À l’affiche avec son nouveau film, Le Pharaon, le Sauvage et la princesse, Michel Ocelot aborde dans cet entretien réalisé par internet son engouement pour le numérique, le conte, les voix et l’évolution des techniques d’animation depuis ses premiers courts-métrages.
Format Court : Vous avez fait vos débuts dans l’animation il y a plus de 40 ans, qu’est-ce qui vous stimulait à l’époque dans ce domaine ?
Michel Ocelot : Enfant, j’étais enchanté par les films de Walt Disney, les seuls visibles. Petit à petit, sont arrivés les courts-métrages d’ailleurs, en première partie de longs-métrages, en séances particulières, puis en festivals d’animation. Ces courts-métrages intenses, personnels, manifestement bricolés, me révélaient ma route, mon métier, ma passion.
Y a-t-il quelque chose de cette époque qui vous manque aujourd’hui ?
M.O. : Le bricolage avec mes dix doigts. Mais j’aime le numérique !
Quel a été l’élément déclencheur de Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, votre dernier film ?
M.O. : Au sortir de Dilili à Paris, lourd à porter, j’ai voulu changer mon fusil d’épaule. D’autre part un nouveau phénomène s’installait dans ma vie, de jeunes adultes venaient me remercier avec émotion, dans tous les pays où je me rendais. Il s’agit des enfants de Kirikou qui ont grandi. Et ils ne parlent pas que de mes longs-métrages, ils évoquent avec insistance les petits contes en silhouettes. Il est clair que je dois encore raconter des histoires brèves, aussi fortes que les longues.
D’où vient votre envie, dans vos courts comme dans vos longs, de continuer à mettre à l’écran des contes, du merveilleux ?
M.O. : J’ai constaté que c’était mon langage, faire du joli, de l’agréable, du rêve, tout en abordant tous les sujets bien réels. Et je suis sensible à la bonne longueur des bonnes histoires, qui n’ont rien à voir avec le 90 minutes obligé.
La mise à distance par rapport à la civilisation occidentale est importante dans vos films. Pour quelle raison ?
M.O. : Il n’y a aucune mise à distance. Je suis citoyen du monde, tout m’intéresse, j’en montre autant que je peux, la mienne comme les autres. J’ai mis un sacré coup de projecteur sur la civilisation occidentale avec Dilili à Paris.
Avec Les Contes de la Nuit et Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, vous abordez l’univers du conte. À vrai dire, chaque conte constitue un court. Ensemble, ils forment un long. Est-ce important pour vous de créer une unité entre les histoires ?
M.O. : Non, je ne cherche aucune unité. Chaque histoire recommence le monde et est autonome.
Vous êtes revenu aux ombres chinoises et aux papiers découpés avec le segment « Le Beau Sauvage ». Est-ce que vous avez le sentiment de travailler autrement cette technique ?
M.O. : Non, je tends plutôt vers la simplicité de mes débuts désargentés. Elle fonctionne. Mais « le Beau Sauvage » est tourné en 3D, parce que c’est commode. Nous gardons le langage épuré des débuts, mais la 3D est la bienvenue quand il s’agit de faire tourner une belle tête, surtout avec une coiffure de branches et de feuilles…
D’emblée, rien qu’avec l’affiche, le film s’annonce très coloré, très riche visuellement. Les couleurs n’étaient pas aussi marquées dans vos courts et ont commencé à s’installer depuis votre premier long, Kirikou et la Sorcière. Qu’est-ce qui vous intéresse dans cet éclat visuel ?
M.O. : Mes premiers films en silhouette utilisaient vraiment le contre-jour, des ampoules derrière le fond de papier Canson mince laissant passer la lumière. Seule l’aquarelle convenait au passage de la lumière, pas de gouache, de retouches, de collages, de matières. Cela réduisait les possibilités. Mais dès que cela a été possible, je me suis livré à des orgies —le numérique d’ailleurs ne demande que ça, et je ne m’en lasse pas.
Lorsque vous avez réalisé votre premier court, Les Trois Inventeurs, vous utilisiez votre propre voix avec Michel Elias. Pour Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, vous avez travaillé avec plusieurs comédiens de la Comédie Française. Est-ce que vous abordez autrement le travail autour des voix, de film en film ?
M.O. : Je crois bien que je n’évolue pas… J’ai toujours accordé une grande importance aux voix. Lors de l’animatique-brouillon, je fais toutes les voix, puis je me retire pour laisser la place aux comédiens, bien différents. Il y en a plus qu’au début, le budget le permettant. Et je fais appel en partie à de grandes maisons qui me semblaient inaccessibles à l’époque. Mais Arlette Mirapeu et Philippe Cheytion, les jeunes premiers des premiers contes en silhouettes, restent exemplaires.
Annecy vous a attribué cette année un Cristal d’honneur. Le festival offre une très large place au format court. Quelle valeur revêt pour vous le court-métrage ?
M.O. : Le festival d’Annecy s’est d’abord fait un nom avec des courts-métrages d’animation. C’est là où j’ai jubilé. Ce n’est que longtemps après sa création et son succès qu’Annecy a pu présenter des formats longs.
L’animation, si contrôlée, si concentrée, convient particulièrement au format court. Quand je vais au festival d’Annecy, c’est aux programmes de courts que je vais. Vive les durées dictées par l’histoire (et pas par la loi) !
Entretien web réalisé par Katia Bayer et Amel Argoud