R-One Chaffiot : « Cela me plaît de trouver le talent à la racine et de voir ensuite ce qu’il peut devenir »

Erwan Chaffiot, plus connu sous le pseudo R-One Chaffiot, est un des piliers du magazine spécialisé Mad Movies. Il s’occupe notamment de la rubrique MAD In France, dédiée à la mise en avant de nouveaux talents dans le court métrage de genre. Rencontre avec un journaliste passionné, soucieux d’aider la jeune génération à émerger à l’occasion de la deuxième carte blanche MAD In France au Festival Mauvais Genre.

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Qu’est-ce que MAD In France ?

Le concept de MAD In France est de parler des courts métrages auto-produits de genre. C’est-à-dire de mettre en avant les courts métrages dont personne ne parle, parce qu’ils n’ont pas d’argent, ni de producteurs, parce que leurs réalisateurs sont souvent jeunes, mais aussi parce que les courts métrages de genre ont plus de mal à exister que les autres.

Depuis quand t’occupes-tu de cette rubrique au sein de Mad Movies ?

Depuis dix ans. J’avais fait mes armes avec une rubrique de ce style dans Starfix Nouvelle Génération avec un ami, Julien Dupuy. On avait appelé ça « Bandes d’Amateurs », et, à moi tout seul, je l’ai reconduite dans le magazine Score. Ensuite, Damien Granger, l’ancien Rédacteur en Chef de Mad Movies, m’a proposé de reprendre la rubrique MAD In France qui existait déjà dans sa revue; mon prédécesseur ne voulait plus s’en occuper et cela m’intéressait de continuer. J’ai donc repris la rubrique à mon compte.

Comment fais-tu tes choix, tes sélections ? Ce sont les réalisateurs qui t’envoient leurs films ?

Au début, les réalisateurs envoyaient surtout leurs films à la rédaction, donc j’y passais de temps en temps avec un gros sac et je prenais tout. Je le fais toujours, mais de plus en plus, on me contacte par mail ou via Facebook. Je vois directement les films en téléchargement, c’est devenu plus pratique. Il n’y a pas de favoritisme, je regarde tout. Ça prend un peu de temps, parce que j’ai d’autres activités à côté, et je réponds par oui ou par non ; et quand c’est positif, le film rejoint ma liste d’attente. Pour mes articles, je fais remplir un questionnaire type à tout le monde et recueille une interview personnalisée de chacun.

Tu suis la carrière de certains réalisateurs en chroniquant leurs films à plusieurs reprises et en les diffusant en festival. Peux-tu me parler de ce suivi particulier ?

J’aime bien suivre les gens dont j’ai déjà parlé. Cela devient de plus en plus difficile à mesure des années et du nombre de chroniques déjà écrites, donc je fais au mieux. J’aime voir l’évolution des auteurs, ce qu’ils deviennent avec le temps. Cela me plaît de trouver le talent à la racine et de voir ensuite ce qu’il peut devenir. Reconnaître un potentiel et l’aider à émerger est un challenge pour moi.

Il y a des gens que je suis comme par exemple Patrice Gablin que j’avais rencontré à Mauvais Genre il y a deux ans. Il y montrait « Le Chasseur de Rêves » que j’avais trouvé moyen. Je l’ai chroniqué quand même parce que je trouvais le résultat culotté et qu’il y avait de jolies choses dedans. Puis, nous nous sommes recroisés. Il venait de finir « Mon Père », et j’ai trouvé le film abouti, avec un vrai œil de cinéaste derrière. Il a fait d’énormes progrès et cela m’enchante d’avoir pu le soutenir et de ne m’être pas trompé d’une certaine façon.


Le nom de Talal Selhami me vient aussi à l’esprit. Tu avais chroniqué « Sinistra », il me semble ?

J’avais adoré « Sinistra », c’est un des courts vus pour Mad In France que j’ai le plus apprécié. C’est un petit bijou de film autoproduit. Il a de nombreux défauts techniques, mais possède de grandes idées, avec un vrai œil de cinéaste.

Après, Talal Selhami a fait son premier long métrage, « Mirages » (présenté à Mauvais Genre 2011), et il m’a invité sur le tournage au Maroc où j’ai pu filmer quelques images pour une émission télé qui ne s’est finalement jamais faite (sic). Talal est devenu un ami proche, j’ai eu le privilège de lire les premières versions du scénario de « Mirages », de voir la première mouture du montage, de donner mon point de vue à différentes étapes de production du film et de participer en quelque sorte à l’aventure. Cela me change du rendement habituel, de la routine que je peux éprouver au moment de la sortie d’un gros film. Côtoyer les créatifs me plaît vraiment dans mon métier de journaliste. MAD In France est la rubrique rêvée pour cela.

Comment s’est créé le rapprochement avec Mauvais Genre et l’obtention d’une carte blanche pour MAD In France durant le festival ?

Nous avions fait une première séance MAD In France à la Cinémathèque française pour les 35 ans de Mad Movies avec l’accord et le soutien de Fausto Fasulo (Rédacteur en Chef de Mad Movies) et Gérard Cohen (Directeur de Publication de Mad Movies). La Cinémathèque avait trouvé l’initiative intéressante, mais il ne s’était rien passé de plus. Puis, j’ai rencontré Gary Constant qui s’occupe du Festival Mauvais Genre à Tours. Étant originaire de cette ville moi aussi, j’y revenais régulièrement. Je lui ai alors proposé de présenter de jeunes auteurs passionnés et prometteurs au cours d’une séance MAD In France et de créer un partenariat avec Mad Movies. Cela a marché et nous avons reconduit la séance pour la deuxième année consécutive. Le projet est très important pour moi parce que je peux enfin diffuser les films dont je parle, et parce que c’est extrêmement frustrant de chroniquer un film que personne ne peut voir, parce qu’il n’est pas sur internet et parce qu’il ne tourne pas en festival.

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Qu’est-ce qui t’intéresse finalement dans le court métrage ?

J’ai vécu une grande partie de ma cinéphilie en ne m’intéressant pas au court métrage, parce que c’est une forme à laquelle je ne venais pas naturellement. Pour moi, le court métrage est un laboratoire avec lequel on se prépare pour des projets plus longs. Je trouve ce format difficile, c’est une narration particulière, très dense, à toute vitesse. Faire exister des personnages et une ambiance sur un court n’est vraiment pas aisé ; c’est un exercice sans pitié.

Question vaste et infinie. Je voudrais connaître ton avis sur la place du film de Genre en France. Vous êtes-vous aperçus d’un changement positif au sein de Mad Movies ou alors les films de Genre ont-ils toujours autant de mal à se faire ?

C’est de pire en pire parce que, malgré une belle impulsion à la fin des années 90 et au début des années 2000, les films fantastiques français ne marchent pas. Nous sommes dans une situation où cela devient très dur de faire un film de genre en France. Il y a eu une succession d’échecs commerciaux et artistiques qui ont rendu les producteurs et investisseurs très frileux. Nous n’avons pas eu de grande vague horrifique comme les Espagnols, les Coréens, les Japonais ou les Américains. A un moment donné, les portes se sont ouvertes pour les réalisateurs de genre, mais dans l’ensemble, les résultats n’ont pas été à la hauteur; j’ai l’impression que le film de genre en France a un peu raté sa chance. Si on avait eu des films qui avaient marqué ou fait de bons succès en salles, nous serions dans une autre situation à l’heure actuelle. Peut-être la solution se trouve-t’elle à l’étranger ? La jeune génération s’expatrie de suite après avoir fait 2-3 courts métrages et une belle bande démo pour pouvoir séduire les investisseurs. Ils ne veulent même plus passer par la « case France ». C’est plutôt triste d’être en arrivé là mais cela peut changer dans l’avenir. Le cinéma obéit à des fluctuations.

Propos recueillis par Julien Savès

Le site de Mad Movies : www.mad-movies.com

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