Deux ans après La Jeune fille sans mains (2016), nous avons la chance de retrouver le dessin de Sébastien Laudenbach qui réalise les quatre clips du nouvel album de Dominique A. Le premier clip est disponible depuis le début de l’année et il suffit de le découvrir pour guetter avec impatience les suivants…
Dès les premiers instants, l’animation du morceau Toute Latitude ravive le souvenir de La Jeune fille sans mains, le premier long de Sébastien Laudenbach sorti dans les salles fin 2016, et on ne tarde pas à comprendre que comme dans celui-ci, le réalisateur fabrique son film à partir d’un canevas construit autour d’un conte, et traduit par des images à caractère hautement métaphorique et épuré.
La chanson de Dominique A évoque le trajet d’une vie, depuis la période de l’adolescence rêveuse et libre jusqu’à cet âge où l’on prend le temps de se retourner pour y repenser. Voici un échantillon des paroles : « Nous avions toute latitude et toute la vie, aucun engagement d’aucune sorte, avec pour seule devise : peu importe ».
Sur un fond jaune, une courbe se prolonge jusqu’à devenir un cercle qui s’emplit pour devenir un astre sur un ciel dégagé, notre soleil. Tout concourt à une transformation plus belle encore, un trait peut devenir un astre brillant, la philosophie de vie que créé Sébastien Laudenbach dans son film tient de la logique du papillon.
Son trait est léger, tout en silhouette et souvent détaché de la couleur de remplissage. Les personnages semblent se draper dans une sorte d’aura colorée les détache subtilement du statut de personne simple. Sébastien Laudenbach introduit du mythologique dans le récit et dans son animation, les choses peuvent d’un coup de crayon devenir quelque chose d’autre.
Dans un jardin d’Eden, au cœur de la nature, des centaures, des lutins, des sirènes, des fées profitent de l’éternité. Mais comme dans tout mythe de jardin originel, les choses se gâtent avec le pêché originel. Le serpent, le scorpion, les tentations ont conduit l’homme damné à contempler le Jardin d’Eden à s’effondrer inexorablement sur lui-même, le jardin d’Eden étant la Terre.
Le destin semble tragique mais il y a toujours des accidents dans la vie. Et c’est par le truchement de l’animation que le possible happy end prévient. Comme l’arc de cercle peut se muer en astre sidéral, les points blancs peuvent incarner des atomes, des électrons, des étoiles, des libellules, des graines, leur nature est liée à leur contexte, et ils peuvent donc révéler des prodiges insoupçonnés mis dans les conditions adéquates ; soumis à la simple volonté de la main du créateur, peut-être même nous offrir une second souffle.
Dans un entretien disponible sur la page Allociné de La Jeune fille sans mains, Sébastien Laudenbach explique que « l’animation peut-être terminée avec des dessins qui eux, sont tous, inachevés ». On se souviendra du traitement réservé au oiseaux à la quatrième minute du film Vibrato (2017) que Sébastien a réalisé pour l’Opéra National de Paris, dessinés selon leur plume et leur voltige et pas comme des animaux aux « portraits » bien définis. C’est sûrement ce qui fait un peu du charme de son style onirique, un « manque » dans l’image qui paraît se combler sans cesse dans son propre mouvement mais n’arrive jamais à sa forme définitive. Voilà une posture de créateur qui nous invite à attendre perpétuellement la suite pour mieux comprendre ce que nous sommes en train de voir.
Lire notre précédente interview de Sébastien Laudenbach (2010)