Réalisateur de films documentaires animés de pubs et de clips, Jonas Odell décline la forme courte en diversifiant les genres et les styles au gré de ses envies. En mars dernier, le Suédois présentait « Tussilago », son dernier film, au festival Anima et ajoutait ainsi une nouvelle corde à son arc en devenant le lauréat du Prix Format Court pour le Meilleur court métrage, catégorie films professionnels. Avant-goût de l’œuvre d’un artiste aux multiples facettes.
Co-fondateur du Studio Filmtecknarna avec Stig Bergqvist et Lars Ohlson, Jonas Odell est celui qui se cache derrière les célèbres clips « Plundered my Soul » des Rolling Stone, « Take me out » de Franz Ferdinand, « Window in the skies » de U2, « Strict Machine » de Goldfrapp ou encore « Shot me Down » de Audio Bullys. Il est également le créateur de nombreuses publicités (pour BMW, IKEA, Global Fund) et de courts métrages animés.
Tout au long de son œuvre, il développe un style particulier qui associe images réelles et animation en 2D et 3D. Il utilise le compositing aussi bien dans ses clips que dans ses films. Ainsi, ses images ont peu de profondeur rendant comptent de la réalité de façon directe et spontanée. Parallèlement à cela, Odell accorde une grande importance au témoignage dans ses courts métrages. La façon dont il amène les confessions intimes, les met en valeur et ce qui au départ aurait pu passer pour une banalité devient une magnifique interprétation du monde réel.
Alors que « Tussilago » poursuit son petit bonhomme de chemin dans les festivals du monde entier, « Lies » a remporté le Prix du Meilleur court métrage au Festival Sundance en 2009 et « Never Like The First Time » a obtenu le prestigieux Ours d’Or à la Berlinale de 2006. De quoi satisfaire le cinéaste (considéré comme faisant partie des 100 meilleurs réalisateurs d’animation de tous les temps, selon la chaîne britannique Channel 4) qui ne cache pas son affection pour l’absurde et le documentaire qu’il pétrit avec originalité et esprit.
Revolver
Bien avant le succès, Odell et ses comparses Bergqvist et Ohlson ont réalisé « Revolver », un court animé qui déploie ses ailes noire et blanche dans univers étrange et farfelu. Cet ovni dense et délicieux approfondit la philosophie de l’éternel recommencement. Le vieux monde qui n’en finit pas de tourner en rond, un cycle robotisé, mécanisé, bien huilé se retrouve dans des scènes très courtes qui se suivent au rythme d’une respiration continue et d’une musique hypnotique. Dates et sabliers, preuves de la vie qui s’écoule règnent en maîtres devant l’homme masqué, déguisé, tentant d’affronter le Temps. Sublime métaphore de la condition humaine « Revolver » se regarde agréablement dans l’œuvre du réalisateur suédois qui, un an après, aborde à nouveau l’humour du non-sens dans « Body Parts », une animation des plus loufoques.
Never Like The First Time
Jonas Odell inaugure son entrée dans le documentaire animé avec un film surprenant. Parce que la première relation sexuelle est supposée être inoubliable, magique ou cauchemardesque, fantasque ou romantique, Odell articule quatre témoignages authentiques (enregistrés entre août et octobre 2002) d’hommes et de femmes jeunes et moins jeunes confessant leur première fois. Ces récits intimes, le cinéaste les illustre à l’aide d’un graphisme personnalisé et approprié. Si l’une parle de viol, l’autre raconte l’ignorance totale de ces choses là à une époque assurément désuète. La réalisation sensible a valu à l’artiste le convoité Ours d’Or du court métrage en 2006. L’on voit dès lors pointer l’intérêt du réalisateur pour les décors géométriques des années 70 et pour un graphisme qui revendique l’éclatement des formes et des couleurs (qui n’est pas sans rappeler ses clips) tout en soutenant la cohérence des histoires. Un Prix du Public au festival Anima en 2007 amplement mérité.
Lies
« Lies » repose sur la mise en images de trois personnes qui racontent un moment de leur vie où ils ont été amenés à mentir. En partant du même principe d’illustrer des récits réels, Jonas Odell s’est intéressé à la notion de vérité et de mensonge. Il s’est demandé ce qui, dans certaines circonstances, pouvait mener au mensonge. On constate ainsi que la vérité est une chose complexe et abstraite. Car Odell aime jouer avec la réalité qui l’entoure. Il aime mettre en avant la facilité de la transformer, de la travestir. Dans un design minimaliste qui fait penser aux constructivistes, le cinéaste dévoile les trois témoignages, tantôt légers, tantôt graves en changeant d’univers pictural après chacun des aveux. Se développe alors une création qui trouve son équilibre entre saturation de l’image et importance du propos.
D’un design engorgé apparaît une narration sensible. D’un rythme effréné ressort un dynamisme percutant. Au sérieux des témoignages s’ajoute une explosion de formes graphiques psychédéliques. Définitivement, l’univers odellien fascine autant qu’il interpelle.
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