Le héros (l’acteur Vincent La Torre) du court métrage « Love Collection », réalisé par Antoine Lhonoré-Piquet, vit de son métier de comédien et tente de survivre à sa cassure sentimentale : « Si, à moins de 40 ans, on n’a pas les moyens de s’offrir une puissante relation sentimentale, c’est qu’on a raté sa vie… » semble-t-il se dire. Préférant s’en sortir par lui-même plutôt que de s’en remettre aux services certifiés de l’émission de téléréalité « On n’est pas poussé », le héros choisit d’avoir trois maîtresses. Conquérir les corps et le temps de plusieurs autres est, croit-t-il, un bon moyen de prévenir une nouvelle rupture sentimentale. Mais l’histoire de « Love Collection » se déroule aujourd’hui en France où, souvent, fête de la Saint-Valentin ou non, les femmes rechignent à l’aventure de la polygamie et se gargarisent d’ambitions affectives aussi subversives qu’exclusives.
Ce 18 octobre 2011, sur le tournage de « Love Collection ». A la Bellevilloise, dans une maison construite aux abords des années 30, au dessus d’une école de danse africaine, une chambre à coucher a été reconstituée dans l’appartement d’un photographe qui sert également d’atelier. Le tournage devait débuter le 14 octobre mais finalement il a démarré trois jours plus tard. Antoine, le réalisateur, m’explique dans le vestiaire où les comédiens se changent « qu’il y a eu un petit souci avec le décor et le voisinage, ce qui fait qu’on se retrouve avec quatre jours pour un film qu’on devait tourner en six jours, d’où un tournage marathon… ». Pendant que nous discutons, l’équipe technique fait quelques réajustements sur le plateau. Alors que nous conversons, la comédienne Leilani Lemmet (une des maîtresses de Vincent) est surprise de nous trouver là.
Le tournage a commencé très tôt ce matin, un peu avant 6h. « Love Collection » bénéficie d’un budget d’environ 150.000 euros. Le scénario est né en novembre 2010. Antoine a écrit l’histoire à partir d’un ensemble d’expériences personnelles vécues par Vincent et lui.
15h. Douze personnes sont sur le plateau dont Antoine, le réalisateur, Stéphane, l’ingénieur son, et Lucie, la scripte. Vincent La Torre et Loan Chabanol tournent une scène explicite : « L’intérêt, c’était de parler du sexe et de le montrer mais sans que ce soit…pervers ou pas joli… D’ailleurs Sofiia Manousha (comédienne qui joue aussi dans le film) m’a appris qu’elle avait rarement vu un tel respect pour les femmes ». J’aperçois Loan, mannequin chez Elite, sur le ventre, nue, et Vincent, sur elle. Fin de coït. Un discours sur la monogamie s’instaure entre eux. Elle : « Je n’arrive pas à t’imaginer avec une autre femme… ». Il se montre odieux, elle le gifle. Rupture des corps. Cut. Consignes aux comédiens. Remaquillage.
Plus tard, dans l’après-midi, Loan me parle de ce qui lui paru le plus difficile, aujourd’hui : « La nudité m’a affecté. Je pensais être à l’aise mais là, j’étais vraiment nue. Je pensais que ça ne m’atteindrait pas par rapport au métier de mannequin. Mais en fait, montrer ses fesses, ce n’est pas facile ! ».
Pause. Leilani Lemmet attend en peignoir pour un seul plan, une scène de nuit. Elle est là depuis plusieurs heures, essaye de rester calme et concentrée. Elle trouve « très beau » le personnage qu’elle joue. Elle le dit en chuchotant parce que le tournage a repris avec Vincent et Loan et que, sur le plateau, on demande le silence : « Mon personnage passe par des étapes très différentes. Ses émotions sont très variées, très riches, très opposées. Je joue une scène de jalousie. Jouer cela, je trouve ça très beau ». En quoi est-ce beau ? Elle me répond, après avoir ri en sourdine : « Ca peut être beau, ça peut être une preuve d’amour. Mais au delà d’un certain degré, ce n’en est plus une ».
Plus tard, Loan exulte. Sa journée de travail est terminée : « Enfin, des vêtements ! » dit-elle en souriant. J’ai une discussion avec Vincent face au miroir du vestiaire, alors qu’il se fait remaquiller : « Mon personnage est complètement perdu. Il pense avoir un équilibre en ayant plusieurs maîtresses mais c’est une situation qui ne lui convient absolument pas. Il se refuse à tomber amoureux parce qu’il a déjà souffert mais il tient à chacune de ses maîtresses. Le scénario d’Antoine est juste, calibré au millimètre. C’est parfaitement logique que mon personnage ait son alliance à la main droite et pas à la main gauche, tu vois… ». Les scènes de nu auraient-il pu le faire hésiter à tourner avec quelqu’un d’autre qu’Antoine qu’il connaît bien ? « Antoine a une façon de réaliser, d’envisager l’ambiance qui me convient. Je sais précisément comment il visualise son projet et je sais que ça va être un beau film. Avant de tourner « Love Collection », j’ai regardé un film allemand sur Arte dans lequel il y avait des scènes de nu. Les acteurs étaient blancs de peau, ils faisaient l’amour et c’était tout sauf sensuel. »
Il est bientôt 19h. Vincent et Leilani sont tous les deux nus. Deux scènes de nuit en contre-plongée sont filmées, tout va très vite. « C’est le plan que je voulais », annonce Antoine. Fin de journée également.