Amore Mio, le premier long métrage de Guillaume Gouix sort en salles ce mercredi 1er février 2023, produit par Agat Films – Ex Nihilo, distribué par Urban Distribution. Déjà repéré en tant qu’acteur dans la série Les Revenants et dans les films La French, Minuit à Paris, et plus récemment dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret, Guillaume Gouix avait déjà réalisé trois courts-métrages prometteurs : Alexis Ivanovitch vous êtes mon héros (2011), Mademoiselle (2014) et Mon royaume (2019). Cette nouvelle fiction s’ouvre comme un road-movie féminin, nostalgique mais plein d’espoir, déroutant et sensible, qui a déjà conquis le public lors de ses présentations aux festivals Cinémania (Canada), au FIFF de Namur (Belgique), et au Festival des Arcs en 2022.
On évoque souvent la mort, la tragédie, le moment de fin, la douleur de celui qui part. On s’attarde moins sur celui qui reste et doit continuer de vivre, avec ses souvenirs, sa peine, ses espoirs… Et c’est ce que dépeint Guillaume Gouix dans le film Amore Mio. Le combat de celui qui reste pour reconstruire sa vie, avoir la force d’accepter et d’entamer la prochaine étape. Cette histoire, c’est celle de Lola (Alysson Paradis), une jeune maman qui perd subitement l’homme qu’elle aime dans un accident, et qui doit faire face à son propre chagrin et à celui de son petit garçon âgé de 8 ans (interprété par Viggo Ferreira-Redier). Bien agir, trouver les bons mots, redonner du sens… Il n’y en a peut-être pas. Lola nous désoriente par son comportement parfois saugrenu et égoïste; et elle nous emporte dans le voyage rocambolesque de son deuil. Elle veut voir le soleil, retrouver l’excitation de la vie… Mais ce voyage s’avère bien plus complexe qu’imaginé.Elle embarque avec elle sa sœur, Margaux (Élodie Bouchez) qui joue la conductrice de ce road trip. Les deux ne se connaissent plus vraiment. Les années ont passé et les différences ont creusé un fossé dans leur relation. Pourtant Margaux est là, au volant, prête à suivre sa cadette dans ce voyage. Les reproches sont constants entre les deux sœurs. Les cris et les insultes n’ont d’autre but que de reconstruire une relation entamée et de dévoiler au fur et à mesure la fusion entre les deux protagonistes. Comme dans Mademoiselle et Mon Royaume, l’axe sororal, à la fois cru et tendre, est central dans la construction de l’histoire et des personnages, redonnant l’élan de vie et venant par les dialogues contrecarrer la morosité du deuil.
Ces jeux d’opposition marquent toute l’histoire d’Amore Mio et construisent un enchaînement inattendu : de la voiture à l’appartement, de la grande échappée au retour au réel, de femme à mère, de l’image à la réalité. Ce film est authentique et ne cherche pas à créer d’action extraordinaire. La caméra reste centrée sur les personnages, proche d’eux dans tous leurs gestes, resserrée comme pour capter les moindres détails. L’évolution de ces derniers est ce qui est véritablement intéressant, car tous s’éloignent progressivement des codes sociétaux et de la bienséance. Comme dans la majorité des films de Guillaume Gouix, il est davantage question de l’introspection plutôt que d’action à proprement parler. Les personnages se cristallisent sur la caméra, leurs faiblesses se laissent entrevoir au fur et à mesure des scènes. Leurs fragilités font naître toute l’intrigue et la poésie du récit.
Cette manière de mettre à nu les personnages, nous avions déjà eu l’occasion de la découvrir dans le court-métrage Alexis Ivanovitch, vous êtes mon héros – dont le personnage principal était interprété par Swann Arlaud – récompensé d’une Mention spéciale à la Semaine de la Critique à Cannes en 2011. Tout allait bien dans la vie d’Alexis, jusqu’au jour où son amour propre est remis en question par une bagarre de bar. L’estime de cet homme drôle, un brin subversif et provocateur, s’effondre, laissant place aux doutes et à la vulnérabilité. Ce n’est pas tant le drame – qui intervient souvent au début – qui intéresse Guillaume Gouix que la manière dont les personnages ont de remonter à la surface, écorchés, souvent seuls face à la caméra et face à eux-mêmes. Ses films n’ont pas la prétention d’apporter une réponse, mais de laisser libre court aux émotions que l’on a plutôt tendance à enfouir.
Avec ce long-métrage, Guillaume Gouix nous invite à l’évasion, pas celle de partir loin, mais celle d’assumer des émotions dont on se prive. Si l’on résiste difficilement à l’envie de juger les personnages à certains moments – un peu caricaturaux, on ne peut s’empêcher de se questionner sur nos propres réactions et nos envies profondes. Un film touchant dans le fond, avec des imperfections et des maladresses dans la forme qui font aussi partie de la douceur de ce premier long.
Article associé : l’interview du réalisateur