Talking about my generation
« 6th March », vu à Clermont, met en scène la garde à vue de trois étudiants hongkongais interrogés par des policiers après leur arrestation à la suite d’une manifestation. À travers cette table ronde improvisée, Chun Wong, le réalisateur, tente de confronter deux univers habituellement éloignés l’un de l’autre : la police et l’étudiant politisé. Bien que chacun campe sur ses arguments, les points de vue s’échangent, des nuances affleurent dans les discours et des dissensions apparaissent, pas toujours là où on les attend : l’un des étudiants souhaite que le représentant de l’état puisse être élu au suffrage universel tandis qu’un autre étudiant poursuit le raisonnement jusqu’à questionner l’idée même de démocratie et rappeler à l’auditoire médusé l’étymologie grecque du mot anarchie : « absence de commandement ».
Tandis que les échanges s’animent et que le propos se fait plus incisif, les modèles de valeur de chacune des générations s’affrontent. Les anciens policiers mettent en avant l’école à la dure, l’ascension sociale coûte que coûte, à la force du poignet, tandis que la jeune génération refuse ce modèle qui fait la part belle à l’individualisme et à la loi du plus fort, en privilégiant des valeurs qui se trouvent souvent hors du champ économique.
En mettant dos à dos rhétorique et paternalisme, Chun Wong propose un film didactique, politique et sans compromis. Il ne cherche pas à distribuer des bons points, il filme un état des lieux où plusieurs générations cohabitent sans se comprendre. Cette incapacité de communiquer trouve son paroxysme dans la confrontation finale entre deux frères, l’un policier, l’autre étudiant. Après s’être enfin expliqués, s’être dit tout ce qu’ils avaient sur le cœur : le malentendu est dépassé et la confrontation peut enfin céder la place à l’échange.
« 6th March » surprend par la tension qui émane des joutes verbales entre ses protagonistes. Le montage, composé principalement de champ/contre champ et des cadres épurés, permet de laisser pleinement la place aux points de vue développés par chacun des personnages sans autre recours que celui de l’éloquence du discours.
Chun Wong maîtrise son sujet. Sans prosélytisme, il parvient avec une caméra, une table et six chaises à faire ce que de nombreux gouvernements ne sont jamais parvenus à faire : dépasser les préjugés pour atteindre un consensus.
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