Les Mystérieuses Aventures de Claude Conseil de Marie-Lola Terver et Paul Jousselin

Après avoir été auréolé du prix du public lors du festival du court-métrage de Clermont-Ferrand 2024, le film de Marie-Lola Terver et Paul Jousselin pousse la porte des César en intégrant la sélection officielle des courts métrages de fiction de l’édition 2025. Sans rien sacrifier à sa drôlerie ni à son fantasque, Les Mystérieuses Aventures de Claude Conseil, revêt l’étoffe d’un conte philosophique. Leur premier film s’intéresse à l’improbable rencontre de deux mondes à travers deux femmes que tout semble a priori séparer. Le court-métrage joue avec les possibilités du son, Paul Jousselin est par ailleurs diplômé de la Fémis en section son, Marie-Lola Terver est quant à elle costumière. Devant l’exceptionnel parcours de leur film, riche en nominations et en prix, Paul Jousselin a même pensé un site internet en l’honneur du film, prolongeant l’atmosphère du court-métrage avec ses détails les plus emblématiques, comme un jeu de solitaire, ou le fond d’écran signé Pasolini, et recense tous les honneurs récompensant leur film.

Vivant paisiblement dans la forêt et unis par une passion dévorante pour les oiseaux, les époux Claude Conseil (Catherine Salviat et Olivier Saladin) recueillent leurs chants sifflés et les diffusent sur leur chaîne YouTube. Cette tendre tranquillité est perturbée le jour où le téléphone portable de Madame Claude Conseil est submergé de messages de désir et de haine. Le pépiement des oiseaux nappait leur maison au fond des bois : il laisse place à une pluie de voix électroniques. Cette avalanche de messages est provoquée par la sortie d’un titre de rap de la chanteuse Leys scandant ce qui s’avère être le numéro de téléphone de Claude Conseil. De là, les gazouillement d’oiseaux croisent la verve des paroles de la rappeuse comme les platines de ses productions, les feuillages et la lumière du jour rencontrent miraculeusement celle des néons et de l’esthétique très léchée du clip. Les Mystérieuses aventures, ce sont ces métissages de deux mondes, de deux femmes, un cocktail étonnant, détonnant, dont on peut attendre le pire, mais qui s’avère bienveillant. Cette persistance de la gentillesse et de l’altruisme dans le monde contemporain, une ode à l’inclusivité, voilà peut-être la plus belle surprise du court-métrage.

Le “Il était une fois” des contes infuse la forme comme le ton du court-métrage. Claude Conseil et son époux sont des passeurs d’histoire. Leur répertoire de chants d’oiseaux assure la transmission de la nature à internet. L’idée est plaisante : la féérie harmonieuse des oiseaux nourrit souvent l’imaginaire des contes. Elle est ici aussi comique, dessinant un jeu subtil avec le langage et le son : gazouillis, piaillements, roucoulements et paroles s’emmêlent, troublant ainsi ce qui se dit. Le clin d’œil amusé au film de Pasolini Uccellacci e uccellini (Des oiseaux petits et gros), vient renforcer à la fois la notion de conte et la portée du langage. Dans un monde connecté où l’âge, le vocabulaire et les centres d’intérêts creusent l’écart générationnel, Claude Conseil prône l’amitié : s’écouter, c’est mieux s’entendre. Claude Conseil comme Saint François d’Assise s’adresse aux oiseaux : “Qu’est-ce que tu vas me raconter aujourd’hui?”

Au début du film, Claude Conseil est assise face à sa fenêtre entrebâillée, au rebord de laquelle un oiseau se pose. Lorsque cette paisible retraitée sifflote à la manière des oiseaux le rap qu’elle vient d’assimiler, la preuve est apportée par le son cette fois-ci : il ne faut cesser d’ouvrir des portes et des fenêtres sur le monde qui nous entoure. Claude Conseil, au milieu de la nature, le téléphone tendu, comme un Orphée brandissant sa lyre, ne cherche pas à dompter les oiseaux, mais en poète, elle désire conter leur mélodie aux microphones d’un studio de musique. De l’autre côté, Leys tient son téléphone proche du micro, cherchant dans le chant des oiseaux le flow, le rythme qui permet de mixer les sifflements à la cadence du rap. Il y a transmission à partir du moment où Leys se rend disponible à recevoir et intégrer, de la même manière que Claude Conseil, apprend et assimile le vocabulaire qui lui est inconnu. Les Mystérieuses Aventures de Claude Conseil, dans une mise en scène radieuse, fait du dialogue, à l’instar de ses deux cinéastes, le levier de la création.

Lou Leoty

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