Kung Fury de David Sandberg

Back to the 80’s

Kung Fury, c’est un peu comme si l’ADN des années 80 avait été isolé dans un laboratoire top secret, puis avait été dérobé par un savant fou et nostalgique de cette période bien connue de tous les amateurs de fantaisie capillaire.

Kung Fury, vous l’aurez compris, est une ode aux années 80 et notamment aux films d’action en VHS où une bonne explosion vaut mieux qu’un long discours. Véritable « exercice d’admiration » combinant scènes d’actions toutes plus improbables les unes que les autres et « punchlines » dignes des plus belles citations de Jean-Claude Van Damme, Kung Fury ne lésine pas sur les effets (spéciaux), poussant toujours plus loin la surenchère plan après plan pour le plus grand bonheur de tous les nostalgiques des années 80. Le réalisateur suédois David Sandberg, qui semble avoir baigné dedans quand il était petit, s’est fait une joie (communicative) de reprendre méticuleusement toutes ces petites choses qui ont pu constituer l’esthétique de ces films (et les muscles qui vont avec) pour la détourner à son tour.

Rien de bien nouveau donc puisque déjà en 1993, « Hot Shots 2 », réalisé par Jim Abrahams, tournait en dérision les films mettant en scène ces héros indestructibles incarnés par Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger ou encore Chuck Norris, pour ne citer que les plus célèbres.

Toutefois, la particularité de Kung Fury tient précisément dans la direction artistique particulièrement soignée dont le film a bénéficié. Le film adapte le style « années 80 » au public d’aujourd’hui dans une sorte de « retro-futurisme » très en phase avec les goûts du moment. Par exemple, on peut voir un personnage « pirater» à l’aide d’un Commodore 64, l’un des premiers PC sorti au début des années 80 et très populaire à l’époque.

Kung Fury fourmille de ce genre de petits clins d’œils complices au spectateur, à l’image de son héros, incarné par le réalisateur lui-même, sorte de mélange entre le flic aux méthodes expéditives joué par Stallone dans « Cobra » et le personnage de Ryu, guerrier solitaire et taciturne, expert en arts martiaux que l’on retrouve dans le jeu vidéo de la série « Street FighterI ».

David Sandberg vise juste. Avec ce film, il a su jouer sur la corde sensible en compilant et en capturant avec talent et précision l’esprit des films de ces années-là. Dans une espèce de « gloubi-boulga » délirant, il a su mettre au point avec son équipe des effets spéciaux habiles qui permettent de donner le rythme et l’ambiance adéquate à l’ensemble. Mais une question nous brûle les lèvres : comment David Sandberg a pu s’y prendre pour réaliser ce « blockbuster du court métrage », en Suède, avec quelques amis et quelques couronnes ?

king

Golden boy

Avant d’affoler le web (près de 15 millions de vues sur Youtube depuis le 28 mai dernier) puis de faire le buzz sur la croisette à Cannes (sélection officielle à la Quinzaine des Réalisateurs), Kung Fury a commencé à faire parler de lui il y a déjà deux ans. En 2013, pour boucler le budget de son premier film Kung Fury, David Sandberg a proposé aux internautes de participer à son financement via Kickstarter. Pour offrir le maximum de chances à son projet, il poste sur internet une bande-annonce du futur film. Bingo ! L’appel à don lancé par « Laser Unicors » récolte en moins d’un mois plus de 600.000 $, l’une des plus grosses sommes jamais récoltées sur le net.

Pourtant sur le papier, le scénario pouvait laisser sceptique plus d’un internaute : un policier remonte le temps pour tenter de tuer Adolf Hitler (The Kung Fuhrer) grâce à sa maîtrise du Kung-Fu, en chemin il recevra l’aide de vikings armés de fusils automatiques et accompagnés de dinosaures. Bref, un scénario dont le film serait digne d’entrer au fameux top ten de Narnarland.

Les mois passent et un beau jour un nouveau clip inspiré de Kung Fury envahit la toile. Ce clip c’est celui d’une des stars télé des années 80 : David Hasselhoff (K2000, Alerte à Malibu, etc…). Joli coup de pub qui alimente à nouveau la machine à buzzer. Cerise sur le gâteau : Kung Fury se voit alors présenté lors de la Quinzaine de Réalisateurs où il reçoit un très bon accueil à la fois public et critique.

Dans ce parcours semé d’embuches, ce court-métrage fait figure d’exception, tant part son mode de production que par la façon dont il est distribué. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que Kung Fury est l’arbre qui cache la forêt (hantée). Il est loin d’être le seul du genre à s’inspirer de ces films à mauvaise réputation que l’on range négligemment dans la case « films Z ». On peut citer par exemple la série « Ninja Eliminator » (2009) ou le court métrage Le Réserviste de Mathieu Berthon. Signalons également les projections organisées par la Cinémathèque française lors des soirées Cinéma Bis ainsi que les projections « Pas de Pitié pour les Navets » qui ont lieu au Bar La Cantada à Paris.

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Kung Fury est peut être l’un des seuls courts métrages à parvenir jusque sous les feux des projecteurs par un biais inédit : le crowdfunding, avec à la clef une diffusion de grande ampleur via internet. Réussissant à surfer sur la vague « retro-futuriste », « Kung Fury » parvient à toucher un large public via YouTube (où il est proposé gratuitement) tout en obtenant une certaine considération d’une partie de la critique.

Julien Beaunay

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