Cheveu de Julien Hallard

Pour une poignée de cheveux

Un court métrage pour parler de cheveux longs : une dérision primaire, initiale, essentielle, support permanent du film de Julien Hallard. Dans une effervescence qui reprend quelques accents des années 70 (cheveux longs, blouson orange et casque rouge), on assiste au délire d’un musicien réellement préoccupé par son apparence dans un véritable chassé-croisé de boucles, de franges et de frisettes.

« Cheveu » est en effet, purement et pas si simplement, l’histoire d’un homme qui, suite à une remarque (plus moqueuse que sérieuse) de sa copine quant à sa perte de cheveux, vire à l’obsession, attitude presque pubère, sauf que le film s’ouvre sur une poignée de cheveux.

Commence alors une épopée « cheveluresque », une course capillaire tout en démesure. Le film prend ensuite du volume, se gonfle : il s’épaissit d’une gravité autour d’un sujet apparemment léger. La découverte d’un désert crânien ne cache-t-elle pas en réalité un souci de force, sorte d’affirmation bancale de l’homme au sein des autres ? Les cheveux comme couverture épidermique donc, mais aussi paravent d’un malaise de virilité.

cheveu

Sous des apparences absurdes et ludiques, Julien Hallard titille l’homme dans son besoin de reconnaissance d’autrui, dans sa quête du regard de l’autre, toute aussi superficiel. Tout n’est que métaphore du stress de l’homme. L’image du personnage combattant son père, problème plus générationnel que génétique, n’est autre qu’un duel, qu’un défi de virilité, voir même une relation belliciste avec la nature provinciale qui les entoure, où là, tout pousse. La calvitie est plus qu’un manque, elle est le synonyme même du vide, de la perte. Dans cette continuité, des images douloureuses du passé en super 8 montrent la perte d’une mère, chauve par contre, morte d’un cancer et qui fait basculer le film dans une dimension clairement dramatique. Ces images illustrent ainsi une notion de régression qui ne fait qu’appuyer ce traumatisme de la dégénérescence du corps, permanent dans le film.

Perte des cheveux, premiers pas vers la finitude conditionnée de l’humain ? Sous des angles apparemment ronds, drôles et légers, Hallard aiguise avec ses ciseaux de coiffeur, le portrait de l’homme qui, fragile et impuissant, doit assumer sa propre perte.

Pauline Esparon

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