Prora de Stéphane Riethauser


« Du haut de ces murs de béton, plus de 40 ans d’autoritarisme vous contemplent ».

Présenté au Festival de Brest dans la compétition européenne, « Prora » de Stéphane Riethauser apparaît comme une troublante traversée des frontières au beau milieu de l’île de Rügen, lieu où dominent les vestiges de l’ancienne station balnéaire imaginée par les nazis.

Jan et Mathieu ont 17 ans. Ils sont amis. Et comme tous les amis, ils partagent leurs considérations sur le monde et les filles. Passant leurs vacances sur la côte baltique, ils se retrouvent à Prora. Et la structure de béton, aussi froide qu’elle soit, va accueillir la transformation de leurs relations.

A bien des égards, l’architecture de Prora, située à 300 km au nord de Berlin,  fascine par son gigantisme, effroyable reflet d’une idéologie mégalomane. De son côté, « Prora », le film de Stéphane Riethauser envoûte par sa façon d’associer le pur et l’impur, l’ignominie nazie et la relation sensuelle de Jan, l’Allemand et de Mathieu, le Français.

Dans une mise en scène qui joue avant tout sur l’opposition (le visage angelot de Jan est le revers du ténébreux Mathieu, la rigidité de la construction contraste avec l’érotisme dégagé par les adolescents), le réalisateur suisse utilise l’Histoire collective comme berceau d’une histoire individuelle. Les reliques du passé et l’histoire d’amour se mêlent pour offrir une réflexion pertinente sur la notion de souvenir encombrant tel que peut l’être « Prora ». De magnifiques plans aériens de la construction laissée à l’abandon traduisent à la fois la force et l’inutilité des sentiments que Jan nourrit pour Matthieu car tous les deux le savent bien, à la fin de l’été leurs chemins vont devoir se séparer. La caméra de Riethauser plonge alors les amants dans les couloirs labyrinthiques des vestiges nazis pour les engouffrer dans un monde où tout devient possible, un monde où les frontières n’existent plus. Le lieu de villégiature des masses laborieuses du IIIè Reich se fait alors soudainement le tendre complice de leur quête identitaire et sexuelle. Maîtrisé et pertinent, poétique et sensuel, « Prora » est une jolie surprise de la compétition européenne.

Marie Bergeret

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