver à mes fins, du coup, le jeu je l’ai découvert comme ça (rires) !

Tu avais commencé par des courts-métrages ?

EKF : Le premier court métrage que j’ai fait, c’était pour une fille qui s’appelle Manon Vila (Akaboum, 2019) qui était en résidence d’écriture au début du FIFIB. C’était un film sur mon groupe d’amis à Cergy. Elle avait rencontré l’un de mes amis qui faisait de la musique et elle avait envie de le filmer et puis un peu de documenter nos vies à tous avec nos différents rêves, à chacun.

Il y avait donc dans ce film une approche documentaire ? 


EKF : Du documentaire légèrement fictionnalisé, un peu comme un teen movie.

Et comment as-tu vécu l’expérience de passer du court au long ?

EKF : Ça ne coulait pas de source parce que les courts que j’ai faits, c’était des demandes d’amis d’amis ou de gens de mon cercle d’amis. Quand je suis passé au long, je disais le contraire mais ça s’est quand même fait assez naturellement finalement. On m’a toujours demandé de faire des choses qui étaient, en tout cas identitairement parlant, des choses qui se rapprochaient de moi, de ma vie, donc j’y suis allé assez doucement, il n’y avait rien de trop perturbant.

« Akaboum »

Tu joues régulièrement des rôles de personnes queer, dans des films qui sont aussi queer, en terme d’identité, qu’est-ce que cela représente pour toi ?

EKF : Je n’ai jamais trop bataillé pour m’affirmer ou même été trop engagé dans toutes ces questions-là. Mais, en tout cas, le cinéma, et puis le fait qu’on m’ait demandé de représenter ces identités, ça m’a permis en toute simplicité de m’affirmer et de représenter des minorités, même si je n’aime pas trop ce nom, qui font partie de moi. Ça m’a permis facilement, tranquillement et avec quelque chose que j’aime faire de m’affirmer publiquement.

Il y a peu de films français avec des représentations de personnes queer et racisées. Est-ce que tu penses que c’est en train de changer ?

EKF : Oui, je pense un petit peu, même si en vrai, c’est quand même très lent. Il y a toujours des films ovnis qui apparaissent certaines années mais ça n’a jamais été très pérenne jusque là. C’est sûr que ça change un peu. Déjà moi, on me demande de travailler, je suis rentré dans le « game » comme on dit, donc même si ça avance doucement, oui ça va changer.

« Le Lycéen »

Est-ce que tu trouves que c’est libérateur de jouer ?

EKF : Oui, oui. Justement, parce que jouer des choses qui pouvaient se rapprocher de moi, a été, je pense, parfois thérapeutique. Je ne sais pas si j’avais besoin de me sauver de quoi que ce soit mais en tout cas oui, c’est libérateur grâce au fait juste de matérialiser ou alors de reproduire des choses que j’ai vécues.

Est-ce que tu aimerais passer derrière la caméra ?

EKF : Toutes mes velléités de cinéma, elles ont commencé par vouloir faire des films. Ce que j’ai vite « cuté » parce que voilà… Il faut que j’ai un peu plus confiance en moi. Mais oui, ça serait une belle suite de chemin.

« Dustin »

Tu fais partie du jury longs-métrages pour cette nouvelle édition du FIFIB, comment as-tu abordé cette compétition ?

EKF : C’était une super sélection, j’ai vu des choses qui m’ont touché. Et puis, j’étais avec un jury avec lequel la communication était simple donc j’ai abordé la chose assez simplement. On a aussi été super bien reçu.e.s, et, contrairement à tous les festivals que j’ai pu faire cette année ou cet été, c’est quand même très jeune.

Tu avais des attentes des films ?

EKF : Non, pas du tout. J’ai même été surpris. Ce sont des films produits mais qui sortent un peu des circuits classiques, soit des films indépendants, mais je ne m’attendais pas à ce que ça soit si « indépendant » et à avoir autant de films pertinents. J’ai été agréablement surpris.

« Eat the Night »

Quels sont tes projets à venir ? 


EKF : Je viens de terminer un long dans lequel j’ai un rôle secondaire, d’un réalisateur qui s’appelle Félix de Givry. C’est un film sur le harcèlement et la dépression chez les jeunes. Ce n’est pas un film triste mais c’est un sujet important et c’était beau de faire ça. Après le FIFIB, je m’en vais tourner un court métrage d’un couple de réalisateur.ice.s qui s’appelle Jeanne Frenkel et Cosme Castro. Et j’attends avec impatience de tourner enfin ce film de Jean-Sébastien Chauvin, que je connais depuis des années, et qui va réaliser un superbe film sur un amour perdu un peu fantomatique…

Pour finir, comment te définirais-tu ?

EKF : Je me définirais un peu tête en l’air, passionné, pas assez ambitieux mais ça, ça va avec mon côté tête en l’air. Comment je me définirais ? Les choses positives que je vois chez moi sont : être passionné, et puis les choses négatives : je suis maladroit, très maladroit.

Propos recueillis par Garance Alegria

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