Robuste de Constance Meyer, film d’ouverture de la Semaine de la Critique 2021, sort ce 23 août en DVD distribué par Diaphana. Nous organisons d’ailleurs un concours pour vous faire gagner 3 exemplaires (écrivez-nous !). Robuste est le premier long-métrage de la réalisatrice, passée à plusieurs reprises par le court-métrage et notamment en compagnie de son acteur fétiche Gerard Depardieu avec qui elle a collaboré sur trois de ces court-métrage et sur ce premier long.
Robuste, c’est l’histoire d’un acteur, George, star de cinema vieillissante interprété par Gérard Depardieu, qui lorsque Lalou, son assistant, secrétaire, homme à tout faire, interprété par Steve Tientcheu doit s’absenter pendant plusieurs semaines pour aller enterrer son père, se voit attribuer un remplaçant. Ou plutôt une remplaçante en la personne de Aïssa. Aïssa interprétée par Déborah Lukumuemna (César 2017 pour son rôle dans Divines d’Houda Benyamina) travaille dans la sécurité mais poursuit aussi un parcours sportif à travers la lutte. Entre l’acteur désabusé et la jeune femme va se nouer un lien unique. Robuste, c’est l’histoire de ce tandem. Ici pas d’ambiguïté amoureuse ou affective mais plutôt une relation humaine d’abord très professionnelle qui avec le temps et les silences va se teinter de confiance, de respect et d’une certaine forme de complicité.
On les découvre chacun dans leur univers. Georges, comme un alter-ego de l’acteur, dans sa grande maison, entouré d’objets d’arts, comme on imaginerait être son hôtel particulier, rue du Cherche-Midi. Et Aïssa, parfois seule, parfois entourée de sa mère et de sa soeur, dans un appartement perché en haut d’une grande tour. Ce point de vue de la fenêtre d’un immeuble, Constance Meyer l’avait déjà filmé dans un de ces précédent court-métrage Rhapsody avec déjà Gerard Depardieu en baby-sitter gâteau. Dans ce film d’une quinzaine de minutes, présent en bonus sur le DVD, elle se plaisait à filmer la vie, le monde depuis les fenêtres. Le personnage interprété par Gerard Depardieu vivait dans un appartement en haut d’une tour et regardait, dans des plans qui n’étaient pas sans rappeler Conversations secrètes de Coppola, les gens circuler sur la place en contrebas. Le soir, il allait écouter au bar le récit des rêves de son ami de comptoir interprété par Guillaume Nicloux, lui-même réalisateur et avec qui Gerard Depardieu à souvent travaillé. Avant Rhapsody il y avait eu Franck Etienne vers la béatitude, première collaboration avec Gerard Depardieu qui campait dans ce court-métrage en noir et blanc un VRP qui commençait sa carrière de vendeur au porte-à-porte à 60 ans. Enfin, avant de réaliser Robuste, c’est La belle affaire, à ce jour son dernier court qu’elle a réalisé mettant en scène Florence Loiret-Caille en détective.
Pour Robuste, tout est parti d’une image que la réalisatrice avait en tête. L’image d’un homme robuste évanoui dans les bras d’une femme qui le porte, le sauve. Comme une scène galante inversée. Ce film, ce sont ses deux personnages principaux qui le porte, ce duo intergenerationnel, deux acteurices robustes dans leur physicalité et dans leur rapport l’un avec l’autre. C’est un duo qui se cherche, qui se trouve parfois dans des confidences pudiques ou dans des conflits assumés comme dans cette merveilleuse scène dans un restaurant chinois ou Georges vient provoquer le débat sur l’amour entre Aïssa et son ami-amant avec qui elle est en train de manger. Car malgré les conflits et les désaccords, il y a toujours de l’humour, une douce ironie, une douceur, une place a la rêverie, une dimension onirique dans la mise en scène de Constance Meyer: les rêves racontés par Guillaume Nicloux dans le court métrage Rhapsody, les poissons des abysses que fait venir Georges pour tenter d’être moins seul dans « Robuste ». Il y a aussi la présence de la musique entêtante et envoûtante composé par David Babin alias Babx, uniquement interprété à la voix par le trio « Musical Humana » et la magnifique photo de Simon Beaufils (chef opérateur entre autres de Antoinette dans les Cévennes et des films de Justine Triet, Sibyl et Victoria), qui pour Robuste n’a utilisé que des vieilles optiques pour donner davantage de grain a l’image du film tournés à de rares exceptions près, en intérieur. Tous ces éléments réunis emmènent le spectateur dans une dimension poétique, loin d’une certaine réalité.
Mais Robuste, c’est aussi et surtout un film sur le cinéma. En toile de fond de la narration se tient toute la préparation d’un film et d’un acteur pour un film. On voit les différentes étapes de construction d’une oeuvre cinématographique : les essayages costumes, les cours d’escrimes, la répétition du texte, les essayages coiffures (séquence délicieuse où la réalisatrice fait exister une belle complicité entre la coiffeuse et Georges). Ce récit parallèle ira jusqu’à un des dernier plan du film, un plan séquence magistral, très beau et drôle où l’on voit défilé tous les corps de métiers présents sur un plateau de cinéma.
En plus de rendre un très bel hommage au septième art et de mettre en lumière un duo d’acteur inédit, ce premier long métrage permet ici à la réalisatrice de développer dans un format long son univers teinté de douceur, d’humanité, d’humour et de drôlerie, qu’elle avait déjà initié dans ses court-métrages.
Robuste de Constance Meyer. Edition : Diaphana Edition Vidéo. DVD et bonus : Rhapsody & bande-annonce