Présenté en troisième séance de La Cinef, l’animation en stop motion de Mai Vu Spring Roll Dream est aussi intéressante dans le fond que dans la forme. Ce film aborde d’une manière drôle et tendre les problèmes d’acculturation, de transmission et d’héritage culturel.
La réalisatrice n’en est pas à son coup d’essai. Actuellement étudiante à la NFTS (National Film and Television School) de Londres, où elle a réalisé ce film, elle a travaillé pendant 5 ans sur des séries vietnamiennes pour enfants, également réalisées en stop-motion. Elle serait d’ailleurs reconnue comme l’une des meilleures artistes de cette technique au Vietnam. Elle a également signé de très très courts formats personnels, de moins d’une minute, accessibles en ligne, qui attestent déjà de sa maîtrise technique, et d’une narration aussi fantastique et burlesque, que l’on retrouve dans ce nouveau film de 9 minutes.
Dans Spring Roll Dream, la nourriture file toute l’allégorie des différences, des incompréhensions et des craintes au sein d’un groupe familial réunissant trois générations. Une femme d’origine vietnamienne s’est installée à San Francisco où elle vit maintenant avec son petit garçon. Elle reçoit son père qui vit toujours au Vietnam et qui vient passer quelques jours avec eux. Tout juste débarqué de l’aéroport, le grand-père se met en cuisine pour préparer des rouleaux de printemps épicés. Un poulet cru est également stocké dans le frigo. Salade, crevette, poulet frais… des aliments qui ont l’air bien plus alléchants et sains que les Mac&Cheese industriels prévus pour le dîner. Mais la mère semble faire un déni total de la nourriture traditionnelle de son pays d’origine qui apparemment ne peut pas franchir la porte de son foyer californien. Tout comme elle privilégie l’anglais au vietnamien pour répondre à son père. C’est finalement l’enfant qui curieux et avide de découvertes arrivera à réconcilier ses aînés.
Par une approche utopiste, éléments surnaturels (comme les pattes de poulets qui courent partout dans la maison), mêlés à des rêves et des flash-back sur l’enfance de la mère, Mai Vu montre à la fois la difficulté de s’intégrer à une culture secondaire tout en conservant une attache profonde à sa culture primaire. La nourriture est le parfait référentiel pour démontrer la violence de l’acculturation, et le fait que cela complique souvent les interactions entre deux générations. Cependant, les scènes nous arrachent souvent quelques sourires, et c’est cela qu’on aime bien dans son film : c’est léger tout en parlant d’un sujet qui ne l’est pas.