Shirin Neshat a grandi dans un Iran qui n’a pas connu la révolution et qui renversa le Shah. Elle s’est affirmée au fur et à mesure comme une figure importante de l’art vidéo des années 90. Son œuvre Turbulent (1998) est considérée comme magistrale. Leurs voix résonnent encore aujourd’hui.
Pensé comme une installation vidéo, le film contient deux écrans qui se font face. Le spectateur, au milieu, est comme pris en étau. La dualité des genres est ici le tableau de ce film. La dualité Hommes/Femmes mais aussi le traitement inégal qui lui est dû dans la société iranienne de l’époque et qui reste inchangé encore aujourd’hui. Cette société ne s’articule que par deux, c’est une société binaire où l’un prend le dessus sur l’autre. Ici, le rôle de la femme est symbolisé de manière concrète.
Tout est en confrontation, l’homme et ses spectateurs, la lumière, les applaudissements versus les chaises vides, le silence pour la femme. Elle est en noir, il est en blanc. Il nous fait face, elle nous tourne le dos.
La chanson commence, l’homme est dans la lumière. Il chante d’une voix douce et agréable une chanson traditionnelle perse. Puis, après vient la clameur des hommes. C’est la voix rauque et sombre qui prend le relais. Dans un deuxième tableau qui s’oppose au premier, l’homme a remplacé sa joie et sa voix par un regard apeuré, inquiet. La voix retentit et résonne, elle se disloque, se fragmente, la caméra tourne autour de la femme qui semble en transe et projette sa douleur. La douleur, toujours face à une salle vide, la douleur face à ce sentiment d’impuissance d’être née avec le mauvais sexe. Cette douleur qui frappe et tue.
Ces deux tableaux résonnent et se confrontent dans une telle intensité que la métaphore sur la complexité du rôle de l’homme et de la femme au sens propre comme au figuré, nous parle encore aujourd’hui presque vingt ans après.