Gary Constant : « Grâce au court métrage, on peut sentir le potentiel d’un artiste en devenir. Il est très important que cela perdure »

Gary Constant, la trentaine passée, est un journaliste culturel spécialisé en cinéma et bande-dessinée. Il est à l’origine de la création du Festival Mauvais Genre à Tours, dont il assure la direction et la programmation artistique. Rencontre avec un homme passionné à l’énergie communicative.

Depuis quand existe le festival ? Comment s’est-il créé ?

La manifestation existe depuis avril 2007, cette année, c’était un mini-anniversaire puisqu’il s’agissait de la cinquième édition. L’idée de Mauvais Genre est de programmer tout un pan de films venant de tous pays, la plupart inédits chez nous, appartenant au cinéma de genre et aux thématiques nombreuses et variées allant du polar au fantastique en passant par l’horreur, l’animation, l’érotisme, la comédie… Le festival est né d’une frustration personnelle de ne pas pouvoir voir tel ou tel film à Tours et d’une envie de partager et de faire découvrir au plus grand nombre des films nouveaux et anciens qui m’ont enthousiasmé.


Conformists

Des films t’ont-ils marqué plus que d’autres, qu’ils soient en compétition ou en hors-compétition ?

Cette année, comme les autres d’ailleurs, il m’est difficile de répondre à la deuxième question. Si je respectais mon rôle, je devrais dire que toutes les oeuvres programmées sont intéressantes évidemment. Mais effectivement, en hors compétition, certaines sortent du lot comme « Conformists » de Jurian Booij, un court anglais qui dénonce, en un peu moins d’une vingtaine de minutes, le racisme avec une montée de la tension dans le récit assez éblouissante. Il y a aussi l’allemand « The Boy who wouldn’t kill »de Linus de Paoli qui se veut, via un récit post-apocalyptique dramatique, un hommage au cinéma-bis italien des années 80, à Fulci et consorts. Le film est réussi et l’image est incroyable.

En sélection officielle, l’un de mes préférés est le suisse « Danny Boy » de Marek Skrobecki, un bijou d’animation avec marionnettes proposant un héros très burtonien qui se balade dans une ville où tous les autres habitants n’ont pas de tête. Je suis très content car il a remporté les prix du jury et du public. Sinon, le canadien « The Old Ways », en noir et blanc, sur une exécution peu ordinaire, fait froid dans le dos. « Kaydara », proposé en première mondiale en présence des deux réalisateurs, Raphaël Hernandez et Savitri Joly-Gonfard, a scotché à juste titre son monde.

Comment se sont élaborées ces sélections de courts métrages ? Suivez-vous une certaine ligne éditoriale de programmation ? Es-tu le seul programmateur ?

Oui, j’avoue, je suis le seul aux manettes pour l’ensemble de la programmation, ce qui est peut-être une erreur car, parfois, c’est bien d’avoir d’autres regards mais bon… Pour être retenus, les films visionnés doivent être surprenants, décalés ou faire preuve d’une énergie peu commune dans leur représentation. En plus de cela, des critères forcément subjectifs entrent en ligne de compte.


Danny Boy

Que représente le court métrage pour toi ? Quel est ton rapport à cette forme de réalisation ?

Grâce au court métrage, on peut sentir le potentiel d’un artiste en devenir. Il est très important que cela perdure. L’art de raconter une histoire en un temps réduit a toujours été quelque chose d’intéressant à mes yeux. Il n’est pas exclu qu’un jour je ressorte des scénarios et les propose à des amis réalisateurs ou à des inconnus. Ensuite, j’aimerais me frotter vraiment de plain-pied à la réalisation via des projets personnels ou du moins avoir un mec chevronné en co-réalisation et travailler en tandem. Un peu comme les Dardenne ou les Coën.

Plusieurs cinéastes se retrouvent régulièrement avec différents projets à Mauvais Genre, est-ce important pour le festival de soutenir des artistes qui vous tiennent à coeur ? Avez-vous une démarche accompagnatrice ?

Bien sûr, c’est important de suivre la carrière de cinéastes en devenir ou confirmés que nous apprécions. Pour ceux qui «débutent», si nous pouvons, moi et la géniale équipe de bénévoles qui m’entourent, humblement, à notre petit niveau, leur donner un coup de pouce, nous ne nous en priverons pas et le ferons avec un plaisir non dissimulé.


Kaydara

Que gardes-tu de l’édition 2011 de Mauvais Genre, de ses moments mémorables comme de ses passages désagréables ?

On a battu un record de fréquentation avec plus de deux milles spectateurs, soit six cents personnes en plus par rapport à l’année 2010. On continue petit à petit notre progression en essayant de vraiment montrer tous les genres existants du cinéma. J’ai plein de moments mémorables comme la projection de « Kaydara », la master-class de Steve Johnson (maquilleur SFX), la cérémonie de clôture. Quant aux moments désagréables, je ne peux m’empêcher de penser à une galère accompagnée de grands fous rires, celle de trouver du pain pour des hot-dogs, un dimanche après-midi, alors que toutes les boulangeries sont fermées..

Mauvais Genre est reconduit pour une nouvelle édition. Quelles sont tes envies pour le futur ?

Le bilan financier de cette année est bon, tant mieux. Donc oui, on va se tenter une sixième édition en espérant vraiment avoir les moyens de notre politique afin de pouvoir proposer et faire plus de choses à l’avenir. D’ailleurs, j’y réfléchis déjà…

Propos recueillis par Julien Savès

Le site du festival : www.festivalmauvaisgenre.com

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