Avec Nuits sans sommeil, Grand Prix du dernier Festival Format Court de cette année 2021, le réalisateur Jérémy van der Haegen livre un troisième film riche et audacieux qui en trente minutes dégage toute la puissance d’un long-métrage.
Nuits dans sommeil dresse le portrait d’une famille. Deux parents, une adolescente et un enfant. Sur fond de l’organisation d’une battue pour traquer un loup, on suit deux jours de la vie de ladite famille. C’est particulièrement au plus jeune enfant que l’on s’attache et s’identifie. On le suit dans les différents moments qu’il vit : au sein de sa famille, chez une psychologue, à l’école et jusque dans sa solitude.
Dès la première séquence, il est cerné, de murs, de questions ainsi que par le cadrage en 4/3 qui au milieu de l’image, le rend plus vulnérable. Le ton est donné. L’action se situe ensuite principalement dans la maison familiale, décor central du film.
Dans cette famille, on imagine que le père travaille. On ne le voit que le matin nu dans sa salle de bain et le soir au repas où il tient une place en bout de table en chef de famille assumé. La mère, elle, passe ses journées sous tranquillisants qu’elle consomme de plus en plus tôt le matin. La fille, elle, navigue entre cet environnement et son petit copain, qui veut l’emmener dans la bergerie, dans l’espoir d’aller plus loin que leurs simples baisers. Les parents ne sont montrés qu’à l’intérieur de la maison. Les enfants, eux, ont le droit d’être racontés aussi en extérieur, ce qui les autorisent à être plus libres.
Avec une lumière d’hiver, ce film nous emmène au carrefour de plusieurs univers: conte, réalisme fantastique, fresque sociale et film sur l’enfance. Les multiples symboles et thèmes issus du conte sont présents: la figure du loup, la perte de la virginité, l’enfance…
Comme dans son film précédent Les hauts pays où le réalisateur « inscrivait son film dans le cinéma de la contemplation » (d’après Adi Chesson), le rythme ici dans cette maison familiale semble calme et tranquille. Les personnages sont fatigués. On oscille entre douceur et malaise. Et c’est bien là que semble se situer l’intention du réalisateur : provoquer le spectateur en interrogeant des institutions comme la famille, l’école ou encore les suivis psychologiques.
D’ailleurs dans tout le film, les mots prononcés par les personnages, seront toujours, à de rares exceptions, calmes et posés. Il n’y a pas d’éclats de voix, pas de cris. On perçoit toutes les difficultés de communication qui peuvent régner lors de la scène du repas, scène centrale du film. Les questions et les réponses sont entremêlées. Personne ne s’écoute vraiment, les dialogues s’entrecroisent, s’entrechoquent. Cette scène retranscrit bien l’idée d’une famille où l’on semble communiquer sans jamais vraiment s’intéresser, ni s’écouter.
Nuits dans sommeil ne laisse pas indifférent. Il donne envie de voir l’univers de ce réalisateur se développer dans un format plus long dans lequel son talent se développera encore plus. Pas étonnant qu’il ait remporté le Grand Prix à l’unanimité à la dernière édition du Festival Format Court.
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J’ai trop aimé ce film. le réalisateur mérite un applaudissement