Un homme dépressif de 37 ans (Philipe), un garçon de neuf ans (Balthazar) et une voiture. Voici le combo de ce film itinérant réalisé par Emmanuel Marre, récompensé cette année du Prix Jean Vigo du court métrage et du Grand prix national au Festival de Clermont-Ferrand.
Issu d’un cursus littéraire effectué à Paris et diplômé de l’école de cinéma (l’IAD) de Bruxelles, Emmanuel Marre a également remporté le Prix Format Court en avril dernier lors du festival de moyens-métrages de Brive avec son film, Le Film de l’été. Le réalisateur met en scène l’histoire de Philippe, le personnage principal, qui profite de la voiture d’Aurélien et de son fils Balthazar pour se rendre à un rendez-vous professionnel dans la ville de Lyon. Sur l’autoroute en direction du sud, l’air estival, la lumière éclatante et l’esprit de vacances ne suffisent pas à dissiper sa dépression et sa solitude. Mais lorsque Philippe veut partir, Balthazar le retient. Commence alors une amitié inattendue.
Le film tout en entier fait résonner l’idée de voyage et plus encore de transhumance. Il nous offre des images lumineuses et se fait le témoin du vagabondage de Philippe. Cette transhumance est d’abord géographique. Partant du nord, Aurélien et Balthazar vont retrouver la mère du jeune garçon dans le sud. À cet itinéraire vient se confronter celui de Philippe dont la destination finale semble bien moins définie que pour Aurélien et Balthazar.
À ce moment, le film n’expose plus simplement un voyage géographique mais un trajet psychologique durant lequel Emmanuel Marre s’attèle à sonder le cœur des hommes et tout particulièrement celui de Philippe. Ce trajet psychologique se dévoile à travers un va-et-vient habile entre les lieux extérieurs et intérieurs du film, une limite ténue qui dirige le regard du spectateur et le prépare à une vérité cachée bien plus sombre : la dépression de Philippe. Et il est vrai qu’à voir Philippe se confier à Balthazar sous la chaleur harassante du bord de route ou encore se laisser bercer par le mouvement circulaire du tourniquet d’une aire de repos déserte, on ne pourrait que difficilement imaginer la profondeur de son mal-être. Et pourtant, lorsque nous surprenons Philippe en train de vomir dans sa chambre d’hôtel, nous comprenons que le suicide n’est jamais très loin de ses pensées.
Cet aller-retour entre ce qui parait et ce qui « est » réellement est traduit par un fort contraste entre l’image graveleuse et scintillante que le soleil sublime, et les nombreux plans où le hors-champ – aussi synonyme du vide et du silence – s’incarne tel un véritable personnage du film.
Le Film de l’été, c’est le voyage dans l’intériorité d’un personnage torturé qui vit une dépression à l’insu de tous, une douleur sourde et dissimulée comme certains de ces moments du film où le son se substitue à l’image et inversement. Le réalisateur signe sa singularité en proposant un chemin exutoire à la pathologie d’un homme. Ce chemin : l’amitié particulière entre Balthazar et Philippe.
Emmanuel Marre réussit ainsi, avec un genre marginal (road movie) à faire voyager son spectateur autant que ses personnages dans une réalité sombre, sans jamais s’attarder sur l’aspect pathétique généralement associé aux individus souffrant de tels maux. Il réalise par la force des choses un film touchant, un film profond.