« The Order Electrus » et « Metalosis Maligna », respectivement sortis en 2005 et 2006, sont deux faux documentaires de sept minutes, qui s’intéressent aux dérives liées aux progrès technologiques du monde moderne. Au travers de ces deux œuvres courtes, le réalisateur néerlandais Floris Kaayk propose un univers unique, reposant sur le mélange habile d’effets spéciaux et d’images réelles, au service de récits d’anticipation remplis d’humour noir et d’imaginaire fantastique.
The Order Electrus
« The Order Electrus » se présente comme un documentaire animalier qui suit la naissance et la survie d’insectes dans des friches industrielles abandonnées en Allemagne. Cependant, il s’agit d’insectes bien particuliers, puisqu’ils sont constitués de pièces d’appareils électroniques obsolètes. Nous voyons ainsi évoluer à l’écran d’anciennes puces et diodes qui se sont adaptées à leur habitat naturel et ont muté vers une nouvelle forme de vie alliant mécanique et vie naturelle.
Détournant les scènes clés du documentaire animalier, Floris Kaayk donne un ton amusant et humoristique à son film, notamment lors d’un accouplement aux multiples « étincelles », ou encore lors d’une scène décrivant une colonie d’insectes-robots travaillant d’arrache-pied pour la construction de leur nid, ou enfin lors d’une attaque de prédateur sous la forme d’un raccordement électrique se fondant dans le paysage par mimétisme.
Le film se termine sur la présentation du fameux nid, sorte de ruche tout en métal, sur lequel les insectes doivent retirer l’eau minutieusement, car c’est une source de rouille. Il est d’ailleurs intéressant de noter l’utilisation de l’eau à l’inverse de la symbolique de vie intrinsèque qui, usuellement, en émane. La voix du narrateur se fait alors plus lyrique, la musique plus enlevée, on nous promet l’arrivée d’un nouveau monde « magique » appelé à se reproduire partout, un nouvel ordre électrique : « The Order Electrus ».
Avec cette première œuvre, Floris Kaayk développe un style particulier, mêlant la rigueur scientifique de la forme documentaire à l’imagerie fantastique des récits d’anticipation, appuyé par une utilisation parcimonieuse d’effets visuels 3D. Ce style va trouver son essor dans son deuxième film, plus abouti : « Metalosis Maligna ».
Metalosis Maligna
Adoptant la forme du documentaire médical, « Metalosis Maligna » part du principe que la population actuelle vivant plus longtemps, le corps a besoin d’être aidé biologiquement par des implants métalliques. Seulement, il arrive que des bactéries infectent ces implants et propagent une maladie grave qui remplace des sections entières du corps humain par des tissus métalliques : la fameuse « Metalosis Maligna ».
Le film montre l’évolution de cette maladie de la première infection non soignée qui cause des dommages intérieurs (l’implant étant touché par la bactérie, il se transforme et grandit), jusqu’à la disparition entière de parties du corps (des rougeurs et irritations apparaissent au niveau de la peau, là où il y a des implants ; ces derniers traversent alors la peau, deviennent extérieurs au corps et se substituent aux organes).
S’appuyant sur diverses figures visuelles et formelles crédibles comme une voix off féminine, informative et didactique, les interviews d’un docteur qui étudie la maladie et cherche à la comprendre, divers schémas, radios et mises en situation avec des patients malades, d’une grande précision scientifique, Floris Kaayk réussit à nous faire douter du côté fictionnel de l’histoire.
Un véritable tour de force dû en partie à la crédibilité des effets spéciaux qui se mettent au service du récit dans des scènes d’anthologie, comme la visite médicale du patient au docteur au cours de laquelle ce dernier lui demande d’émettre un son humain, ce que le visage composé de tubes métalliques devant lui, n’arrive pas à faire ; ou encore, cette expérience menée sur un petit rongeur dont la propre tête a été remplacée par un amalgame de fer.
Raconté avec beaucoup d’humour, « Metalosis Maligna » est un film inventif et habile, qui nous interpelle et dérange par son contenu visuel cru, rendu crédible par des effets spéciaux très soignés. Avec ce deuxième film, l’animateur néerlandais affine sa réalisation et nous procure bien des réflexions une fois le générique terminé.
Voilà deux œuvres hybrides, similaires thématiquement et dans leur approche visuelle, qui sont annonciatrices de l’éclosion d’un univers à part dans le monde de l’animation.
Article associé : l’interview de Floris Kaayk