Alors que la plupart des régions du monde fonctionnent encore selon un modèle de société sexiste, à Bruxelles, le Festival « Elles tournent – Dames draaien », mettant en avant des films réalisés par des femmes, a investi le Botanique du 29 septembre au 2 octobre dernier.
L’initiative, à l’instar de son homologue parisien (Festival International de films de femmes, à Créteil) accueille une grande majorité de femmes. Un espace consacré uniquement aux femmes réalisatrices? « Pourquoi ? », « A quoi ça sert ? », « C’est de la discrimination positive », « Enfin, on met les femmes à l’honneur ! ». Nombre d’opinions foisonnent de part et d’autres aux abords d’un tel événement qui, il faut bien l’avouer, peut sembler sectaire à certains égards. Quoi qu’il en soit, la raison d’être de Elles Tournent, vient du constat que la production cinématographique des femmes est, en Belgique comme ailleurs, insuffisamment diffusée. A cela, les organisatrices du Festival répondent par quatre jours de films, de débats, de rencontres autour de l’approche du genre féminin.
Qu’en est-il de cette production ? Au regard de la sélection de cette année, où l’on a pu voir 5 longs métrages de fiction, 14 documentaires et 3 programmes de courts métrages dont un dédié à l’Empire du Milieu (China in Shorts), un autre aux réalisatrices belges contemporaines (Ecran d’art, écran d’elles) et un dernier à cette notion à la fois simple et complexe qu’est le féminisme (Vive le féminisme!), on aura remarqué une nette préférence pour des films affichant un point de vue sur une réalité par le biais d’expressions souvent (trop) didactiques évitant au spectateur de se créer un lieu de réception personnelle. On aime mener le spectateur par la main sans se demander si celui-ci à l’âge de marcher tout seul. Par ailleurs, il semble que le but principal de certains de ces films serait plus d’informer que d’édifier.
De manière générale, la plupart des courts métrages présentés manquaient sensiblement de forme originale et novatrice. Retenons néanmoins des films tels que « Poupées-poubelles » de Violaine De Villers qui propose, 40 ans après leur création, une promenade de poupées imaginées par la créatrice Marianne Berenhaut, la sœur de la cinéaste belge. En des portraits à la fois intimistes et révélateurs, De Villers filme les sculptures « installées », disséminées dans un espace d’ordinaire consacré au culte (l’Eglise Saint-Loup à Namur), mettant ainsi en évidence les conflits intérieurs de l’artiste et le regard qu’elle porte sur la condition féminine, « Gabrielle » de Rozenn Quéré et Perrine Lottier, pour sa fraiche spontanéité et sa créativité graphique et langagière et « Kubita » de Maria Tarantino pour la force du propos parfois insoutenable (le film aborde le vécu de prisonniers torturés qui se dévoilent grâce à l’expression théâtrale). Le film ne laisse pas indifférent, même si l’on peut tout de même y constater un montage alterné assez prévisible.
Retenons encore le moyen métrage de Vanessa Rousselot, « Blagues à part », qui remporte la palme du film documentaire bien ficelé : une idée géniale, un contexte polémique, des personnages attachants, une caméra confidente sans être intrusive et un montage à la narration haletante. C’est que pour son premier film, la réalisatrice française s’est attachée à parcourir le territoire palestinien en demandant aux personnes qu’elle croisait sur sa route de lui raconter une blague. En filigrane, se dessine alors l’esprit malicieux et cocasse de tout un peuple de même que sont suggérées les contraintes liées à son quotidien (couvre-feu, checkpoint,…). Sans aborder frontalement le discours politique, Rousselot touche juste car elle arrive à se nicher à la place du cœur, faisant de « Blagues à part » une œuvre riche, humaine et universelle.
Et lorsque la clôture du Festival offre un échange autour de la question du féminisme aujourd’hui, on est à peine étonné de retrouver dans la salle 90% de femmes, jeunes et moins jeunes, féministes, sexistes ou encore égalitaristes mais une chose est sûre, toutes savent plus ou moins ce qu’elles doivent à Madame Sartre. Alors, « En voiture Simone », elles tournent !
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