Martha a vécu toute sa vie dans un ranch des hautes plaines canadiennes. Maintenant que sa mère n’est plus là et que son ivrogne de père a vendu son cheval, il ne reste plus grand chose pour la retenir. « Going South » (Vers le Sud), le film de Jefferson Moneo, en compétition à la Cinéfondation 2013, dresse le portrait d’une nation en mouvement, et d’une jeune femme au regard triste, un regard tourné vers l’horizon.
« Going South » s’ouvre sur une vente aux enchères et annonce le cadre : l’univers masculin des cowboys, des plaines à perte de vue et l’ennui d’une jeune femme qui, face à son miroir ou à un inconnu, se prend à rêver d’une autre vie. Les paysages sont à couper le souffle et la lumière de cette région du Canada est sublimée, offrant des plans dignes d’un grand western. Tandis que Martha trompe son ennui par des aventures sexuelles insignifiantes dans un camion en pleine nature, le coucher de soleil qui se profile à l’horizon offre la perspective d’un monde bien plus vaste, d’un ailleurs plein de promesses. La possibilité d’un avenir plus attrayant se concrétise alors par l’arrivée de ce sombre inconnu, qui déclare se diriger « vers le Sud ».
Les paysages, le mouvement des personnages en transit, sont la projection de toute une imagerie nord-américaine que le jeune réalisateur Jefferson Moneo réinvestit pour évoquer son territoire d’origine, les plaines du Canada, et peut-être sa propre migration vers les Etats-Unis. Le film joue sur le contraste entre l’enfermement, mis en scène dans les séquences d’intérieur et représenté également par les hommes qui entourent Martha, et l’aspiration à la liberté, la perspective d’un envol, symbolisées par les paysages et une route, filmée à travers le pare-brise d’une voiture, qui s’étend à perte de vue.
Confrontés à ces images, on songe à de nombreux films américains qui mettent en scène l’errance de personnages fuyant leur quotidien à la poursuite du rêve américain : « La Balade sauvage » de Terrence Malick, « De si jolis chevaux » de Billy Bob Thornton (adaptation du roman éponyme de Cormac MacCarthy) ou encore « Thelma et Louise » de Ridley Scott ainsi que de nombreux autres films évoquant la traversée des frontières. Concept très cinématographique, la frontière permet de jouer sur les limites du cadre et de l’espace filmique, le déplacement, les symboles, comme le fait Jefferson Moneo dans sa mise en scène, ses choix de cadrages, alternant espaces confinés de la famille et du lieu social avec espaces naturels, ceux de la liberté et de l’épanouissement.
« Going South » est la preuve que ce thème continue à inspirer les cinéastes d’aujourd’hui et que le genre, si tant est que l’on puisse parler de « border movie » comme on parle de « road movie », peut encore donner lieu à d’autres écritures, mettant ici en scène Shana Dowdeswell qui offre une interprétation touchante de cette jeune Canadienne portant en elle toute la nostalgie d’une nation toujours en quête de l’au-delà, prête à dépasser les frontières.
Agathe Demanneville
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Pour information, « Going South » sera projeté dans le programme 4 de la Cinéfondation , le vendredi 24 mai, à 11 h (salle Buñuel)