Trois mois avant la sortie française de son long-métrage Un jeune chaman (City of Wind) dévoilé en septembre dernier à la Biennale de Venise (et récompensé du Prix d’interprétation masculine pour l’acteur Tergel Bold-Erdene), la réalisatrice mongole Lkhagvadulam Purev-Ochir revient pour Format Court sur son parcours et son court-métrage Snow in September, actuellement en compétition pour les César 2024 après une très belle carrière en festivals (Prix du meilleur court à Venise, Toronto, Palm Springs, Format Court, …).
Format Court : Comment est-tu tombée dans le cinéma ?
Lkhagvadulam Purev-Ochir : De façon très naturelle je pense, pour être honnête, et en même temps très radicale. Je dis cela parce que j’ai passé mon enfance à voir des films, c’était vraiment une grande grande source de divertissement… Non, pas de divertissement : d’évasion pour moi. Maintenant, j’essaie de me comprendre davantage […] et je commence à réaliser que ce n’est pas seulement que j’aimais le cinéma, voir des films. Je pense que j’avais vraiment besoin de m’évader, de me libérer des choses angoissantes qui avaient cours dans ma vie d’enfant puis d’adolescente.
Je suis née et j’ai grandi en Mongolie jusqu’à l’âge de 10 ans où mon père est allé étudier aux Etats-Unis. On est parti avec lui et on revenu quand il a eu son diplôme. C’est drôle, on est est resté 5 ou 6 ans aux Etats-Unis mais mon père ne nous emmenait qu’à la bibliothèque/médiathèque. Et seulement parfois, si on voulait sortir avec des amis, il nous emmenait au cinéma. À la bibliothèque, on pouvait emprunter 12 ou 14 livres par semaine et peut-être 7 films, donc on y allait pour rendre les précédents et en emprunter de nouveaux et on passait le week-end à lire et regarder des films chez-nous. C’était ça, mon expérience américaine. C’était comme ça que je passais tout mon temps.
Ensuite, on est retourné en Mongolie et j’ai réalisé que toutes mes références étaient issues des films. Si je voulais décrire quelque chose, j’utilisais des références de scènes de films et les gens commençaient à se dire à chaque fois : « Ah, elle va encore dire quelque chose à propos d’un film ». A mon retour en Mongolie, à 16 ans, les adolescents là-bas avaient leur propres références, blagues et façon de communiquer qui n’étaient pas les miennes; moi, j’étais au milieu d’eux. Ils relevaient vraiment cela de moi et je crois que c’était là, pour la première fois, que j’avais remarqué que j’avais sans doute beaucoup trop d’heures de visionnage de films au compteur.
Puis, je suis allée en Turquie pour ma licence, il y avait ce programme scolaire d’échange entre la Turquie et la Mongolie. J’ai passé un an à apprendre la langue et à la fin de ce cursus, on était supposé faire un choix d’orientation professionnelle. On devait lister trois universités et si notre niveau scolaire le permettait, on pouvait en intégrer une. Ma mère est médecin, je m’étais toujours dit que j’allais en être une aussi mais, à ce moment de ma vie où j’avais passé un an loin de ma famille, je commençais à me sentir indépendante et je me demandais : pourquoi est-ce que je n’étudierais pas le cinéma ? Est-ce que ça existe, est-ce que c’est au moins possible ? Enfant, je ne pouvais même pas en rêver, c’était un fantasme. Quand on vient du milieu dans lequel j’ai grandi, on devient médecin, on exerce un métier sécurisant. Je crois que c’est là, loin de mes parents, que j’ai eu pour la première fois l’idée de devenir cinéaste. J’ai mis mes trois choix en parcours de cinéma [et c’est comme ça que je suis arrivée en Europe].
Et le cinéma, en Mongolie, quelle forme il avait pour toi ? Est-ce que tu pouvais avoir accès à autant de films qu’aux Etats-Unis ?
L. P-O. : C’était la télévision, seulement la télévision quand j’étais enfant. Je n’ai jamais été au cinéma avant de partir aux Etats-Unis. Il y avait quelques cinémas à Oulan-Bator [ndrl : capitale de la Mongolie] mais mes parents ne m’y emmenaient jamais. Je suis née en 1989 et à partir de cette époque, les choses ont changé drastiquement là-bas, les cinémas ont fermé puisqu’avant bien sûr, c’était un bien de l’Etat. Je pense qu’il n’y avait pas de business model ni l’expérience encore pour gérer [la privatisation]… En fait, je n’ai aucune idée d’où étaient les cinémas pendant mon enfance. Je ne voyais des films qu’à la télévision.
Y a t-il un film qui durant ton enfance ou ton adolescence a particulièrement résonné en toi et qui, peut-être, t’a donné inconsciemment ce goût du cinéma et cette envie de faire des films plus tard ?
L. P-O. : Je pense que j’ai eu deux expériences marquantes. La première, c’est quand j’étais toute petite, je devais avoir 5 ou 6 ans, en 1995. Le maître à l’école nous avait apporté la cassette d’un film de Bollywood. Il y avait plein de nouvelles choses qui arrivaient à cette époque en Mongolie, des soap-opéra, dont Bollywood. Tous les enfants de l’école, tous les professeurs, avaient été réunis à la cantine pour projeter le film VHS sur un petit écran de télévision. Ce film ! Je ne pourrai jamais l’oublier. C’était du pur bollywood. Il y avait une histoire d’amour… La femme est tuée : une maison était en train d’être construite et le corps de la femme était ensevelie dans le mur qu’on avait repeint ensuite. J’étais terrifiée. À chaque fois que la caméra passait devant ce mur, je me souviens de mon envie de crier. Il y avait cette idée de présence qu’on ne pouvait pas voir mais qu’on savait être là. Ça a été mon premier souvenir fort d’image.
La première fois que j’ai conscientisé le cinéma, les intentions de création, c’était en Amérique. J’ai emprunté Un tramway nommé désir d’Elia Kazan et ce film m’a absolument bouleversée. Je crois que je devais avoir 14 ans. Je n’avais jamais vu une femme comme Blanche avant. Elle était dans un tel désespoir, j’en étais choquée. Mes amis m’avaient même acheté le DVD pour mon anniversaire tant j’en parlais.
Au début, je faisais ma sélection de films selon les nominations, les prix. J’avais ce snobisme de la personne qui ne regarde les films que lorsqu’ils avaient eu un Oscar [rires]. En voyant Un tramway nommé désir, je m’étais rendue compte que, peu importe les récompenses, il y avait quelque chose de plus important dans les films.
Tu as d’abord écrit ton premier long Un jeune chaman [City of wind] à la suite de quoi tu as réalisé tes deux courts Mountain Cat et Snow in September. Ce n’est pas le chemin habituel.
L. P-O. : J’ai écrit mon long-métrage parce que j’étais venu en Europe [Portugal] pour mon master d’écriture de films (2016). Deux ans avant d’y aller, j’avais rencontré un chaman, que l’on voit dans City of Wind. Je m’étais mis à beaucoup le fréquenter. Je n’avais pas vraiment d’expérience d’écriture de film avant, j’avais écrit quelques courts mais pas sérieusement, comme des exercices scolaires.
En Mongolie, j’avais cherché un scénariste pour m’aider à raconter mon histoire avec le chaman mais il n’y avait personne là-bas à cette époque et pas encore d’études d’écriture de films. Je le sais parce que j’ai enseigné à l’université du cinéma là-bas. Il n’y avait pas de scénaristes professionnels, juste des acteurs qui écrivaient des rôles pour eux-mêmes, des réalisateurs qui écrivaient leurs films rêvés… En Mongolie, le cinéma, c’était principalement un petit groupe d’amis, de gens qui se connaissent et qui faisaient des films ensemble. Je me suis dit que j’allais essayer d’aller étudier en Europe pour faire écrire mon film.
Quand j’ai eu mon diplôme, je me suis retrouvée avec cette première version de scénario de long dans les mains, mais rien d’autre. Je veux dire que je n’avais fait aucun court-métrage, je n’avais aucune expérience de festivals. Avant de venir en Europe, je n’avais d’ailleurs absolument aucune idée de cet univers des festivals, de ce qu’ils représentent en tant que puissance motrice pour avancer dans le cinéma et faire des films. J’avais ce scénario mais personne ne me prenait au sérieux parce que je n’avais rien fait.
C’est comme ça que Mountain Cat est arrivé [ndrl : le premier court-métrage de la réalisatrice]. Je l’ai fait à la pirate : j’ai écrit le film et un mois après, je le tournais. J’ai réuni tous mes amis en Mongolie, je tirais toutes les ficelles… Les films du poisson rouge [société de production britannique] sont arrivés après avoir vu les rushes.
Mountain Cat est allé à Cannes…
L. P-O. : Oui c’était incroyable ! L’année de la pandémie mais c’était incroyable d’être reconnue et ça a été un énorme tremplin. À partir de là, je pouvais montrer mon film, il avait beaucoup circulé en festivals et il était lié à mon long-métrage.
Comment as-tu commencé à travaillé avec la France, plus précisément avec Aurora Films qui a produit ton long-métrage mais aussi ton court Snow in September ?
L. P-O. : C’est drôle, j’ai rencontré Katia [ndrl : Katia Khazak, productrice à Aurora films] à Locarno quand le festival avait mis en place sur trois ans ce programme de portes ouvertes dédié à la Mongolie. Notre première rencontre a duré moins de 10 minutes et elle s’est mise à suivre mon projet. On a ensuite eu une réunion pour décider de travailler ensemble et, au cours de cette réunion, j’ai eu l’email de Cannes qui annonçait la sélection de Mountain Cat.
Katia est une travailleuse acharnée, elle a pris le projet d’Un jeune chaman et c’était parti ! Le financement a été relativement rapide, on a trouvé une co-production rapidement également. Peut-être aussi parce que j’avais fait le Laboratoire du scénario, les portes ouvertes de Locarno… Ces programmes m’ont mis le pied à l’étrier et m’ont aidé à me faire remarquer.
Revenons à Snow in September. Ce qui m’a marqué dans ton film, c’est le traitement de l’intimité. Tu présentes un rapport à la sexualité, chez un adolescent, qui est soudainement brusqué, violenté. Est-ce que tu peux nous en dire davantage sur la façon dont tu as construit cette histoire ? Quels ont été tes enjeux à ce niveau au cours de l’écriture ?
L. P-O. : L’histoire est basée sur une conversation que j’ai eue avec un ami qui a vécu quelque chose de similaire. Il m’a dit avoir commencé son expérience sexuelle quand il était très jeune, peut-être à 11 ou 12 ans. Il était gardé par une babysitter qui était dans sa vingtaine. Elle a profité de son ascendant sur lui. Cette histoire m’a fortement marquée parce que, si les genres avaient été inversés, il n’en aurait pas parlé de façon aussi « décontractée ». C’est une histoire vraiment terrible.
Dans la première version, j’avais écrit une scène bien plus violente : la femme tirait l’adolescent vers elle, montait sur lui, elle enlevait son haut… C’était bien plus explicite sur ce qu’il lui arrivait. Katia, ma productrice, trouvait cela trop fort. Quand j’ai commencé à réécrire et à réfléchir en termes de réalisation, de position de caméra, je me suis rendue compte en effet que c’était impossible de filmer ainsi cette scène de viol. Je ne savais pas où poser la caméra, ni depuis quel point de vue… Ca m’a mise face à face avec l’idée que la caméra était une arme et qu’il fallait savoir l’utiliser. Je crois que j’ai pu passer à la séquence suivante dans le film à partir du moment où j’étais assurée que c’était explicite pour le spectateur qu’elle abusait de lui. C’est vrai que ça a été un enjeu de plus en plus important tout au long du développement du film.
Le personnage vit cela davantage à travers ses expressions que par ses répliques, il reste relativement silencieux. Comment s’est passé le travail avec ton comédien (Sukhbat Munkhbaatar), pourquoi l’avoir choisi, lui ?
L. P-O. : Il avait alors 18 ou 19 ans, il allait commencer à prendre des cours de jeu. Il avait une petite expérience de plateau sur des vidéos en ligne, des séries TV. En Mongolie, on commence souvent par être assistant sur des plateaux avant de jouer; il voulait devenir acteur. Il est excessivement beau et il le sait. Lors de son casting, il me disait : « Tu sais je suis grand, ça peut te plaire… », des choses de ce style.
Je l’ai choisi parce que je n’avais pas spécialement besoin qu’il joue, ce n’est pas un film dramatique. En fait, même dans Un jeune chaman, le jeu n’est que dans les expressions du visage. C’est drôle que tu parles d’expressions parce que c’est vraiment ce que je recherche. Les acteurs avec qui je travaille, pas seulement Davka mais en général, sont ceux qui ne peuvent pas cacher ce qu’ils ressentent, ça transparaît immédiatement sur leurs visages. C’est une qualité que peu de gens ont. Certains arrivent à très bien dissimuler.
Avec Davka, certes, il n’avait peut-être pas d’expérience, sans doute qu’il était un peu trop beau, qu’il voulait devenir acteur tout ça… Mais il y avait quelque chose de tellement triste dans son expression et c’était quelque chose qu’il ne contrôlait pas. Il souriait, il parlait, il était content mais quand il se taisait pour écouter, son expression devenait triste, il avait cet air très mélancolique.
Cette tristesse était importante dans cette idée d’expérience transitoire et violente entre enfance et adolescence…
L. P-O. : Absolument, il devait y avoir cette couche d’émotion en lui qu’il ne pouvait pas cacher. Il a peu de dialogues, il doit juste être, écouter attentivement et son visage doit réagir. Quand je répétais avec lui, je le voyais vraiment écouter ce que je lui disais, écouter avec tout son corps.
À la fin du casting, il restaient deux garçons. L’un était un très bon acteur mais cachait tout de lui, tout, il montrait beaucoup d’émotions mais tout était du jeu, on ne pouvait rien lire sur le visage. C’était très intéressant. J’ai beaucoup appris des castings avec cette expérience.
Est-ce que peux tu nous en dire plus sur la construction du personnage de cette femme mystérieuse qui abuse de Davka ? Elle est dans un entre-deux, à la fois réaliste dans l’histoire et en même temps elle a ce côté fantomatique, peut-être un personnage symbolique ou métaphorique. Elle apparait de nulle part, disparait, personne ne la connaît…
L. P-O. : C’est intéressant, on me demande souvent si c’est une sorte de rêve, de fantasme… Honnêtement ce n’était pas l’intention. J’ai essayé à mon sens d’en faire un portrait réaliste mais j’aime ces interprétations de fantômes… J’imagine que c’est l’impression que ça laisse quand on vit un évènement comme ça, avec le non-dit, l’impossibilité de le communiquer et cette nécessité d’avancer, de faire avec, comme si ça n’était jamais arrivé même si ça devient un feu qui ravage tout autour de soi.
Je voulais montrer que ça pouvait être une rencontre parfaitement normale a priori [ndrl : la femme mystérieuse croise l’adolescent dans les escaliers de l’immeuble et entre chez-lui sous le prétexte de passer un coup de téléphone parce qu’elle s’est enfermée au-dehors] mais qui est complètement nouvelle pour le personnage. Davka ne peut se raccrocher à rien parce qu’il n’y a aucun passif dans leur relation. Comme il est adolescent, si en face de lui il avait eu une babysitter de 20 ans, on aurait pu projeter un crush pour elle de sa part mais ça aurait engendré une toute autre dynamique. Là, je voulais vraiment une rencontre nouvelle et neutre : quelqu’un qu’il ne connaisse pas mais qui veut donner l’impression d’être proche de son environnement : une voisine qu’il aurait pu ne jamais voir.
Ça devait être une première rencontre parce que c’est un court métrage. Si je faisais un long sur le sujet, j’explorerais peut-être la relation du personnage avec quelqu’un qu’il connait bien. Mais pour le bien du court, je voulais une relation fraiche, nouvelle, parce que je ne pouvais pas explorer l’intimité d’une longue relation.
Comment as-tu initié ce travail avec la comédienne [Enkhgerel Baasanjav] ? On parle d’une femme adulte qui doit être mue par une volonté de séduire un adolescent.
L. P-O. : J’avais besoin d’abaisser la séduction en fait. On parlait beaucoup avec la comédienne de cette rencontre et surtout du vécu de son personnage, de sa toile de fond. Cela n’apparaît pas dans le film mais on a créé une histoire mentale : une femme qui trompe son mari dans un appartement de l’immeuble en question. On imagine qu’elle vient de faire face au rejet de son amant et tandis qu’elle descend les escaliers de cet appartement, elle rencontre ce jeune homme.
On avait besoin qu’il y ait cette histoire réaliste pour que la comédienne puisse comprendre qui était son personnage, pourquoi il se trouvait là, pourquoi il mentait, ce qu’il cherchait. C’est une femme dont on s’est servi et donc qui veut se servir en retour, c’est son moyen de reprendre le contrôle. C’est en fait une femme très triste.
Un peu comme Blanche (Un tramway nommé désir) … [sourire]
L. P-O. : Oui ! Ce qui me lie vraiment à Un tramway nommé désir, c’est bien Blanche et son passé; à quel point elle est triste et comment à partir de cela, elle essaie de prendre l’ascendant, en particulier sur les hommes autour d’elle. Si on se souvient bien, elle est rejetée de sa ville parce qu’elle a couché avec un lycéen. Je n’avais jamais fait cette connexion avant… Quand je parlais avec l’actrice, j’essayais toujours de lui donner cette histoire de fond : une femme qui souffre et qui veut ressentir le contrôle, le pouvoir. C’est pour ça qu’elle fait irruption de la vie de cet adolescent.
Qu’est-ce qui a porté ton choix vers cette comédienne ? Elle porte particulièrement bien cette dimension ambivalente et intriguante.
L. P-O. : En vérité, la mère et la femme mystérieuse ont toutes les deux été castées pour les deux rôles. J’ai longtemps hésité à faire jouer quoi à qui. L’actrice qui joue la mère aurait été plus directement liée, pour les spectateurs, à ce côté séducteur parce que dans la vraie vie, elle dégage beaucoup … d’énergie [sourire].
L’actrice qui a finalement joué la femme mystérieuse est actrice de métier mais aussi professeure de jeu. Elle a quelque chose qui se situe davantage dans l’apparence d’une mère typique. À la fin, on a inversé tout ça, je voulais que la femme mystérieuse ait l’air la plus « normale » possible, même en ce qui concerne ses habits, je voulais les affadir… Je ne voulais pas de maquillage mais quelque chose de complètement naturel, rien où la séduction puisse se loger, contrairement à ce qu’il y avait dans le scénario où je l’avais affublée de vernis à ongles rouge etc… Parce que dans le scénario on doit laisser des indices pour faire comprendre ce qui est à l’oeuvre. J’ai gardé au montage les prises où l’actrice était le moins possible dans la séduction.
Peux-tu nous dire un mot sur le décor et le rôle qu’il tient dans le film ? Ces immeubles soviétiques vétustes t’étaient-ils familiers ?
L. P-O. : En fait, c’est là où j’ai grandi. Pas l’exact appartement mais la configuration, l’architecture, tout est identique à ce que j’ai connu. Même la chambre de Davka : je la voulais exposée plein Nord comme la mienne à l’époque, je voulais qu’elle soit sombre, il fallait qu’elle porte cette atmosphère de quasi donjon.
Dans le cinéma mongol, cette partie d’Oulan-Bator est rarement montrée, les réalisateurs préfèrent explorer la vie moderne, la ville moderne, pourtant ce type d’architecture est présent partout dans les anciens pays soviétiques. C’est aussi ma façon de documenter ces endroits avant qu’ils ne soient complètement transformés […]. Même l’appartement dans lequel on a tourné avait été rénové mais par chance, il avait toujours l’air vieux.
Comment as-tu abordé ces lieux avec ton chef opérateur Amine Berrada ? Quels sont les défis que vous y avez rencontrés ?
L. P-O. : Le travail avec Amine était très fluide. Il est très talentueux, très intuitif, c’était un bonheur. Mon but était que l’image, la lumière, ne soit pas réaliste, parce que pour moi, le réalisme ne concerne pas tellement le cinéma, mais je voulais qu’on aille vers un naturel, qu’on sente quelque chose d’organique mais qui ne soit pas poussé. Avec Amine, on essayait de travailler dans une idée de minimalisme au niveau de la lumière. On voulait utiliser l’espace tel qu’il était pour raconter cette histoire. Le gros défis du tournage, c’est avant tout que j’étais enceinte de 5 mois, on n’avait pas de talkies, je devais courir de partout pour parler aux acteurs… !
Un jeune chaman était à Venise en septembre, il sortira en France en avril chez Arizona … Est-ce que tu œuvres déjà à de nouveaux projets ?
L. P-O. : Oui, je commence à écrire un deuxième long. C’est une nouvelle aventure, très différente, où j’explore de nouvelles émotions. Ça se concentre sur la relation entre un père et ses fils [sourire, elle n’en dira pas plus.]
Propos recueillis par Gaspard Richard-Wright
Article associé : la critique du film