À l’occasion du festival Premiers Plans qui s’est achevé à Angers le week-end dernier, nous avons rencontré Samir Guesmi, acteur à la filmographie impressionnante, comptant des apparitions dans plus de 135 films. Samir Guesmi est également passé à la réalisation avec un court métrage (C’est dimanche !) et un premier long-métrage, Ibrahim, récompensé du Grand Prix à Angers en 2022. Cette année, c’est en tant que président du jury des courts-métrages que Samir Guesmi a été convié au festival. Il nous a fait part de ses considérations en tant que juré et de ses goûts personnels pour répondre à la question suivante : qu’est-ce qui fait un bon projet de cinéma ?
Format Court : Tout d’abord, en tant qu’acteur, qu’est ce qui vous fait dire « oui » à un projet ?
Samir Guesmi : Cela varie beaucoup. C’est avant tout la rencontre avec le réalisateur ou la réalisatrice qui est déterminante. Ensuite, il y a la teneur du rôle, le projet, les partenaires, la nécessité par moment aussi.. Le besoin de travailler est une réalité du métier, il ne faut pas l’oublier. Je tiens aussi compte de la diversité des rôles, j’essaye de ne pas m’ennuyer dans ce que je fais.
Avez-vous un genre de prédilection ?
S.G : Non. Au contraire, j’essaye d’alterner les registres, peut-être assez inconsciemment d’ailleurs. Si je sens que j’ai déjà fait quelque chose de similaire à ce qu’on me propose, je ne le ferai pas. Mais il y a des exceptions. Par exemple, ces derniers temps, j’ai joué plusieurs rôles de pères qui auraient pu se ressembler mais qui finalement ont des variations qui les distinguent complètement.
En tant que juré, qu’est-ce qui vous fait dire qu’un court métrage est bon ou non ?
S.G : Je pense que tout le monde est capable de juger s’il aime ou s’il n’aime pas un projet. Moi, je me demande si un projet me touche ou non, s’il m’émeut, s’il provoque des choses en moi, même si elles sont négatives. Evidemment ce sont des réactions très subjectives, cela n’est pas une science exacte, alors, bien sûr, dans un jury, il peut y avoir des dissonances. Pour un même film, trois jurés penseront peut-être des choses différentes.
Y a-t-il des détails auxquelles vous prêtez particulièrement attention quand vous jugez un film ?
S.G : Oui, le jeu des acteurs forcément. L’acteur ou l’actrice relaye l’histoire, c’est lui ou elle qui nous la raconte. Je pense qu’un mauvais jeu peut faire obstacle et empêcher d’apprécier un projet. C’est en cela que l’acteur a une grande responsabilité dans un film. Il aura beau être très bien éclairé dans de sublimes paysages, si son jeu ne convainc pas, ça ne pardonne pas.
Votre expérience d’acteur vous influence-t-elle dans votre direction d’acteur, selon vous ?
S.G : Je pense souvent à cette phrase : « Un acteur connait bien les acteurs ». Je crois que je suis peut-être plus alerte au bien-être de l’acteur, je veux le mettre à l’aise et qu’il se sente dans un bon environnement. Mais il est évident qu’il y a des réalisateurs qui n’ont jamais joué et qui font une très bonne direction d’acteurs aussi. Il suffit d’être attentif tout simplement. Evidemment, tout cela n’est pas vraiment une science exacte. Dans certaines scènes, il faut laisser les acteurs parler avec leurs mots et aller à leur rythme, et pour d’autres scènes, il faut au contraire un certain cadre pour mieux accompagner leur jeu.
Le court-métrage est-il une fin en soi selon vous ?
S.G : Cela dépend du parcours de chacun. Il n’y a pas de règles. Certains vont aborder le long-métrage sans passer par le court-métrage et d’autres restent à la forme courte car elle leur convient très bien. Mais il est vrai que souvent, c’est en présentant un court métrage que l’on montre ce que l’on sait faire et que l’on donne envie aux producteur de nous faire confiance.
Quels sont les avantages et les inconvénients du format du court-métrage ?
S:G : L’un des avantages est qu’il n’y a pas de contraintes de budget. Premièrement, cela laisse plus libre le/la réalisateur.rice, puisqu’il n’y a pas d’impératifs économiques. Deuxièmement, cela rend le format accessible à tous, parce qu’on peut faire un court-métrage de bric et de broc. L’inconvénient est évidement le temps réduit, il faut raconter notre histoire de manière contrainte.
Pourquoi avoir accepté d’être président du jury court à Angers ?
S.G : Tout d’abord, parce que la proposition m’a flatté (rires) ! Ensuite, parce que j’aime la ville d’Angers, que l’idée de venir voir des films me plaisait et que j’ai eu le sentiment que c’était la moindre des choses aussi, après avoir reçu un prix ici l’année dernière. Je n’ai pas tant accepté d’être président que juste accepté d’aller voir des courts-métrages en fait.
Quels sont les désaccords possibles entre les jurés ? Y a-t-il des points d’accroches parfois dans les délibérations ?
S.G : Les délibérations ne se passent pas toujours parfaitement, c’est certain. Quand on défend un film, on défend ses choix, ses goûts, son intime, donc évidemment il y a une part de soi qu’on a envie de défendre, mais d’une certaine manière on arrive toujours au compromis pour s’arrêter sur un choix. Par exemple, nous avons débattu 2h30 pour nos délibérations en passant en revue une grande partie des films. Ce sont des discussions passionnantes pour moi. On parle de cinéma, de ce qu’on aime, et comme on est tous investis et concernés, l’expérience nous rapproche en définitive.
Quelle est la rencontre qui vous intéresse le plus dans ce genre d’événements ?
S.G : Ce sont les étudiants que je préfère rencontrer. Ils m’intéressent pour la curiosité qu’ils ont, pour leur regard neuf, ils ont un vrai désir de cinéma, une envie que je ressens. Et puis, ils cassent la routine, on rencontre toujours un peu les même gens dans ce milieu. Les étudiants représentent la relève, c’est toujours intéressant d’aller à leur rencontre.
Est-ce que cela vous intéresserait-il de reproduire cette expérience en tant que juré ?
S.G : Cela reste une bonne expérience que je referai avec plaisir dans l’avenir. J’étais au CIFF (Festival international du film du Caire) en novembre, c’était super. Mais je ne vais pas faire ça tous les jours évidement, il faut bien travailler (rires) !
Propos recueillis par Anouk Ait Ouadda et Mona Affholder