Le court-métrage d’animation A Dog Under a Bridge est un projet de fin d’études du jeune réalisateur chinois Rehoo Tang, ayant remporté le Prix du Jury dans cette catégorie au Festival d’Annecy 2022. Il met en scène le parcours quotidien d’un chien errant depuis son réveil à son départ tranquille au soleil couchant, où il disparaît furtivement de l’écran.
Le chien solitaire se livre en voix-off au spectateur, présentant l’absurdité du monde humain, rempli de ses frustrations et de ses contradictions. Le mélange de naïveté et d’objectivité de son regard confère une certaine poésie au monde urbain violent qu’il rencontre : les voitures sont des « visages souriants » et dangereux qui écrasent sa compagne, et le cynisme est renforcé par des expressions inventées de toutes pièces par le chien, comme « même les tiques partent un jour ».
L’animal, considéré comme un chien galeux par les passants – « a tiao of a dog », rencontre finalement des hommes comme lui, reclus et abandonnés par la société : un pêcheur qui ne pêche jamais rien, un gars seul et désespéré qui lui raconte sa vie et finit par se jeter du haut d’un pont, un couple douteux se livrant à des activités houleuses derrière un mur…
L’absurdité de la vie, les bas-fonds de la solitude mais surtout la profonde brutalité dont témoignent ces personnages crée une dissonance avec la tranquillité des lieux dépeints, également délaissés. Rehoo Tang reproduit en effet des paysages qu’il connaît : un pont au bord du fleuve Yangtsé, un skatepark abandonné, un aspect désolé de sa ville Hanghzou… pour lesquels il choisit une esthétique particulière. Les paysages sont tantôt comme saisis à l’aquarelle, poétiques et intemporels, tantôt des vues réelles, perturbantes et familières, comme l’eau miroitante du fleuve au coucher du soleil.
Proposant une parfaite harmonie entre la vision cynique d’un monde désenchanté et la poésie humoristique qui s’en dégage, Rehoo Tang réussit à donner une vision noire – merveilleusement noire car réalisée avec brio, du monde dans lequel il vit. Le sordide disparaît totalement derrière l’humour et la légèreté du scénario, constituant le réel coup de maître de ce court.