C’est une légende : la salamandre ne résiste pas au feu, elle brûle comme tout autre amphibien et préfère même les zones humides à la chaleur. Pourtant, le garçon mi-homme mi-salamandre de L’Enfant salamandre brûle, lui, de vraies flammes. Le film de Théo Degen enflamme le nitrate de la pellicule pour nous transporter loin de notre monde.
Premier prix à la Cinéfondation qui récompense les films d’école depuis 1998 au Festival de Cannes, L’Enfant salamandre nous vient de Belgique et, plus précisément, de l’Insas où son réalisateur, Théo Degen, a fini ses études. Il nous livre un film comme un conte de fées, rempli de mystères et dont on ressort avec l’envie d’y croire encore. Le film nous emmène dans ce monde à la fois familier et lointain de l’enfance où l’on aime se raconter des histoires qui font peur ou qui rassurent. Celle-ci est à propos d’un enfant qui perd son père, il peut se transformer en salamandre et communiquer avec les morts à travers les flammes.
Dans L’Île aux songes, son précédent court-métrage, Théo Degen partait en voyage sur le rivage d’un territoire onirique et explorait avec malice l’étrangeté des rêves des enfants. Parfois amusant, parfois inquiétant, ce monde proche de nous mais étranger dérange et plaît. De la même façon, il situe son dernier film dans le village belge dont il est originaire. Habitant de notre monde, dans une banlieue pavillonnaire dont on reconnaît les paysages et la faune locale, l’enfant salamandre n’est pourtant pas tout à fait de chez nous et semble vivre dans un autre pays. Un pays imaginaire ? Un pays étrange au nôtre. Le film voyage dans un monde où il ne fait ni jour ni nuit, on y entre par la fenêtre (dans un travelling avant qui n’est pas sans rappeler celui du “no trepassing” de Citizen Kane). Notre héros est un traverseur, un voyageur des espaces. Il est comme Charon qui traverse la frontière entre le pays des morts et celui des vivants, à la seule différence que l’enfant salamandre ne voyage pas sur l’eau mais dans les flammes. Notre héros est aussi un métamorphe : un peu monstre, super-héros et magicien, pas tout à fait enfant ni adulte. Il a la sévérité des premiers qui croient en la magie et aux pouvoirs des rituels, il a la candeur des seconds qui veulent retrouver ceux qui sont partis. Le film nous raconte ce moment du deuil où les disparus ne sont pas encore complètement disparus. Le corbillard est encore garé devant la maison, pourtant papa est déjà dans l’au-delà.
L’enfant salamandre n’est pas le seul à posséder des pouvoirs magiques. Théo Degen se place dans la lignée des grands débuts du cinéma alors qu’il était un objet de prestidigitation, source d’émerveillements et d’inquiétudes. Le réalisateur belge ne se prive pas d’en utiliser sa magie : métamorphoses de l’image en ralenti, surimpressions et apparitions sont autant d’outils du fantastique. Théo Degen parvient à créer des images magiques, des images où tout est possible. Si une petite fille veut être Batman et veut disparaître dans un nuage de fumée, elle peut. C’est du cinéma et qu’est-ce que c’est réconfortant d’y croire.
Quelle magnifique analyse! Et que de beaux compliments ! Amplement mérités ! Bravo !