Avec Undo, Jean–Gabriel Périot nous la fait à l’envers.
Réalisé en 2005 dans le cadre de la Collection Canal + « 10 minutes pour refaire le monde », « Undo » (qui signifie « défaire » en anglais) dresse une chronique de l’humanité dans une démarche de déconstruction historique originale. Film de montage reposant sur des images d’archives finement sélectionnées, « Undo » nous propose un voyage dans le temps subtile et acide dont la particularité est de nous le faire vivre à l’envers.
Les premières minutes du film sont magnifiques mais laissent quelque peu perplexe. On plane dans le cosmos dans une ceinture d’astéroïdes. Un soleil explose. On survole l’orbite terrestre. Seule une bande son où se mélangent des violons aux accents dramatiques et des sons synthétiques inversés semble nous orienter dans la direction du film. Progressivement et alors que les éléments se déchaînent sur la planète Terre, on pénètre dans l’univers de « Undo ». Lorsque, dans des cieux incendiés, des champignons atomiques se rétractent, le propos devient franchement explicite : Périot a fait de son film une machine à remonter le temps où tout fonctionne à l’envers. Dès lors s’enchaînent des scènes de désolation, de guerre, de révolte et de répression. Scènes macabres où le monde semble pris de folie apocalyptique, où les hommes marchent à l’envers dans des décors en ruine, ressortant les corps meurtris des ambulances pour les reposer à même le sol dans des mares de sang.
Les attentats du 11 septembre nous ramènent dans les rues de New-York, puis à d’autres villes où les foules avancent à reculons dans des ambiances plus pacifistes. Mais le propos de Périot ne perd pas d’intensité, et c’est la société de consommation qui est passée au crible. Dans les centres commerciaux, les tiroirs-caisses s’inversent et les consommateurs vident leur caddy en remettant les produits dans les rayonnages. Dans les cantines, les travailleurs encravatés régurgitent les aliments pour les remettre dans les assiettes de leur plateaux-repas qu’ils rendent aux cantinières. Comme par magie, la formule « Undo » remonte les cycles de production, et ce sont les piliers du système productiviste qui sont tour à tour défaits, déconstruits, démantelés. On désosse les téléviseurs, on désassemble les automobiles, on démonte les chars de guerre, et les animaux ressortent des abattoirs pour retourner à la campagne en marche arrière, comme un retour à la nature.
Le film prend alors une autre tonalité et évolue progressivement vers le noir et blanc avec des scènes de ruralité d’un autre temps. Travaux à la fourche, travaux à la main, outils rudimentaires, cueillette, les hommes vivent et travaillent dans un certain dénuement, une simplicité, un retour à une certaine pureté originelle qui trouve finalement son achèvement dans le mythe du jardin d’Eden. Entre apocalypse et genèse, manipulation géniale de l’inversion de l’histoire, le film nous laisse sur un questionnement : était-ce mieux avant ?
Jean-Gabriel Périot fait partie de ces artistes engagés dont le regard sur le monde sait saisir votre conscience. Son film « Undo » contribue à alimenter une filmographie sans concession qui place inlassablement, dans un pessimisme lucide, l’Homme face à la responsabilité de sa civilisation.
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