Avec Noir-Soleil, sélectionné à la Semaine de la Critique au festival de Cannes 2021, Marie Larrivé nous livre un premier film très réussi. Fidèle à son genre, le film noir, ce court-metrage a toute la densité d’un long. Il est aussi étonnant par sa poésie et la sensibilité de l’écriture et des dessins. Noir-Soleil est un polar fait tout en aquarelles de couleurs tendres. Tantôt écrasée par la lumière de la Campanie, tantôt noyée dans un passé sombre, l’image est intimiste et nous guide avec les personnages dans leur quête. Un père et sa fille sont réunis par des circonstances funestes lors d’un voyage en Italie, la découverte du corps du présupposé grand-père à la suite d’un tremblement de terre. Tous deux appelés par la police, ils se retrouvent pour se confronter à des tests ADN. C’est en vérité leur filiation qu’ils vont redécouvrir ensemble.
Dès l’ouverture, le Vésuve, plaie béante de la terre, annonce ainsi la couleur et crache une épaisse fumée noire. C’est le passé qui rejaillit des entrailles de la terre. Mais à Naples, on déverse sans vergogne du ciment sur une terre ancestrale. Dans ce paysage changeant, où l’Histoire est sans cesse recouverte par des nouvelles constructions, le père ne reconnaît plus son enfance. Il refuse avec mutisme l’enquête alors que sa fille, plus avide de tisser le lien familial, cherche à comprendre. Elle balade sur ce pays un regard inquisiteur. Dans un étrange face-à-face avec les statues d’un temple, les regards sont perçants mais scrutent le vide. Loin des vestiges grandioses et autres antiquités romaines, son enquête s’attarde plus sur les corps calcinés des brûlés de Pompéi. Ceux qui sont immobilisés dans leur dernier instant, arrachés à leur vie et immortalisés à jamais dans le silence. Ils lui rappellent le corps de son grand-père, remonté à la surface et figé dans le temps de sa disparition. Sans doute Marie Larrivé s’inspire-t-elle de Rossellini (cette scène fait écho à une autre scène de Voyage en Italie où un couple de pompéiens surpris par la lave dans un moment de tendresse saisit Ingrid Bergman). Les paysages sont les mêmes, ceux d’une terre emplie de morts ancestraux et conservés. On y retrouve aussi une certaine tendance aux non-dits. Le silence, utilisé comme nœud de l’action, empêche sans cesse les personnages de se retrouver.
Enfin, les confidences subitement révélées, jaillissent comme a jailli de la mer le corps d’un homme. Un père remonte à la surface et avec lui, tout ce qui a été passé sous silence. Il bouscule les mystères du passé mais peu à peu la parole se libère et rétablit le lien entre le père et la fille. Ce sont alors de nouveaux paysages que le père s’autorise à découvrir, ceux d’une Italie jeune et en vie. C’est aussi et surtout sa fille qu’il voit et qu’elle voit enfin. Lorsque les épais nuages noirs se découvrent, le soleil d’Italie, astre intraitable, révèle le monde tel qu’il est. Noir-Soleil raconte ce temps des changements, celui de la réconciliation avec le passé et de la reconstruction du futur.
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