« Je sentais un cri infini qui se passait à travers l’univers et qui déchirait la nature. » Edward Munch à propos de son tableau « Le cri »
Lauréat du Prix du Premier Film au Festival de Brest et Prix du Meilleur Court métrage de fiction à Média 10-10 à Namur, « Le Cri du homard » de Nicolas Guiot, dont on ne compte plus les récompenses glanées au gré des sélections festivalières,, est également nominé pour le prestigieux César ainsi que pour le Magritte, du Meilleur Film de Court Métrage. Un succès qui se justifie pleinement tant la réalisation de ce court belge relève d’une certaine virtuosité.
Au cinéma, quand la guerre est traitée par le prisme de l’enfance, elle prend souvent une toute autre dimension, car loin du monde rationnel des adultes, l’imaginaire enfantin élève à la poésie ce qui ne serait en définitive que pure barbarie. Le regard que l’enfant pose sur la violence humaine est nécessairement teinté d’innocence même s’il ne peut empêcher la peur de naître aussi. Cette peur viscérale, c’est celle que Natalia, 6 ans, installée depuis peu en France avec ses parents, ressent à l’égard de son grand frère Boris, revenu de Tchétchénie. Il semble tellement différent du frère qu’elle a connu qu’elle préfère l’éviter.
Si Guiot fait débuter son film par un plan séquence éloquent à travers les pièces de la maison, lieu de la nouvelle vie de cette famille d’exilés russes, c’est pour mieux nous plonger dans l’histoire qu’il veut nous raconter, pour mieux faire figurer l’esprit fragile de Boris qui contraste grandement avec la candeur de Natalia. Les vieilles pierres et le soir d’été semblent bien ridicules face aux tourments qui animent le regard absent du fils prodigue. Chacun tente d’affronter la situation à sa manière. Mais très vite, l’atmosphère se gâte, une tension palpable se fait sentir. Tel le cri absent du homard que l’on plonge dans l’eau bouillante, le silence entoure la famille. Un silence pesant qui ne peut mener qu’à la tragédie.
La force du film de Nicolas Guiot réside dans une parfaite connaissance du langage cinématographique. Le producteur de « Dimanches » (Valéry Rosier), et d’« U.H.T » (Guillaume Senez) est passé à la réalisation en sachant très bien comment il veut exprimer ce qu’il a à dire et ça se voit. L’image de Jean-François Metz nous poursuit tout au long du film et bien après. Quant aux acteurs, ils sont tous plus vrais les uns que les autres et l’on s’accorde à penser que la petite Claire Thoumelou n’a certes pas volé son Prix d’interprétation à Brest.
« Le cri du homard » est un film dense et intense qui arrive à parler du traumatisme psychique d’un jeune soldat sans jamais peser car le point de vue de Guiot n’est ni politique ni militant. Ce que le réalisateur a voulu démontrer c’est la manière dont la violence mène irrémédiablement à la violence, comment il est difficile de se soustraire à ce cercle vicieux. Avec son premier film, Nicolas Guiot nous montre que la guerre est l’abnégation de l’humanité et que pour celui qui en revient, il est presque impossible de regarder la vie dans les yeux et continuer comme s’il ne s’était rien passé.
très bonne critique d’un film très impressionnant, merci
Michèle