Les films de la réalisatrice coréenne-brésilienne Iara Lee sont sans concession et vont droit au but. Dénonciation univoque des faits, ces documentaires sont comme des coups de poing qui en même temps ne compromettent rien de leur maîtrise cinématographique et leur réussite esthétique. Trois exemples captivants de la filmographie d’une artiste engagée figuraient dans une séance spéciale lors de la dernière édition du festival Millenium à Bruxelles.
Battle for the Xingu (2009)
Le film montre de très près la polémique autour de la construction d’un immense barrage sur le Xingu, affluent de l’Amazone dans la ville brésilienne d’Altamira. Pénétrant dans le vif du sujet, Lee montre différentes étapes des négociations et des réactions autour de ce projet aberrant et illogique du point de vue de la durabilité, dont les effets promettent d’être dévastateurs pour l’environnement et la biodiversité. Lors de la plus grande manifestation regroupant les habitants indigènes du Brésil, directement concernés, l’indignation a basculé vers une violence terrifiante envers les pouvoirs décisionnels. La violence des réactions avait seulement pour but la protection des villages de ces peuples, de leur avenir et de leur fleuve, le cœur même de leur existence collective. Même si le projet continue de se développer et risque tôt ou tard de voir le jour, au moins les protestations auront persisté et l’injustice sociale aura été publiquement décriée par la communauté internationale. Et ce, notamment grâce à des initiatives comme le film de Lee.
The Kalasha and the Crescent (2013)
Œuvre la plus récente d’Iara Lee, ce film dépeint le portrait touchant et exaltant du peuple Kalash du nord du Pakistan. Cette communauté minoritaire ne s’inscrit pas dans la logique de la religion dominante du pays, tout comme leurs voisins zoroastriens en Iran. Les pressions de conversion sont de sérieuses menaces au patrimoine riche de ce peuple, pratiquant un polythéisme antique désapprouvé par l’Islam régnant. S’ajoute à cela le fléau d’un tourisme à la progression importante. Même si celui-ci permet de relayer la problématique au-delà des confins de la vallée de l’Hindu Kush, ce phénomène intrusif et indésirable menace, lui, l’intégrité et le droit à l’intimité de la région. Entre ces deux maux qui semblent s’équivaloir, les Kalash œuvrent implacablement pour préserver leurs mœurs et leur identité.
The Rape of Samburu Women (2011)
Dans ce film cru et poignant, Lee recueille les témoignages de nombreuses femmes kényanes, toutes violées par des officiers britanniques qui occupent les camps d’entraînement militaires installés dans le pays depuis son indépendance en 1963. Ces actes abjects ont beau être dénoncés, plainte après plainte, l’armée décline résolument toute responsabilité et l’autorité locale ferme les yeux. Stigmatisées indûment comme le sont souvent les victimes de viol, ces femmes se voient bannies de leurs familles et leurs villages. Portant et élevant seules les fruits de leur agression, elles trouvent comme seule consolation de se regrouper entre semblables, instaurant une sorte de communauté matriarcale. L’ironie du sort fait que leurs histoires, balayées comme autant de mensonges, se confirment sur les visages innocents de leurs enfants clairs de peau, leur métissage étant la preuve indéniable de leurs véritables origines. Avec une profusion de larmes en gros plans, Lee choisit délibérément de ne pas édulcorer ce discours direct ou d’enrober sa narration de la moindre distanciation, pour rendre pleinement compte de l’envergure de l’atrocité et de l’impudeur de ses auteurs. Son point de vue intransigeant empêche toute indifférence et nous oblige à nous positionner face à une réalité écœurante : s’indigner et réagir, ou rester passifs tout en gardant un goût amer dans la bouche.
Consultez les fiches techniques de « Battle for the Xingu », « The Kalasha and the Crescent » et « The Rape of Samburu Women »
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