La troisième édition du Festival Pointdoc a ouvert ses portes virtuelles le 13 janvier 2013 et les gardera ouvertes aux internautes amateurs du cinéma documentaire jusqu’au 13 février 2013. Une édition encadrée par un chiffre porte-bonheur qui ne pouvait que présager des surprises. Toujours animés par la volonté farouche de promouvoir et diffuser des films souffrant de visibilité, les organisateurs du Festival ont sélectionné pas moins de 20 documentaires répartis en “Première création” et “Film jamais diffusé”.
Portrait d’une société
Il semblerait que les documentaristes contemporains soient plus habités par l’envie de filmer l’Autre dans son quotidien pour tenter de déceler ce qui fait sa particularité à leurs yeux. Ainsi, nous sommes frappés par le nombre de portraits cinématographiques de la sélection de cette année. Les réalisateurs esquissent davantage la réalité plus qu’ils ne l’affrontent, se focalisent sur la partie plutôt que sur le tout. La difficulté est bien de sortir du discours anecdotique pour frapper le spectateur et l’élever dans sa conscience de l’Autre et du Monde. Si pour la plupart des films sélectionnés cette année, il n’était pas toujours évident de (re)sentir cette “élévation” de façon intense et originale, certains films en revanche réussissent le difficile pari d’émouvoir et de faire réfléchir en même temps. Aux côtés de longs-métrages documentaires, dont le magnifique « Michel » de Blaise Othnin-Girard, deux courts métrages ont retenu notre attention.
Portraits de famille
Dans Le Mur et Cet homme-là (est un mille feuilles), Lancelot Bernheim et Patricia Mortagne filment leurs proches pour les ancrer dans leur vie, dans le temps qui passe et pour s’en rapprocher aussi.
Le Mur de Lancelot Bernheim
Sélectionné dans la catégorie des “film jamais diffusé”, Le Mur de Lancelot Bernheim présente un couple de retraités, Odette et Douglas, ses grands-parents. Par le biais d’un dispositif somme toute assez simple – face caméra en plan rapproché pour la plupart du temps – Bernheim tente d’arrêter le temps, d’immortaliser son sujet en filmant avec beaucoup de délicatesse et de tendresse la vieillesse de ce couple qui s’est connu à 18 ans et qui approche les 90 ans. “La retraite, c’est l’ennui et l’ennui c’est le début de la mort”, déclare Douglas en début de film.
En toute sincérité, le couple se livre et se dévoile à la caméra de leur petit-fils qui les questionne. Et le point de vue de la caméra et le sien ne font naturellement qu’un. Dans ce portrait de famille simple et émouvant, Lancelot Bernheim arrive à transcender les frontières de l’intime et à toucher à l’universel grâce à une mise en scène où l’importance est axée sur la captation du présent pour (re)donner vie à la nostalgie du passé.
Cet homme-là (est un mille-feuilles) de Patricia Mortagne
Dans la catégorie “Première création”, le film de Patricia Mortagne ne passe pas inaperçu tant sa mise en scène, un rien « westernienne », rend service à l’histoire. Celle de son père, Xavier, qui tout au long de sa vie s’est séparé des personnes qu’il a aimées sans vraiment les quitter. D’abord, il quitte sa femme Dominique avec laquelle il a eu 3 enfants pour François, ensuite après 26 années de vie commune, il quitte ce-dernier pour Guillaume, un homme beaucoup plus jeune que lui.
Filmer pour mieux se comprendre, semble être la démarche de Mortagne pour ce film aux accents de thérapie familiale. La citation introductive de Pasolini le démontre bien « L’Histoire, c’est la passion des fils qui voudraient comprendre les pères ». En filmant son père, la réalisatrice désire légitimiser (la caméra devient un outil derrière lequel elle peut se cacher) sa volonté de le comprendre et en définitive de se comprendre et d’accepter cet héritage familial si original et particulier.
Si elle ne tombe pas dans l’excès ou le trop plein, c’est grâce à l’humour qu’elle parsème tout au long du film qui lui permet de garder une distance critique par rapport à ce père complexe, à cette personnalité solaire qui a l’habitude que l’on gravite autour d’elle.
Serait-il révolu le docu militant voire militantiste qui voyait les Depardon et comparses filmer une réalité conflictuelle pour la dénoncer. Il faut croire que de nos jours, l’idéologie aurait un peu perdu de sa superbe au profit de la sacro-sainte intimité tant nous constatons que le portrait comme concept cinématographique est une récurrence dans les documentaires d’aujourd’hui car le désir des réalisateurs est de faire apparaître l’individu tel qu’il est dans sa diverse et banale complexité.
Consultez les fiches techniques de Le Mur et de Cet homme-là (est un mille-feuilles)