Après avoir dirigé l’Unité Cinéma d’Arte, Georges Goldenstern, a rejoint la Cinéfondation, une initiative créée en 1998 par le Festival de Cannes en faveur des nouvelles générations de cinéastes. Loin de la masse des films en compétition officielle, la section cherche à repérer les futurs créateurs novateurs et non formatés, tant dans la forme que le fond, à travers trois axes (la Sélection de films d’étudiants, l’Atelier et la Résidence).
À quel moment êtes-vous arrivé à la Cinéfondation ?
Il y a sept ans, j’ai quitté Arte pour la Cinéfondation. Pendant quinze ans, j’ai été en charge du cinéma sur la chaîne. Cette période a été liée à des projets de toutes nationalités, et à des paris sur des premiers films (« Les Nuits fauves », « La Haine », « La Vie des morts »,… ). À la Cinéfondation, mon travail se situe dans la continuité de ce que fait le festival, c’est-à-dire la recherche de nouveaux talents.
Est-ce dans ce but qu’ont été mis en place la sélection de films d’écoles, l’Atelier, et la Résidence ?
Oui. La Cinéfondation a démarré en 1998 avec une sélection de 15 à 20 courts métrages d’écoles du monde entier, répartis en quatre programmes d’1h30 en sélection officielle, évalués par un Jury prestigieux. En l’an 2000, une nouvelle mission est née : la Résidence. Deux fois par an, on accueille, à Paris, six réalisateurs qui viennent écrire leur scénario de premier ou de deuxième long métrage. Pendant quatre mois et demi, ils bénéficient d’une bourse et d’un logement. En 2005, on a voulu aller plus loin, avec la création de l’Atelier. Quinze réalisateurs, ayant écrit leur scénario, trouvé un producteur et au moins 20% de leur financement, sont sélectionnés et invités à Cannes. On fait en sorte d’obtenir le plus de rendez-vous possibles pour compléter ce financement et leur permettre de tourner leur film, dans les délais les plus rapides.
Les profils sélectionnés sont-ils très distincts d’une initiative à l’autre ?
Oui. La sélection des courts d’écoles est réservée aux étudiants, la Résidence n’accueille que les porteurs de premiers et deuxièmes longs métrages, et l’Atelier s’ouvre aux premiers films comme aux filmographies plus développées. Par exemple, Tsai Ming-Lian, qui est en compétition cette année [avec « Visage »] s’est retrouvé en 2007 à l’Atelier. Cela peut paraître surprenant, vu qu’il s’agissait de son dixième film, sauf que son projet était très difficile. Quand je l’ai rencontré à Pussan, il ne trouvait aucun partenaire. Personne ne voulait prendre de risques : le projet paraissait tellement étrange et différent de ce qu’il avait pu faire précédemment que les gens se montraient plutôt prudents.
Combien de films recevez-vous de la part des écoles ?
Beaucoup. Un mailing annuel est envoyé aux écoles du monde entier. Une fois cet appel d’offres lancé, nous commençons à recevoir les films en nombre. Cette année, 1.400 courts métrages nous sont parvenus.
Suivez-vous plus particulièrement la production de certaines formations ?
On ne suit pas particulièrement les écoles, mais certaines émergent, d’une année à l’autre, à travers les talents qui s’en distinguent. On le voyait dans le passé avec l’Argentine : son essor s’expliquait par le fait que pratiquement chaque ville possédait sa propre école du cinéma. On le voit, aujourd’hui, avec le cinéma israélien et certaines écoles, comme la Sam Spiegel School ou l’Université de Tel-Aviv. Des films de qualité nous parviennent aussi en quantité d’autres endroits, comme la Chine et l’Amérique Latine, qui ne se limite plus à l’Argentine.
Dans les écoles, l’expérimentation et la liberté de l’étudiant font partie de l’enseignement. Est-ce une des raisons pour lesquelles vous cherchez à montrer les films qui y sont réalisés ?
Bien sûr. Dans les écoles, les élèves jouissent des libertés qui leur sont offertes, ont l’occasion de s’exprimer totalement, et de laisser libre cours à leur imaginaire. Nous, nous cherchons à voir ce qui en sort et à partir de là, à découvrir les meilleurs.
Comment la Cinéfondation se positionne-t-elle par rapport à la Sélection officielle des courts métrages ?
Un titre peut être inscrit dans les deux sections, étant donné que la Compétition officielle accepte aussi les films d’écoles, et un même Jury évalue les courts des deux sections. Après, il y a quelques éléments distinctifs : les comités de sélection ne sont pas les mêmes, et la durée des courts en Sélection officielle est limitée à 15 minutes, alors que la Cinéfondation accepte des films inférieurs à 60 minutes.
Votre section ne s’intéresse qu’à la fiction et à l’animation. Pourquoi les documentaires ne sont-ils pas acceptés par le règlement ?
La réglementation ne prévoit, en effet, pas les documentaires. Peut-être les choses évolueront; en attendant, il faut faire des choix. Vous vous rendez compte : 1.400 films reçus uniquement pour la fiction et l’animation !
À la limite, on pourrait s’interroger sur l’animation. Dans le passé, à Arte, je ne voulais pas mélanger les courts métrages d’animation et de fiction dans une même programmation parce que je trouvais important de bien les distinguer pour leur donner toute leur force. À Cannes, cela aurait été intéressant d’avoir une sélection réservée à l’animation, pour ne pas mélanger les genres. Le souci, c’est qu’on manque de créneaux, que le nombre d’écrans est limité, et qu’il y a déjà énormément de films à voir.
Est-ce qu’un film d’école qui se retrouverait dans une autre section que la vôtre, à la Quinzaine des Réalisateurs par exemple, pourrait représenter une forme de concurrence ?
Absolument pas. Chaque programmateur et directeur de section du Festival a ses choix et ses goûts. Un film peut donc ne pas être retenu ici, et se retrouver à la Quinzaine des Réalisateurs ou à la Semaine de la Critique. Une sélection à Cannes peut même s’avérer très positive, puisque la Caméra d’or, récompensant les premiers films, regroupe toutes les sections du Festival.
Que recherchez-vous finalement dans les films ?
J’ai envie d’être surpris et ému. En voyant beaucoup de films et en lisant beaucoup de scénarios, je souhaite y trouver du plaisir, découvrir quelque chose de nouveau, ne pas retrouver des formes habituelles, discerner un point de vue différent. Souvent, les mêmes sujets reviennent, mais il y a une façon de les aborder et de les filmer qui peut vraiment faire la différence. L’esthétique pour l’esthétique, je n’y suis pas favorable non plus, parce qu’il y a des films qui font tout dans la forme, mais pas dans le fond. L’idéal, pour moi, c’est de trouver le trouver le bon équilibre entre les deux.
Arte a été une bonne école, à ce niveau-là ?
Oui.
Est-ce que cela ne vous pas, d’une certaine manière, rendu critique ? Le défaut de surprise est un problème courant dans le court métrage.
Tout à fait. Très souvent, on se dit que c’est uniquement à cause de sa chute qu’un film a du succès, que les gens rient ou sont surpris. Ce n’est quand même pas ça, un court métrage.
C’est quoi, alors ?
Je le comparerais à la nouvelle. Il faut réussir à trouver une forme et un style particuliers tout en ayant une histoire complète, et ne pas faire un succédané d’un long métrage. À partir de là, tout est possible !
Y a-t-il un film d’école sélectionné à la Cinéfondation qui vous aurait marqué dans le passé ?
L’année dernière, le film israélien, « Himnon » (Hymne, Elad Keidan, 1er Prix de la Cinéfondation), qui a fait le tour du monde. C’était un prix justifié, je trouve.
De 2006 à 2008, certains courts métrages de la Quinzaine des Réalisateurs et de la Semaine de la Critique ont été édités en DVD. La sélection de la Cinéfondation n’est réservée, sur le même support, qu’aux professionnels. Pourquoi ne vous adressez-vous pas aussi au grand public ?
J’aimerais bien que ce soit le cas ! J’y pense depuis 2-3 ans, mais pour des questions de temps et de droits, cela ne s’est pas concrétisé. Ce n’est pas compliqué d’éditer un DVD non commercial de la Cinéfondation. Par contre, si l’objet devient commercial, il y a un risque, celui de ne pas pouvoir mettre l’intégralité de la sélection, parce que les droits de certains films ont déjà été vendus dans certains pays. Pour proposer tous les films au public, je penche maintenant plus pour le streaming. Mais avec ce système-là, demeure le problème des droits d’auteurs.
Comment envisagez-vous l’avenir de la Cinéfondation ?
L’Atelier, la troisième mission de la Cinéfondation, est née en 2005. Je souhaiterais que d’autres initiatives apparaissent dans le but de continuer à aider les réalisateurs. J’ai des idées (la production, la distribution, le script doctoring, …), mais je ne sais pas encore laquelle suivre.
Propos recueillis par Katia Bayer
Article associé : la critique de « Himnon »