Le loup dans la bergerie
Court métrage américain sélectionné à la 52ème Semaine de la Critique, « The Opportunist » est une captivante virée nocturne orchestrée par un séduisant et dangereux sociopathe en mal de sensations fortes.
Nick Clifford incarne ici un jeune homme charmeur, calculateur et menaçant qui réussit avec beaucoup d’habilité à se faufiler n’importe où, s’appropriant au passage un objet personnel ou un secret inavouable. À l’image des prédateurs du monde animal, il choisit avec beaucoup de minutie ses proies pour se jeter sur celles-ci lorsqu’elles sont les plus vulnérables. Mué par un instinct qui semble infaillible, il sait déceler immédiatement chez les personnes qui l’entourent les points faibles et les utiliser contre elles. Toujours sur la brèche, il se joue des conventions sociales, harcelant avec le sourire celles et ceux qu’il croise. Bon orateur, il a le bon mot au bon moment, notamment lorsqu’un petit groupe tente de se moquer de lui ; en guise de réponse, il s’approche doucement d’eux, détournant l’attention avec une anecdote à propos des loups en meute. Tout en jaugeant son auditoire, il s’abat sur sa victime avec une fureur à peine contenue, comme un rapace sur sa proie.
Costume impeccable, réparties cinglantes, regard d’acier : difficile de ne pas penser à Patrick Bateman – célèbre personnage du roman « American Psycho » créé par Brett Easton Ellis. Moins connu en Europe mais tout aussi reconnu outre-Atlantique, la subversive et éphémère série américaine « PROFIT » (1996 & 1997 – 8 épisodes) et son héros charismatique et machiavélique semblent aussi être une source d’inspiration non négligeable pour la création du personnage de « The Opportunist ». Ces trois manipulateurs partagent d’ailleurs le goût pour la transgression et l’impunité de leurs actes.
Naviguant en eaux troubles entre une totale maîtrise de soi et le frisson de se faire découvrir , la seule présence de Nick Clifford à l’écran permet d’insuffler une énergie sombre et pure qui contamine tout le film. Impassible, il utilise le moindre indice trouvé aux alentours pour fomenter ses stratagèmes, faisant du spectateur son témoin et le complice de ses intrusions dans l’intimité des personnes croisant son chemin.
Pour filmer les agissements de son personnage, David Lassiter choisit une lumière glacée, des cadres serrés et des décors fermés, soulignant ainsi à l’image la personnalité menaçante de l’opportuniste. Le réalisateur fait le choix d’une mise en scène sobre et sans fioritures, s’effaçant derrière son personnage pour mieux révéler son intensité. Film froid et efficace, « The Opportunist » doit beaucoup à l’interprétation remarquable de son acteur principal, Nick Clifford.