Cet été, Capricci a sorti Bruno Reidal en DVD, le premier long-métrage de Vincent Le Port, sélectionné à la Semaine de la Critique en 2021. Un réalisateur à découvrir dans ce DVD qui mêle à Bruno Reidal un court-métrage et des entretiens avec le réalisateur et son acteur principal, Dimitri Doré. Cela tombe bien : Format Court vous propose de gagner ce DVD grâce à un nouveau jeu concours !
C’est un fait divers qui a fasciné la France au tout début du vingtième siècle : un jeune séminariste qui, à l’orée de ses dix-sept ans, tue un enfant de douze ans. Le scandale est tel que Paris dépêche, dans le petit village du Cantal de Bruno Reidal, le criminaliste Lacassagne, connu pour avoir renouvelé l’expertise criminelle. Médecin de son état, passionné par les marges, le Professeur Lacassagne met au service de l’enquête ses connaissances de la psychologie criminelle. La culpabilité de Bruno Reidal fait peu de doute : il s’est lui-même livré aux autorités. La question sera bien davantage d’évaluer sa responsabilité dans cette histoire pour le moins sordide.
Le film de Vincent Le Port s’appuie sur l’expertise criminelle de Lacassagne, mais surtout sur le propre écrit de Bruno Reidal : à la demande du médecin, en effet, il s’est livré dans un long récit à une introspection qui puise au plus loin de l’enfance. Aussi ce premier long-métrage suit-il avec rigueur la chronologie de cette courte vie, de la naissance au passage à l’acte. Le texte du jeune assassin, simple et naïf dans ses précisions, accompagne les images en une passionnante voix off.
L’objet du réalisateur, on l’aura compris, est, à l’instar de l’expert psychiatre, de nous plonger dans ce qui a rendu possible la réalisation d’un tel acte. Car Bruno Reidal est tout sauf un être amoral : très croyant, bouleversé par des pulsions qu’il ne parvient pas à maitriser, il ne cesse de lutter contre des désirs qu’il est le premier à considérer comme impurs. Le spectateur se retrouve alors dans la position de Lacassagne, destinataire de cette confession.
La première réussite du film réside dans ce resserrement autour du personnage de Bruno Reidal : s’il arrive à Lacassagne (implacable Jean-Luc Vincent) et à certains condisciples du jeune séminariste d’apparaitre à l’écran, la caméra se concentre sur ce visage rugueux, grave, qui regarde l’univers avec une méfiance douloureuse. Volontiers filmé en plans rapprochés, mis en valeur par une lumière ocre qui n’en éclaire qu’une partie, ce visage nous entraine dans les tourments de cette âme écartelée entre le bien et le mal, entre l’amour et la haine pour ses proies. Il convient à ce sujet de saluer le jeu, tout en sobriété, de Dimitri Doré : le jeune acteur, que l’on retrouvera au cinéma dans A propos de Joan (Laurent Larivière) et au théâtre dans deux spectacles de Jonathan Capdevielle (Rémi et A nous deux maintenant), incarne avec une grande économie de moyens ce personnage qui semble toujours nous regarder de côté. Le choix des acteurs qui interprètent Bruno Reidal enfant fonctionne également : les visages sages de Alex Fanguin et Romain Villedieu annoncent parfaitement le regard sévère de leur aîné.
Quant aux paysages de basse montagne, ils forment, par leur sérénité, un malicieux contraste avec les angoisses du personnage. Souvent ensoleillées, ces vallées du Cantal ont quelque chose de la Franche-Comté de Courbet : un sol vallonné mais peu élevé, des couleurs aux teintes discrètes et des personnages qui, comme dans Un enterrement à Ornans, n’apparaissent qu’en groupes. Un parfait écrin pour un meurtre incompréhensible.
Les entretiens avec Dimitri Doré et Vincent Le Port, présents dans ce DVD, viennent éclairer certains aspects du jeu et de la direction d’acteurs. Le rapport médico-légal a ainsi servi le travail corporel de Dimitri Doré, qui s’en est saisi comme de didascalies (rappelons ici que l’acteur a commencé au théâtre). De manière générale, le traitement des archives – les deux Evangiles de Vincent Le Port selon sa formule – fait l’objet de nombreuses questions évoquées dans le bonus.
Le DVD est enrichi du court-métrage La Marche de Paris à Brest, qui s’inspire La Marche de Munich à Berlin (München-Berlin Wanderung) de Oskar Fischinker (1927) : en un film de six minutes (le film-source en durait cinq), le réalisateur fait défiler des images filmées lors d’un voyage en Bretagne. La vitesse avec laquelle elles défilent fait penser, malgré un titre on ne peut plus clair, à un voyage en train ou en voiture. Le travail de composition nous fait passer sans solution de continuité d’un pêcheur aux allures un rien archaïques à des éoliennes toutes modernes. La découverte de ce court-métrage rend compte de l’évolution du travail de Vincent Le Port et met en perspective le traitement des paysages dans Bruno Reidal ainsi que son rapport au rythme et au temps. Il s’agit donc d’un matériau qui enrichit avantageusement le visionnage du long-métrage.