Présenté lors de la dernière édition du festival Silence on Court !, le court métrage d’animation « Comme des lapins » d’Osman Cerfon a reçu des mains du jury le troisième prix de la compétition. L’occasion de revenir sur ce petit bijou d’humour noir à l’univers graphique riche et soigné qui révèle un jeune réalisateur plus que prometteur.
Après « Pas de peau pour l’ours » en 2010, « Comme des lapins » est le deuxième chapitre d’une série de courts métrages d’animation, réalisé par Osman Cerfon, intitulée « Chroniques de la Poisse ». La Poisse en question est un personnage d’homme à tête de poisson, protagoniste principal de chaque film dont on suit l’itinéraire chaotique le menant d’un décor à un autre pour vivre de nouvelles aventures. Ici, la Poisse arrive dans un parc d’attractions au thème singulier : les lapins. Le voici confronté à une faune hostile et malveillante : celle des humains pervers venus moins pour profiter des festivités que pour se laisser aller à leurs déviances les plus sadiques.
Comme les personnages de Charlie Chaplin ou de Buster Keaton, la Poisse déplace son corps burlesque à l’intérieur du cadre et devient l’élément perturbateur à l’origine des catastrophes physiques. Il lui suffit en effet d’une simple contrariété pour laisser s’échapper de sa bouche une «bulle de malheur» qui dérive au gré du vent avant de s’arrêter au-dessus de la tête d’un autre personnage, qui subira à son tour les foudres de la malchance. Et les conséquences sont souvent désastreuses : chute d’une montgolfière, accident de voiture, enfant assassiné (clin d’oeil savoureux à M le Maudit de Fritz Lang), … . C’est un spectacle d’une grande désolation que nous offre Osman Cerfon. Heureusement, pour qui goûte l’humour noir, le film offre son lot de scènes et de détails comiques qui provoquent le rire et établissent une distance salutaire avec la noirceur des événements qui sont dépeints.
Utiliser le cinéma d’animation pour raconter les aventures de la Poisse permet au réalisateur de déployer un univers graphique riche et cohérent où l’on devine l’influence de grands auteurs de comics contemporains. On pense beaucoup à Winshluss (auteur de bandes-dessinées et réalisateur entre autres de « Il était une fois l’huile », produit par la même boîte de production, Je Suis Bien Content) ou encore au dessinateur Charles Burns. Des références prestigieuses jamais écrasantes tant le jeune cinéaste parvient à trouver sa propre singularité et à développer un univers personnel en l’espace de deux films. Il va s’en dire que la suite des « Chroniques de la Poisse » est attendue avec impatience !