Programmé en compétition internationale à Clermont-Ferrand, 48 Hours de la réalisatrice iranienne Azadeh Moussavi traite du difficile retour d’un père emprisonné à Téhéran chez lui, dans sa famille, pendant 2 jours. Seul, il se retrouve face à sa femme et sa petite fille et tente de retrouver les gestes du quotidien et de reprendre sa place dans son foyer.
Azadeh Moussavi avait déjà été sélectionnée à Clermont avec son précédent court The Visit, il y a 2 ans. Dans ce film, une femme et sa petite fille rendaient visite en prison à leur mari et père, prisonnier politique, après un long moment de séparation. 48 Hours, lui, adopte le chemin inverse, celui d’un père (Nader), prisonnier politique également, qui revient chez lui, pour quelques heures. Quelle attitude adopter face à son entourage quand concrètement, on a été absent ? Comment renouer avec l’intimité ? Comment se comporter comme père lorsque son propre enfant ne nous reconnaît pas ? Comment se toucher, cajoler, rassurer, aimer quand une fenêtre du parloir séparait jusqu’ici les êtres d’une même famille ?
Dans ses courts, Azadeh Moussavi parle de ce qu’elle connaît : son propre souvenir, enfant, de l’arrestation de son père, journaliste, par la police iranienne, la débrouille de sa mère face à l’adversité, la vie avec l’absence, la peur, l’incertitude.
Dans 48 Hours, on retrouve ce qui fait la singularité du cinéma iranien : la pudeur, l’intime, les regards, les silences. Par petites touches, Azadeh Moussavi filme le malaise des uns et des autres, la solitude de la personne toujours prisonnière d’elle-même malgré quelques heures de soi-disant liberté, l’espoir vain de prolonger le temps passé en famille. On essaye de ne pas dormir pour « profiter » un peu plus, on est suspendu aux coups de fil d’un avocat qui ne peut rien faire face à une machine judiciaire implacable.
Si la réalisatrice écrit et filme en connaissance de cause, là où le film prend encore plus de sens, c’est qu’il s’intéresse à l’épouse de Nader et à leur enfant, une adorable gamine de 4 ans, qu’elle a élevée seule et qui ne reconnaît pas son père. Comment se mettre au niveau d’un enfant, de ses repères, de ses dessins animés, de ses réactions à chaud quand on ne connaît plus que la peur, les coups, l’obscurité, la séparation ? Le temps guérit les blessures, paraît-il. Azadeh Moussavi, à travers ces moments tellement intimes, nous offre une belle leçon de vie, magnifiquement close par le sommeil de la petite fille n’entendant pas ce qui se dit hors champ et qui se réveillera le lendemain, face à une nouvelle journée et à un père reparti en prison. Un père qu’elle ne retrouvera que quelques années plus tard.
Face à ce film, on pense à la lettre de Tahereh Saeedi, l’épouse de Jafar Panahi, à son mari emprisonné, Jafar Panahi, postée sur Instagram il y a quelques jours : « Sommes-nous heureux ? Nous sommes anéantis…» qui parle de la solitude de l’entourage des personnes détenues en Iran et de l’incertitude quant à l’espoir de leur libération.
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Article associé : l’interview de la réalisatrice