La dalle à Cannes
À Cannes, on apprend à monter les marches en Y. Sélectionné dans la compétition Un Certain Regard, le premier long-métrage de Lola Quivoron fait du bruit. Son film Rodeo pétarade, détonne, vrombit, il sent le pétrole, l’acier et le bitume et on en resort avec une envie folle de chevaucher une moto pour “fly”. Julie, esprit solitaire et féroce, n’a qu’une seule passion : la moto. Elle attire l’attention des B-more, un groupe de motards très masculin et illicite, qui l’intègre non sans difficultés. Le patron, un taulard qui mène sa petite équipe et sa femme d’une main de fer depuis le placard, veut bien travailler avec elle tant qu’elle respecte les conditions. Mais Julie, surnommée l’Inconnue, est indomptable…
Ce premier long-métrage de Lola Quivoron est très prometteur. La réalisatrice tisse un récit où les pistes s’entremêlent ingénieusement. Julie court derrière sa liberté – factice illusion ? dans un monde qui enferme et maltraite les femmes. De belles scènes de douceur surgissent ça et là et rassurent un spectateur sans cesse bousculé par le quotidien intrépide de Julie.
En gourmette, bidon d’essence et rap hardcore dans une image en pellicule, le film magnifie ses personnages et ses décors. La réalisatrice partage sa passion pour le cross-bitume qu’elle connaît et sur lequel elle a déjà réalisé de nombreux courts-métrages comme son film de fin d’étude à la Fémis, Au loin, Baltimore où un jeune banlieusard galère quand son quad le lâche. Son premier long-métrage rugit avec la même énergie. Sous le pont d’Aquitaine, dans la banlieue bordelaise, les moteurs rugissent et nous donnent la dalle d’en voir plus. La dalle, c’est la fureur de vivre, de s’émanciper, de toujours viser plus haut, plus fort, plus vite. La dalle c’est une course enflammée qui ne se termine jamais vers la liberté, sans cesse pourchassée.